la République islamique de Mauritanie
Allocution et réponses à la presse du Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors d'une conférence de presse conjointe avec le Ministre mauritanien des Affaires étrangères et de la Coopération Isselkou Ould Ahmed Izid Bih à l'issue de leurs pourparlers, Moscou, 7 novembre 2017
Mesdames et messieurs,
Notre entretien a été utile et substantiel. Nous avons évoqué concrètement plusieurs questions de l'agenda bilatéral et international. Nous avons un très bon niveau de dialogue politique, une bonne tradition d'échange d'avis sur les questions internationales d'actualité - et notamment la vie africaine -, ainsi qu'une bonne coopération au niveau des ministères des Affaires étrangères conformément au Plan de consultations. Nous sommes convenus de poursuivre cette coopération et de l'accroître dans le domaine commercial, économique et d'investissement.
Nous avons une bonne expérience de coopération dans le domaine de la pêche. Nos bateaux de pêche travaillent depuis 30 ans dans la zone économique exclusive de la Mauritanie, la Commission intergouvernementale pour la pêche mène son travail. Nous voudrions profiter de cette expérience dans d'autres sphères de nos relations économiques, afin de les diversifier. On en constate les prémisses. Il a été décidé de contribuer des deux côtés à l'élargissement des contacts directs entre nos milieux d'affaires, à la réalisation de projets concrets avec la participation d'entreprises russes en Mauritanie.
Nous avons évoqué le secteur pétrolier et gazier, l'extraction de phosphates, de minerais de fer, de l'or, ainsi que la construction de ports, de voies ferroviaires et routières, de centrales et de l'infrastructure touristique. Il existe de bonnes perspectives et il est important de concrétiser les possibilités dans chacun de ces domaines au niveau des entrepreneurs privés et des structures publiques, en profitant entre autres de l'accord de coopération signé entre le Conseil d'affaires russo-arabe et la Chambre de commerce et d'industrie de la Mauritanie.
Nos collègues mauritaniens nous ont parlé du déroulement de la réforme constitutionnelle dans leur pays. Nous saluons le succès du référendum tenu en août dernier. Nous espérons que cela permettra au gouvernement mauritanien de poursuivre les transformations visant à garantir le développement durable de la Mauritanie.
En examinant les problèmes régionaux et internationaux d'actualité, nous avons réaffirmé la coïncidence ou la convergence de nos approches basées sur le droit international et le respect rigoureux de la Charte de l'Onu qui exige de respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de tous les États, de régler les conflits et les litiges uniquement par des moyens pacifiques et d'empêcher l'ingérence extérieure dans les affaires intérieures. C'est de ces positions que nous percevons également les événements au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Nous souhaitons tous les deux poursuivre une étroite coordination sur les principales plate-formes internationales, notamment à l'Onu.
Nous avons abordé la situation au Maghreb, notamment autour du processus de paix au Sahara occidental. La Russie ne voit pas d'alternative à la poursuite de la recherche de solutions définitives sous l'égide de l'Onu uniquement dans le cadre des négociations afin d'assurer un règlement à long terme du problème du Sahara occidental.
Nos amis nous ont informés des derniers événements dans le cadre de différentes crises sur le continent africain. La Russie est prête à soutenir les efforts des pays de l'Union africaine, des différents groupes sous-régionaux sur le continent africain pour régler tous ces conflits avec le soutien de l'Onu et en respectant les intérêts des États et des peuples concernés. Nous continuerons de soutenir le principe "une solution africaine aux problèmes africains". La communauté internationale doit encourager par tous les moyens ces actions des Africains.
Nous sommes unanimes sur la nécessité de lutter sans appel contre le terrorisme international. Tout comme la Mauritanie, nous ne voulons pas du deux poids deux mesures dans ce domaine: nous voulons une véritable union des efforts de partenariat. En essayant d'utiliser les extrémistes à des fins géopolitiques, nous n'obtiendrons rien de bon - comme l'a montré à plusieurs reprises la pratique dans différentes régions.
Je pense que cet entretien a été très utile et contribuera certainement au développement de nos relations.
Question: Est-il vrai que le déroulement du Congrès du dialogue national syrien à Sotchi va être reporté? Cette question sera-t-elle abordée pendant les éventuels pourparlers des présidents de la Russie Vladimir Poutine et des USA Donald Trump, et votre entretien avec le Secrétaire d’État américain Rex Tillerson?
Sergueï Lavrov: Ce Congrès est en cours de préparation. Personne ne l'a reporté parce que la date officielle de sa tenue n'a pas encore été annoncée. Les médias ont mentionné des variantes, mais la date officielle n'a pas été annoncée.
Actuellement nous mettons au point les questions concrètes de l'ordre du jour, les délais, les paramètres organisationnels et autres du déroulement du Congrès avec nos partenaires du processus d'Astana, notamment avec la Turquie et l'Iran qui en sont, avec la Russie, les pays garants. En parallèle se déroulent des contacts avec le gouvernement et les forces d'opposition syriennes aussi bien dans le pays qu'en dehors. Je dirais que l'écho est très positif, même si certains refusent absolument de parler avec le gouvernement, exigent à nouveau le changement de régime et se considèrent comme les seuls représentants du peuple syrien. Ces sentiments sont principalement répandus parmi l'opposition étrangère. Pour des raisons évidentes, les représentants de cette dernière ont été trop "couvés" par ceux qui voulaient les utiliser pour attiser la campagne contre Bachar al-Assad, et ils ont pris la grosse tête. Or il ne faut pas penser à soi mais à son peuple. Le seul moyen de régler la crise est de réunir à la même table des négociations les représentants de tous les groupes ethno-confessionnels de la Syrie, des forces ethno-politiques, comme l'exige la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies qui somme toute l'opposition et les représentants du gouvernement syrien d'aboutir à un accord sur la base d'une entente générale. Voilà la tâche du Congrès.
Nous espérons que sa réunion et le travail qui a commencé contribueront à l'activation de l'Onu. L'Envoyé spécial du Secrétaire général de l'Onu pour la Syrie Staffan de Mistura est en contact étroit avec nous. Il est au courant du travail que nous effectuons pour préparer cette activité, de la même manière que tous nos partenaires en Europe, aux USA et surtout dans la région. Nous expliquons à tous quelles mesures sont prises, quelle est la réaction à notre invitation, nous évoquons avec les pays du Golfe et d'autres pays arabes, la Turquie et l'Iran, les questions qui doivent être spécialement préparées pour que le Congrès apporte un résultat et aide à avancer vers l'intensification de la réforme constitutionnelle et la préparation de nouvelles élections. Bien sûr, nous abordons ces questions étant donné que nous travaillons avec les USA en contact assez étroit sur le terrain, où sont établis les canaux de liaison entre les représentants de l'aviation russe et la coalition menée par les USA.
Le processus politique est de plus en plus d’actualité en ce qui concerne le conflit syrien parce que la lutte contre le terrorisme sur le territoire syrien touche à sa fin. On ne peut pas permettre des interruptions dans les efforts de la communauté internationale. Nous devrons significativement intensifier nos efforts afin de réunir les conditions pour un dialogue intersyrien inclusif qui sera annoncé très prochainement. C’est précisément la tâche du Congrès du dialogue national qui sera annoncé prochainement.
J’espère qu’il se déroulera dans un avenir proche.
Question: Les autorités ukrainiennes ont refusé aujourd'hui l'entrée dans le pays à Zakhar Vinogradov, correspondant d'une agence de presse russe. C'est loin d'être le premier cas – rien que cette année Kiev a expulsé du pays des correspondants de médias espagnols et des responsables de chaînes russes. Que pensez-vous de cette politique du gouvernement ukrainien vis-à-vis des médias étrangers? Pouvons-nous attendre une réaction adéquate de la communauté internationale?
Sergueï Lavrov: On peut citer à l'infini les exemples les plus négatifs de l'attitude des autorités ukrainiennes actuelles envers les journalistes. Il ne s'agit pas seulement des refus de laisser entrer des journalistes dans le pays – que ce soit des journalistes russes ou espagnols, les représentants d'un autre pays en Europe ou d'autres régions du monde qui tentent de couvrir objectivement la situation en Ukraine. Quand on tourne des documentaires (comme très récemment), les autorités ukrainiennes font tout pour que les faits n'apparaissent pas à l'écran, notamment dans les pays européens. Cependant les faits sont têtus et ils franchissent même le mur que, dans une certaine mesure, les gouvernements européens tentent de lui opposer.
Hormis le refus d'accès des journalistes et le débranchement de la diffusion de tous les médias russes, il y a encore bien plus grave: notamment les assassinats de journalistes qui n'ont toujours pas fait l'objet d'une enquête. Nous espérons vraiment que nos requêtes insistantes adressées aux structures internationales compétentes auront un effet. Cela concerne l'OSCE, où le représentant spécial pour la liberté des médias Harlem Désir a tenté plusieurs fois de couvrir la situation des droits des journalistes en Ukraine plus ou moins objectivement. J'espère qu'il n'y aura pas de demi-tons. Il faut exprimer la vérité clairement et concrètement sans aucune rétention d'information.
Question: Des médias ont rapporté que des inconnus avaient coulé du béton sur le mémorial de la Flamme éternelle dans le Parc de la gloire de Kiev. Que pouvez-vous dire à ce sujet?
Sergueï Lavrov: C'est une profanation inadmissible qui est contraire à tous les principes et valeurs européens reposant à la base de l'Onu. Malheureusement, de telles profanations des monuments de la Grande Guerre patriotique ne sont pas rares en Ukraine. Cela met en évidence l'incapacité du régime de Kiev de raisonner les ultraradicaux et les néonazis qui se sentent très à l'aise en Ukraine aujourd'hui. N'oublions pas que c'est ce groupe de radicaux et d'extrémistes qui a organisé le coup d’État en février 2014 en violant l'accord signé par des pays européens – la France, l'Allemagne et la Pologne. Ce sont ces mêmes radicaux qui ont commis impunément des massacres à Odessa et dans d'autres villes. Tous ces crimes ne sont toujours pas élucidés même si, dans le cadre du Conseil de l'Europe, a été créée une structure spéciale pour comprendre ce qui s'est passé sur le Maïdan et le 2 mai 2014 à Odessa. A ce jour nous ne voyons toujours aucun résultat de l'enquête menée par les autorités ukrainiennes, qui semble être accompagnée par cette organisation européenne respectée.
Hormis les requêtes envoyées à l'OSCE, au Conseil de l'Europe et aux organes compétents de l'Onu, nous devons être bien plus exigeants envers la ligne établie par l'UE et l'Otan vis-à-vis de l'Ukraine. Ces structures cajolent le régime ukrainien actuel. Quand elles déclarent fièrement depuis Bruxelles que le choix européen doit être ouvert aux Ukrainiens, elles doivent d'abord voir dans quelle mesure le régime ukrainien actuel est prêt pour les normes et les valeurs européennes. Pour commencer: qu'elles exigent le respect des normes de comportement civilisé et d'empêcher les sévices de la bande néonazie qui tente de "mener le bal" et dicter sa volonté à ce pays. Personne ne sera probablement surpris d'apprendre qu'une responsabilité particulière pour le comportement des autorités de Kiev incombe aux USA qui, en fait, dirigent les autorités de Kiev en mode manuel.
Dernier exemple. Des informations ont été rapportées, selon lesquelles le Parlement ukrainien se préparerait à évoquer un paquet de lois sur la réforme militaire. La question de savoir quel doit être le contenu de ces réformes, quels projets de loi de ce paquet méritent un soutien et lesquels doivent être mis de côté est traitée lors des contacts personnels de l'Ambassadeur des USA avec la direction du Parlement ukrainien.
J'espère qu'hormis les tentatives d'attirer l'Ukraine dans les rangs de l'Otan à travers la réforme militaire, les USA prêteront également attention au comportement inadmissible du gouvernement qui ferme les yeux et garantit l'impunité aux bandits qui se sentent de plus en plus à l'aise en Ukraine.