Discours du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à la XXIIème assemblée du Conseil russe pour la politique extérieure et de défense, Moscou, le 22 novembre 2014
Je suis content d'avoir l'occasion de prendre part à l'assemblée du Conseil pour la politique extérieure et de défense. Cela fait toujours plaisir de voir et de sentir le potentiel intellectuel, qui permet au Conseil, ses dirigeants et ses membres de réagir aux évènements internationaux, de les évaluer. Ce sont toujours des évaluations profondes, bien fondées, faites sans hystérie, car ceux qui vivent une situation de l'intérieur, ne sont pas en mesure de rester objectifs. Nous nous retrouverons inévitablement sous l'influence du processus, c'est pourquoi nous apprécions beaucoup vos observations, analyses, suggestions.
Si je comprends bien, notre discussion se concentra principalement sur les perspectives de développement interne accéléré de la Russie. Sans aucun doute, c'est la consolidation des efforts de l'ensemble de notre société dans ce sens en vue d'assurer la relance dans les domaines économique, social et spirituel, qui constitue une garantie d'un avenir sûr de la Russie. Cependant, compte tenu de l'aspect professionnel, je suis obligé de se concentrer sur les questions de politique étrangère qui sont inévitablement liées à l'ordre du jour, en raison de l'interdépendance et la mondialisation qui ne permettent pas d'isoler le développement interne du monde extérieur.
Le président russe Vladimir Poutine a commenté en détail la situation internationale dans le cadre du Club de Valdaï à Sotchi et dans ses interviews dans le cadre d'un voyage en Asie. Néanmoins, je vais essayer d'exprimer quelques idées qui viennent lors de notre travail dans le domaine pratique de la politique étrangère. Je ne vais pas faire de prévisions complètes et durables, car toute prédiction serait conditionnelle, quel que soit son auteur. En outre, la tâche de diplomates ne consiste pas à observer, mais à essayer d'influencer la situation.
Il est impossible de contourner la question ukrainienne. Bien avant le déclenchement de la crise, il y a eu un sentiment que nous approchions à une sorte de moment de vérité dans les relations Russie-UE, la Russie et l'Occident. Il était clair que ce n'était plus possible de reporter des problèmes de notre coopération et il fallait faire un choix : soit se tourner vers un véritable partenariat, soit déclencher la nouvelle guerre froide. La Russie a évidemment choisi la première option, tandis que les partenaires occidentaux, volontairement ou involontairement, se sont arrêtés à la seconde. En fait, ils ont joué le tout pour le tout en Ukraine et ont soutenu les extrémistes, en violation de leurs propres principes du changement démocratique de régime. Il restait à savoir qui serait le premier à cligner de l'œil. On a tenté de nous faire avaler l'humiliation de citoyens russes et de russophones en Ukraine.
Leslie Gelb, que je respecte beaucoup, a écrit que l'accord d'association entre l'Ukraine et l'UE ne constituait pas une invitation pour l'Ukraine à rejoindre l'UE. Il ne visait qu'un but à court terme, qui prévoyait à empêcher son adhésion dans l'Union douanière. Il est à noter que c'est une estimation faite par la personne impartiale et non engagée. Beaucoup a été oublié lorsqu'on a pris la décision de viser sur l'aggravation de la situation en Ukraine, on l'a fait délibérément, sachant bien quelle serait la réaction de Russie. Les conseils ont été également oubliés, y compris ceux d'Otto von Bismarck, qui avait averti que ce serait une erreur politique majeure de rudoyer des millions de Russes.
Le président russe Vladimir Poutine a récemment déclaré que personne dans l'histoire n'a pas réussi de soumettre la Russie. Ce n'est pas une simple déclaration, c'est le fait. Et pourtant, une telle tentative a été faite pour étancher la soif d'expansion de l'espace géopolitique contrôlée par l'Occident, par crainte de perdre le bénéfice, qui, selon Washington, était destiné à l'Occident comme le gagnant dans la guerre froide.
L'avantage de la situation actuelle est que tout est revenu à sa place, et nous avons pu voir de vrais objectifs de l'Occident, cachés derrière une déclaration sur la volonté de construire un espace commun de sécurité euroatlantique, une maison européenne commune. Comme chantait Boulat Okoudjava « le passé devient de plus en plus net ». Maintenant tout devient clair. A présent, notre tâche consiste non seulement à comprendre le passé (ce qui ne peut pas être contourné), mais aussi penser à l'avenir.
Le sujet de l'isolement de la Russie même ne mérite pas d'une discussion. Dans cette salle, il ne faut même pas en parler. Certes, notre économie subit des dommages à la suite des sanctions, mais seulement au prix d'un dommage à l'économie de ces pays qui les ont introduites. Il est à noter que de telles mesures détruisent le système des relations économiques internationales, notamment les principes sur lesquels elles se fondent. Avant, lorsque des sanctions ont été appliquées (alors que je travaillais à la Mission permanente de Russie auprès de l'ONU), s'il s'agissait de la Corée du Nord, l'Iran ou d'autres pays, nos partenaires occidentaux disaient qu'il était nécessaire d'introduire les restrictions de telle manière qu'elles ne nuisent pas à la sphère économique et sociale, n'affectent pas le domaine humanitaire. C'est l'élite qui été sélectivement touché. Maintenant, c'est l'inverse : les leaders des pays occidentaux déclarent publiquement qu'il faut des sanctions qui ruinent l'économie et provoquent des protestations populaires. Ainsi, l'Occident montre explicitement que son objectif ne consiste pas à essayer de modifier la politique de Moscou, mais à changer de régime en Russie. Personne ne le nie.
Récemment, le président russe Vladimir Poutine dans une interview a déclaré de l'horizon limitée des politiciens occidentaux. En effet, il est dangereux de prendre des décisions sur les grandes questions relatives à l'évolution du monde et de l'humanité sur la base des cycles électoraux courts: aux États-Unis cela se passe tous les deux ans, et chaque fois il faut inventer ou faire quelque chose afin d'attirer les votes des électeurs. C'est l'aspect négatif du processus démocratique, mais nous devons en tenir compte. On ne peut pas accepter la logique, quand on nous demande de se détendre et percevoir comme un fait établi que tout le monde a à souffrir en raison des élections aux États-Unis, qui se déroulent tous les deux ans. Cela ne marche pas comme ça. Nous ne l'accepterons pas, car le risque est trop gros en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive et de nombreux conflits sanglants, dont les effets négatifs vont bien au-delà des États et des régions concernés. Le désir d'agir pour gagner des avantages de façon unilatérale, ou dans le but de plaire aux électeurs pour les prochaines élections, mène au chaos et à la confusion dans les relations internationales.
Nous entendons quotidiennement le discours préféré de Washington sur sa propre exclusivité et l'obligation de supporter un tel fardeau - diriger le reste du monde. R.Kipling a parlé d'un «fardeau de l'homme blanc ». J'espère que ce n'est pas ça qui fait agir les Américains. Le monde d'aujourd'hui n'est ni blanc, ni noir. Il est multicolore et hétérogène. La position de leader peut être assurée non seulement par des déclarations de son exclusivité et le devoir donné par Dieu pour guider le monde, mais seulement par la capacité de trouver un consensus. Si les partenaires américains poursuivaient ce but, la Russie les aiderait activement.
Pour le moment, la ressource administrative américaine travaille toujours dans le cadre de l'OTAN, mais avec d'importantes réserves, et hors de l'Alliance, elle ne constitue pas la norme. Les résultats des tentatives américaines de « construire » la communauté internationale détournée de Moscou, par le biais des sanctions antirusses, le démontrent clairement. J'en ai parlé à maintes reprises, et nous avons de nombreuses preuves que partout dans le monde les ambassadeurs et les émissaires américains cherchent des réunions à haut niveau pour forcer le pays de punir la Russie avec eux, sinon ils seront obligés de prendre des mesures à l'encontre de ce pays. Cela se fait dans tous les États, sans exception, y compris nos alliés les plus proches (apparemment c'est le travail des analystes à Washington). Nous poursuivons le dialogue avec la majorité écrasante des États et il n'y a aucun isolement. La plupart de pays apprécient le rôle indépendant de la Russie sur la scène internationale. Non parce qu'ils aiment voir quelqu'un qui s'oppose aux Américains, mais parce qu'ils comprennent qu'il n'y a pas d'avenir stable pour l'ordre mondial où personne ne peut exprimer son opinion à haute voix (bien que la grande majorité exprime son opinion dans les couloires, mais ils ne veulent pas le faire en public par crainte de répressions de la part de Washington).
De nombreux analystes raisonnables comprennent qu'il s'agit d'un déséquilibre croissant entre les ambitions de l'Administration américaine et les possibilités réelles de cet état. Le monde évolue et comment cela se produit dans l'histoire, une fois l'influence et le pouvoir d'un pays atteint son pic, il y a ceux qui commencent à se développer encore plus rapidement et plus efficacement. Il faut tenir compte de l'histoire et procéder de la réalité. Les sept économies en développement, notamment les BRICS, ont déjà devancé le PIB du G7 occidental. Il vaut mieux de s'appuyer sur la réalité au lieu d'admirer sa propre grandeur.
Il est devenu à la mode de dire que la Russie mène une sorte de «guerre hybride» en Crimée et en Ukraine. Le terme est intéressant, mais je l'utiliserai par rapport aux États-Unis et leur stratégie de guerre. Leur objectif ne consiste pas à vaincre l'ennemi, mais à changer les régimes dans les États dont la politique ne correspond pas aux ambitions de Washington. Ils recourent à la pression financière et économique, les attaques par le moyen de l'information, le renforcement de pression le long des frontières de l'État, et, bien sûr, ils usent l'influence idéologique et médiatique avec le soutien des organisations non-gouvernementales financées de l'extérieur. N'est-ce pas un processus hybride et une sorte de guerre? Il serait intéressant de discuter sur le concept de la guerre hybride, comprendre qui la mène vraiment, ou bien s'il s'agit de « petits hommes verts ». Probablement la boîte à outils de nos partenaires américains est beaucoup plus grande qu'on n'y croit, et ils savent parfaitement s'en servir.
En tentant d'établir sa domination dans les conditions d'émergence de nouveaux centres de pouvoir politique, économique et financière, les Américains provoquent un réaction inverse en pleine conformité avec la troisième loi de Newton et contribuent ainsi à la création des structures, des mécanismes, des mouvements pour le recherche des alternatives aux recettes américaines de résolution de problèmes urgents. Il ne s'agit pas d'anti-américanisme, ni de la formation de coalitions dirigées contre les États-Unis, mais seulement de la volonté naturelle d'un nombre croissant des pays de protéger leurs intérêts vitaux et de le faire de la manière qu'ils considère juste, au lieu de suivre aveuglement ce qui leur est dicté depuis l'étranger. Personne ne va jouer aux jeux anti-américains juste pour contrer Washington. Nous sommes confrontés à des tentatives et à des faits d'application extraterritoriale de la législation américaine, à l'enlèvement de nos citoyens, malgré l'existence de traités avec Washington, qui prévoient la résolution de ces questions par le biais des tribunaux.
Selon la doctrine de sécurité nationale, les États-Unis ont le droit d'utiliser la force n'importe où, n'importe quand, sans approbation du Conseil de sécurité de l'ONU. C'est ainsi que la coalition contre l'État islamique a été formée, sans avoir recourir au Conseil de sécurité. J'ai demandé au secrétaire d'État John Kerry, pourquoi ils n'étaient pas venus au Conseil de sécurité de l'ONU. John Kerry a expliqué que dans un tel cas ils seraient obligés à préciser en quelque sorte le statut du président syrien Bachar al-Assad. C'est clair, parce que la Syrie est un État souverain, membre des Nations Unies (personne ne l'a exclue). Le Secrétaire d'État a répondu que ce n'était pas bien, parce qu'ils luttent contre le terrorisme et le régime al-Assad était le facteur le plus important qui attire les terroristes de partout dans le monde, qui agissae comme un «aimant» les attirant dans cette région dans les rangs des terroristes pour renverser ce régime. Je pense que c'est une logique perverse. Si nous parlons des précédents (les États-Unis suivent le droit jurisprudentiel), il convient de mentionner le désarmement chimique syrien, lorsque le régime d'Assad a coopéré très bien, et était un partenaire tout à fait légitime des États-Unis, de la Russie, de l'OIAC et d'autres. Les Américains poursuivent les négociations avec les talibans. Ayant la possibilité de tirer un profit, les Américains se comportent de manière assez pragmatique. Je ne sais pas pourquoi, cette fois-ci leur position dictée par l'idéologie a pris le dessus, leur position selon laquelle Assad n'est pas un partenaire. Peut-être il ne s'agit pas vraiment d'une opération contre l'EI, mais plutôt des mesures ouvrant la voie au renversement du régime sous le couvert de l'opération appelé à lutter contre le terrorisme.
Francis Fukuyama a récemment écrit le livre intitulé « Ordre politique et déclin politique », dans lequel il constate la réduction de l'efficacité de l'administration publique des États-Unis, le remplacement des traditions de gouvernance démocratique par des méthodes féodales. C'est à propos de la question comment « vivre dans une maison de verre» et s'il faut jeter des pierres.
Tout cela se passe dans le contexte de défis et de problèmes croissant dans le monde moderne. Nous assistons à la poursuite d'un « bras de fer » en Ukraine, à la menace croissante à la frontière sud de l'UE. Je ne pense pas que les problèmes du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord disparaîtront par eux-mêmes. L'UE a créé une nouvelle Commission, de nouveaux acteurs étrangers apparaissent, qui devraient faire face à un combat sérieux pour savoir où envoyer les ressources de base : soit à la poursuite de l'aventure en Ukraine, la Moldavie, etc. dans le cadre du « Partenariat oriental » (comme le préconise la minorité agressive dans l'Union européenne), soit écouter les pays d'Europe du Sud et prêter attention à ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée. C'est une question importante pour l'UE. A présent la plupart des responsables occidentaux soutiennent ceux qui sont guidés non par des problèmes réels, mais par l'idéologie de saisir rapidement tout ce qui est dans un état instable. C'est triste à constater. Exporter une révolution – qu'elle soit démocratique, communiste ou autre – ne promet rien de bon.
Dans la région du Proche-Orient et d'Afrique du Nord on peut constater la véritable désintégration des structures d'État, publiques et civilisationnels. L'énergie destructrice, libérée lors de ce processus, peut toucher les pays bien au-delà de la région. Les terroristes (y compris le l'EI) revendiquent un statut d'État. En plus, ils commencent à maîtriser le territoire, créer des organes administratifs quasi gouvernementaux. Dans ce contexte les minorités, y compris les chrétiens, sont bannies. L'Europe est trop politiquement correct pour en parler, les occidentaux ont honte quand nous les appelons à prendre des mesures conjointes à l'OSCE. Ils se demandent : pourquoi nous devons protéger des chrétiens? L'OSCE a organisé toute une série d'événements dédiés au mémoire de victimes de l'Holocauste. Il y a quelques années, l'OSCE, à l'initiative des européens, a lancé des événements contre l'islamophobie. De notre côté, nous allons offrir une analyse des processus menant à la christianophobie.
Les 4 et 5 décembre, lors du Conseil ministériel de l'OSCE à Bâle, nous ferons cette proposition. Mais la majorité des membres de l'UE tentent de contourner ce sujet, parce qu'ils ont honte d'en parler. Tout comme ils avaient honte d'écrire dans ce qui était alors le projet de constitution de l'Union européenne, élaboré par Valéry Giscard d'Estaing, une phrase que l'Europe a des racines chrétiennes. Si vous ne vous souvenez pas et ne respectez pas vos propres racines et traditions, comment pouvez-vous respectez les traditions et les valeurs des autres? C'est très logique. Le politologue israélien Shlomo Avineri, comparant ce qui se passe au Proche-Orient avec une période de guerres de religion en Europe, note qu'il est peu probable que la crise actuelle aboutisse à ce que l'Occident qualifie de réformes démocratiques.
Le conflit israélo-arabe persiste, et son règlement est au point mort. Il est difficile de jouer plusieurs parties à la fois. Les Américains tentent de le faire, mais cela ne fonctionne pas. En 2013, il leur a fallu neuf mois pour comprendre le conflit israélo-palestinien. Je ne vais pas évoquer les raisons, elles sont bien connues, mais ils ont échoué. Maintenant, ils ont demandé plus de temps pour tenter de parvenir à un progrès cette année-là, pour que les Palestiniens n'aillent pas à l'ONU signer le Statut de la Cour pénale internationale, etc. Soudainement, on apprend que les négociations sur l'Iran sont en cours. Le département d'État américain a abandonné la Palestine et s'est mis à la question iranienne.
Le secrétaire d'État américain John Kerry et moi avons convenu d'envisager ce sujet dans les prochains jours. Il est important de comprendre qu'on ne peut pas « faire geler » le problème de l'État palestinien. Son suspens depuis près de 70 ans est l'un des principaux arguments de ceux qui recrutent des extrémistes dans leurs rangs: «il n'y a pas de justice: on nous avait promis de créer deux états, l'État juif a été créé, mais ils ne créeront jamais un État arabe ». La rue arabe affamée le perçoit comme un sérieux argument, et on commence à appeler à un combat pour la justice par d'autres méthodes.
Le président russe Vladimir Poutine a déclaré lors d'une réunion du club Valdaï à Sotchi, qu'il était nécessaire d'adopter un nouveau cadre d'interdépendance. Il faut faire réunir les grandes puissances à la table des négociations et s'entendre sur la façon dont les intérêts légitimes fondamentaux de tous les grands acteurs peuvent être jumelés dans un nouveau cadre (je ne sais pas comment il sera appelé, mais il doit se baser sur la Charte de l'ONU). Les négociateurs devraient se mettre d'accord sur des restrictions auto-imposées, sur une gestion conjointe des risques dans le contexte des relations internationales démocratiques. Nos partenaires occidentaux font la promotion des idées qui devraient régner dans tout État : la primauté du droit, la démocratie, le respect des opinions des minorités, tandis qu'ils oublient ces mêmes principes sur la scène internationale. C'est la Russie qui joue le rôle de pionnier dans la promotion des principes de la démocratie, la justice, la primauté du droit international. Le nouvel ordre mondial ne peut être que polycentrique et il devrait refléter la diversité culturelle et civilisationnelle du monde moderne.
Vous connaissez notre position sur la nécessité de garantir l'indivisibilité de la sécurité et de fixer ce point dans le plan juridique. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet.
J'aimerais soutenir les idées du Conseil, qui suggère que le développement accéléré des régions de l'est du pays est une condition préalable indispensable pour le développement de la Russie dans son ensemble, pour le renforcement de ses positions en tant qu'une grande puissance mondiale du XXI siècle. C'est Sergueï Karaganov qui était l'un des premiers à conceptualiser cette idée, et je suis entièrement d'accord avec cette approche. Nous avons besoin d'un élan considérable dans nos relations avec les pays d'Asie-Pacifique. C'est dans ce sans-là que la Russie a travaillé dans le cadre du sommet de l'APEC à Pékin et lors du forum du G20. Nous allons continuer à promouvoir cette approche dans un nouveau contexte du lancement prochain de l'Union économique eurasiatique (UEEA), le 1 janvier 2015.
On nous prend pour des «sous-hommes». Depuis plus de dix ans, la Russie cherche à établir un partenariat avec l'OTAN par le biais de l'OTSC. Ce n'est pas dans le but de faire jouer l'OTAN et l'OTSC « sur un pied d'égalité ». L'OTSC se concentre sur la capture des trafiquants de drogue et des migrants illégaux sur le périmètre extérieur des frontières de l'Afghanistan, tandis que l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord est l'épine dorsale des forces de sécurité internationales, qui, entre autres, sont chargées à faire face à la menace terroriste et à l'élimination de ses sources de financement, notamment le trafic de drogue. Nous avons essayé tous les moyens possibles en vue d'établir le contact en temps réel avec les membres de l'OTAN. Nous avons supplié et exigé de nous avertir lorsqu'ils détectent une caravane transportant les drogues et lorsqu'ils se trouvent dans l'impossibilité de l'arrêter, pour que les forces de l'OTSC puissent l'intercepter de l'autre côté de la frontière. Ils ont tout simplement refusé de nous parler. Dans les conversations privées, ceux qui nous soutiennent au sein de l'OTAN, nous ont confié que c'est pour des raisons idéologiques que l'Alliance ne veut pas considérer l'OTSC comme une organisation égale. La même attitude condescendante et arrogante s'est manifestée jusqu'à récemment à l'égard du processus économique eurasienne d'intégration. Bien que les pays qui forment et ont l'intention de se joindre à l'UEEA aient beaucoup plus en commun au niveau économique, historique et culturel que de nombreux pays de l'UE. Cette alliance n'a pas pour le but de créer des obstacles dans les relations avec qui que ce soit. Au contraire, nous insistons sur le caractère ouvert de cette union. Je suis sûr que ce sera un élément majeur à la construction d'un pont entre l'Europe et la région Asie-Pacifique.
Je ne peux pas ne pas mentionner le développement d'un partenariat global entre la Russie et la Chine. Nous avons pris des décisions importantes sur une base bilatérale, qui ouvrent la voie à la formation d'une alliance énergétique russo-chinoise. Mais il y a plus que cela. A présent il y a beaucoup de raisons pour parler de la formation de l'alliance technologique russo-chinoise. Notre tandem avec Pékin est l'un des facteurs crucial dans le maintien de la stabilité internationale et d'un certain équilibre dans les affaires internationales, la garantie du respect de la primauté du droit international. Nous allons utiliser pleinement le potentiel de nos relations avec l'Inde et le Vietnam - nos partenaires stratégiques – ainsi qu'avec les pays de l'ASEAN. Nous sommes ouverts à l'élargissement de la coopération avec le Japon, si seulement nos voisins japonais montrent la compréhension de leurs propres intérêts, au lieu de suivre les conseilles imposés depuis l'étranger.
Certes, l'Union européenne est notre le plus important partenaire collectif. La Russie ne tente pas de renoncer à coopérer avec l'UE, mais les relations au format précédent n'auront plus lieu. C'est que nos partenaires européens nous disent, mais le fait est que nous ne voulons plus faire les choses à l'ancienne. Ils croyaient toujours que la Russie leur devait quelque chose, tandis que nous voulons coopérer sur un pied d'égalité. Par conséquent, les choses ne seront plus jamais les mêmes, mais je suis convaincu que nous allons surmonter la période actuelle, les leçons seront tirées et une nouvelle base de notre relation surgira.
On entend parler à haute voix de l'utilité de la formulation d'un espace économique et humanitaire unique de Lisbonne à Vladivostok. Le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a déclaré publiquement (bien que nous en parlions depuis longtemps) de la nécessité d'un dialogue entre l'UE et l'UEEA. L'initiative du président russe Vladimir Poutine, présentée en janvier dernier à Bruxelles, sur le lancement qu'en tant que la première étape des négociations sur la création d'une zone de libre-échange entre l'UE et l'Union douanière d'ici 2020, n'est plus considérée comme quelque chose d'exotique. Tout cela est déjà devenu une partie intégrante de la diplomatie et de la politique réelle. Pour l'instant, cela reste au niveau de discussion, mais je suis convaincu que nous parviendrons à ce qu'on appelle «l'intégration des intégrations ». Ce sera l'une des tâches clés que nous voulons promouvoir dans le cadre de l'OSCE lors du Conseil ministériel de Bâle.
La Russie va assumer la présidence des BRICS et de l'OCS. Ces deux organisations tiendront leurs sommets prochains à Oufa. Ce sont les structures très prometteuses de la nouvelle ère. Ce ne sont pas les blocs (en particulier les BRICS), mais les associations ayant les mêmes intérêts, qui réunissent les pays de tous les continents, qui partagent des approches communes quant à l'avenir de l'économie, de la finance et de la politique mondiales.