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Allocution de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, pendant la session ministérielle du Conseil des États de la mer Baltique, 19 mai 2020

780-25-05-2020

 

Chers collègues,

Mesdames et messieurs,

Avant tout, permettez-moi de remercier la présidence danoise pour l'organisation de cette session.

La crise actuelle, provoquée par la pandémie mondiale, a clairement mis en évidence l'interconnexion et l'interdépendance de tous les États sans exception. Elle a rappelé une fois de plus à quel point il était dangereux de sous-estimer le caractère transfrontalier des menaces contemporaines. Il est évident pour tous aujourd'hui qu'il est impossible de s'en protéger ou de se cacher derrière les frontières nationales.

Bien avant les événements actuels, la Russie appelait à s'unir pour mener un travail collectif sur les réponses à tous les défis communs. Nous estimons que le bouleversement actuel dans les affaires internationales est un bon prétexte pour remanier les mécanismes de la coopération, pour relancer les dialogues sur les thèmes régionaux et mondiaux d'actualité.

Cette tâche était également d'actualité pour la mer Baltique. La réforme du Conseil des États de la mer Baltique (CEB), travail qui dure depuis deux ans, doit contribuer à renforcer l'efficacité du travail du Conseil, apporter à son activité une plus grande souplesse, améliorer sa coopération avec d'autres formats multilatéraux de coopération. C'est un pas dans la bonne direction. Mais à présent qu'une période exceptionnelle exige des mesures exceptionnelles, il faut agir en prenant les devants. Je pense qu'il faut parler dès à présent des actions systémiques qui permettront de consolider les efforts pour trouver des solutions régionales aux défis mondiaux dans le cadre du mécanisme du CEB.

La Russie propose plusieurs démarches concrètes pour renforcer la coopération baltique, améliorer sa stabilité dans un monde en évolution.

Nous considérons prioritaire la mise au point d'un document stratégique pour le développement de la région de la mer Baltique après 2020. Il doit succéder à la Déclaration de Vilnius de 2010 et déterminer les tâches et les objectifs de notre coopération pour la prochaine décennie compte tenu des besoins de la région et des nouvelles circonstances. L'existence d'une telle "feuille de route" est une condition nécessaire pour aller de l'avant.

Nous jugeons nécessaire, notamment compte tenu de la situation actuelle, de relancer la pratique des réunions entre les chefs de gouvernement des pays de la mer Baltique. Nous sommes convaincus de la nécessité de tels "sommets". Ils permettent d'évoquer au plus haut niveau toutes les questions relatives à la coopération en mer Baltique, et d'élaborer des solutions stratégiques englobant l'architecture de la coopération dans la région.

Nous estimons qu'il est temps de construire dans la région une verticale directe de coopération avec la participation du CEB, de l'Organisation de coopération sous-régionale des États de la mer Baltique et de l'Union des villes baltiques. Reconnaissons-le honnêtement: aujourd'hui ces formats agissent séparément, alors qu'une telle union renforcerait l'efficacité de la coopération dans la région en permettant de combiner de manière optimale, dans le choix des projets, les priorités des États avec les besoins des régions et des municipalités. De tels exemples de coordination existent: l'expérience fructueuse de la coopération entre le Conseil euro-arctique de la mer de Barents (CEAB) et le Conseil régional de la mer de Barents est un gage de réussite de la coopération dans la région arctique européenne.

Dans l'ensemble, nous prônons le développement de la coopération pratique en mer Baltique, le renforcement du potentiel financier de l'organisation. Nous percevons positivement le travail du Fonds de financement de projets du CEB, mais il est modeste (1 million d'euros pour trois ans). Nous jugeons utile d'augmenter le montant des fonds pour l'activité de projets sous l'égide du Conseil. Pour cela, il serait possible d'utiliser entre autres les mécanismes du partenariat public-privé.

Il faut également réfléchir à la création d'un Groupe d'experts du CEB pour la santé. Une telle structure pourrait constituer une plateforme pour analyser les menaces et coordonner les actions en cas d'apparition d'une situation comme celle-ci. Sans se limiter à l'agenda antiépidémique, son mandat pourrait couvrir un éventail plus large de questions liées à la protection de la santé de nos citoyens. Bien évidemment, une telle structure ne doit pas se substituer à la coopération au niveau mondial dans le cadre de l'OMS. Mais il serait utile d'évoquer la possibilité d'actions conjointes dans le cadre de la région également compte tenu de la spécificité baltique.

N'oublions pas que le CEB n'est pas l'unique format de la coopération multilatérale dans cette partie de l'Europe. D'autres organisations ayant un ordre du jour et une couverture géographique similaires y travaillent. Nous proposons de revenir à l'organisation de rencontres de coordination au niveau politique des conseils intergouvernementaux (Conseil de l'Arctique, Conseil euro-arctique de la mer de Barents, Conseil des États de la mer Baltique, Conseil nordique des ministres) et des partenariats de la Dimension septentrionale. C'est utile du point de vue de l'échange d'expérience, de la répartition du travail entre les formats régionaux, pour éviter les doublons et assurer la synergie dans les plans de travail.

Dans le contexte de la pandémie de coronavirus, il ne faut pas oublier d'autres risques, notamment le crime organisé transnational, à la lutte contre lequel nous accordons une importance particulière. Parmi les menaces criminelles les plus graves pour la mer Baltique figurent la migration clandestine, le trafic de stupéfiants, la contrebande, les crimes dans le domaine des technologies de l'information et des communications, ou encore le blanchiment d'argent.

Le Groupe de représentants personnels des chefs de gouvernement des pays de la mer Baltique pour lutter contre le crime organisé reste un mécanisme efficace de lutte contre ces menaces. Il est sollicité pour élaborer des mesures apportant des résultats pratiques de lutte conjointe contre les nouveaux défis criminels au niveau des services policiers, frontaliers et douaniers.

Nous saluons le travail pour la prolongation du mandat du Groupe. Outre la lutte contre la criminalité, il pourrait analyser certains aspects de la lutte contre le terrorisme. Cela est particulièrement d'actualité dans un contexte de fusion entre ces deux phénomènes, notamment par le financement des cellules extrémistes avec des fonds obtenus illégalement.

Nous soutenons la synchronisation de la présidence du Groupe avec le calendrier de rotation au CEB.

La situation écologique dans la région est un sérieux défi, selon nous. Au vu de ses particularités géographiques, la mer Baltique est très sensible à l'impact anthropique. A cet égard, nous accordons une grande importance à l'activité environnementale et à l'implantation des principes de l'économie "verte", notamment en utilisant les meilleures technologies accessibles. Nous apprécions le travail mené en ce sens au niveau intergouvernemental, avant tout de notre Conseil et de la Commission sur la protection du milieu marin dans la zone de la mer Baltique (HELCOM). Il serait utile d'exploiter plus activement le potentiel du Groupe d'action pour la mer Baltique et de l'Initiative de Saint-Pétersbourg, qui s'appuient sur les mécanismes de partenariat public-privé.

Les perspectives du développement de notre région sont associées à la jeune génération. Nous considérons la coopération de jeunesse comme un "investissement" dans l'avenir. Le Conseil a déjà atteint un progrès notable en ce sens. Je fais allusion aux projets tels que le Dialogue de jeunesse du CEB et l'Université d'été du CEB. Nous saluons le lancement de la Plateforme de jeunesse pour la région de la mer Baltique et la décision d'allouer cette année des bourses du Fonds de financement de projets du Conseil précisément à des programmes de soutien de la jeunesse.

La Russie est prête à élargir sa contribution à nos efforts communs. Depuis 2010, Kaliningrad organise le forum éducatif annuel de jeunesse Artek baltique, qui pourrait devenir régional. Il convient également d'étudier l'expérience d'autres structures intergouvernementales au Nord, notamment du Conseil euro-arctique de la mer de Barents, où le thème de la jeunesse est profondément intégré à l'ordre du jour de l'organisation.

Pour conclure, je voudrais remercier la directrice générale sortante du CEB Maira Mora pour la gestion habile de l'organe administratif ces quatre dernières années. Nous partons du principe que le successeur de l'ambassadrice Mora doit posséder les qualités nécessaires pour garantir la poursuite du travail rythmé de l'organisation. La Russie a avancé la candidature de l'ambassadeur Anton Vassiliev, un grand professionnel qui connaît bien la spécificité de la diplomatie multilatérale et de l'agenda régional d'Europe du Nord. Nous sommes convaincus qu'il est capable d'apporter une grande contribution à notre travail commun pour le bien de la coopération baltique.

Merci de votre attention.


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