República da Arménia
Allocution et réponses à la presse de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, lors d'une conférence de presse à l'issue de ses pourparlers avec Ararat Mirzoïan, Ministre des Affaires étrangères de l'Arménie, Moscou, 31 août 2021
Mesdames et messieurs,
Nous venons de mener des pourparlers avec mon nouvel homologue arménien, Ararat Mirzoïan. Nous le connaissons bien puisqu’il occupait jusque-là le poste de président de l'Assemblée nationale de l'Arménie, poste auquel il a activement contribué au développement de nos relations alliées et stratégiques. Je suis certain que dans ses nouvelles fonctions Ararat Mirzoïan garantira la continuité dans nos contacts avec le nouveau gouvernement arménien constitué à l'issue des récentes élections législatives. Nos relations se développent de manière dynamique, cette année le Président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian se sont rencontrés trois fois en personne et ont organisé plus d'une douzaine d'entretiens téléphoniques, notamment il y a quelques jours. Les chefs de gouvernement de la Russie et de l'Arménie se sont rencontrés deux fois en personne. La commission intergouvernementale pour la coopération économique travaille activement au niveau des vice-premiers ministres.
Des contacts intensifs sont entretenus au niveau de pratiquement tous les ministères et départements. Les questions évoquées concernent l'agenda économique eurasiatique, la sécurité, la migration de travail, l'éducation, les innovations et les technologies spatiales. Avec le début du travail du parlement arménien, et après les élections en juin, et la constitution de la nouvelle composition de la Douma d'Etat à l'issue des élections de septembre, je suis certain que la coopération interparlementaire se poursuivra de manière intensive. Nous sommes convenus de préparer des activités commémoratives à l'occasion de la célébration en 2022 des 30 ans des relations diplomatiques entre nos pays et des 25 ans du Traité bilatéral d'amitié, de coopération et d'entraide. Nous sommes prononcés pour le renforcement de notre partenariat d'affaires à travers une intensification des liens entre les représentants d'affaires et entre les régions de la Russie et de l'Arménie. En ce sens, nous disposons d'un instrument efficace: le forum bilatéral interrégional. Il s'agira de sa huitième réunion que nous espérons organiser cette année, en fonction de l'évolution de la situation épidémiologique.
Les préparatifs sont également en cours pour organiser le septième forum de jeunesse russo-arménien.
Nous sommes convenus de poursuivre la coopération dans la lutte contre le coronavirus. Nous avons déjà livré plusieurs chargements du vaccin Spoutnik V en Arménie. De nouvelles livraisons sont attendues. Nous nous sommes mis d'accord pour que cette coopération se développe sur une base systémique entre les établissements médicaux concernés.
Nous contribuerons à l'élargissement des contacts entre les organisations éducatives et scientifiques. Nous avons décidé de renforcer les échanges d'enseignants et d'étudiants. Nos partenaires ont réaffirmé leur volonté de continuer à soutenir la langue russe dans leur pays. Nous aiderons à renforcer de telles possibilités.
Nous avons échangé nos avis sur les problèmes internationaux, depuis des positions coïncidentes ou très proches. Nous avons réaffirmé notre disposition à coordonner étroitement les actions de nos délégations à l'Onu, à l'OSCE et au sein d'autres structures. Nous avons salué le niveau élevé de notre coopération dans la CEI, à l'OTSC et au sein de l'Union économique eurasiatique (UEE). L'Arménie entame la présidence à l'OTSC à la mi-septembre. Nos partenaires nous ont informés de leurs projets qui constitueront le programme de la présidence arménienne. Nous contribuerons activement à leur réalisation. Nous avons le même objectif, qui consiste à renforcer l'efficacité de l'OTSC et de son prestige sur la scène internationale.
Nous avons accordé une attention particulière aux objectifs de maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Transcaucasie. Nous avons évoqué en détail la mise en œuvre des accords trilatéraux entre les dirigeants de la Russie, de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan du 9 novembre 2020 et du 11 janvier 2021, qui ont permis de stopper le conflit afin d’entamer un processus de paix. Nous sommes convenus de continuer à veiller aux efforts visant à éliminer les éléments irritants dans les relations entre Erevan et Bakou, y compris le règlement définitif du problème de libération des prisonniers arméniens et la remise des cartes des champs de mines. Nous avons réaffirmé la nécessité de la poursuite du travail des coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE.
Nous avons échangé nos avis sur la situation à la frontière azéro-arménienne en dehors de la zone du conflit du Haut-Karabakh. Nous partons du principe que tous les problèmes doivent être réglés uniquement par des méthodes politiques et diplomatiques, et qu’un règlement durable n'est possible qu'avec la délimitation et la démarcation de la frontière. L'initiative du Président russe Vladimir Poutine à ce sujet est bien connue. Nous avons parlé aujourd'hui d'un moyen qui permettrait sa rapide mise en œuvre. Nous avons réaffirmé notre disposition à contribuer à ce processus par tous les moyens.
Nous sommes satisfaits par le déroulement du travail du Groupe de travail trilatéral sous la coprésidence des vice-premiers ministres de la Russie, de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie pour débloquer les communications de transport et des liens économiques en Transcaucasie. Ce groupe a été créé sur décision des trois dirigeants le 11 janvier 2021. Nous espérons que l'activité de ce mécanisme et le déblocage de toutes les communications non seulement contribueront à la reprise économique de la Transcaucasie, mais garantira également des fondements fiables pour le processus de paix et la prospérité de toute la région.
Nous sommes satisfaits par les résultats des pourparlers, je remercie Ararat Mirzoïan et son équipe pour notre interaction. Nous poursuivrons notre travail conformément aux accords conclus par le Président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre arménien.
Question: Quelle est votre position, en tant que Ministre des Affaires étrangères d'un pays coprésident du Groupe de Minsk de l'OSCE, concernant la reprise et la garantie de la durabilité du processus de paix au Haut-Karabakh? Prévoit-on une rencontre entre les autorités arméniennes et azéries dans un format quelconque?
Sergueï Lavrov: En ce qui concerne les réunions entre les autorités azéries et arméniennes, il vaut mieux poser cette question à l'Arménie et à l'Azerbaïdjan.
Quant à notre position, nous sommes entièrement attachés aux documents approuvés par nos dirigeants au format trilatéral le 9 novembre 2020 et le 11 janvier dernier. Je pars du principe qu'il ne s'agit pas de relancer le processus mais d'accomplir ce qui a déjà été signé concernant la nécessité de garantir une sécurité fiable et de commencer à rétablir la confiance. Le groupe de travail trilatéral au niveau des vice-premiers ministres pour le déblocage des communications de transport et des liens économiques joue un rôle particulier en ce sens. Ce sera une mesure importante qui permettra aux parties d'adopter une approche plus constructive des faits.
Nous trouvons fondamental l'encouragement des liens sociaux à tous les niveaux. Comme cela a déjà été dit, il faut modérer significativement la rhétorique des deux côtés. Cela créera les conditions pour un règlement définitif et à part entière, je n'en doute pas.
Question: L'Azerbaïdjan n'a toujours pas accompli le paragraphe 8 de la Déclaration du 9 novembre 2020 concernant l'échange de prisonniers de guerres, d'otages et d'autres détenus selon le principe "tous contre tous". De facto, l'Azerbaïdjan empêche la mise en œuvre des accords sur une question aussi importante qui pourrait contribuer à créer des prémices pour évoquer les autres questions. Comment voyez-vous le règlement de ce grave problème humanitaire qui a fait souffrir tant de familles arméniennes?
Sergueï Lavrov: Pour être exact, la Déclaration du 9 novembre 2020 parlait de la libération des prisonniers de guerre en détention à l'époque. A présent, les Azerbaïdjanais retiennent une partie du groupe de militaires arméniens qui s'y sont retrouvés fin novembre, après l'entrée en vigueur de la Déclaration et l'entente de cesser toutes les activités hostiles.
Le Président russe Vladimir Poutine appelle, dans ses contacts avec les autorités azéries, avec le Président Ilham Aliev (nous envoyons ce signal aux collègues azéris à d'autres niveaux également) à les libérer sans conditions. Ce serait une mesure significative pour améliorer la confiance, qui manque tant aujourd'hui, et une démarche humanitaire importante.
Nous maintiendrons cette position. Mais la décision finale ne dépend pas de nous. Nous soutenons activement toutes les mesures de confiance (pas seulement celle-ci, mais également la mesure prise à son tour par l'Arménie, à savoir la remise des cartes des champs de mines). Nous pensons que par de telles démarches réciproques (pas forcément en les associant, simplement dans un esprit de bonne foi) il sera possible de faire un pas vers son partenaire et voisin avec lequel il faudra vivre sur la même terre et respirer le même air. Nous y contribuerons activement.
Question: Les talibans ont annoncé leur victoire définitive en Afghanistan après le départ du dernier militaire américain. Quelle est la position générale adoptée par la Russie et l'Arménie en tant que membres de l'OTSC concernant l'Afghanistan?
Sergueï Lavrov: C'est une position au profit de la paix, de la prospérité et de la sécurité pour le peuple afghan dans cette région, des décisions qui doivent exclure la possibilité que le territoire de l'Afghanistan soit utilisé par des terroristes, des trafiquants de drogues et d'autres représentants du crime organisé. Nos approches dans le cadre de l'OTSC seront formulées pendant la réunion au sommet mi-septembre à Douchanbé. Ce thème sera également évoqué pendant le sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui se déroulera aussi dans la capitale tadjike après le sommet de l'OTSC.
Question: Le Ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmitri Kouleba est inscrit sur la liste russe de sanctions, il n'y a pas de trêve dans l'Est de l'Ukraine, il n'y a pas de négociations productives que ce soit au format Normandie ou au sein du Groupe de contact trilatéral. S’attend-on encore à un éventuel progrès ou est-ce une impasse jusqu'à un nouveau changement du pouvoir ukrainien?
Pourriez-vous commenter la position déclarée de l'Azerbaïdjan selon laquelle le traité de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan devrait inclure la reconnaissance par Erevan de l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan?
Sergueï Lavrov: En ce qui concerne la deuxième question, elle ne s'adresse pas à moi. Cette question concerne les relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Je me permettrai de ne pas la commenter. Nous saluerons toute démarche qui contribuera au règlement des différends et à trouver une entente entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
En ce qui concerne la crise ukrainienne, chaque régime est de plus en plus "dans l'impasse". Je ne sais même pas à quoi il faut s'attendre. En parlant des sanctions, l'un des plus grands problèmes du gouvernement ukrainien actuel est qu'il impose continuellement et obstinément des sanctions contre ses propres citoyens. Vous le savez, le Conseil national de sécurité et de défense de l'Ukraine établit de telles listes, décrète des sanctions contre ses propres citoyens. Aucun de nos collègues occidentaux ne remarque cette scandaleuse violation des droits de l'homme élémentaires.
En ce qui concerne les perspectives du processus de Minsk, bien que chaque gouvernement ukrainien tente de mener le processus de paix encore plus loin dans une impasse, nous insistons pour que ces manœuvres cessent. Cela doit être exigé de la part de Kiev par ses protecteurs occidentaux, Berlin et Paris en tant que coauteurs des Accords de Minsk qui ont mis en jeu leur autorité. Beaucoup de choses dépendent des Etats-Unis, le seul pays que Vladimir Zelenski semble écouter - et encore.
Pendant la visite de la Chancelière allemande Angela Merkel à Moscou, quand le Président russe Vladimir Poutine s’est entretenu par téléphone avec le Président français Emmanuel Macron, nous avons évoqué toutes ces questions en les posant sérieusement et en attirant l'attention des coauteurs des Accords de Minsk sur le fait que Kiev adopte systématiquement des lois qui interdisent directement d'accomplir les termes clés des Accords de Minsk. Cela concerne également le statut particulier des territoires où ont été proclamées les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, la langue russe, l'organisation des élections locales selon un calendrier convenu avec Donetsk et Lougansk (ce qui est directement interdit par les dernières initiatives législatives de Kiev) et bien d'autres comme l'amnistie.
C'est pourquoi nous avons soulevé avec Berlin et Paris la nécessité de se décider pour savoir s'ils continueront de tolérer un tel "manquement" à ses engagements de Vladimir Zelenski et de son équipe, ou useront sur eux de leur influence et de leur pouvoir.