Conférence de presse extraordinaire de la porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova, Moscou, 6 octobre 2015
Cette conférence de presse extraordinaire sera consacrée non seulement au règlement du conflit syrien ou aux actions entreprises sur le terrain et dans les airs pour contrer l’État islamique (EI). Elle sera dédiée d'une manière générale à ce que j'appellerais "la campagne antirusse déployée par les médias concernant le début de la lutte militaire russe contre l'EI à la demande du gouvernement de Damas".
Après le début de l'opération militaire antiterroriste des forces aériennes russes en Syrie, lancée à la demande du gouvernement officiel de ce pays, les médias mondiaux ont déployé une puissante campagne médiatique antirusse contre les actions prétendument "illégitimes, illogiques et incompréhensibles" de la Russie en Syrie. Nous avons lu diverses accusations, y compris sur la poursuite d'intérêts purement et exclusivement russes dans la région, qui seraient voilés par un prétendu combat contre l'EI et d'autres groupes terroristes. Dès les premières heures nous avons également été accusés de la mort de civils, y compris d'enfants.
Ce qui se passe actuellement dans les médias occidentaux suit un schéma très simple. Vous pouvez le vérifier au quotidien par vous-mêmes. D'abord, on entend les déclarations de représentants officiels, généralement des pays qui ne comprennent toujours pas le déroulement et la logique de la politique russe en la matière. Ces déclarations donnent le ton aux nombreux reportages et publications et sont alimentés par des commentaires se référant aux diverses sources non confirmées, officieuses et anonymes. Le fond de ces déclarations se résume au fait que la tâche de la Russie consiste à éliminer l'"opposition modérée" (c'est exactement ce qui est dit) dans la région. En général tout cela est présenté avec des photos d'archives ou qui n'ont absolument rien à voir avec cette situation, cette région et cette période, avec des vidéos qui, après vérification, n'ont également rien à avoir avec la situation. Sans exagérer, je peux dire qu'à l'heure actuelle pratiquement chaque média occidental a recours à une telle méthode de travail.
Je voudrais m'arrêter sur des exemples concrets et illustrer ce dont nous parlons afin que vous entendiez - et probablement reconnaissiez - dans ces reportages les médias que vous représentez. Puis nous réfléchirons avec vous comment faire en sorte que cela ne se reproduise plus.
Récemment (le 2 octobre) le Foreign Policy, une revue assez solide et souvent citée, a publié un article de Reid Standish (traduit en russe et accessible au grand public) (https://foreignpolicy.com/2015/10/02/russias-information-campaign-spreads-from-ukraine-to-syria/. Cet article stipule que les frappes aériennes russes ont touché l'Armée de la conquête – une alliance de groupes rebelles opposés à l'EI. L'auteur se réfère aux informations de l'Observatoire syrien des droits de l'homme basé à Londres. Je cite l'auteur: "Vendredi, la Russie a annoncé avoir attaqué des camps de Racca, mais certains sont d'avis qu'elle a bombardé des quartiers contrôlés par divers groupes rebelles". Si nous parlons de journalisme sérieux, qui ne sert les intérêts de personne, qui doit parler des problèmes et de ce qui se passe sur le terrain, alors comment peut-on présenter des informations avec des mots d'introduction tels que "certains sont d'avis"? Qui sont ces certains? Si vous êtes des journalistes sérieux, ceux à qui les experts de l'Onu et les représentants de structures officielles se réfèrent dans leurs rapports, alors citez des faits, des photos, des informations concrètes sur le terrain. Comment peut-on dire "certains sont d'avis" quand il est question de victimes et de vies humaines?
Le terrain est très préparé pour ces publications, même si je ne peux pas aller jusqu'à dire qu'il est "orchestré". Le Ministre britannique des Affaires étrangères Philip Hammond considère la participation de la Russie au conflit syrien comme un "petit exemple de la manière asymétrique classique qu'a la Russie de mener la guerre". Nous parlons d'une politique sérieuse, nous parlons depuis des années de la lutte contre le véritable mal international. Comment un représentant officiel peut-il user de telles tournures?
Le Premier ministre britannique David Cameron a également qualifié l'opération antiterroriste russe en Syrie d'"erreur". Il n'est pas simplement question d'appréciation politique, mais de la réaction de la communauté internationale à nos efforts concrets pour combattre le terrorisme international. Si c'est une erreur, alors en quoi consiste-t-elle? C'est comme ça que se forme l'opinion publique. Les spectateurs, devant leurs écrans de télévision, croient ceux qui leur disent que c'est une erreur. Mais il faut appuyer ces propos avec des faits concrets – car les dirigeants doivent assumer la responsabilité de leurs déclarations dans la mesure où le sort des gens en dépend. Selon David Cameron, la Russie "soutient le boucher Assad, ce qui est une terrible erreur pour eux et pour le monde. Cela va rendre la région encore plus instable. La plupart des frappes russes, pour ce que nous avons pu en voir jusqu'à présent, ont été menées dans des régions de la Syrie non contrôlées par l'EI mais par les opposants au régime". Ces propos sont ceux du dirigeant d'un État, qui se permet de faire des appréciations émotionnelles et de qualifier des actes d'"erreur" sans fournir de faits.
Dans le même esprit, on peut citer le Secrétaire à la Défense américain Ashton Carter. Le chef du Pentagone utilise dans sa description des actions de la Russie des termes comme "peut-être, probablement, il semble". Il n'est pourtant pas question d'un ministre de la Culture mais d'un ministre de la Défense.
Je voudrais rappeler que la Russie et les USA ont enfin établi un canal de communication entre les ministères de la Défense des deux pays. Quand "peut-être, probablement, il semble", on peut toujours appeler et vérifier pour dissiper ses doutes, pour ensuite présenter au public des données claires et précises. Si après ces conversations téléphoniques, qui peuvent être organisées à tout moment à la demande de la partie américaine, quelque chose vous préoccupe toujours, alors on peut en parler, mais d'abord il faut nous demander des précisions.
La Russie a pu être critiquée ces dernières années pour son opacité, mais le niveau de transparence affiché ces derniers temps par le Ministère de la Défense, notamment par rapport au conflit syrien, est sans précédent: on organise des conférences de presse régulières, on répond aux questions, on fournit des informations, des photos, des vidéos. Et c'est seulement ce qui concerne la sphère publique du travail avec les journalistes. Tout le monde ne le comprend peut-être pas, mais nous sommes ouverts aux contacts militaires entre les experts de nos pays. Si des préoccupations voient le jour, nous sommes prêts à y répondre. Pourquoi se rendre aux conférences de presse pour dire "peut-être, probablement, il semble", quand on peut téléphoner aux collègues russes qui dissiperont toutes les inquiétudes. Évidemment, après de telles déclarations, les journaux mondiaux publient des unes avec des titres similaires affirmant que les véritables objectifs de la Russie en Syrie sont loin d'être l’État islamique.
Au cours de la session de l'Assemblée générale des Nations unies je faisais partie de la délégation russe à New York. Le lendemain de la décision russe de soutenir le Gouvernement syrien dans la lutte contre l'EI, j'ai regardé les informations. Toutes les chaînes américaines et canadiennes ont diffusé des reportages à ce sujet. Le "refrain" de ces reportages était dans le message défilant à l'écran: "Quels sont les véritables objectifs de la Russie dans la région?", "Quels sont les objectifs de la Russie en Syrie?", "La Russie se bat-elle vraiment contre l'EI?". C'est précisément un exemple de modelage de l'opinion publique. Où sont l'objectivité et le champ pour la coordination et la contribution dont nous parlons? Nous avons appelé à la coopération. Mais un verdict formel a été immédiatement rendu: "Les objectifs de la Russie en Syrie ne sont pas du tout ceux qui ont été publiquement annoncés".
Josh Earnest, porte-parole de la Maison blanche, a déclaré que les USA restaient persuadés que les avions militaires russes attaquaient essentiellement des territoires occupés par les unités de l'opposition syrienne, et non par l’État islamique. Il a affirmé avoir lu certains communiqués selon lesquels au moins deux frappes russes avaient été menées sur le territoire contrôlé par l'EI; mais que rien n'indiquait pour l'instant que la Russie avait changé sa stratégie pour se concentrer davantage sur la lutte contre l'EI. Selon lui, Moscou concentre ses efforts sur le territoire contrôlé par les opposants au régime de Bachar al-Assad, parmi lesquels il peut y avoir certains extrémistes.
La tragédie dont je vais parler ne date pas d'un an ou deux, mais je pense que tout le monde se rappelle des attentats du 11 septembre 2001, quand nous avons ressenti la douleur des USA comme si c'était la nôtre, car nous savions parfaitement ce qu'était le terrorisme. Quand Washington a annoncé que c'était un défi pour la sécurité nationale, une atteinte aux USA, la Russie avait pleinement soutenu les Américains – au Conseil de sécurité des Nations unies, elle a apporté son aide dans la lutte contre les terroristes sans demander s'ils étaient mauvais ou pas. Si un individu mène des activités terroristes, fait exploser une maison et tue un enfant – c'est un terroriste.
Je voudrais rappeler que jusqu'à présent (c'est peut-être bien le problème) la communauté internationale n'a élaboré aucun terme vis-à-vis du terrorisme. Chaque pays a sa propre législation nationale qui réglemente ce domaine – nous en sommes parfaitement conscients. Mais est-ce que cela doit nous empêcher de combattre la menace terroriste? Est-ce que cela a empêché la Russie de soutenir d'autres pays dans leur combat contre ce fléau?
Pour nous, le terrorisme international est effectivement une question de sécurité nationale. Nous l'avons vécu, nous savons de quoi il s'agit et nous ne voulons pas que se répète dans notre pays l'histoire du terrorisme international . C'est trop douloureux pour nous. Nous espérons être compris.
Je me dois d'aborder un autre aspect, pour confirmer le concept général. Certains médias affirment que la Russie bombarderait des cibles dans les villes de Hama, Homs, Rastan, Idleb et d'autres où, disent les journalistes et les représentants officiels, "les terroristes n'ont jamais mis les pieds". Ils avancent que les attaques viseraient l'"opposition modérée" et la population civile. Par exemple, La BBC, se référant à l'AFP, publie une carte des frappes des forces aérospatiales russes sur le territoire syrien.
On ne peut pas avoir la mémoire aussi courte. Avant le début des bombardements russes, ces mêmes médias parlaient en cœur de la présence de l'EI dans ces zones. Par exemple, début août, on couvrait largement l'enlèvement par l'EI de 200 chrétiens dans la province de Homs. Serait-ce une autre province de Homs? Y en a-t-il plusieurs en Syrie? Ou est-ce seulement de l'hypocrisie quand on dit d'abord que les islamistes kidnappent 200 chrétiens dans la province de Homs, puis littéralement un mois et demi plus tard on affirme qu'il n'y a pas d'unités de l'EI à Homs et on se demande qui la Russie bombarde?
L'information sur la capture de 200 chrétiens n'est pas non plus passée inaperçue chez nos collègues américains et a été activement soutenue et répandue par le Département d’État américain, qui avait fermement condamné les prises d'otages. Les terroristes ne prennent-ils pas d'otages? Ou seraient-ils de "gentils terroristes" qui étaient "bons" en août et sont devenus visiblement "très bons" aujourd'hui? C'est une logique tordue.
Il y a près d'une semaine, les médias occidentaux ont décrit en détails l'exécution, par des islamistes de l'EI, de sept hommes à Rastan pour leur orientation sexuelle non conventionnelle. Puis on nous demande: qui bombardez-vous?
Le 29 juillet, les Américains ont attaqué près d'Idleb une unité tactique de l'EI, ce qui a été immédiatement repris dans le compte-rendu sur l'activité de la coalition pour éliminer l’État islamique en Syrie et en Irak.
Une autre histoire est celle de l'utilisation de photos et de vidéos dans les médias, malheureusement par les structures officielles cette fois.
Dès le premier jour de l'opération il a été annoncé qu'un leader de l'opposition modérée avait péri dans les attaques russes. Quand un journaliste prépare un article, peu importe la source de cette information. Mais vu le niveau de développement des technologies médiatiques aujourd'hui vous pouvez vérifier en cinq minutes ce qui a été dit plus tôt sur ce sujet, or les médias avaient déjà annoncé que cet individu avait été capturé par l'EI en janvier 2014, et d'autres médias avaient rapporté qu'il était mort en été 2015.
Pour respecter l'objectivité, si vous n'avez pas d'autres sources pour vérifier l'information ou que pour une certaine raison vous ne pouvez pas joindre le Ministère russe des Affaires étrangères ou le Ministère russe de la Défense, soyez courageux et écrivez dans vos journaux qu'il existe des informations alternatives, comme ici celles indiquant que l'homme en question était mort depuis longtemps. Ce n'est pas le cas. Je peux même vous dire pourquoi. En marge de l'Assemblée générale de l'Onu nous avons eu de très nombreux entretiens avec nos collègues (certains exprimaient leur soutien aux actions de la Russie, certains demandaient certaines précisions). Mais plusieurs ont répété pratiquement la même phrase: "Perception is more important than reality" – la perception est plus importante que la réalité. Ce qui se passe aujourd'hui est précisément une tentative de formation de cette perception, qui serait plus importante que la réalité. La réalité, pour nous, c'est la lutte contre l'EI. Et les exemples que j'ai mentionnés servent précisément à former la perception qui, malheureusement, pourrait devenir la nouvelle réalité à laquelle on croira.
Il faut aussi souligner les fausses accusations portées contre les forces aériennes russes, qui seraient responsables de la mort de civils et même d'enfants - ce qui est une accusation vraiment sournoise. Les photos qui servent de "preuve" à ces affirmations ont été prises plusieurs jours avant le début de l'opération russe. Ce procédé n'est pas rare: on utilise des photos de villes détruites par des bombardements sans indiquer de quel lieu exact il s'agit, à quelle date la photo a été prise et les coordonnées de l'endroit. On dit simplement que "la Russie a bombardé", que "les gens effrayés s'enfuient", "qu'un enfant apporte du pain à sa famille qui se protège des bombes russes". C'est de la propagande pure et simple. Si vous montrez un gamin apportant du pain à une famille qui se cache des bombes russes, alors montrez-en aussi un dont les parents ont été décapités par les terroristes de l'EI que combattent aujourd'hui nos militaires. Si nous parlons de journalisme sérieux, il faut cesser d'être propagandiste et commandé, parce que vous formez une nouvelle réalité et vous transformer des faits déformés en réalité.
Les exemples sont nombreux. Je voudrais rappeler encore une fois que le site officiel du Ministère russe de la Défense publie presque chaque heure des rapports sur les actions des forces aériennes russes sur le territoire syrien. Ce dernier répond ouvertement à toutes les questions posées. Même chose pour le Ministère russe des Affaires étrangères.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de rappeler les liens du site du Ministère russe de la Défense – je suis certaine que vous les connaissez. La seule chose que je voudrais vous demander est d'utiliser cette information. Je ne dis pas que vous devez l'accepter, mais en fin de compte elle doit être utilisée comme une source d'information alternative.
Nous lisons pratiquement tous les jours des communiqués du Département d’État américain comportant des accusations absurdes, notamment sur la réticence de la Russie d'adhérer à la coalition internationale. Nous avons expliqué plusieurs fois que nous n'étions pas opposés à un combat conjoint contre l'EI, mais que nous ne pouvions pas adhérer à une coalition ne répondant pas aux normes du droit international. Cela a été clairement expliqué. Nous avons même cité l'exemple des actions parfaitement légitimes de la coalition internationale en Irak, parce que Bagdad a donné son accord. Si la coalition entreprenait les mêmes démarches vis-à-vis de la Syrie, alors cela serait également légitime, et nous n'aurions plus de raisons de mettre en doute la légitimité des actions de la coalition internationale. Pour une certaine raison, on ignore nos arguments et on répète chaque jour que nous refusons. Nous nous opposons en réalité à une seule chose – la participation aux opérations illégitimes. Nous avions adopté une position identique il y a plus de 10 ans quand il était question de la campagne anti-irakienne. L'histoire nous a donné raison. Aujourd'hui notre approche est tout aussi claire: nous ne participerons pas à des opérations illégales. En l'absence d'une décision du Conseil de sécurité des Nations unies et de l'accord de Damas, nous ne pouvons pas y participer. Pourquoi le répéter à chaque fois? Cela signifie qu'une certaine opinion préconçue vis-à-vis de la Russie se forme chez les gens qui vivent dans les pays dont les représentants officiels en parlent constamment.
Aujourd'hui, au cours d'une interview accordée à une chaîne occidentale, le journaliste m'a demandé: "La Russie envoie vraiment ses chasseurs, elle ne craint pas un manque de coordination, un accident entre les avions de la coalition et de la Russie? Avez-vous conscience de vos responsabilités?". Il y a deux mois environ, la Russie a proposé une décision sur deux axes au problème syrien. Tout d'abord, il s'agissait d'unir les efforts de tous ceux qui combattaient l'EI, aussi bien au sol que dans les airs, d'un échange d'informations et de renseignements. Ensuite, nous voulions intensifier le processus de paix sur la base du Communiqué de Genève du 30 juin 2012. Bien sûr, nous l'avons fait en ayant conscience du fait que des incidents pouvaient se produire. L'unique recette pour s'en prémunir est la coordination des efforts. Cette proposition n'a pas été faite à huis clos mais publiquement, à la table de négociations et via les canaux diplomatiques. Comment peut-on dire aujourd'hui que nous provoquons des incidents?
Encore un point. Durant une interview j'ai demandé au journaliste britannique: "Et savez-vous que c'est votre pays qui a rompu tout contact militaire avec le nôtre?". Alors où est l'irresponsabilité de la Russie? Nous sommes ouverts aux contacts et sommes prêts à répondre à toutes les questions via les canaux diplomatiques et militaro-diplomatiques. Il suffit de nous téléphoner. Proposez votre formule pour échanger des informations, nous pourrions l'accepter. La question concerne uniquement le besoin de coordonner les efforts. Il est impossible, d'une part, de renoncer à tout contact et, de l'autre, de nous accuser de ne pas coordonner les efforts.
En particulier, le porte-parole du Département d’État américain Mark Toner a déclaré que les autorités américaines estimaient que l'actuel "format de l'opération militaire russe en Syrie était foncièrement incorrect". C'est d'autant plus étrange que nous venons d'avoir des contacts au sommet et à haut niveau, que nos présidents se sont entretenus, que les chefs de diplomatie des deux pays se sont rencontrés plusieurs fois sur la plateforme de l'Assemblée générale de l'Onu. Si c'est incorrect, alors proposez votre version. Nous proposons les nôtres, nous sommes ouverts au dialogue et nous appelons constamment à la coordination des efforts.
En particulier, Mark Toner a déclaré qu'à l'heure actuelle Washington ne constatait pas que la partie russe entreprenait des actions appuyant ses déclarations sur la volonté de combattre l’État islamique. Cela signifie qu'il ne voit ni n'entend ce que nous disons publiquement et via les canaux diplomatiques, et ne vise qu'à former l'opinion publique. Chaque jour on entend répéter que la Russie manquerait de volonté pour rejoindre la campagne menée par la coalition. Je le répète: nous avons exprimé notre position qui se résume au fait que nous pouvons participer à une opération légitime pour laquelle il existe certaines conditions. Cette position ne s'appuie pas sur notre propre vision de la situation, mais sur le droit international qui préoccupe tant tout le monde ces dernières années.
Autre sujet de surprise et d'incompréhension – les reproches qui nous sont faits concernant la réticence à partager les informations et ainsi de suite. Je le répète pour la millième fois: nous menons une opération antiterroriste à la demande du gouvernement syrien, les opérations antiterroristes ne sont jamais conduites pendant les conférences de presse, l'opération antiterroriste est appelée à éliminer les terroristes. S'il existe des questions concernant ces activités et opérations, la Fédération de Russie est ouverte aux contacts avec nos collègues étrangers. Les canaux du Ministère russe de la Défense sont disponibles à cet effet.
Extraits des réponses:
Question: Le Ministère turc des Affaires étrangères a évoqué hier une seconde violation de l'espace aérien du pays par l'aviation russe. Cette fois il s'agissait d'un MiG-29. Que pouvez-vous en dire?
Réponse: Un communiqué a été publié par le Ministère russe de la Défense. Nos collègues seront prêts à répondre à toutes les questions si vous jugiez leur communiqué insuffisant. Le Ministère de la Défense a fourni une réponse exhaustive à ce sujet. Notre Ministère des Affaires étrangères a confirmé que l'Ambassadeur de Russie à Ankara avait été convoqué par le Ministère des Affaires étrangères de Turquie. C'est dans notre compétence et nous en avons parlé. Je cite la déclaration de la partie turque: "Il n'y a pas de crise dans nos relations". A en juger par les informations des agences de presse, Ankara considère cette question comme "close". Mais à l'heure actuelle j'ai uniquement recours aux informations des agences de presse.
Question: Il est question du second avion. Ce que vous avez dit concerne un Su-30, cet incident s'est produit samedi. Or je parle de l'incident d'aujourd'hui impliquant un MiG-29. Le Ministère turc des Affaires étrangères n'a pas encore convoqué l'Ambassadeur de Russie à Ankara.
Réponse: Si le communiqué actuel ne vous suffit pas, le Ministère russe de la Défense vous fournira des explications supplémentaires.
Question: Que pouvez-vous dire au sujet des récentes informations de la chaîne CNN, qui se réfère à une source du Pentagone affirmant que la Russie pourrait lancer une opération terrestre en Syrie?
Réponse: C'est encore une thèse largement répandue ces derniers jours. C'est d'ailleurs assez bas, car on tire aussi des parallèles avec la campagne afghane. Tout le monde sait que c'est une page difficile de notre histoire, et tout le monde a parfaitement conscience du fait qu'on n'y reviendra jamais. Ces déclarations sont faites en oubliant, en rejetant et en refusant complètement de citer les déclarations des autorités russes, du Président, du Ministre de la Défense, du Ministre des Affaires étrangères et de la Présidente du Conseil de la Fédération selon lesquelles il ne peut être question d'une opération terrestre en Syrie. Toutes les citations sont simplement ignorées, mais des sources anonymes du Pentagone se permettent de commenter les intentions de la Fédération de Russie. Premièrement, si le Pentagone a un avis il en parlera publiquement. Deuxièmement, vous pouvez téléphoner au Ministère russe de la Défense – il vous donnera toutes les réponses. Troisièmement, s'il est question de médias sérieux - or nous n'avons pas perdu l'espoir de voir en CNN un média sérieux - et qu'on parle de sources du Pentagone, citez aussi les dirigeants russes qui ont déclaré qu'il n'était pas question d'une opération terrestre.
Question: J'ai trouvé à Moscou le journal Moscow Times, avec le titre de une "Russian Propaganda Cancel Syria". On écrit cela à Moscou! Que pouvez-vous en dire? L'Occident vous critique probablement parce que la Russie ne peut pas exprimer sa position?
Réponse: Je suis ravie que vous ayez trouvé à Moscou un média alternatif. Quand on dira qu'il n'existe pas d'avis alternatif à Moscou, montrez-leur ce journal et dites que tous les points de vue sont représentés dans la presse russe.
Question: Le représentant de l'Ukraine, dans un sous-groupe politique, a déclaré hier qu'une conversation téléphonique avait été prévue pour demain entre les ministres des Affaires étrangères au "format Normandie". Est-ce vrai? Sergueï Lavrov y participera-t-il?
Réponse: Je ne dispose pas de telles informations et je ne peux pas confirmer qu'une telle conversation téléphonique aura lieu. Si elle était planifiée, nous vous en informerions.
Question: La Russie a critiqué l'opération des pays occidentaux en Syrie, pointant son absence de résultats. En quoi l'opération russe en Syrie est-elle différente? Sergueï Lavrov disait que les frappes russes ciblaient l'EI, le Front al-Nosra et d'autres organisations terroristes. Comme il s'agit d'une opération militaire, y a-t-il une liste de telles organisations? Quelles organisations, concrètement, sont considérées comme terroristes par la Russie?
Réponse: Commençons par la première question. Nous laisserons les experts militaires juger de l'efficacité, mais d'un autre côté nous avons dit qu'en un an d'actions actives de la coalition internationale, les positions de l'EI ne s'étaient pas géographiquement réduites, et que le nombre et l'ampleur des crimes avaient augmenté. C'est une différence fondamentale très simple. Vous avez dit une chose vraie – si les frappes aériennes sont inefficaces, pourquoi la Russie y est allée? Nous sommes fatigués d'en parler. Peut-être ne nous exprimons-nous pas correctement.
Nous y sommes allés, premièrement, à la demande du gouvernement syrien, et surtout nous coordonnons nos actions avec l'armée syrienne qui combat l'EI sur le terrain. C'est un point clé. D'après nous, c'est la raison pour laquelle les actions de la coalition sont inefficaces. Il est impossible de combattre l'EI seulement depuis les airs, il faut unir nos efforts avec ceux qui se battent au sol. En Syrie, c'est l'armée syrienne. Voici la thèse que nous cherchons à faire entendre. J'espère sincèrement que si vous me citez aujourd'hui on pourrait commencer à le comprendre – nous sommes pour l'union et la coordination des efforts avec l'armée syrienne. Nous constatons de la part de la coalition occidentale une réticence à coordonner leurs actions avec Damas et l'armée syrienne, qui lutte contre l'EI sur le terrain. Désormais les opérations de l'armée syrienne seront appuyées par les frappes aériennes. C'est une différence fondamentale. Nous en parlons depuis un an aux représentants de la coalition. Si c'est une question de fierté, alors faites-en abstraction (bien sûr, c'est difficile quand on parle depuis quatre ans de réticence à coopérer). Mais le malheur est déjà arrivé et a atteint une proportion démesurée. On peut enfin comprendre qu'il est temps d'agir. Unissez vos efforts avec l'armée syrienne et ils apporteront un résultat. Mais ils ne l'ont pas fait. C'est pourquoi nous avons dû nous y rendre nous-mêmes.
En ce qui concerne les terroristes et la liste. Vous devez comprendre que les organisations terroristes sont très mobiles. Bien sûr, il y a des monstres terroristes comme l'EI et le Front al-Nosra, mais il existe des groupes plus réduits. Par exemple, en 2014, les USA ont attaqué plusieurs fois le groupe Khorassan, et personne n'a eu de questions à ce sujet. Ce n'était pourtant pas l'EI ou le Front al-Nosra. J'ignore si ce groupe fait partie de la liste américaine des organisations terroristes. Mais personne n'a demandé pourquoi ils l'avaient bombardé.
Hormis l'EI et le Front al-Nosra, il existe un grand nombre de groupes terroristes et extrémistes qui "mutent" constamment. Il est question d'importation et d'exportation de terroristes, de leur mobilité – ils forment en permanence des alliances, se combattent mutuellement, se coordonnent, passent dans d'autres camps. Et je voudrais citer une fois de plus Sergueï Lavrov: "S'ils parlent comme des terroristes, combattent comme des terroristes et agissent comme des terroristes, ce sont des terroristes". Les critères sont très clairs.
Question: Quelle est la position adoptée par la Turquie dans le conflit syrien? Quels sont ses intérêts, qui soutient-elle?
Réponse: C'est à la Turquie de répondre.
Question: Les forces aériennes russes participent à l'opération antiterroriste en Syrie. Certains estiment que l'EI ne peut être vaincu uniquement par des raids aériens. Est-ce que les troupes russes participeront à terme au combat contre l'EI en Syrie? La Russie souhaite-elle appeler davantage de pays à combattre l'EI, y compris la Chine?
Réponse: Au sujet du nombre de pays qui doivent participer à la lutte contre l'EI, cela concerne chaque État en particulier en fonction de ses capacités potentielles. Il faut se rappeler que ce n'est pas le problème d'une région précise: c'est un problème général pour le Moyen-Orient, l'Europe, les USA et le monde en général. C'est pourquoi, s'il existe des capacités et des ressources potentielles pour ce combat, alors il ne doit y avoir aucune barrière. L'important, je le répète, est la coordination et la coopération.
En ce qui concerne la participation de l'armée de terre russe, nous en avons parlé de manière très détaillée aujourd'hui. Je cite à nouveau le Président russe Vladimir Poutine, le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, le Ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou et la Présidente du Conseil de la Fédération Valentina Matvienko, qui ont clairement déclaré que "de telles opérations n'étaient pas à l'étude".
Question: La série Occupied a été diffusée récemment en Norvège, qui avait pour thème une occupation fictive des pays scandinaves et des gisements pétroliers norvégiens par la Russie. Comment faut-il interpréter l'apparition de telles séries?
Réponse: Les films sont destinés aux spectateurs. Si certaines arrière-pensées avaient pu guider les réalisateurs, cela serait triste. Mais je ne regarde pas de films de ce genre.
Question: Il y a deux ans, l'EI n'existait pas en Syrie. Ce sont donc des représentants de l'opposition dite "modérée" qui ont kidnappé deux métropolites, mangé le cœur d'un soldat, occupé de nombreuses villes et causé des souffrances énormes au peuple syrien. Est-ce de cette opposition "modérée" dont il s'agit?
Réponse: En ce qui concerne cette opposition "modérée" dont vous parlez, ou certains groupes qui luttent contre l’État islamique que nous mentionnent nos partenaires américains, je voudrais encore une fois attirer votre attention sur le commentaire du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors de la conférence de presse d'hier, suite à sa rencontre avec son homologue laotien. Nous avons interrogé nos collègues américains pour qu'ils nous disent de qui ils parlent concrètement quand ils nous recommandent de coordonner nos actions avec une certaine Armée syrienne libre. Ces gens, où se trouvent-ils? Quels sont leurs indicatifs d'appel? Pour le moment nous n'avons obtenu aucune réponse de la part de Washington.
Question: Quel est selon vous le rôle de la coalition internationale en Irak, qui agit de concert avec le gouvernement et l'armée irakienne?
Réponse: Je peux seulement vous rappeler nos déclarations précédentes sur le fait que l'amélioration de la coordination contribuera à l'efficacité de la lutte contre l'EI. Il est insensé et dangereux de refuser, pour des raisons politiques et conjoncturelles, la coopération avec ceux qui veulent et peuvent participer à la lutte contre cette organisation terroriste.
Question: Quels sont les résultats des opérations?
Réponse: Sur ce point, il vaut mieux vous adresser aux experts militaires.
Question: Vladimir Komoedov, chef du comité de la Douma pour la Défense, a indiqué que les organes compétents empêchaient ceux qui voudraient participer aux combats des deux côtés de se rendre au Proche-Orient. De quels volontaires s'agit-il? Y-a-t-il des informations à ce sujet?
Réponse: Il n'y aucune information. A ma connaissance, aujourd'hui, il a déjà tenu de nouveaux propos sur ce sujet. J'ai plusieurs fois répété qu'il ne s'agissait pas d'une participation aux opérations terrestres. Personne n'a aucune envie d'attirer, d'enregistrer et de persuader des volontaires. Il s'agit probablement d'un malentendu. Nous avons beaucoup d'hommes politiques et de députés qui ont leur propre opinion et sans doute le droit de l'exprimer. Mais nous ne commentons que notre position officielle qui est parfaitement univoque: toute opération terrestre est impossible. Les autorités russes l'ont souligné de manière tout à fait claire.
Question: Une précision concernant les volontaires: si un homme se rendait de son propre gré en Syrie afin de se battre pour Bachar al-Assad, est-ce que cela serait considéré comme une violation de la législation russe? Vous avez souligné que la Russie ne répéterait jamais son expérience afghane. Mais pourquoi en êtes-vous si sûre?
Réponse: Il s'agit de déclarations claires et univoques, que j'ai déjà citées plusieurs fois.
Concernant la législation russe, je suis prête à vous fournir des liens pour ne pas faire d'erreurs quand vous citerez les propos relatifs aux volontaires.
Question: La Russie est surtout critiquée pour sa coopération avec les autorités qui ont tué des milliers de leurs concitoyens. Le pouvoir a donc perdu sa légitimité. Que pouvez-vous répondre?
Réponse: Tout d'abord, je voudrais m'arrêter sur cette illégitimité prétendue des autorités. Pouvez-vous présenter un seul texte international stipulant le caractère illégitime des autorités, le citer ou au moins dire son nom? Il existe peut-être une décision d'un organe international qui a établi que ce pouvoir était illégitime? A ma connaissance il n'y rien de ce genre.
Nous avons entendu des leaders mondiaux de différents niveaux parler du caractère illégitime de ce pouvoir en justifiant cette affirmation par les mêmes arguments que vous avez mentionnés. Nous ne disons pas qu'il s'agit du meilleur gouvernement du monde, de gens formidables et magnifiques. Nous voyons clairement les erreurs du régime, partageons régulièrement nos estimations avec ses dirigeants - des estimations qui remontent à quatre ans, voire plus. Nous analysons la situation en Syrie de manière raisonnable et objective.
La question principale réside dans les conséquences qu'engendrerait un renversement musclé du régime, qu'évoquent activement de nombreux leaders occidentaux qui ont par ailleurs signé le communiqué de Genève du 30 juin 2012. Ce texte stipule clairement tout changement politique en Syrie doit se fonder sur l'entente nationale, que c'est le peuple syrien qui doit décider de son sort. C'est pourquoi tous les propos sur des frappes contre le régime, son renversement ou son changement contredisent le communiqué de Genève approuvé par l'Onu.
On ne sait pas ce qui se passerait si ce scénario se réalisait. Nous avons déjà connu des événements similaires en Libye. Nous avons observé le démontage de la figure du président libyen Mouammar Kadhafi, son élimination et les conséquences de tout cela.
S'il était possible de "rembobiner" ces événements et demander à tous, y compris aux médias, quel scénario était préférable - éliminer un leader qui n'est en aucune façon un ange ou sauver le pays et le peuple, prévenir la transformation de l’État un trou noir de terrorisme - chacun, j'en suis certain, voterait pour le deuxième scénario. Nous en parlons actuellement, appelons à mettre fin à l'EI en lançant parallèlement un processus politique. Mais la deuxième partie de notre appel semble ignorée. Comme si la Russie n'avait pas été un des auteurs du communiqué de Genève qui parlait sans équivoque de la transition politique. Comme si la Russie n'avait pas organisé à Moscou deux rencontres entre l'opposition et Damas. Comme si tout cela n'existait pas. L'objectivité est donc une question très importante. Nous comprenons parfaitement qu'il s'agit d'un problème complexe. Mais si l'on nous poussait vers le scénario libyen, nous n'y participerions pas car la Syrie risquerait d'exploser de manière encore plus retentissante que la Libye.