Mesdames et Messieurs,
Tout d’abord je tiens à exprimer mes sincères remerciements à nos collègues et nos amis omanais pour leur accueil chaleureux. Nous avons eu une journée riche en événements aujourd’hui. La rencontre avec Son Altesse le Sultan Haitham Bin Tariq Al Said, le vice-premier ministre pour le Conseil des ministres d’Oman Sayyid Fahd Bin Mahmoud Al Said et nous avons également eu un entretien avec mon homologue et ami le ministre des Affaires étrangères d’Oman Sayyid Badr bin Hamad bin Hamoud al Busaidi.
Nous avons discuté de l’ensemble des relations entre la Russie et le Sultanat d’Oman, nous nous sommes dits satisfaits de l’intensité du dialogue politique, de la coopération dans les domaines commercial, économique, culturel et éducatif.
Nous partageons l’opinion que le chiffre d’affaires entre nos pays est assez modeste et ne correspond pas au potentiel existant. Nous avons discuté de l’orientation des activités potentielles, qui permettront de développer des projets communs mutuellement avantageux dans le domaine énergétique, du tourisme, du transport, des télécommunications et d’autres.
Nous sommes convenus d’encourager activement les activités du Conseil russo-omanais qui s’était réuni en janvier 2022. Nous améliorerons la base juridique et contractuelle notamment en finalisant le travail sur l’accord visant à introduire le régime d’exemption de visa pour tous nos citoyens. Nous poursuivrons la réalisation des projets communs dans les cadres culturel et social en nous basant sur l'expérience riche et recherchée de la coopération entre l'Ermitage et le Musée national du Sultanat d'Oman.
Nous avons des approches proches et similaires de la plupart des problèmes régionaux et internationaux. Nous apprécions la position équilibrée et objective du Sultanat sur les situations régionales telles que le règlement de la crise syrienne. Je suis convaincu que le retour de la République arabe syrienne au sein de la Ligue des États arabes aidera à résoudre ce problème. Le Sultanat qui n’a jamais fermé son ambassade à Damas pourrait y jouer un rôle important.
Nous avons noté la position positive de l’Oman visant à accélérer le processus de règlement du conflit au Yémen avec les autres pays du Conseil de coopération du Golfe, tels que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
Nous sommes unanimes quant à l'idée que tout doit être fait pour relancer les négociations directes entre la Palestine et l’Israël afin de trouver un moyen de régler définitivement cet ancien conflit en se basant sur les solutions juridiques internationales existantes.
Nous apprécions le rôle de l’Oman dans le renforcement de la stabilité et de la sécurité dans la région du Golfe. La position équilibrée de Mascate lui permet de servir de plateforme neutre importante pour diverses initiatives diplomatiques. Une telle approche est absolument identique à la conception russe de la sécurité collective dans le Golfe que nous avons mise à jour en 2021 et que nous avons évoquée au niveau des experts.
Nous avons informé en détail nos interlocuteurs omanais du déroulement de la situation en Ukraine dans le contexte de l’opération militaire spéciale menée par la Fédération de Russie et de l'interprétation géopolitique de cette situation. Nous ne cachons pas les objectifs de notre opération. Le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine en a parlé à plusieurs reprises, notamment le 9 mai lors du défilé militaire sur la Place Rouge. Ils consistent à protéger les habitants des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk contre le régime néonazi de Kiev et à garantir qu'aucune menace militaire ne soit érigée pour la sécurité de la Fédération de Russie par l'Occident depuis le territoire ukrainien.
Nous avons attiré l’attention de nos collègues sur de nombreux exemples de fakes fabriqués par Kiev pour justifier ses actions criminelles.
Nous espérons que l’achèvement de notre opération militaire spéciale visant à atteindre tous les objectifs fixés contribuera à la cessation des tentatives de l’Occident de compromettre le droit international, d’ignorer et de violer les principes de la Charte de l’ONU, notamment le principe de l’égalité souveraine des États, et incitera l’Occident à cesser de promouvoir un "monde unipolaire" dirigé par les États-Unis et leurs alliés.
Il faut respecter la diversité culturelle, confessionnelle et civilisationnelle du monde moderne. La période du colonialisme fait partie du passé. Il faut le reconnaître.
À l'issue des négociations, la Fédération de Russie et le Sultanat d’Oman ont réaffirmé le respect de tous les principes sur lesquels l’Organisation des Nations unies a été fondée ainsi que notre soutien du rôle central de l’ONU dans les affaires mondiales.
Question (traduite de l’arabe): Pourriez-vous élaborer davantage sur votre rencontre avec le Sultan. D’après vous, existe-t-il une volonté de la part de l'ONU de résoudre la crise en Ukraine?
Sergueï Lavrov: J’ai déjà évoqué les sujets abordés lors de la rencontre avec le Sultan, le vice-Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères du Sultanat d’Oman. Nous avons discuté du développement des relations commerciales bilatérales, des liens culturels et sociaux, du développement du tourisme, ainsi que des sujets internationaux déjà mentionnés en détail.
En ce qui concerne le rôle de l’ONU, nous avons reçu à Moscou le Secrétaire général Antonio Guterres qui a exprimé ses préoccupations au sujet des problèmes humanitaires en Ukraine. Nous lui avons présenté toutes les précisions et les faits nécessaires sur les couloirs humanitaires quotidiens ouverts par les forces russes pour évacuer les civils. Cependant, des régiments nationalistes ukrainiens ne les laissent pas passer et utilisent les civils en tant que boucliers humains. En outre, ils déploient souvent des armes lourdes dans des quartiers résidentiels pour tenter de provoquer nos forces à bombarder des résidences civiles. Nous avons parlé au Secrétaire général des personnes qui étaient parvenues à s’échapper des zones contrôlées par les nationalistes ukrainiens et des horreurs qu’ils avaient vécues pendant qu'ils étaient retenus en otage par les forces ukrainiennes.
Nous continuons d’ouvrir des couloirs humanitaires. Les civils continuent de les emprunter. Nous souhaitons que tous les civils quittent ces zones.
Étant donné l’intérêt montré par Antonio Guterres, nous lui avons conseillé d’appeler les autorités ukrainiennes à cesser d’entraver l’évacuation des civils des zones de l’opération militaire.
Les représentants du Secrétariat de l’ONU se trouvent sur le terrain en essayant de nous assister dans la réalisation des objectifs fixés.
En ce qui concerne un rôle plus vaste de l’ONU (au-delà de son rôle purement humanitaire), malheureusement, le Secrétariat de l’ONU, y compris le Secrétaire général, ont laissé passer l’occasion du règlement politique, quand pendant sept longues années ils n’ont pas réagi au sabotage flagrant de la part du régime kiévien de la résolution 2202 du Conseil de sécurité approuvant les Accords de Minsk pour résoudre le conflit dans l’est de l’Ukraine.
Si la direction du Secrétariat avait encouragé les autorités ukrainiennes à mettre en œuvre les Accords après l’adoption à l’unanimité par le Conseil de sécurité de cette résolution en février 2015, nous n’aurions pas ces problèmes aujourd’hui causés par le régime kiévien avec la complicité et le soutien ouvert des États-Unis et de leurs alliés.
Question (traduite de l’anglais): Quelle serait la solution pour l’Oman et les pays faisant partie du Conseil de coopération du Golfe qui se heurtent aux ruptures d’approvisionnement en denrées alimentaires (telles que des légumes verts, huile de noix de coco, etc.)? Est-ce que vous vous êtes accordés sur des solutions pour minimiser les problèmes d'approvisionnement?
Sergueï Lavrov: Vous le demandez à la mauvaise personne, je ne peux pas faire de commentaire, car les actions de la Russie n’ont aucunement influencé et ne pourront influencer les problèmes que vous venez d’évoquer. Ces problèmes ont été engendrés uniquement par les interdictions et les sanctions illégales imposées par les pays occidentaux. En une journée, ces interdictions ont détruit les chaînes logistiques pratiques, existant depuis des années, et dont les capacités sont maintenant bloquées à cause de la politique occidentale. Nous estimons qu’il s’agit d’une politique totalement agressive contre l’économie et le commerce mondial.
Le Secrétaire général de l’ONU a publié récemment un rapport sur les défis de la sécurité alimentaire et énergétique, qui n’évoque pas l’énorme impact négatif des sanctions occidentales sur la situation actuelle. Il n’est pas correct, pour une organisation universelle et internationale, d’ignorer l’état des choses objectif et d’éviter une analyse complète et honnête.
Pour ne citer qu’un exemple concret: les autorités ukrainiennes ont bloqué des dizaines de navires dans leurs ports, y compris ceux qui doivent livrer du blé dans diverses régions du monde. De plus, ils ont placé des mines aux abords des ports, ce qui rend impossible l’évacuation des navires.
Nous avons proposé à plusieurs reprises d’assister à l’évacuation des navires avec les marchandises nécessaires par les couloirs humanitaires, mais l’Ukraine refuse de coopérer, alors que leurs "maitres occidentaux" ferment les yeux là-dessus.
Question (traduite de l’arabe): Lors de votre visite en Algérie, vous avez déclaré que la Russie faisait tout son possible pour mettre fin au monde unipolaire. Quelle est la stratégie pour atteindre cet objectif et ne pensez-vous pas que la réalisation de cet objectif puisse nous amener à un conflit de grande ampleur en Europe?
Sergueï Lavrov: La stratégie est simple: respecter les obligations de la Charte de l’ONU, y compris le principe de l’égalité souveraine des États, laisser de côté les habitudes coloniales et les aspirations non impérialistes, et être honnête au sujet des obligations internationales, c’est le plus important.
Les objectifs de notre opération en Ukraine sont clairs: protéger les droits de la population russophone du Donbass mise en danger par le régime kiévien et veiller à ce que l’Ukraine, avec le soutien de l’Occident, ne devienne pas une source de menace militaire pour la Russie.
Si vous êtes préoccupé par la perspective d’une guerre en Europe, nous ne le voulons absolument pas, mais j’attire votre attention sur le fait que l’Occident insiste constamment sur le fait que la Russie doit être vaincue dans cette situation. Tirez vos propres conclusions
Question: Que pense Moscou de la position du Sultanat d’Oman sur les questions régionales et internationales, notamment sur la résolution du conflit syrien? Comment estimez-vous la position du Sultanat sur la crise ukrainienne?
Sergueï Lavrov: Dans mon allocution, j’ai déjà parlé de notre entretien au sujet des questions régionales. Nous apprécions la position équilibrée et responsable du Sultanat d’Oman sur la résolution du conflit syrien et sur les questions liées aux conditions pour faciliter le processus de négociation inclusif entre toutes les parties yéménites, ainsi que sa position sur les questions de la sécurité dans la région du Golfe, et entre les pays arabes et la République islamique d’Iran. Notre opinion est cohérente et bien connue.
En ce qui concerne la position du Sultanat d’Oman sur la crise ukrainienne, nous considérons qu’elle est équilibrée, raisonnable et basée sur les intérêts de son peuple. C’est l’approche adoptée par tous les autres pays de la région et qui a été inscrite dans les décisions prises dans le cadre du Conseil de coopération du Golfe et dans le cadre de la Ligue des États arabes.
Question (traduite de l’anglais): Que fait le gouvernement russe pour faire face aux sanctions occidentales et dans quelle mesure la Russie pourrait-t-elle tolérer les sanctions des États-Unis, de l’UE et de la Banque mondiale contre son secteur énergétique?
Sergueï Lavrov: Nous avons une compréhension pleine et entière de la façon dont nous devrions continuer à vivre, la principale conclusion est de ne pas compter sur le fait que l’Occident est prêt à négocier. Ils ont déjà montré que pour imposer leur hégémonie (cet objectif n’est qu’illusion) ils étaient prêts à porter atteinte aux principes qu’ils avaient professés eux-mêmes, y compris par le vol et le pillage. L'inviolabilité de la propriété privée, la présomption d’innocence – tout ce dont la civilisation occidentale s’est vantée toutes ces années, tous les principes fondamentaux de ses entités étatiques ont été foulés aux pieds et violés de manière flagrante.
Nous avons déjà tiré nos conclusions, nous compterons sur nous-mêmes et sur nos partenaires fiables qui constituent une majorité écrasante en dehors de l’ancien "milliard d’or".
Nous avons suffisamment d’acheteurs de nos ressources énergétiques. Nous allons travailler avec eux et laisser l’Occident les payer bien plus qu’il ne payait à la Fédération de Russie et expliquer à sa population pourquoi elle devrait s’appauvrir.
Question (traduite de l’arabe): Comme on l’a dit, le chiffre d’affaires ne correspond pas au potentiel des deux pays. Est-il prévu de réaliser des investissements ou mettre en œuvre d’autres projets?
Sergueï Lavrov: Dans mon allocution j’ai parlé des domaines prometteurs pour intensifier notre coopération économique: il s’agit des secteurs de l’énergie, des télécommunications, du transport et de la logistique. Nous possédons le Conseil des affaires économiques qui devrait être utilisé activement. C'est ce que nous ferons.