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Réponse à la presse de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Moscou, 27 janvier 2022

106-27-01-2022

 

Question: Vous avez reçu la réponse des Américains à la proposition russe sur les garanties de sécurité. Que contient-elle? Quelle est leur réaction? Antony Blinken a déclaré qu'ils ne voulaient pas que le document transmis soit rendu public. Qu'a décidé la partie russe?

Sergueï Lavrov: Je pense que le contenu de la réponse sera connu du grand public très prochainement. Comme nos collègues américains nous l'ont dit (même s'ils préfèreraient que le document ne sorte pas du cadre du dialogue diplomatique confidentiel), il a été convenu avec tous les alliés des États-Unis et la partie ukrainienne. Personne ne doute qu'il y aura des "fuites" dans un avenir très proche?

En ce qui concerne le contenu du document. Il y a là des réactions qui nous permettent de penser qu'une conversation sérieuse va s'engager, mais sur des thèmes secondaires. Sur la question principale, ce document ne contient pas de réaction positive. La question principale est notre position claire sur le caractère inadmissible d'un nouvel élargissement de l'Otan vers l'Est et du déploiement d'armes offensives susceptibles de menacer le territoire de la Fédération de Russie. Cette position ne sort pas de nulle part. Comme vous le savez, les questions relatives à la non-expansion ou à l'expansion de l'Otan (c'est selon) ne datent pas d'hier. Au début des années 1990, puis dans les années 1990, quand l'Allemagne s'est réunifiée et que les questions de sécurité européenne étaient en train d'être résolues, on nous avait juré de ne pas étendre l'Otan d'un pouce à l'Est de l'Oder. Ces faits sont bien connus, figurent dans de nombreux mémoires de personnalités britanniques, américaines et allemandes. Mais aujourd'hui que ce sujet fait l'objet d'un débat très aigu, on a commencé par nous dire que ces assurances étaient orales. Ensuite, quand nous avons montré les mémoires, nos partenaires occidentaux ont commencé à évoquer le fait que ce n'était pas vraiment sérieux, qu'ils avaient été mal compris. Ils ont commencé à expliquer de manière pas du tout "adulte" leur position sur l'expansion effrénée de l'Alliance.

Maintenant que nous présentons non pas des promesses verbales, mais des documents écrits signés par les dirigeants de tous les pays de l'OSCE, y compris par le président américain (la déclaration d'Istanbul de 1999, la déclaration d'Astana de 2010), nos partenaires occidentaux doivent déjà se tirer d'une situation plus sérieuse. Ce que je veux dire, c'est que les deux documents affirment que nous sommes tous attachés au principe de l'indivisibilité de la sécurité et que nous nous engageons à le respecter. Ce principe est clairement formulé. Il contient deux grandes approches interdépendantes. La première est le droit de chaque État de choisir librement ses alliances militaires. La seconde est l'obligation pour chaque État de ne pas renforcer sa sécurité au détriment de celle des autres. En d'autres termes, le droit de choisir des alliances est clairement conditionné par la nécessité de prendre en compte les intérêts de sécurité de tout autre État de l'OSCE, y compris de la Fédération de Russie.

Il est révélateur qu'aujourd'hui, quand nos collègues occidentaux répondent à nos propositions visant à convenir de garanties juridiquement contraignantes dans la région euro-atlantique, ils demandent toujours le respect des principes convenus concernant l'architecture de sécurité dans la région euro-atlantique. Ils disent: cela signifie que l'Otan a le droit de s'étendre; personne n'a le droit d'interdire à l'Otan d'étudier la candidature d'un pays. Le principe selon lequel on ne peut pas renforcer sa propre sécurité au détriment de celle des autres est délibérément passé sous silence. Ni la déclaration d'Istanbul ni celle d'Astana ne sont mentionnées par nos partenaires occidentaux dans les discussions sur la sécurité européenne qui ont lieu actuellement. Ces deux documents sont soigneusement évités. Nous ne pouvons pas accepter une telle position. Si, dans les années 1990, on pouvait nous l'expliquer par l'absence d'engagements écrits de ne pas étendre l'Otan, ces engagements écrits existent aujourd'hui. Ils ont été confirmés plus d'une fois dans le cadre de l'OSCE, y compris au plus haut niveau. Nous allons maintenant nous consacrer à clarifier cette position trompeuse de nos collègues occidentaux.

A Genève, lors des pourparlers avec Antony Blinken, je lui ai demandé comment ils pouvaient expliquer leur position selon laquelle ils considéraient les engagements de l'OSCE uniquement comme un "menu". Ils n'y choisissent que ce qui a "bon goût" pour eux. Ils tentent d'ignorer et d'oublier ce à quoi ils se sont engagés dans l'intérêt des autres. Antony Blinken n'a pas répondu à la question, il a haussé les épaules. C'est tout. Je l'ai prévenu, comme nos autres collègues, que dans un avenir très proche nous leur enverrions une demande formelle d'expliquer pourquoi ils ne retiraient qu'un seul paragraphe de leurs propres engagements, et pourquoi ils essayaient d'ignorer les termes de ce paragraphe "préféré". Il s'agira d'une demande officielle adressée à tous les pays dont les dirigeants ont signé les déclarations d'Istanbul et d'Astana. Espérons que, dans ce cas, il ne leur faudra pas beaucoup de temps pour expliquer pourquoi l'Occident adopte cette position précise.

Pour le reste, nous sommes en train d'étudier la réponse que nous avons reçue des Américains. Comme l'a dit Antony Blinken lui-même, elle a été convenue avec les Ukrainiens et d'autres pays occidentaux alliés des États-Unis. Nous avons également reçu une réponse de l'Alliance du Traité de l'Atlantique Nord, du Secrétaire général Jens Stoltenberg. Nous considérons les deux documents comme un ensemble, étant donné qu'ils constituent une réaction au projet de traité et d'accord que nous avons fait circuler en décembre 2021. Une fois que nous aurons trouvé un accord entre les ministères, nous ferons un rapport au Président Vladimir Poutine. C'est lui qui décidera des prochaines démarches à entreprendre.

 

 


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