Allocution du Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l'OSCE Alexandre Loukachevitch lors de la réunion du Conseil permanent de l'OSCE sur la situation en Ukraine et la nécessité de remplir les Accords de Minsk, Vienne, 9 juin 2016
Monsieur le Président,
La situation sur la ligne de contact dans le Donbass est très alarmante. Kiev fait tout pour faire échouer la mise en œuvre des Accords de Minsk tout en essayant cyniquement d'en rendre responsable la partie adverse.
Cette nuit les militaires ukrainiens ont commis une provocation manifestement planifiée – ils ont sciemment bombardé un quartier civil de Donetsk et de Makeevka. Selon les observateurs du Centre conjoint de coordination et de contrôle (CCCC), jusqu'à 70 obus de plus de 122 mm ont été tirés.
D'après les informations préliminaires, un civil a été tué, 11 blessés, dont un enfant de 3 ans. 15 immeubles résidentiels ont été endommagés. De par leur intensité, ces bombardements nocturnes sont comparables aux événements d'août 2015.
Nous attendons de la Mission spéciale d'observation (MSO) et du CCCC une enquête immédiate et un constat des conséquences de ces attaques. Il faut de toute urgence empêcher de telles provocations de Kiev. Conformément à l'Avenant aux Accords de Minsk du 29 septembre 2015, les représentants de Donetsk ont exigé une réunion extraordinaire du Groupe de contact en visioconférence. Cependant, la partie ukrainienne a refusé. Nous pensons qu'un tel comportement ne contribue pas à la désescalade.
Tout cela n'est rien d'un hasard. Tel est le résultat des agissements successifs des militaires ukrainiens. D'abord des tirs isolés, l'occupation de "zones grises" pour réduire la distance avec les forces opposées, puis des bombardements massifs, y compris avec des armements lourds et en utilisant des drones pour la reconnaissance et le guidage du tir, enfin, les tentatives de percer la défense des forces adverses près de Iassinovataïa.
Nous confirmons la nécessité d'un travail vraiment objectif de la MSO, d'une patrouille symétrique et intensive dans la zone de sécurité. Sachant qu'il est inadmissible de créer à l'aide de la MSO des avantages quelconques pour l'une des parties en conflit. Même l'exemple du vol de drones montre que leurs itinéraires sont non seulement convenus avec Kiev, mais ils sont également suivis de près par ce dernier. Les patrouilles des observateurs de la MSO font visiblement l'objet d'une surveillance tout aussi minutieuse.
Il est important d'accroître l'efficacité de la MSO, d'augmenter son potentiel sur la ligne de contact, d'y déployer des observateurs supplémentaires, d'assurer la démilitarisation des points chauds. La MSO pourrait jouer le rôle d'un facteur de dissuasion important pour empêcher le retour de militaires ukrainiens dans les régions démilitarisées – l'expérience de Chirokino doit être prise en compte. Compte tenu d'une disparition massive d'armements essentiellement dans les dépôts ukrainiens, il serait utile de déployer un groupe d'observateurs permanent dans ces dépôts.
Il faut accorder davantage d'attention au fond informationnel créé autour des observateurs. Les spéculations publiques sur les perspectives d'une prétendue transformation de la MSO en une mission armée, censée "rétablir l'ordre" sur les territoires incontrôlés par Kiev, sont complètement contreproductives. Il est d'autant plus grave de déformer le fond des discussions ou des accords au sommet et à haut niveau en prenant ses envies pour la réalité.
En ce qui concerne les aspects politiques. Les tentatives de déformer la succession des démarches indiquées dans les Accords de Minsk sont dangereuses. Le rétablissement du contrôle de la frontière fait partie des dernières étapes de la mise en œuvre des Accords de Minsk qui sera terminée après un règlement politique à part entière.
Il est à noter l'importance primordiale des questions relatives aux élections dans le Donbass, à l'amnistie, au statut particulier de cette région, à l'inscription dans la Constitution de sa décentralisation compte tenu des particularités de certaines régions de Donetsk et de Lougansk qui sont indissociablement liées. Les tentatives de les dissocier sont contreproductives.
Toutes les questions concernant les élections dans le Donbass doivent être convenues avec les représentants de Donetsk et de Lougansk dans le cadre du Groupe de contact, y compris leur sécurité, ainsi que les questions relatives au statut et à la réforme constitutionnelle dans le sens des Accords de Minsk. Nous appelons la partie ukrainienne à s'abstenir des démarches unilatérales non convenues.
Nous soulignons l'importance primordiale d'un dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk, qui est absolument nécessaire pour le succès du règlement pacifique du conflit en Ukraine. D'autres formats – les contacts bilatéraux et le "quartet de Normandie" – sont appelés à contribuer à la recherche de solutions constructives mais ne peuvent pas et ne doivent pas la substituer.
Chers collègues,
La publication du 14e rapport de la Mission de l'Onu pour le suivi du respect des droits de l'homme en Ukraine a tout de même poussé plusieurs délégations, notamment la Suisse, à attirer l'attention sur la situation dans ce pays sur un plan plus large. Force est de constater que les accusations de nombreuses violations des droits de l'homme sur le territoire contrôlé par Kiev ne concernent pas uniquement les membres de bataillons nationalistes, mais également les institutions officielles, y compris le Service de sécurité ukrainien (SBU). Il est notamment questions de disparitions violentes, de détention arbitraire et secrète, de tortures et de traitements violents. Nombre de ces cas concerne la détention sans droit de communiquer dans des prisons secrètes où les tortures et les violences sont constamment employées pour obtenir des aveux ou des informations, pour intimider ou punir la victime.
Nous appelons également à attirer l'attention sur les particularités de la justice ukrainienne contemporaine qui, comme par exemple à Odessa, doit plier sous la pression des radicaux. Exemple – le procès du tribunal d'Odessa a été une nouvelle fois reportée au 16 juin. On voudrait savoir comment auraient agi les forces de l'ordre dans d'autres pays de l'OSCE dans une telle situation de sévices à l'encontre de civils, comme cela s'est produit en mai 2014.
Merci pour votre attention.