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Réponse du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov à une question des médias relative à la situation en Ukraine lors de la conférence de presse conjointe à l'issue des négociations avec le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari, Bagdad, le 20 février 2014

330-20-02-2014

Question: Comment pouvez-vous commenter l'introduction des sanctions américaines contre des responsables ukrainiens, ainsi que la demande de l'EU d'organiser des élections présidentielles anticipées? Est-ce que vous pensez qu'on a commencé une guerre d'information, et les médias ne cessent de donner l'information sur l'implication de la Russie aux événements ukrainiens?

Lavrov : En ce qui concerne les accusations contre la Russie, nous avons un proverbe bien connu, expliquant que le​​ pêcheur a toujours peur, qui se sent morveux se mouche, qui se sent galeux se gratte. Nous sommes le plus profondément préoccupés par ce qui se passe en Ukraine et, en particulier, comment cette situation est interprétée et influencée depuis les capitales occidentales. L'information des médias est présentée sous une forme très déformée, ce sont des formules simples avec les demandes de l'Ouest au gouvernement de ne pas toucher le Maïdan, qui sont inculquées. En même temps ils préfèrent de ne pas parler de ce que représente ce Maïdan. On ne fait pas de commentaires ou d'explications sur des voitures brûlées, des «cocktails Molotov» jetés contre la police, des assassinats à l'intérieur du bâtiment du «Parti des régions» capturé par les radicaux. On ne parle pas des cas de violence contre les gouverneurs dans les différentes régions de l'Ukraine, des faits liés aux tentatives réussites de se procurer des armes. On n'appele que le côté du gouvernement d'arrêter la violence contre les «manifestants apparemment pacifiques».

Le gouvernement et le président de l'Ukraine ont plusieurs fois manifesté leur bonne volonté, ils ont proposé de trouver un compromis, ils ont accepté de libérer les détenus de Maidan en échange à la libération des bâtiments gouvernementaux. Le gouvernement a tenu pour sa part à ses engagements, contrairenet à l'opposition. Dans leurs reportages les médias occidentaux de font pas mention d'une organisation comme «Le Secteur de droit», dont les membres ont ouvertement déclaré qu'ils n'allaient coopérer ni avec le gouvernement, ni l'opposition, pour agir à leur guise. Dans le même temps, ils utilisent des méthodes extrémistes et radicaux, recourt régulièrement à la force.

L'opposition ne peut pas ou ne veut pas se désolidariser des extrémistes, et nos partenaires occidentaux en Europe et aux Etats-Unis confèrent toute la responsabilité aux autorités ukrainiennes sans évaluer proprement les actions des extrémistes. Cette situation nous inquiète, car ici il s'agit des doubles standards. En revanche on menace de sanctions, les Américains les ont déjà introduites à l'égard de certains représentants des autorités ukrainiennes, en créant ainsi une motivation supplémentaire pour l'opposition pour être moins pliable, et en incitant d'une manière indirecte, ou même directe, les militants à continuer ce comble. L'Union européenne s'apprête elle aussi à discuter des sanctions à décréter à l'encontre du gouvernement ukrainien et le fait pratiquement en parallèle avec l'envoi de sa nouvelle mission à Kiev. Comment peut-on évaluer les services de cette mission, alors que les menaces de sanctions formulées parallèlement font penser à un chantage.

Nous sommes surpris par ce que nous entendons aujourd'hui de Washington. En particulier, une source anonyme affirme que Washington ne peut pas joindre par téléphone les représentants des forces de l'ordre ukrainiennes. Une autre déception des responsables américains est le fait qu'ils ne comprennent pas la position de la Russie et ne savent pas ce que dit la Russie aux représentants ukrainiens. Notre position est très claire. Nous la déclarons publiquement et nous ne disons à nos collègues ukrainiens rien d'autre. Les Ukrainiens doivent s'en sortir eux-mêmes dans le cadre de leur cadre constitutionnel, sans des propositions obsédantes de recevoir telle ou telle mission, qui arrivent souvent sans aucune invitation. Notre position est que tous les acteurs étrangers, ainsi que l'opposition ukrainienne, doivent se dissocier des extrémistes, radicaux et antisémites d'une façon décisive et urgente. Il faut le faire explicitement et appuyer les paroles par des actes.

Russie n'a rien à cacher. Mais nous voudrions savoir plus sur ce que font chaque jour en Ukraine des représentants des pays occidentaux, y compris le Haut Représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, que je respecte beaucoup. Tout le monde connaît la situation où à la fin de janvier dernier, lors de sa visite à Kiev, elle a organisé une rencontre avec des journalistes sans y laisser entrer les médias russes.

Un autre point important est qu'il est le temps d'arrêter enfin à utiliser l'Ukraine comme une monnaie d'échange dans le grand jeu géopolitique, lancer divers appels aux autorités ukrainiennes formulés dans la logique «soit avec nous, soit contre nous». Vous avez probablement entendu parler que les capitales occidentales ont à plusieurs reprises demandé de garantir la liberté de choix pour le peuple ukrainien, en ajoutant que c'est un choix en faveur de l'Union européenne. Le but d'imposer ce choix aux dirigeants ukrainiens est bien visible dans les initiatives mises à l'avant maintenant, et dans les exigences d'organiser des élections législatives et présidentielles anticipées, former un gouvernement de coalition. Tout le monde essaie de prendre des décisions au lieu de l'Ukraine. Aujourd'hui Washington a déclaré que tous ces changements devraient permettre à l'Ukraine à s'intégrer pleinement dans la communauté mondiale. Cela semble étrange, parce que l'Ukraine est un membre à part entière de l'ONU, le pays est même l'un de ses fondateurs, et un membre du Conseil de l'Europe et de l'OSCE. Quelle intégration encore plus pleine dans la communauté mondiale peut-on imposer à ce pays? L'intégration dans l'UE et l'OTAN? Si ceci est la vraie communauté mondiale dans les yeux de nos partenaires occidentaux, nous ne pouvons pas l'accepter.

Nous sommes contre les lignes de démarcation et ne font jamais avancer nos intérêts au détriment des partenaires. Nous voudrions que le gouvernement ukrainien et l'opposition se mettent d'accord sur la façon de surmonter la crise actuelle dans le cadre constitutionnel et juridique existant, et unissent leurs efforts contre les extrémistes qui essaient de provoquer une guerre civile.