the Republic of Ghana
Allocution et réponses à la presse de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, lors de son entretien avec Shirley Ayorkor Botchway, Ministre des Affaires étrangères et de l'Intégration régionale de la République du Ghana, Moscou, 20 août 2019
Mesdames et messieurs,
Les pourparlers que nous venons de mener avec mon homologue Shirley Ayorkor Botchway, Ministre des Affaires étrangères du Ghana, a été substantiel, utile et orienté sur les moyens d'exploiter le plus efficacement possible notre bon dialogue politique et nos contacts étroits sur la scène internationale pour renforcer la coopération matérielle, élargir les échanges commerciaux et d'investissement, en utilisant les mécanismes de la Commission intergouvernementale pour la coopération commerciale, économique, scientifique et technique afin de lancer des projets communs mutuellement bénéfiques dans différents secteurs tels que l'énergie, l'agriculture, ou encore l'infrastructure.
Nous avons réaffirmé notre disposition mutuelle à contribuer au renforcement des liens culturels entre nos deux pays, et nous continuerons de former des cadres ghanéens dans des établissements scolaires russes. Nous sommes convenus d'accélérer le travail sur certains projets d'accords et de mémorandums qui renforceront la base contractuelle et juridique de notre coopération. Nous nous sommes mis d'accord pour encourager les milieux d'affaires et les chambres de commerce et d'industrie des deux pays à poursuivre et à intensifier leurs contacts directs.
Nos approches convergent et, dans la plupart, coïncident, concernant les problèmes internationaux. Tout comme nos amis du Ghana, nous sommes attachés à tous les principes et objectifs de la Charte de l'Onu, nous prônons le respect de la souveraineté, l'égalité souveraine des États, la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, le respect du droit des peuples à déterminer eux-mêmes leur modèle de développement. Nous rejetons le chantage, les ultimatums et toutes les autres formes de pression illégitime car elles sont contraires aux normes universelles du droit international.
Nous remercions le Ghana pour son soutien traditionnel - et dans plusieurs cas pour sa collaboration à la rédaction - des initiatives russes à l'Onu sur des thèmes tels que l'inadmissibilité de la glorification du nazisme, de l'envoi d'armes dans l'espace, la garantie de la coopération basée sur la confiance et la transparence dans l'espace, ainsi que la sécurité de l'information internationale. Ce sont des thèmes d'actualité, notamment compte tenu des projets de certains pays d'agir dans le cyberespace et dans l'espace à titre unilatéral au lieu de convenir les approches sur les plateformes universelles.
Nous avons accordé beaucoup d'attention à la situation sur le continent africain, notamment dans le contexte des objectifs de développement de ces pays et de la menace terroriste qui, malheureusement, perdure voire se renforce dans certains pays. Dans la région du Sahara-Sahel, la situation découle des conséquences extrêmement négatives de l'agression des pays de l'Otan contre la Libye en 2011. Après la destruction de la structure étatique de la Jamahiriya arabe libyenne ont été créées les conditions permettant aux terroristes, aux trafiquants d'armes et de drogues, de pénétrer à travers la Libye tel un trou noir dans d'autres pays africains, y compris la région du Sahara-Sahel.
Nous avons évoqué les préparatifs du premier sommet Russie-Afrique prévu en octobre prochain à Sotchi. Nous remercions le Président du Ghana Nana Akufo-Addo d'avoir accepté l'invitation du Président russe Vladimir Poutine et sa participation active à cet événement. Nous avons parlé de la préparation des documents finaux de cette rencontre au sommet. Je suis convaincu qu'elle contribuera au développement global des liens russo-africains.
Nous avons également évoqué les discussions qui se poursuivent à l'Onu sur la réforme du Conseil de sécurité. Une fois encore, la Russie a réaffirmé sa position consolidée: la tâche principale de cette discussion doit être le règlement de la question du renforcement de la représentativité des pays émergents, y compris d'Asie, d'Amérique latine et bien évidemment d'Afrique.
Je trouve que les pourparlers nous ont permis de "remettre les pendules à l'heure" sur de nombreux aspects importants de l'agenda russo-ghanéen et international. Je suis très reconnaissant envers mon homologue pour ce travail commun productif.
Merci.
Question: Nous voyons à quelle vitesse évolue la situation dans la zone d'Idleb. Hier, l'aviation syrienne a stoppé par le feu la progression d'un convoi militaire turc en direction de Khan-Cheikhoun, où se déroulent des combats violents entre les forces gouvernementales et les différents groupes de combattants. Que pensez-vous de la situation sur place et de cet incident concret? Y a-t-il des contacts avec la Turquie concernant les événements actuels dans cette zone?
Sergueï Lavrov: Bien évidemment, nous ne faisons pas que suivre la situation: nos militaires sont présents sur le terrain dans la zone de désescalade d'Idleb, qui a été créée par un document signé en septembre 2018 à Sotchi par le Président russe Vladimir Poutine et le Président turc Recep Tayyip Erdogan. Cet accord prévoyait l'engagement de nos collègues turcs à garantir la séparation entre, d'une part, l'opposition armée prête à participer au règlement, et, d'autre part, les groupes terroristes, notamment le Front al-Nosra qui contrôlait à l'époque pratiquement la moitié des territoires de la zone de désescalade d'Idleb déterminée par l'accord russo-turc, et qui s'est transformé ensuite en Hayat Tahrir al-Cham. Malheureusement, en ce moment, les territoires contrôlés par ce groupe sont déjà estimés à 90% de la surface de la zone de désescalade d'Idleb.
Afin d'empêcher les violations régulières du cessez-le-feu par les terroristes (bien qu'il ne s'applique pas à eux), nous avons clairement laissé entendre, avec les collègues turcs, que si les combattants organisaient des attaques dans cette zone contre l'armée syrienne, la population civile et notre base aérienne de Hmeimim, ces attaques seraient fermement réprimées. Tout au long de l'année, ces provocations n'ont pas cessé. Il y en a eu des dizaines, voire des centaines. Notamment plusieurs dizaines de provocations avec l'usage de drones, de drones d'attaque, qui cherchaient à éliminer des cibles sur le territoire de la base aérienne russe de Hmeimim. Dans tous ces cas, nos collègues turcs ont été avertis que nous riposterions, et cette pratique ne cessera pas car l'accord sur Idleb ne prévoit pas l'application du cessez-le-feu aux terroristes. Afin d'éliminer les risques pour notre base militaire, pour les unités syriennes et les communes en dehors de la zone d'Idleb, en début d'année les présidents de la Russie et de la Turquie sont convenus de créer une zone démilitarisée à l'intérieur du territoire de désescalade, en repoussant tous les armements de 10-15-20 km dans différentes parties de ce périmètre pour que la distance de leur retrait ne permette pas de poursuivre les provocations mentionnées.
Plusieurs postes d'observation de militaires turcs ont été mis en place. Nous espérions que cela dissuaderait les auteurs des provocations d'en commettre de nouvelles mais elles ont continué, notamment au-dessus de la tête des observateurs militaires turcs.
La situation à laquelle nous assistons désormais est due au fait que les extrémistes ne cessent pas leurs tentatives d'éliminer, à partir de cette zone, des cibles sur le reste du territoire syrien. Bien évidemment, nos militaires sont en contact quotidien. La situation actuelle est également abordée concrètement par eux ces jours-ci.
Question: A l'issue de la réunion d'hier entre les dirigeants de la Russie et de la France, y a-t-il des précisions concernant les délais d'organisation d'une réunion au "format Normandie", au niveau ministériel si ce n'est pas au sommet?
Sergueï Lavrov: Le Président russe Vladimir Poutine et le Président français Emmanuel Macron ont assez concrètement commenté ce thème hier pendant la conférence de presse avant les pourparlers. Comme l'a dit Vladimir Poutine, nous sommes prêts à nous rencontrer dans tout format, à condition que cela soit productif. Emmanuel Macron a également confirmé qu'il n'était pas partisan de "se réunir pour le plaisir de se réunir".
Nous avons évoqué la nécessité de remplir avant tout ce qui avait été convenu par les dirigeants du "quartet Normandie" à Berlin en octobre 2016 - il y a presque trois ans. Cela concerne notamment la séparation des forces et des moyens dans trois premières zones de la ligne de démarcation dans le Donbass. Depuis le début et jusqu'aux derniers jours du régime de l'ex-président ukrainien Piotr Porochenko, ce dernier sabotait cet accord. Aujourd'hui, on constate dans le Groupe de contact un progrès sur la séparation des forces et des moyens à Stanitsa Louganskaïa. Dans les deux autres zones, il faut rétablir le statu quo parce que fin 2018-début 2019 les forces armées ukrainiennes, qui s'en étaient retirées initialement, y sont revenues. C'est une première tâche: mettre en œuvre l'entente convenue par les dirigeants il y a trois ans.
La deuxième tâche, comme l'a réaffirmé hier le Président russe Vladimir Poutine, consiste à fixer la "formule de Steinmeier" sur le déroulement des étapes pour l'entrée en vigueur de la loi sur le statut particulier. Tout cela a été convenu en détail, et aujourd'hui, au "format Normandie" et au sein du Groupe de contact, nous proposons de le fixer juridiquement, noir sur blanc. De cette manière, les objectifs formulés par le dernier sommet du "quartet Normandie" seraient atteints, et l'on pourrait parler de la prochaine démarche à entreprendre dans ce format.
Bien sûr, cela nécessitera un travail de préparation. Les conseillers en politique étrangère des "dirigeants de Normandie" se sont rencontrés le mois dernier à Paris. Cette rencontre a été utile. Nous l'avons constaté hier pendant les pourparlers avec nos collègues français. Il faut préparer des démarches supplémentaires qui feront avancer la mise en œuvre des Accords de Minsk. Comme je l'ai déjà dit, la première étape consiste à remplir ce qui a été convenu au sommet précédent. C'est alors que l'on pourra parler de la préparation d'une nouvelle réunion au sommet.