France (la République française)
Allocution et réponses à la presse de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, lors d'une conférence de presse à l'issue de la 28e réunion du CMAE de l'OSCE, Stockholm, 2 décembre 2021
La réunion actuelle du CMAE de l'OSCE se déroule à Stockholm. Nous voudrions remercier nos hôtes suédois, la Ministre suédoise des Affaires étrangères Ann Linde personnellement et ses collaborateurs pour l’organisation de qualité et créative de notre réunion, et ce dans des conditions pandémiques de force majeure. La rencontre en présentiel a été très utile.
Nous avons parlé en détail et ouvertement de la situation à l'OSCE et des questions les plus d’actualité figurant à l'ordre du jour de cette Organisation. La situation au sein de l'OSCE n'est pas simple, voire difficile. S'y reflètent les tendances négatives à l’œuvre dans le secteur de la sécurité européenne et de la coopération. On prend conscience de la nécessité de renforcer l’utilité de l'OSCE à travers des efforts communs pour lui redonner le rôle de principale organisation unificatrice dans les affaires européennes.
Nous avons exprimé notre préoccupation vis-à-vis des tentatives de certains pays d'imposer leurs concepts à tous les autres: celui d'un "ordre basé sur des règles" ou encore de multilatéralisme efficace, qui placent un certain groupe de pays occidentaux au-dessus des autres en promouvant une approche discriminatoire des affaires internationales. Nous insistons sur la nécessité de respecter le droit international, qui est une règle universelle pour tous les pays de notre planète.
En ce qui concerne la sécurité militaire dans la région euro-atlantique, elle continue de se détériorer. Il ne reste entre la Russie et les Etats-Unis que le Traité de réduction des armes stratégiques. Le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire et le Traité Ciel ouvert ont été rompus par nos collègues américains. Cela préoccupe tout le monde, même si peu osent pointer les véritables raisons de cette situation. Ils ne font qu'exprimer des regrets vis-à-vis du fait que ces traités ont cessé de fonctionner.
L'activité de l'Otan visant l’escalade de la situation à nos frontières se poursuit. L'Alliance refuse d'examiner nos propositions pour faire retomber la tension et prévenir les incidents dangereux. Nous avons proposé des mesures très concrètes à ce sujet. Les potentiels militaires en Europe de l'Est, notamment à proximité des frontières russes, se renforcent activement. Tous les jours nous entendons des déclarations contenant des menaces à notre égard. Tout cela affecte forcément l'activité de l'OSCE. Dans cette optique, nos discours pendant la session et lors de nos contacts avec les collègues occidentaux étaient focalisés sur l'explication et la promotion de l'initiative du Président russe Vladimir Poutine, qui a été exprimée la première fois pendant la réunion élargie du Collège dans notre Ministère et réitérée hier au Kremlin à la cérémonie de remise des lettres de créance des ambassadeurs étrangers, concernant la nécessité d'élaborer des garanties pour empêcher que la situation s'aggrave davantage et que de nouvelles menaces soient créées pour la Fédération de Russie. À titre de tâche concrète a été avancé l'objectif d'empêcher l'expansion de l'Otan vers l'Est et le déploiement de nouveaux systèmes d'armes qui menaceraient la sécurité de la Fédération de Russie à nos frontières occidentales. Le Président de la Russie a souligné hier, et je l'ai souligné aujourd'hui, que nous souhaitions conclure des accords tenant compte des intérêts de sécurité de tous les pays sans exception. Nous ne voulons pas de privilèges unilatéraux. Nous insisterons pour que ces accords soient examinés sérieusement, sans qu'on les repousse, comme l'ont fait plusieurs fois nos collègues occidentaux, notamment avec leurs promesses de non-expansion de l'Otan. Un accord a été conclu avec l'Allemagne (lors de sa réunification) de ne pas déployer d'infrastructures militaires sur le territoire de l'Allemagne de l'Est. La même chose est arrivée ensuite à l'Acte fondateur Otan-Russie et bien d'autres. L'Occident a ignoré tout ce qui avait la forme d'engagements politiques. C'est pourquoi nous voulons que les accords mentionnés par le Président russe Vladimir Poutine (et que nous chercherons à signer) soient juridiquement contraignants. Nous formulerons prochainement des propositions en la matière à nos collègues occidentaux. Nous compterons sur leur attitude sérieuse à ce sujet.
Parmi les autres questions évoquées aujourd'hui pendant la réunion, nous sommes préoccupés par la violation continue et accrue des droits des minorités nationales, notamment linguistiques, ainsi que des droits éducatifs. Nous sommes particulièrement alarmés par la tendance à glorifier le nazisme, à falsifier l'histoire, par l'aspiration à étouffer les points de vue alternatifs dans le secteur médiatique, notamment la fermeture de médias indésirables.
Au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération s’aggravent les antagonismes et la rhétorique conflictuelle, pendant qu’en parallèle les processus de travail sont freinés, ce qui complique le dialogue politique pour lequel cette Organisation a été créée. Ainsi se complique l'obtention d'un compromis dans des secteurs évidents de coïncidence des intérêts de tous les pays membres.
Voici un exemple. Pendant cette session, avec les collègues de l'OTSC nous avons soumis un projet de Déclaration sur la nécessité de lutter contre l'utilisation de l'internet à des fins terroristes. À première vue, qu'y a-t-il de plus actuel? Malheureusement, nos partenaires occidentaux, sans citer aucun argument sur le fond de nos propositions, l'ont supprimé de l'ordre du jour. Il ne leur convenait manifestement pas que la Russie ait avancé cette initiative.
Une conversation franche est particulièrement importante dans ces conditions. C'est bien qu'elle se soit déroulée en présentiel. Cela a été utile. Les avis sur les problèmes accumulés que nous avons exprimés avec d'autres participants ont été entendus. Nous ressentons la volonté de surmonter cette crise, de trouver des solutions pour renforcer l'efficacité de l'OSCE.
La discussion a été utile sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour la région de l'OSCE, pour les pays d'Asie centrale. Nous avons exprimé nos approches de ce problème qui ont été convenues dans le cadre de l'OTSC et de l'OCS, quand ces deux structures avaient organisé un sommet en septembre dernier à Douchanbé. Plusieurs démarches pratiques concrètes ont été élaborées pour soutenir les pays d'Asie centrale, pour empêcher leur "submersion" par la crise migratoire, afin que des terroristes ne pénètrent pas sur le territoire de nos alliés avec les flux de migrants, et bien d'autres. L'OCS et l'OTSC disposent de mécanismes spéciaux, de groupes de travail pour interagir avec l'Afghanistan. Nous avons appelé aujourd'hui nos collègues de l'OSCE à tenir compte, dans l'élaboration de leurs propres projets, de ce qui est déjà réalisé avec profit pour nos voisins sur le terrain.
Nous voulons renforcer l'efficacité de l'OSCE dans la lutte contre toutes les menaces transnationales, le terrorisme, le trafic de stupéfiants, le crime organisé. Nous voudrions voir plus souvent des réunions des structures compétentes, notamment du comité en charge de la lutte contre le terrorisme.
Plusieurs documents de notre CMAE, qu'il était prévu d'adopter, ont été retirés de l'ordre du jour. Certains collègues occidentaux ont tenté avec un zèle inhabituel d'y ajouter à tort et à travers des interprétations radicales et ultralibérales des questions de genre. Cela ne fait pas non plus honneur à notre organisation. Au final, nous avons adopté un document sur l'implication de l'OSCE dans les efforts liés à la préparation aux changements climatiques et une décision sur le processus de paix en Transnistrie. En marge du CMAE de l'OSCE, les ministres de la Russie, des États-Unis et de la France en tant que coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE ont adopté une déclaration sur le processus de paix au Haut-Karabakh, qui salue, entre autres, les efforts de médiation de la Fédération de Russie.
Bien évidemment, nous aurions voulu que cette session apporte des résultats plus probants, notamment une déclaration politique - que l'on n'arrive pas à adopter depuis plus de dix ans parce qu'au lieu de se concentrer sur les tâches européennes communes pour renforcer la sécurité dans toutes ses dimensions, tout le monde tente d'intégrer à cette déclaration politique ses propres questions mineures ou ses renvois à des conflits précis qui empêchent de parvenir à une rédaction de consensus.
Nous avons décidé qu'en 2025 la présidence de l'OSCE serait transférée à la Finlande. Il s'agira du 50e anniversaire du sommet historique d'Helsinki. En 2022, c'est la Pologne qui présidera l’organisation et la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères se tiendra à Lodz.
Nous avons également parlé de l'Ukraine. Les positions sont connues. Elles ont toutes été exprimées publiquement. Nous avons attiré une attention particulière sur ce qui concerne directement l'OSCE, à savoir la nécessité de respecter rigoureusement les Accords de Minsk qui ont été approuvés par le Conseil de sécurité des Nations unies et le mandat de la Mission spéciale d'observation de l'OSCE. Les Accords de Minsk et le mandat de la MSO de l'OSCE exigent directement de mener un dialogue direct avec Donetsk et Lougansk. Malheureusement, la mission de l'OSCE n'est pas toujours objective dans l'accomplissement de son mandat.
J'espère que les remarques que nous avons exprimées lors de notre discussion générale, pendant la rencontre avec le Secrétaire général de l'OSCE et la Ministre suédoise des Affaires étrangères qui préside l'OSCE, seront entendues.
Je souligne encore une fois que nous souhaitons que l'OSCE revienne à l'esprit d'Helsinki, aux fondements posés en 1975 qui refléteraient l'équilibre des intérêts de tous les pays de notre région sans exception. De par son nom, l'Organisation doit s'occuper de la sécurité et de la coopération, et non de l'exacerbation de la tension.
Question: La sous-secrétaire d'État américaine Victoria Nuland et le directeur de la CIA William Burns sont récemment venus en Russie. Ils ont dit que les pourparlers avaient été "assez constructifs". Une chose est postulée, mais une autre rhétorique est entendue. Est-ce un double jeu? Que Washington cherche-t-il à faire?
Sergueï Lavrov: De toute façon, quand ils commentent les contacts à venir ou terminés dans un esprit "constructif" non seulement avant, mais également après les visites, ils résument toujours les choses au fait que la Russie "doit" quelque chose. Par exemple, elle "doit" remplir les Accords de Minsk.
Le Secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a commencé à énumérer aujourd'hui les exigences envers la Russie pour l'accomplissement des Accords de Minsk, notamment le respect du cessez-le-feu, le retrait des armements lourds, la cessation de "l'ingérence" économique dans le Donbass. Pendant notre rencontre bilatérale j'ai tout expliqué, cité les termes concrets des Accords de Minsk stipulant que toutes ses questions étaient réglées à travers un dialogue direct et l'entente entre Kiev, Donetsk et Lougansk. Tous les pays de l'Otan sont obsédés par l'aspiration à associer tous les Accords de Minsk aux actions et au comportement de la Russie. Il existe également une obstination à ce sujet.
Nous avons parlé assez professionnellement avec Antony Blinken notamment sur l'Ukraine. Les Américains se disent prêts à aider à mettre en œuvre les Accords de Minsk. Bien que nous voyions qu'ils ne les interprètent pas du tout comme il faut, comme le stipule le texte. Néanmoins, nous pensons qu'il est possible d'utiliser les capacités des États-Unis. Ce sont eux qui exercent une influence décisive sur le régime de Kiev. Sachant que Washington dit qu'il ne prétend pas saper ou élargir le format Normandie, mais voudrait profiter de ses capacités bilatérales dans les contacts avec les acteurs du processus. Nous n'y sommes pas opposés. Pour cela il faut d'abord s'entendre sur la base de notre interaction. Il ne peut y en avoir qu'une seule: les Accords de Minsk dans leur interprétation directe. Même pas besoin de les interpréter, d’ailleurs, il faut simplement lire et faire ce qui y est écrit.
Compte tenu des critiques grandissantes à notre égard, nous avons diffusé auprès des participants à la réunion de l'OSCE le texte des Accords de Minsk et la Déclaration des dirigeants de la Russie, de l'Ukraine, de la France et de l'Allemagne. Tout cela a été approuvé par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. J’ai directement demandé aux collègues, avant de commenter les affaires ukrainiennes la prochaine fois, de lire attentivement ces documents. Dans ce cas, certains comprendraient qu'il faut utiliser une rhétorique différente. Nous sommes prêts à toute sorte de contact. Nous n'esquivons rien. Il faut comprendre ce que nous cherchons à faire.
Question: Considérez-vous la présence de navires en mer Noire et l'accumulation de matériel militaire à la frontière du Donbass comme les maillons d'une même chaîne? A quoi cela pourrait-il mener? Dans quelle mesure cette situation est-elle dangereuse?
Sergueï Lavrov: Il s’agit bien d’une même chaîne visant à endiguer la Russie. Cette ligne a été déclarée et se reflète dans les actions pratiques, notamment dans celles qui concernent vos questions.
Nous avons rappelé à nos collègues occidentaux que depuis plus de deux ans ils refusaient d'évoquer les propositions soumises aux pays membres de l'Otan par l'état-major des forces armées russes. Premièrement, celle d’un accord sur une distance concrète à laquelle devraient être retirés les exercices russes et de l'Otan de la ligne de contact. Deuxièmement, la détermination de la distance maximale du rapprochement admissible des avions et des navires de guerre. Troisièmement, des mesures supplémentaires de sécurité dans l'espace aérien en mer Baltique, avant tout en ce qui concerne l'entente sur des vols d'avions de guerre avec transpondeurs allumés. L'Otan refuse de le faire.
Des propositions concrètes de ce genre témoignent de notre aspiration sincère à la désescalade. Leur rejet montre que toutes les discussions selon lesquelles la Russie tournerait le dos à la coopération avec l'Otan et ne voudrait pas élaborer de mesures de confiance sont des paroles en l'air. Nous ferons en sorte d'être entendus. Le plus important, c'est notre sécurité. Si l'Otan continue d'éviter la discussion à ce sujet ou de refuser d'évoquer les idées avancées par le Président russe Vladimir Poutine, nous prendrons des mesures pour que notre sécurité, notre souveraineté et notre intégrité ne dépendent de personne.
Question: Les États-Unis et leurs alliés pourraient refuser d'évoquer les exigences de la Russie de fournir des garanties de sécurité. Qu'arriverait-il dans ce cas? Y a-t-il un plan B?
Sergueï Lavrov: Nous ne disons pas qu'il faut nous donner des garanties de sécurité. Le Président russe Vladimir Poutine a souligné tout particulièrement qu'il fallait élaborer des garanties collectives de sécurité mutuelle, pour tous les acteurs du processus paneuropéen. Je ne veux pas essayer de deviner si l'Occident refusera de les examiner ou non. Tout le monde a entendu le Président russe Vladimir Poutine, a pris conscience que nos propositions étaient sérieuses. Maintenant, nous les mettons sur le papier. Nous verrons quelle sera la réaction.
Il faut voir si la communauté occidentale le prendra au sérieux, si elle souhaite sincèrement la désescalade et cesser les tentatives de renforcer unilatéralement ses avantages, notamment en accumulant l'infrastructure militaire, les forces armées et le matériel.
Question: La sous-secrétaire d'État des États-Unis Victoria Nuland a déclaré que si la Russie prenait des mesures de déstabilisation de l'Ukraine, de nouvelles sanctions inédites seraient imposées contre Moscou. Que pouvez-vous dire à ce sujet? Moscou réagira-t-il en cas de sanctions?
Sergueï Lavrov: En ce qui concerne les propos de Victoria Nuland, la même chose a été répétée par Antony Blinken et plusieurs délégués (notamment allemands): qu'il y aura des sanctions qu'il n'y avait pas avant. Il y a une première fois à tout. Avant cela, il y a eu également des sanctions qu'il n'y avait pas avant.
Nos collègues occidentaux ont perdu la culture du dialogue, des pourparlers diplomatiques, de la recherche d'un consensus, leur capacité à chercher un équilibre des intérêts. Des sanctions sont imposées dès que quelque chose ne se déroule pas selon leur "désir". Cela ne concerne pas seulement la Russie. Pratiquement partout, si les négociations impliquent des pays qui ne partagent pas les approches de l'Occident, des sanctions sont utilisées comme menace et sont imposées si quelqu'un n'écoute pas. J'espère que cela ne reflète pas le fait regrettable que les Occidentaux ont perdu leur capacité à mener des pourparlers, mais que le courant russophobe au sein de l'Otan et l'UE ne leur permet pas encore de travailler sur des choses concrètes, de s'écarter de la confrontation et de faire ce pourquoi l'OSCE a été créée.
Nous réagirons si de nouvelles sanctions "infernales" sont imposées. Nous ne pouvons pas ne pas réagir. Comment? Nous verrons. Je ne veux pas essayer de deviner ce que fera l'Occident. Il brandit la menace de sanctions financières, de nouvelles représailles sectorielles. C'est une impasse. Au final, tout se retournera contre les initiateurs des restrictions unilatérales illégitimes.
Question: Vous avez parlé avec le Secrétaire d'Etat américain Antony Blinken du fonctionnement des missions diplomatiques. Vous êtes convenus de poursuivre le travail d'experts. Est-ce que cela signifie que les expulsions de diplomates seront suspendues? Si des réunions d'experts pouvaient avoir lieu, alors quand? Pourraient-elles avoir lieu d'ici la fin de l'année?
Sergueï Lavrov: Nous avons rappelé aux collègues que la "spirale" de restrictions réciproques lancée par Barack Obama à quelques semaines de son départ de la Maison Blanche pour contrarier Donald Trump et lui laisser un tel "héritage" allait trop loin. C'est inadmissible et enfreint tous les canons et conventions diplomatiques. Les Américains ont saisi et maintiennent sous leur contrôle la propriété diplomatique russe. Nous ne sommes même pas autorisés à y entrer en tant que propriétaires. Ils ne nient pas que nous sommes les propriétaires, mais ils ne nous laissent pas entrer sur le territoire de ces sites pour vérifier leur état.
Les États-Unis ont imposé des restrictions unilatérales contraires à toutes les conventions diplomatiques pour limiter le travail de nos diplomates sur le territoire américain seulement à trois ans. Il nous a été expliqué que telle était la "pratique". Nous avons répondu que notre "pratique" était de ne pas recruter du personnel "sur place". Les États-Unis employaient en Russie plus de 400 citoyens russes. Selon leur propre logique, nous avons suspendu ce "droit". Nous sommes entrés dans un cercle vicieux. Nous ne pouvons pas ne pas réagir pour ne pas leur fournir des avantages unilatéraux. J'espère que nos collègues américains comprendront qu'il n'est dans l'intérêt de personne de faire perdurer cette "situation".
Des consultations d'experts ont commencé suite à l'entente des présidents Vladimir Poutine et Joe Biden à Genève en juin dernier. Le prochain cycle est prévu (fin 2021 ou début 2022). Nous ne voyons pas encore la disposition de nos partenaires de négociations à engager des démarches constructives. Nous avons soumis des propositions. Dans l'idéal (je l'ai confirmé à Antony Blinken) mettre à zéro" toutes les restrictions, revenir à un fonctionnement normal des missions diplomatiques dans le respect mutuel.
Question (traduite de l'anglais): Vous avez parlé de la Géorgie aujourd'hui, de sa volonté de devenir membre de l'Otan. Pouvez-vous commenter les propos d'hier du Président russe Vladimir Poutine concernant l'expansion de l'Otan? Est-ce une menace? Comment voyez-vous les relations entre la Russie et la Géorgie?
Sergueï Lavrov: Je connais le "mantra" répété par l'Otan. Le Secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a récemment déclaré que seuls les membres de l'Otan, la Géorgie et l'Ukraine décideraient si ces pays doivent rejoindre l'Alliance ou non. Personne n'a le droit de s'ingérer. C'est une position annoncée par un groupe concret de pays.
Je rappelle que le droit international contient d'autres postulats reconnus par tous, notamment celui que chaque État a parfaitement le droit de choisir comment il veut défendre ses intérêts légitimes de sécurité, de souveraineté et d'intégrité territoriale. En l'occurrence, il existe un engagement signé au sommet par tous les partenaires occidentaux, l'Ukraine et la Géorgie que la sécurité est indivisible. Aucun État n'a le droit de garantir sa propre sécurité au détriment de celle des autres.
Nous avons proposé il y a un certain temps de codifier ces déclarations politiques au sommet, de rendre le principe de sécurité indivisible juridiquement contraignant. Nous avons soumis le projet d'un tel accord aux pays membres de l'OSCE. Les collègues de l'Otan ont absolument refusé d'en parler et ont dit une chose "intéressante" pour expliquer leur position. Ils ont officiellement proclamé que les garanties de sécurité juridiquement contraignantes pouvaient être accordées uniquement aux membres de l'Otan. Nous avons demandé comment faire si leurs dirigeants, présidents et premiers ministres avaient signé un engagement politique? Il s'avère que leur parole ne vaut rien? Pas de réponse.
Cette mentalité a commencé à se manifester dans les années 1990: "Soit vous êtes avec nous, soit avec la Russie." Maintenant elle se manifeste dans la position de l'Otan par rapport au principe de sécurité indivisible. C'est une nouvelle tentative de diviser l'Europe, d'aspirer dans ses rangs le plus de pays possible. L'Otan ne pourra bientôt plus les "avaler". Au lieu d'ajouter de la sécurité, l'Alliance ne devient pas si monolithique du point de vue de l'objectif initial - garantir la défense territoriale. Les nouveaux membres d'Europe de l'Est n'ont pas ajouté - ils ont même réduit -la capacité de l'Otan à être une entité opérationnelle et à se défendre activement.
Il ne faut pas penser "je vais adhérer à quelque chose, peu importe le reste". Il faut penser aux principes que nous avons tous soutenus et proclamés. Quand il fallait assurer la prise par l'URSS d'engagements en matière de droits de l'homme, nous avons fait un tel compromis. Maintenant l'Otan voit qu'elle a besoin de quelque de chose de plus pour contenir la Russie sur le plan militaire - c'est malhonnête. Nous avons proposé de revenir aux fondements sur lesquels repose l'OSCE: l'équité, le consensus, le dialogue et la sécurité indivisible. Je suis certain que la Géorgie se sentirait à l'aise au sein d’une telle structure.