Allocution et réponses à la presse de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, à l'issue de sa visite en République du Congo, Oyo, 25 juillet 2022
Mesdames et messieurs,
Je voudrais remercier les autorités de la République du Congo pour l'excellente hospitalité et l'attention portée à notre délégation.
Nous avons eu une longue conversation avec le Président de la République du Congo Denis Sassou-Nguesso ainsi que des pourparlers avec mon ami proche, le Ministre des Affaires étrangères de la République du Congo Jean-Claude Gakosso.
Nos relations s'appuient sur une riche histoire d'amitié, de coopération et d'entraide, et se construisent sur les principes d'équité, de respect des intérêts mutuels, d'interaction sur la scène internationale conformément aux termes de la Charte de l'ONU.
Nous avons évoqué aujourd'hui les objectifs de renforcer la base matérielle de notre coopération. La coopération économique possède de bonnes perspectives, notamment dans les secteurs tels que les hydrocarbures, l'énergie, l'infrastructure de transport et les télécommunications. Plusieurs compagnies russes travaillent déjà dans la République du Congo, d'autres y témoignent leur intérêt. Nous avons vu aujourd’hui une réaction positive à l'idée d'élaborer de nouveaux projets. Des axes concrets seront évoqués lors des pourparlers et mis au point pour la prochaine réunion de la Commission intergouvernementale russo-congolaise mixte pour la coopération économique, scientifique et technique et le commerce, qui aura lieu à Brazzaville fin septembre 2022. Les deux parties ont exprimé la volonté de renforcer la coopération militaire et militaro-technique.
La Russie continuera d'aider la République du Congo à former des cadres nationaux. Nous avons significativement augmenté le nombre de bourses accordées à ce pays pour faire des études dans des universités russes, il s'agit de 150 personnes actuellement. Durant toutes ces années de coopération, plus de 8.000 Congolais ont été diplômés dans notre pays, y compris le Ministre des Affaires étrangères de la République du Congo Jean-Claude Gakosso.
Au vu de la prolifération de différentes épidémies sur la planète, nous avons témoigné notre volonté de développer une nouvelle forme d'interaction, à savoir créer un laboratoire conjoint pour étudier et prévenir des maladies infectieuses dangereuses. À cet égard, nous avons transmis à nos amis un chargement humanitaire de tests pour diagnostiquer la variole du singe.
Nous coopérons étroitement sur la scène internationale. Nos positions sont proches ou coïncident sur la plupart des problèmes actuels évoqués à l'ONU et dans d'autres structures multilatérales. Nous votons de manière solidaire sur la plupart des sujets qui suscitent des divergences. Nous apprécions cette interaction avec nos amis de la République du Congo. Brazzaville s'oppose systématiquement à une quelconque discrimination dans le cadre de l'ONU. Nous répondons par la réciproque.
Nous avons exprimé aujourd'hui une haute appréciation au Président de la République du Congo Denis Sassou-Nguesso et au Ministre des Affaires étrangères Jean-Claude Gakosso par rapport à cette position pesée, équilibrée et responsable qu'ils adoptent dans le contexte de la situation autour de l'Ukraine, étant parfaitement conscients de la dimension globale de cette situation artificiellement créée par les collègues occidentaux. Nous plaidons pour la démocratisation des relations internationales, la garantie d'une participation équitable de tous les États aux discussions internationales, comme l'exige la Charte de l'ONU. Nous nous opposons au diktat, aux ultimatums et au chantage dans les relations entre les pays souverains. Nous désapprouvons les tentatives des collègues occidentaux sou prétexte de la situation autour de l'Ukraine d'oublier les nombreux conflits non réglés depuis des décennies vis-à-vis desquels l'Occident adopte une position extrêmement honteuse, notamment dans le conflit israélo-palestinien.
Il existe de nombreuses crises non réglées sur le continent africain. Nous saluons le rôle actif joué par la République du Congo et le Président Denis Sassou-Nguesso personnellement dans la mobilisation des efforts pour les régler. Il est notamment question de la situation en République démocratique du Congo voisine, dans la région des Grands lacs, ainsi qu'au Mali, en Somalie et en Centrafrique. Les amis congolais avec d'autres collègues africains s'efforcent d'obtenir des résultats positifs sur tous ces axes.
À noter en particulier le rôle du Président du Congo en tant que Président du Comité de haut niveau de l'Union africaine sur la Libye. Denis Sassou-Nguesso a partagé ses projets d'organiser prochainement une conférence pan-libyenne sur la réconciliation nationale où seront invités tous les représentants des principales forces politiques de ce pays. Nous avons salué cette disposition à garantir l'inclusivité de ce processus, car toutes les tentatives entreprises jusque-là par certains pays européens et même nos collègues du Secrétariat de l'ONU ne prévoyaient pas une participation pan-libyenne des participants à tel ou tel évènement. Dans le contexte de la préparation de cette activité, le Président Denis Sassou-Nguesso prévoit également la possibilité d'inviter des acteurs extérieurs, notamment la Fédération de Russie. Nous aiderons activement à organiser ce forum important.
Pour conclure, je voudrais remercier nos amis congolais et rappeler à mon homologue que c'est son tour pour venir en visite en Russie.
Question: Je voudrais aborder le thème de la sécurité alimentaire. C'est notamment d'actualité dans les pays d'Afrique qui dépendent des livraisons de céréales, en particulier de Russie. Les États-Unis et l'Ukraine ont immédiatement accusé notre pays de tentatives d'ignorer les accords signés en Türkiye sur l'expédition de céréales et d'autres produits agricoles des ports de la mer Noire. Cela a été fait à la suite de la destruction près du port d'Odessa d'un navire de guerre ukrainien et d'un entrepôt de missiles américains Harpoon. D'après vous, la Russie est-elle prête à assurer la sécurité alimentaire et à fournir en nourriture tous ceux qui en ont besoin?
Sergueï Lavrov: Nos collègues occidentaux ont déjà pris l'habitude de présenter toute information de manière déformée afin de l'utiliser contre la Fédération de Russie. Plus rien ne m'étonne.
En parlant de l'épisode qui s'est produit à Odessa, les engagements pris par la Russie dans le cadre des accords d'Istanbul signés le 22 juillet, ne prévoient rien qui nous interdirait de poursuivre l'opération militaire spéciale en détruisant l'infrastructure militaire et d'autres cibles militaires. Les représentants du Secrétariat de l'ONU ont confirmé hier cette lecture précise des accords conclus.
Les cibles attaquées par des frappes de haute précision se situaient dans une partie militaire à part du port d'Odessa. Il s'agissait d'une vedette de combat ukrainienne et d'un entrepôt de munitions où ont été récemment livrés des missiles antinavires Harpoon pour créer une menace pour la Flotte de la mer Noire russe. Désormais, ces Harpoon ne représentent plus une menace pour nous.
Même les experts objectifs ont confirmé ce que nous disions depuis le début: le terminal de céréales du port d'Odessa se trouve à une certaine distance de la garnison militaire. Il n'existe aucun obstacle au début des livraisons de céréales conformément aux accords d'Istanbul. Ce n'est pas nous qui les avons créés.
Nos interlocuteurs congolais sont parfaitement au courant des raisons de la crise alimentaire qui ont commencé à se manifester il y a au moins trois ans en raison d'une politique imprévoyante et erronée des puissances occidentales. Le Congo est également conscient du fait que c'est la politique ratée des Européens menée sous le diktat des États-Unis qui a conduit à une telle hausse des prix des hydrocarbures. Nous avons évoqué en détail aujourd'hui les solutions qui permettront dans les relations entre la Russie et la République du Congo à éviter les obstacles artificiellement créés et à tout faire pour que nos liens commerciaux, économiques et d'investissements ne dépendent pas de l'anarchie déclenchée par l'Occident dans l'économie mondial.
Question: Que pouvez-vous dire sur la déclaration du Président polonais Andrzej Duda disant que la Russie devait perdre la guerre contre l'Ukraine pour que ce pays fasse partie du monde libre?
Sergueï Lavrov: Je ne suis pas fatigué, mais je ne reçois aucune satisfaction des commentaires et déclarations faits plusieurs fois par jour par des politiques occidentaux qui poursuivent divers objectifs. Il est évident que c'est lié à la fois à leur situation intérieure et à la volonté de détourner l'attention de leurs propres problèmes qu'à la promotion de leurs intérêts géopolitiques.
Cela rappelle de plus en plus l'image de "gilet en piqué" créé et appelé ainsi dans la littérature classique russe. Il devient de plus en plus évident dans quelle mesure le monde, où la Pologne veut amener l'Ukraine, est libre, alors que toute l'Europe soumise inconditionnellement au diktat américain se plie à la volonté de Washington avec un immense préjudice pour sa propre économie et sphère sociale. Tel est le monde libre. Il a un prix.