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Allocution et réponses de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, lors d'une réunion du Club diplomatique, Moscou, 15 mai 2025

802-15-05-2025

 

Votre Excellence,

Chers amis,

Je suis heureux de vous accueillir pour cette excellente occasion, à savoir la reprise des activités du Club diplomatique.

Nous avons utilisé ce format pendant une période assez longue. Il était très populaire. Puis la pandémie a commencé. Après la pandémie, il y a eu l'inertie. Et lorsque l'opération militaire spéciale a débuté, nous avons mis en place la pratique des rencontres du Ministre avec les ambassadeurs pour expliquer nos actions en lien avec la crise ukrainienne. Huit de ces rencontres ont déjà eu lieu. La prochaine est prévue dans un avenir très proche.

Je suis heureux que nous reprenions maintenant le travail à part entière du Club diplomatique, qui sera consacré à l'examen de tous les problèmes qui vous intéressent, y compris avec la participation de notre communauté d'experts, des universitaires, des personnalités de la culture, de l'art et, bien sûr, des représentants des régions russes. Je suis heureux de voir ici le gouverneur de la région de Nijni Novgorod, Gleb Nikitine, qui accorde beaucoup d'attention aux facteurs externes du développement de sa région et au renforcement des liens dans le contexte de notre politique étrangère.

Nous souhaitons également que ceux qui travaillent avec l'Académie diplomatique du Ministère russe des Affaires étrangères se joignent à ce travail. C'est précisément sur cette plateforme que sont nées les traditions du Club diplomatique. Je voudrais remercier le recteur par intérim Sergueï Chitkov, tous les autres organisateurs, et, bien sûr, VEB.RF pour cette opportunité. Les entreprises russes sont également une composante très importante de votre travail ici, dans la capitale russe. Et nous faciliterons de toutes les manières possibles la "diplomatie d'affaires" qui vous permettra de mieux comprendre les tâches qui vous ont été confiées par vos dirigeants et de déterminer les moyens les plus efficaces de les réaliser.

Je souhaite faire une brève introduction, puis nous aurons un dialogue interactif, c'est ce qu'il y a de plus intéressant dans les échanges avec l'auditoire.

Contrairement à toutes les prévisions des futurologues, la profession de diplomate reste recherchée. Nous en sommes de plus en plus convaincus. Oui, on dit que l'intelligence artificielle nous talonne. Mais les talons du diplomate sont solides, et ce n'est certainement pas le "talon d'Achille" de notre organisme. Si vous êtes un bon diplomate, aucune intelligence artificielle ne remplacera votre intelligence naturelle, votre intuition, votre expérience et votre érudition. L'érudition de l'intelligence artificielle est un peu différente, nous y avons été confrontés.

Seul un être humain avec une expérience d'érudition peut trouver des solutions créatives. C'est cela la diplomatie. De telles solutions aujourd'hui - créatives, innovantes, basées sur des principes solides, sur un équilibre des intérêts afin que les crises ne se reproduisent pas - de telles situations sont en très grand nombre. L'Ukraine est maintenant sur toutes les lèvres en lien avec l'intrigue qui se déroule à Istanbul littéralement en ces heures et minutes. Mais n'oublions pas la tragédie de Gaza, la tragédie globale des territoires palestiniens, les autres problèmes du Moyen-Orient qui ont été créés à la suite de la politique complètement irréfléchie et agressive des pays de l'Otan, qui recourent à la force armée sans aucune réflexion, simplement parce que quelque chose ou quelqu'un quelque part ne leur plaît pas.

Souvenez-vous comment ils ont détruit l'Irak, puis il s'est avéré que cette destruction était vaine, car il n'y avait pas d'armes de destruction massive. Que faire? Tony Blair s'est lamenté dans ses mémoires, et c'est tout. Ils ont détruit la Libye simplement pour se venger de Mouammar Kadhafi pour sa politique indépendante et, par la même occasion, pour dissimuler des faits bien connus selon lesquels il avait financé l'un des candidats à l'élection présidentielle en France. Ce candidat, qui est devenu président par la suite, ne voulait absolument pas révéler qu'il recevait de l'argent d'un État étranger. Il y a un grand nombre d'exemples de ce genre. Tout cela a été fait sous des déclarations pompeuses sur la nécessité de défendre la démocratie, les droits de l'homme et bien d'autres choses.

En plus des crises directes persistantes, je mentionnerai aussi le Yémen, le problème du mouvement des Houthis. Il existe également des situations qui nécessitent des compétences de négociation. Prenez le programme nucléaire iranien, toute une série d'autres problèmes qui surgissent dans le processus de transformation géopolitique du monde, de lutte géopolitique, lorsque les ambitions s'affrontent. Regardez ce qui se passe actuellement dans la région Asie-Pacifique, que l'Occident a commencé à appeler région Indo-Pacifique pour donner à sa politique une orientation clairement anti-chinoise, espérant ainsi obtenir une possibilité supplémentaire de mettre en opposition nos grands amis et voisins, l'Inde et la Chine. C'est la politique (le Président russe Vladimir Poutine l'a récemment évoquée à nouveau) de diviser pour mieux régner.

En ce qui concerne la région Asie-Pacifique, il y existe des espaces géopolitiques majeurs, l'un d'entre eux étant l'Asie centrale. Beaucoup de processus diplomatiques se déroulent actuellement autour d'elle. Le format "Asie centrale+1" a déjà dépassé la douzaine, je crois, tant il y a de candidats désireux de développer des relations avec nos amis d'Asie centrale.

Prenez ce qui se passe en Asie du Sud-Est et autour d'elle. Nos collègues occidentaux, comme dans n'importe quelle autre partie du monde, veulent y jouer le rôle principal, saper le rôle central de l'Asean, qui convenait à tous depuis de longues décennies, était fondé sur la formation d'un espace unificateur par les pays de l'Asean et leurs partenaires de dialogue dans les domaines de la politique, de la coopération militaire, de la défense. Tout cela était basé sur des règles que les membres de l'Asean eux-mêmes ont conçues et approuvées. Tous les partenaires de dialogue, lorsqu'ils rejoignaient ce format, promettaient solennellement de respecter ces règles.

Les règles de consensus, les règles de recherche de points communs, tout cela nos collègues occidentaux commencent doucement à mettre de côté et tentent d'attirer certains membres de l'Asean dans des formats ouvertement conflictuels, et non unificateurs: différents "troïkas" et "quartets". Les dirigeants du secrétariat de l'Otan déclarent déjà sérieusement qu'en étant une alliance pour la défense des territoires des pays membres, ils sont obligés d'implanter leur infrastructure en Asie du Sud-Est, dans le détroit de Taïwan, en mer de Chine méridionale et ainsi de suite, parce que c'est précisément de là que proviendraient maintenant des menaces militaires directes pour les pays de l'Alliance. Il n'est même pas nécessaire de prouver que ce sont, pour le dire gentiment, des fantaisies, et pas très décentes.

Bien sûr, il y a aussi des processus régionaux. J'ai mentionné le programme nucléaire iranien, mais il y a des processus entre tous les États riverains du golfe Persique: l'Iran et le Conseil de coopération du Golfe, qui comprend six monarchies arabes. Entre eux aussi se déroulent des processus de normalisation des relations. Nous saluons également cela.

Si l'on considère notre continent eurasien, de grandes civilisations continuent d'y exister: chinoise, indienne. La civilisation ottomane connaît également une renaissance actuellement. Nous espérons que ce processus de renaissance sera harmonisé avec d'autres tendances sous-régionales, afin que tous ces processus millénaires ne se contredisent pas, mais soient incarnés dans une sorte de "cohabitation". Il n'existe pas d'autres continents comme l'Eurasie, où tant de civilisations coexisteraient et préserveraient leur identité et leur pertinence à l'époque moderne.

En même temps, l'Eurasie est le seul continent sans structure continentale unifiée. En Afrique, il y a l'Union africaine, nos grands amis. Oui, il y a aussi des formats sous-régionaux, mais au-dessus d'eux se trouve l'Union africaine, structure continentale. En Amérique latine et dans les Caraïbes, il y a également de nombreux processus d'intégration sous-régionaux, mais il existe aussi une structure continentale, régionale: la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (Celac). En Eurasie, il n'y a rien de tel. On ressent le besoin d'un tel processus unificateur, notamment pour que les intérêts de nombreuses grandes puissances et civilisations soient harmonisés. Jusqu'à présent, de tels processus n'ont été observés que dans la partie occidentale de l'Eurasie, et tous étaient fondamentalement basés sur le concept euro-atlantique. C'est l'Otan, l'OSCE, créée comme structure euro-atlantique. C'est aussi l'Union européenne, aussi étrange que cela puisse paraître. Je vais l'expliquer maintenant.

Bien sûr, l'Union européenne a été créée à des fins tout à fait différentes. Elle a été créée pour unir les efforts, promouvoir un développement économique plus efficace des pays européens (c'est plus facile de le faire ensemble) et, grâce à l'accélération du développement économique, résoudre les problèmes sociaux que l'Europe d'après-guerre connaissait en abondance. Mais ces dernières années, l'Union européenne s'est également transformée en une structure euro-atlantique, car tout ce qu'elle fait est coordonné avec l'Alliance de l'Atlantique Nord. Il y a quelques années, une Déclaration sur la coopération entre l'Otan et l'UE a été signée, dans laquelle l'Union européenne met à disposition ses capacités, y compris son territoire, son infrastructure de transport et tout ce qui pourrait être nécessaire à l'Otan si, par exemple, elle souhaite transférer davantage de troupes et d'équipements militaires vers les frontières de notre pays. Cela se discute ouvertement.

En ce qui concerne le reste du continent eurasien, il y a eu une initiative utile du premier président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev, de créer la Conférence pour l'interaction et les mesures de confiance en Asie. Cette initiative s'est activement développée. Maintenant, après de nombreuses années pendant lesquelles le Kazakhstan a dirigé cette structure, l'Azerbaïdjan préside cette conférence, et un processus de transformation de cette conférence en organisation est en cours. C'est une manifestation de cette tendance à l'unification. Nous la saluons. Mais il devrait s'agir, en fin de compte, comme c'est le cas en Afrique et en Amérique latine, d'avancer vers la création d'une structure continentale. Peut-être qu'il ne faut pas l'appeler organisation. Un processus continental. L'essentiel est qu'il soit ouvert à tous les pays d'Eurasie sans exception. Pas seulement la partie européenne ou seulement la partie asiatique du continent, mais pour tous les pays et associations ayant un contexte eurasien clairement défini.

C'est un processus complexe, mais il faut toujours commencer par quelque chose. En règle générale, ce genre de choses commence par des réflexions. Nous sommes très reconnaissants à nos amis biélorusses. Il y a quelques années, le Président de la Biélorussie Alexandre Loukachenko a lancé une Conférence annuelle sur la sécurité eurasienne. Deux conférences ont déjà eu lieu, la troisième se tiendra cet automne. Cette conférence sera annuelle. La Russie, avec la Biélorussie, dans le contexte de ces discussions, propose de commencer à élaborer une Charte eurasienne de la multipolarité et de la diversité au XXIe siècle, en invitant, je le souligne, tous les pays sans exception situés sur le continent eurasien, y compris la partie occidentale de l'Eurasie, lorsque nos collègues de cette région (de la partie occidentale du continent) seront prêts à discuter non pas "du bout des lèvres", comme ils le font ces derniers temps, non pas avec condescendance, sans l'impolitesse qu'ils se permettent régulièrement à l'égard de la Russie et d'autres pays, mais seront prêts à discuter sur la base des principes qu'ils ont signés en adhérant à l'Organisation des Nations unies.

Le principe fondamental est l'égalité souveraine des États. Et tous les autres principes de la Charte sont absolument adéquats et pertinents. Le seul problème, c'est que l'Occident soit ne les respecte pas du tout, comme dans le cas de l'égalité souveraine des États, soit les respecte, comme on dit chez nous, "selon son bon vouloir", c'est-à-dire que quand cela l'arrange, il extrait un principe en oubliant complètement les autres. Concernant le Kosovo, tout le monde le sait, ils ont dit que c'était l'autodétermination du peuple kosovar. Concernant la Crimée, ils ont dit que c'était une violation de l'intégrité territoriale. Et pourquoi n'est-ce pas une autodétermination? En Crimée, il y a eu un référendum, au Kosovo il n'y en a pas eu. Maintenant, concernant l'Ukraine, nos collègues occidentaux, tous d'une seule voix, ainsi que certains non-occidentaux, et le Secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, avec qui j'ai parlé plusieurs fois, continuent de dire qu'ils sont pour le règlement de la crise sur la base de la Charte de l'ONU et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.

Mais vous êtes le Secrétaire général, vous devriez probablement lire la Charte dans son intégralité. Où est le principe d'autodétermination, qui convenait au Kosovo et qui a été reconnu applicable par la Cour internationale de Justice de l'ONU, qui a déclaré que la séparation d'une partie d'un État en une entité indépendante ne nécessite pas obligatoirement le consentement des autorités centrales? C'est écrit. Le Secrétaire général ne peut pas oublier le principe d'autodétermination, d'autant plus qu'il représente un pays qui était une métropole coloniale. Et le processus de décolonisation, de libération de l'oppression de la métropole s'appuyait sur le principe juridique international de l'autodétermination des peuples.

L'Assemblée générale de l'ONU a déclaré dès 1970 que oui, tous doivent respecter l'intégrité territoriale des États, mais des États dont les gouvernements respectent le principe d'autodétermination des peuples et, de ce fait, représentent toute la population vivant sur le territoire correspondant. Est-ce que les métropoles au milieu du siècle dernier représentaient les peuples du continent africain? Non, bien sûr que non. Et les peuples ont décidé que puisque tout coïncide ici, il y a le droit des nations à l'autodétermination, il y a finalement la justice, et les autorités qui ne convenaient pas aux peuples coloniaux ont cessé d'être telles.

Qui peut dire que le pouvoir qui est arrivé en Ukraine en 2014 à la suite d'un coup d'État représentait le peuple de Crimée, du Donbass et représente maintenant les personnes qui professent la culture russe depuis des siècles, dont les ancêtres ont fondé ces villes, usines, ports, et qui sont maintenant déclarés peuple "non autochtone" d'Ukraine, à qui on a interdit la langue russe dans tous les pays? Où est ne serait-ce qu'une seule voix du camp occidental? Car l'Occident, lorsqu'il examine n'importe quelle situation, lorsqu'ils s'expriment à l'ONU ou simplement lors d'autres événements, quel que soit le pays - Russie, Chine, Inde, Venezuela, Iran, n'importe quel pays, les droits de l'homme sont toujours présents dans les leçons de morale que l'Occident donne constamment.

Par curiosité, depuis 2014, parcourez Internet, feuilletez tout ce qui peut être feuilleté. Trouverez-vous ne serait-ce qu'une déclaration d'un seul dirigeant occidental critiquant les droits de l'homme en Ukraine? Peut-être que nos amis de Hongrie qui défendent systématiquement les droits de la minorité nationale hongroise font de telles déclarations, mais jamais ceux qui s'imaginent être les leaders du "monde libre", à savoir la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, sans parler de la Pologne et des pays baltes. Et la bureaucratie européenne, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et compagnie, quand nous les appelons à respecter les principes de la Charte de l'ONU, y compris celui qui exige de respecter les droits de l'homme indépendamment de la race, du sexe, de la langue et de la religion, or la langue et la religion sont exactement ce qui est catégoriquement interdit par la loi en Ukraine, quand nous disons "influencez vos "clients", au moins quand ils se réveillent le matin encore en état d'entendre quelque chose, exigez d'eux qu'ils abrogent ces lois", la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, la Haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Kaja Kallas et d'autres personnalités disent que l'Ukraine défend les valeurs européennes. C'est tout. Cela signifie que l'Europe est pour le nazisme, car en Ukraine il prospère, il est légalisé dans les fêtes dédiées aux collaborationnistes qui ont combattu aux côtés de l'Allemagne hitlérienne.

Pourquoi je dis cela de manière si détaillée. Beaucoup s'agitaient actuellement en Europe, surtout à propos de la réunion à Istanbul. Je termine par ce que nous avons commencé. D'abord Vladimir Zelenski faisait des déclarations disant qu'il "exige que le Président russe Vladimir Poutine vienne personnellement". C'est un homme pitoyable. Tout le monde le comprend, sauf lui-même et ceux qui le manipulent. Ses "camarades aînés" lui ont expliqué qu'il ne fallait pas se comporter aussi stupidement, que des négociations étaient nécessaires.

L'Occident, au cours des trois ou quatre derniers jours, a repoussé le mot "cessez-le-feu". Nous avons expliqué en détail. Le Président français Emanuel Macron a donné une interview il y a trois jours, il a dit que des négociations, des rencontres étaient nécessaires, mais qu'il fallait tout faire pour que le cessez-le-feu soit primordial, et que l'Ukraine devait aborder les négociations d'une position de force. La réponse est élémentaire. C'est un aveu sincère de pourquoi on a besoin d'un cessez-le-feu. Pour renflouer l'Ukraine, pour qu'elle se prépare aux négociations d'une position de force.

On a expliqué au Président français Emmanuel Macron qu'il ne s'agissait pas de cela maintenant. Les Américains ont soutenu la proposition de notre Président qu'il faut donner une chance aux négociations. Personne ne garantit que tout se passera sans problèmes. Au contraire, il y aura certainement des problèmes, comme cela s'est produit il y a trois ans à Istanbul, lorsque des principes déjà paraphés étaient prêts à être couchés sur papier sous forme de traité, mais les Britanniques ont interdit au régime de Kiev de poursuivre ce processus qui aurait pu aboutir à un règlement. Et maintenant, la Grande-Bretagne, comme un guide, conduit Vladimir Zelenski à travers la jungle de la politique mondiale. Un conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre britannique a déjà été "détaché" auprès de Vladimir Zelenski pour qu'il ne "lâche" pas un mot de trop et n'enterre pas définitivement sa réputation, ainsi que celle de ceux qui l'entraînent.

On dit qu'il faut faire quelque chose rapidement parce que les États-Unis veulent obtenir un résultat. Ils ont beaucoup plus de problèmes à gérer que simplement l'Ukraine. Le résultat le plus simple serait d'annoncer que ce n'est pas parce qu'il y a une guerre ni parce que l'Ukraine subit des pressions de qui que ce soit, que ce soit l'Occident, la Chine, le Brésil, l'Afrique ou un autre pays ou groupe de pays, mais parce qu'il y a la Charte de l'ONU qui parle des droits de l'homme, y compris la langue et la religion, qu'il existe une série de conventions sur les droits des minorités nationales auxquelles l'Ukraine participe. Ce sont des conventions tant sous l'égide de l'ONU que sous celle du Conseil de l'Europe. En plus de tout cela, il y a aussi la Constitution de l'Ukraine qui stipule l'obligation de l'État de respecter les droits des Russes (spécifiquement mentionnés) et d'autres minorités nationales, et les énumère dans l'éducation, dans les médias, partout.

Pourquoi les superviseurs occidentaux du régime de Kiev n'ont-ils pas conseillé, voire insisté, pour qu'ils annoncent l'abrogation de toutes les lois qui violent la Charte de l'ONU, les conventions internationales et la Constitution même de l'Ukraine? Cela aurait été un résultat. Cela ne devrait rien coûter ni aux Américains ni aux Européens. Washington promeut toujours le slogan des "droits de l'homme". Et ici, il faut ramener le régime à la normalité. Ce n'est pas une concession. C'est l'accomplissement de ce que vous avez signé et en quoi on a cru en son temps.

J'ai parlé plus longtemps que prévu. Passons en mode interactif.

Question: Nous avons beaucoup parlé aujourd'hui de l'influence du soft power à travers le prisme du tourisme. Ma question est la suivante: le tourisme patriotique n'est pas une histoire du passé, mais bien une réalité actuelle. J'aimerais savoir si le Ministère russe des Affaires étrangères a des projets pour attirer de nouveaux visiteurs dans nos principaux musées? Car nos partenaires occidentaux, comme nous le savons, affirment qu'ils ont remporté la Seconde Guerre mondiale. Mais c'est nous qui l'avons fait. C'est nous également qui avons été les premiers dans l'espace. J'ai visité le Musée de l'Atome, et c'est un musée magnifique et innovant. Nous aimerions que nos partenaires étrangers comprennent et réalisent que c'est la Russie qui est le "moteur" technique et culturel pour le monde entier. Et à travers le prisme de nos musées modernes, comme le Musée de l'Atome, le Centre de l'astronautique et de l'aviation, nous voudrions que le monde entier nous connaisse précisément comme le moteur qui pousse notre monde vers un avenir radieux.

Sergueï Lavrov: Il me semble que tout Ambassadeur est objectivement intéressé à ce que les citoyens de son pays, et plus encore les dirigeants de son pays, connaissent mieux l'histoire de l'État dans lequel ils sont accrédités.

Il y a ici de nombreux représentants du corps diplomatique. Pour autant que je comprenne, ils sont bien conscients de l'importance de ce travail, outre le fait qu'une personne normale est intéressée par l'histoire. Mais c'est également important pour pouvoir appliquer ces connaissances par la suite.

L'histoire se répète, et pas nécessairement sous forme de farce. Elle se répète parfois sous forme de leçon, dont on peut tirer des idées aujourd'hui. Il m'est difficile d'imaginer quelque chose sur-le-champ. Si vous avez des idées sur la façon d'organiser des événements spéciaux pour les ambassadeurs, nous avons une pratique: nous ne proposons pas de visites collectives des musées, mais nous proposons des voyages à travers le pays. Plusieurs fois par an, un itinéraire est régulièrement annoncé. Les ambassadeurs intéressés forment un groupe. Il y a des rencontres avec les dirigeants des régions, des visites d'entreprises qui constituent la base de l'économie de telle ou telle région de la Fédération de Russie, et une découverte obligatoire des beautés et des sites d'intérêt.

J'espère que le tourisme patriotique ne concerne pas seulement les monuments liés à la Victoire dans la Grande Guerre patriotique, mais aussi l'histoire de son peuple qui est incarnée sous diverses formes: dans l'architecture, la peinture, la nature.

Il y a un an, nous avons organisé avec le gouverneur de Nijni Novgorod Gleb Nikitine une réunion des ministres des Affaires étrangères des Brics. Ce qu'ils ont vu à Nijni Novgorod, ils ne l'oublieront jamais.

Je n'y étais pas allé depuis longtemps et j'ai été inspiré par la façon dont la ville se transforme, et ce, avec soin. Elle devient moderne, mais ne perd pas son antiquité et son esprit qui imprègnent la nature, les églises et de nombreux autres sites dans cette partie de la Russie. Par conséquent, nous y sommes entièrement favorables. S'il y a des suggestions sur la façon dont nous pouvons davantage stimuler le corps diplomatique sur la base de votre expérience, proposez, s'il vous plaît.

Avant le début de la conférence, on m'a dit que la collection du trésor de Nijni Novgorod serait enrichie, monsieur Doudakov en montre aimablement une partie ici. Bien sûr, ce sera aussi un "aimant".

Question: Au début de votre présentation, vous avez mentionné l'intelligence artificielle. Il y a beaucoup de questions à ce sujet. Je voudrais proposer, peut-être dans le cadre du Club également, d'en discuter, car je sens que la question ne concerne pas seulement le manque de connaissances de l'intelligence artificielle, mais aussi un conflit de vision entre ma génération et la plus jeune.

Ce serait intéressant si des experts pouvaient en parler, car je partage votre vision concernant la diplomatie et l'intelligence artificielle.

Sergueï Lavrov: Je me surprends aussi à penser que le temps passe et que les jeunes contemporains (et pas seulement les jeunes) et les enfants perçoivent tout différemment. Pour eux, beaucoup de choses qui nous semblaient fantastiques à leur âge sont comme la bouillie de semoule du matin: impossible de s’en passer.

Si nous parlons de ce sujet, de la façon dont les générations créent de nouveaux modes de vie, alors qui sait, peut-être que les enfants d'aujourd'hui, qui découvrent les iPhones, les smartphones, les Huawei à la maternelle comme s'ils étaient chez soi, et nous disons (quand les personnes âgées se rencontrent, discutent de la jeunesse et disent), que ce n'est plus pareil maintenant, avant l'herbe était plus verte et l'eau plus humide, et quelque part dans 50 ans, les garçons et les filles d'aujourd'hui se rencontreront et diront que oui, à notre époque l'intellect était artificiel, et maintenant il n'y a plus rien du tout.

C'est un sujet important. Je vous dirai qu'au sein de notre ministère, nous avons un département de la sécurité de l'information internationale qui s'occupe de la cybersécurité, mais il s’agit d’une conception plus étroite que l'intelligence artificielle. Nous voulons réformer ce département. Une réunion spéciale du Conseil du ministère russe des Affaires étrangères est prévue d'ici un mois et demi. Mon équipe est en train de la préparer.

C'est une chose qu’il est important de prendre en compte. Parce qu’elle aborde des sujets aussi importants que les questions de sécurité et de développement de l’État. Ce n'est pas pour rien que le président russe Vladimir Poutine a déclaré, il y a quelques années, lors d'un forum économique, que celui qui sera le premier à promouvoir l'intelligence artificielle dans des domaines pratiques sera un leader.

Je pense qu’il y aura plusieurs pays de ce type. Mais en diplomatie, il faut l’utiliser. Parce qu’avant, quand j’ai commencé ma carrière, je devais courir dans les couloirs. La dactylo tapait quelque chose pour toi, et Dieu nous en préserve, elle a fait une erreur quelque part. Il fallait l'effacer et la retaper. Bien sûr, il faut admettre que travailler avec une dactylo en chair et en os est mieux qu’avec n’importe quelle intelligence artificielle. Mais ce processus était long et fastidieux. Aujourd'hui, tout est instantané. La rapidité avec laquelle on trouve ce dont on a besoin doit être appréciée et ce processus doit être amélioré de toutes les manières possibles.

Mais lorsque vous obtenez ce dont vous avez besoin, je veux dire des faits de l’histoire passée, de quelque chose de nouveau, par exemple, comment la crise ukrainienne s’est développée, maintenant, il faut souvent le rappeler aux Français, aux Allemands, aux Britanniques, qui mentent ouvertement.

Il n'y a pas si longtemps (un mois), le président français Emmanuel Macron a déclaré que le président russe Vladimir Poutine avait refusé de mettre en œuvre les accords de Minsk. Même ce qui s'est passé il y a quelques années, lorsque son prédécesseur a admis qu'il n'allait rien respecter, est ainsi mis sens dessus dessous. Mais c'est important d'obtenir ces faits, rafraîchir ses connaissances en cliquant sur un bouton, sans avoir à chercher, à feuilleter des dossiers, des milliers de pages. Ensuite, lorsque vous avez obtenu ou rafraîchi ces faits, vous devez travailler avec votre tête.

Question: Je sais quelle est la contribution de la Russie dans le sport, la culture et la science. Je ne comprends pas en quoi consiste la russophobie, la haine de l’Occident envers la Russie. Nous voyons que la russophobie ou la haine est déjà un symptôme. En quoi consiste, selon vous, ce comportement ou cette approche?

Il est clair qu’ils nous considèrent, nous les Africains, comme une race inférieure. Mais vous, à la peau blanche, vous leur ressemblez. Vous êtes intelligents, vous développez la science et le sport. Pourquoi y a-t-il une telle haine envers vous? Je veux comprendre.

Sergueï Lavrov: Il y a beaucoup de jugements à ce sujet.

J'ai cité quelques exemples historiques. Napoléon, le grand empereur de France, a rassemblé pratiquement toute l'Europe dans son armée pour attaquer l'Empire russe. Nous savons comment tout cela s’est terminé.

Après la Première Guerre mondiale, on dit que l'Allemagne a été lésée, humiliée, et que les graines ont été semées pour qu'elle cherche à se venger. Peu importe comment cela s'est produit, ce qui compte, c'est ce qui en a résulté. Les choses se sont déroulées comme chez Napoléon. Ils ont rassemblé presque toute l'Europe sous la bannière du Troisième Reich et ont attaqué l'Union soviétique. Et tout le monde a attaqué. Les Espagnols et les Français ont participé au siège de Leningrad, et pas seulement les Allemands, mais pratiquement tous les principaux pays européens qui se sont rendus à Adolf Hitler et n'ont pas défendu leur patrie, buvaient du café sur les Champs-Élysées.

Il y a eu de grands hommes en France dont nous nous sommes souvenus récemment: Charles de Gaulle et ceux qui ont dirigé la Résistance. En novembre 2024, nous avons célébré le prochain anniversaire du glorieux régiment Normandie-Niemen. Tout cela doit être apprécié. Il s’agit de personnes qui, au mépris des autorités de leur pays de l’époque, ont rejoint la Résistance. Ce sont eux qui ont défendu la fierté nationale de la France.

Aujourd'hui, nous voyons presque la même chose. L'administration de Joe Biden a également unifié toute l'Europe (en à cette ajoutant unification ses satellites en Asie: le Japon, la Corée du Sud, ceux qu'ils considèrent comme des exécutants dociles de leur volonté) et a dirigé tous ces États contre la Russie. Tout d’abord, bien sûr, sous la forme d’un financement du régime de Kiev, en lui fournissant les types d’armes les plus sophistiquées, y compris pour des frappes en profondeur sur le territoire russe. Tout cela se fait également sous des slogans nazis. Les unités de combat les plus expérimentées des forces armées ukrainiennes sont les bataillons nazis Azov et Aïdar (reconnus comme terroristes et interdits dans la Fédération de Russie). Ils relèvent maintenant la tête et Vladimir Zelenski a peur d’eux. Et ils portent ouvertement des chevrons, des drapeaux et des tatouages ​​nazis. En Ukraine, les marches aux flambeaux en l'honneur des anniversaires de Stepan Bandera, Roman Choukhevitch et d'autres traîtres qui ont fusillé des Russes, des Polonais et même des Ukrainiens eux-mêmes, se poursuivent. Lorsque nous parlons de "dénazification", nous voulons également dire ceci.

Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi l'Occident est-il si pressé de nous infliger une défaite stratégique sur le champ de bataille? Il est probable qu'ils n'apprécient pas le fait que la Russie soit indépendante.

Aujourd'hui les points de vue de l’Europe et des États-Unis divergent. L’administration de Donald Trump, bien sûr, veut aussi rendre l’Amérique grande et seulement numéro un dans le monde entier. Toute administration aux États-Unis fera avancer une telle position. L’administration actuelle est au moins revenue à la "normalité", où, quelles que soient les contradictions, les politiciens et surtout les diplomates sont obligés de communiquer. Même lorsqu'il y avait des contradictions irréconciliables pendant la guerre froide, il y avait toujours un dialogue. Et puis le président américain de l’époque Joe Biden l'a tout simplement rompu. Et après, toute l'Europe a suivi docilement son exemple. Et les relations ont été rompues non pas diplomatiquement, mais pratiquement.

J'ai été frappé par les prochaines idées discutées sous l’administration de Joe Biden. Il y a eu des événements au sein de l’Union européenne, des sommets, des réunions des ministres des Affaires étrangères. Ils adoptaient quelques textes sur l'Ukraine.

Auparavant, des sommets Russie-UE avaient lieu deux fois par an. Et nous avons régulièrement (tous les six mois) tenu des réunions avec les ambassadeurs de l’UE. (Tout comme nous avons des rencontres avec les ambassadeurs de l'Union africaine, nous organiserons bientôt des événements dans le cadre de l'Amérique latine, de l'Asie, de la CEI, nos voisins les plus proches). Nous avons invité tous les ambassadeurs de l’UE et un représentant du Conseil européen à une réunion spéciale avec le ministre des Affaires étrangères pour discuter de l’Ukraine et poser toutes les questions. Ils ont tous refusé. Ce n'est pas parce que je suis fier, susceptible ou vulnérable. Lorsque vous travaillez dans un pays et que le ministre des Affaires étrangères vous invite à une conversation libre, vous n'êtes pas un ambassadeur, vous êtes juste… (je pourrais dire quelques mots forts, mais je m'abstiendrai...) C'est une honte pour tout diplomate. Nous ne communiquons donc pas avec eux pour le moment. Ils ne communiquent pas non plus avec nous. Parfois, lorsqu'une question particulière est soulevée.

Pour en revenir à votre question, il faudra probablement beaucoup de temps aux historiens pour y répondre. Dans l'histoire de la Russie, il y a eu de nombreuses guerres dont la grande majorité n'a pas été déclenchée par nous. Mais dans toutes les guerres qui nous sont venues de l'Est (la plus célèbre étant le joug tatar-mongol), nous avons réussi à négocier de manière humaine. Et finalement, nous avons réussi à s’entendre. Il en a été de même pour les guerres russo-turques.

Je pense maintenant que beaucoup de sang a été versé sur le flanc de l’Est, mais à la fin, ils ont en quelque sorte atteint un équilibre mutuellement respectueux tandis que les Occidentaux ne se sont pas calmés.

Ils l’ont récemment confirmé parce qu’ils ont senti la désunion qui commence à émerger entre les États-Unis et l’Europe, et pas seulement à cause de l’Ukraine, mais simplement parce que l’administration de Donald Trump, tout d’abord, veut supprimer les obstacles à une coopération économique mutuellement bénéfique avec la Russie. Nous ne sommes pas contre, mais seulement si cela est véritablement mutuellement bénéfique et équitable.

L'autre jour, lors d'une réunion avec les membres de l'organisation publique panrusse La Russie d’affaire, le président russe Vladimir Poutine a expliqué à quelles conditions ceux qui avaient quitté le marché russe pourraient y revenir. Bien entendu, nous ne le ferons pas au détriment des entreprises russes. Mais nous sommes prêts à cela. Et le président américain Donald Trump s’intéresse à cela, ainsi qu’au développement de relations normales et mutuellement bénéfiques dans les domaines de l’économie, de la finance et de la logistique avec n’importe quel pays.

Apparemment, sa visite en Arabie saoudite, au Qatar et aux Émirats arabes unis se déroule bien. De plus, l’administration de Donald Trump elle-même affirme avoir d’autres priorités: le programme nucléaire iranien, les relations entre les Arabes et Israël, et la Chine, que les États-Unis ont déclaré dans leurs documents doctrinaux être le principal défi, un défi à l’objectif que Washington s’est fixé, à savoir être toujours le numéro un, afin que personne ne soit plus fort en quoi que ce soit, ni en économie, ni en finances, ni dans le domaine militaire. Par conséquent, les affaires européennes semblent passer au second plan. Des représentants de l'administration de Donald Trump l'ont même déclaré publiquement, disant qu'ils ont proposé cela, et que s’ils ne voulaient pas le faire, alors ne le faites pas, laissez l'Europe s'en occuper elle-même, tandis qu'eux, disent-ils, ont d'autres choses plus importantes à faire.

Il existe de nombreuses preuves que ni Berlin, ni Paris, ni Bruxelles, et surtout Londres, ne souhaitent la paix en Ukraine. Ils décident que si les États-Unis se retirent du soutien actif (ce qui, soit dit en passant, affectera l'Otan), l'Europe doit penser à elle-même d'une manière ou d'une autre. Le président français Emmanuel Macron a déjà inventé une sorte d'armée européenne et est prêt à mettre ses ogives nucléaires dans le pott commun. Dans cette situation, selon nos informations, ils se parlent directement: "il ne faut pas arrêter la mobilisation de l'Europe contre la Russie". Dans ce sens, l'Ukraine est un outil inestimable. Il y a beaucoup de mercenaires là-bas, et des instructeurs et du personnel militaire en activité des pays de l’Otan travaillent sous le couvert de mercenaires. Maintenant, ils veulent aussi y déployer des "forces de stabilisation".

Nous avons expliqué à maintes reprises que cela serait absolument inacceptable pour la Russie, mais ils continuent de promouvoir tout cela. Nous avons une expression pour cela: "chercher des ennuis". Avant-hier, le président français Emmanuel Macron a déclaré dans son interview à TF1 qu'ils ne pouvaient pas entrer en conflit direct avec la Russie, sinon il y aura une troisième guerre mondiale, et ils ne le veulent pas. Ils ne seraient donc pas en première ligne, mais sur le territoire de l’Ukraine, un peu plus loin. Selon lui cela pourrait dissuader la Russie, car elle veut attaquer l’Europe après avoir vaincu l’Ukraine. C'est ce que dit le président, et pas celui d'un pays qui a été formé hier, mais celui d'un pays avec l’histoire, la culture et de traditions séculaires. C’est mauvais.

C'est incompréhensible.

Question: Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités législatives et exécutives. Et à titre d'initiative, j'ai vu qu'il y avait une demande des pays amis (Afrique et au-delà) dans le domaine du tourisme. Vous venez de parler de l'envoi de diplomates dans les régions. Cela pourrait avoir une signification plus profonde. Et, peut-être, comme option, pour que ce soit une action plus planifiée, une interaction plus profonde, de relancer le Conseil de coordination du tourisme sous l’égide du gouvernement, qui inclurait, disons, des diplomates... Non, ça ne marchera pas?

Sergueï Lavrov: Vous devriez travailler dans la diplomatie. Vous avez posé une question apparemment simple sur le voyage de diplomates à travers le pays, mais vous voulez promouvoir vos intérêts auprès du gouvernement.

Question: Tout d’abord, les pays souhaitent voir comment fonctionne le tourisme en Russie et démarrer une interaction B2B (business to business). Je le sais parce que j’ai donné des conférences à l’Université d'état russe du Tourisme et des Services en 2024 pour les représentants des Brics. Je connais ce problème de l’intérieur. Aujourd'hui, j'ai entendu de la part de collègues qu'il y avait une telle demande. Certains travaux sont déjà en cours. Peut-être s’agit-il simplement d’en faire un programme plus planifié et mesuré, dans lequel ils s’intégreront déjà…

Sergueï Lavrov: C’est le ministère du Développement économique qui est chargé du tourisme. Nous ne nous occupons pas de ces questions, mais nous assurons des conditions optimales, dans la mesure du possible, pour le travail des diplomates (ambassadeurs et leur personnel) dans la Fédération de Russie. Nous souhaitons qu'ils connaissent mieux notre pays. C'est notre domaine du travail.

Question: Je vous comprends. Lorsqu'ils se rendent dans les régions, j'aimerais qu'ils ne se contentent pas de...

Sergueï Lavrov: Qu'ils disent qu'il faut créer un ministère du Tourisme?

Question: Pas exactement. Qu'ils en apprennent plus sur le potentiel. Pour les diplomates, cela peut être comme une porte pour leurs affaires.

Sergueï Lavrov: "Affaires des diplomates", ce n'est pas une combinaison très correcte.

Question: Non, pour les affaires de leur pays.

Sergueï Lavrov: Le gouverneur aura le plaisir et l'honneur de proposer un programme pour leur séjour. Il est dans son intérêt de montrer le potentiel de la région. De ce point de vue, les ressources ne manquent pas.

Question: Cette année ne marque pas seulement le 80e anniversaire de la Grande Victoire, mais aussi le 80e anniversaire des Nations unies. Cette Organisation a un grand anniversaire. Nous savons que vous avez travaillé pendant longtemps à la mission permanente de la Russie auprès des Nations unies. Dans ce contexte, quels seraient vos trois vœux pour l’organisation?

Sergueï Lavrov: Je voulais dire "survivre", car il y a eu un scandale récemment lors de la publication des dernières statistiques du Secrétariat de l'ONU. Les cotisations. Le budget de l'ONU est de 3,72 milliards de dollars par an. Et la dette, c'est-à-dire les contributions impayées qui auraient déjà dû être transférées mais qui n'ont pas été payées, représente plus de la moitié de ce montant. On a demandé au secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, ou à son porte-parole, ce qu'il fallait faire maintenant, si l'ONU n'allait pas fermer ses portes. Il a affirmé que les Nations unies ne fermeraient pas leurs portes et qu'elles allaient "se resserrer". Soit dit en passant, il y a de la place pour un "resserrement", comme dans n'importe quelle bureaucratie.

Je me souviens que lorsque Boutros Boutros-Ghali était Secrétaire général, il a reçu un chef d'État. Ils sont entrés en voiture sur le territoire où se trouvait le bâtiment de l'Assemblée générale des Nations unies et d'autres organes intergouvernementaux. Et à côté, il y a l’immeuble de 38 étages où siège le Secrétariat. Le chef d'État, qui se trouve sur ce territoire pour la première fois, demande combien de personnes travaillent dans ce bâtiment. La réponse est "environ la moitié". C'est une blague authentique.

Comme dans toute bureaucratie, il est possible de réduire les effectifs, d'économiser de l'argent de manière plus efficace. Surtout aujourd'hui. On parlait justement de l'intelligence artificielle. Elle permet de gagner énormément de temps.

Il est faux de dire que l'on "écorne" les capacités de l'ONU. Le principal débiteur est les États-Unis – environ 3 milliards de dollars, si l'on tient également compte de la dette des opérations de maintien de la paix (qui disposent d'un budget distinct). La Russie occupe la troisième place en termes de dette envers le budget ordinaire et les opérations de maintien de la paix. Ce n'est pas parce que nous sommes indisciplinés, mais parce que les sanctions imposées par le "groupe" de Joe Biden interdisent le transfert de contributions aux Nations unies. Je l'ai rappelé au Secrétaire général Antonio Guterres pour la troisième année consécutive. Il a haussé les épaules. Il est également triste que le Secrétaire général ne puisse pas s'assurer qu'un pays, en particulier un pays hôte, qui est tenu de contribuer de toutes les manières possibles au fonctionnement normal des Nations unies, empêche un pays souverain de transférer ses contributions, qui sont légalement dues.

Mon ami Antonio Guterres et moi-même avons eu plusieurs problèmes. Par exemple, fin 2016, le président américain de l'époque, Barack Obama, a saisi nos biens immobiliers diplomatiques. Nous avons fait appel à la commission des relations avec le pays hôte de l'Assemblée générale et présenté les faits. Nous reprochions aux Américains que les États-Unis, en tant que pays hôte, étaient tenus d'assurer le travail de toutes les délégations. Or, ils ont limité les déplacements des diplomates en dehors de New York, puis même quelque part à New York, ils ont commencé à imposer des itinéraires, interdisant de faire un pas à gauche ou un pas à droite sous peine de sanctions. Nous avons soumis tout cela à la commission des relations avec le pays hôte, qui a adopté une recommandation au Secrétaire général pour qu'il prenne les mesures nécessaires, y compris la possibilité d'un arbitrage. Pour la neuvième année, le Secrétaire général refuse de recourir à l'arbitrage, bien qu'il ait reçu un mandat direct de la commission des relations avec le pays hôte.

J'avais plusieurs questions à poser. La plus simple concerne la tragédie de Boutcha, près de Kiev, que l'Occident a utilisée comme l'un des facteurs pour faire échouer les accords entre la Russie et l'Ukraine en avril 2022, afin d'introduire un nouveau paquet de sanctions. À ce jour, personne ne sait comment l'enquête s'est terminée. J’en ai déjà parlé plusieurs fois en public. Nous avons demandé expressément au Conseil des droits de l'homme des Nations unies (qui dispose d'une "commission spéciale" sur l'Ukraine) de nous fournir des informations. C'est le silence de plomb. Nous savons qu'ils disposent de certaines informations, mais il leur est catégoriquement interdit de les divulguer. Cela signifie qu'ils reçoivent des instructions de gouvernements individuels, et non d'organes collectifs de l'ONU.

"Un dernier cri de désespoir". J'ai demandé au Secrétaire général, qui était également présent dans la salle, plusieurs fois publiquement au Conseil de sécurité des Nations unies en présence de toutes les délégations, s'il pouvait au moins nous aider à obtenir une liste des personnes dont les corps avaient été montrés par les journalistes de la BBC qui s’étaient trouvés "très opportunément" dans cette banlieue de Kiev, et dont personne d'autre ne sait quoi que ce soit.

Je vous dirai même que les deux dernières fois, j'ai tenu des conférences de presse à New York, et tous les médias du monde y étaient représentés. Je me suis adressé à eux. Chers collègues, un journaliste aime généralement creuser, aller à la racine d'une affaire, mais ici, tout est en surface. Puis-je obtenir par votre intermédiaire les noms des personnes dont les cadavres gisaient là, bien rangés le long de la route? Personne n'a réagi. Cela vous donne-t-il une idée? Bien sûr que oui.

Et maintenant, le Boeing malaisien. La veille de la visite du Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim, l'Organisation de l'aviation civile internationale a publié un document sur les résultats de l'enquête sur le crash du Boeing malaisien en juillet 2014. Les membres du Conseil des gouverneurs, du moins la majorité d'entre eux, ne l'ont pas vu. La direction de cette organisation a donc diffusé le rapport, l'a rendu public avant que le Conseil des gouverneurs ne l'ait vu. Il ne tient pas compte d'un élément que nous avons noté à plusieurs reprises, à savoir que l'Ukraine a refusé (tout le monde sait qu'elle était obligée de fermer son espace aérien et qu'elle ne l'a pas fermé) de répondre à de nombreuses demandes de fourniture de données radar. Ce sujet a été complètement omis, bien que nous ayons fourni des informations, y compris des données radar primaires. Les États-Unis ont refusé de fournir des données satellitaires, bien qu'en nous accusant et en envoyant les documents pertinents à ce groupe d'enquête, ils aient souligné que la culpabilité de la Russie était prouvée par les données satellitaires dont ils disposaient. Et l'enquête (dans le rapport final) dit que les États-Unis ont déclaré qu'ils avaient des données confirmant la culpabilité de la Russie, mais ils ne les ont pas fournies, pourtant on les croit. Une douzaine et demie de témoins ont été interrogés. Parmi eux, un seul a été interrogé en personne. Tous les autres n'ont été vus par personne. Il s'agit de témoignages anonymes inclus dans le rapport. Comme l'a dit Arnold Schwarzenegger dans son rôle préféré: "Trust me" (Faites-moi confiance). C'est tout ce que je dirai. Et beaucoup d'autres incohérences qui ne sont expliquées d'aucune manière.

Le secrétariat de l'ONU est, pour ainsi dire, privatisé. Il existe plus d'une centaine de postes de Secrétaires généraux adjoints. Ils sont très majoritairement consacrés à des sujets sectoriels, secondaires, qui peuvent être importants, mais qui ne donnent pas accès à la gestion directe des structures du Secrétariat. Les postes qui y donnent accès sont ceux du Secrétaire général, citoyen du Portugal, pays membre de l'Otan.

Il existe une Secrétaire général adjointe, représentante du continent africain. Elle exerce certaines fonctions, mais il ne s'agit pas d'une gestion directe. Le Secrétaire général (pays de l'Otan), le poste le plus important est celui de l’adjoint pour les affaires politiques (États-Unis), de l’adjoint pour les opérations de maintien de la paix (France), de l’adjoint pour les opérations humanitaires, c'est-à-dire aussi l'argent, la direction des sauveteurs, le transfert de l'aide humanitaire (Grande-Bretagne), de l’adjoint pour assurer la sécurité de l'ensemble du système des Nations unies et de ses projets sur le terrain (Canada). L’adjoint chargé de la lutte contre le terrorisme, c’est la Fédération de Russie, mais il s'agit strictement d'une direction spécifique. L’adjoint aux affaires socio-économiques vient de Chine, c'est également un poste important, mais il est limité aux aspects non politiques de la gouvernance de l'ONU. Il y a quelques années, nous avons préconisé d'entamer le processus de révision des critères sur la base desquels le Secrétariat est formé, de sorte que l'essentiel ne soit pas l'importance du potentiel économique, comme c'est le cas actuellement (si l'on se réfère au PIB, bien sûr, l'Occident conserverait un avantage), mais que la formation du Secrétariat soit basée sur la règle inscrite dans la Charte des Nations unies, à savoir l'égalité souveraine des États. De la même manière dont on obtient un emploi, de sorte qu'il ne dépende pas du fait d'être un homme ou une femme ou un transgenre (comme cela se fait actuellement en Europe), de sorte qu'il doit y avoir un certain pourcentage, sans tenir compte du fait que l'on puisse ou non, que l'on sache ou non, que l'on veuille ou non.

Question: À l'heure qu'il est, la délégation russe est en route pour les pourparlers d'Istanbul. Il se peut même qu'elle soit déjà arrivée sur place. Quelles sont les principales thèses sur lesquelles nous nous appuyons pour nous rendre à ces pourparlers? Ces derniers jours, l'Ukraine s'est livrée à une véritable mise en scène autour de cet événement. Pensez-vous qu'il soit possible qu'ils déraillent finalement? De quels résultats des pourparlers, s’ils ont lieu, Moscou sera-t-il satisfait?

Sergueï Lavrov: J'en ai parlé dès le début. Le président Vladimir Poutine en a parlé à de nombreuses reprises. Je ne vais même pas me répéter. En juin 2024, s'exprimant au ministère russe des Affaires étrangères, il a exposé notre position. Celle-ci repose sur la nécessité de ne pas convenir d'un cessez-le-feu afin d'injecter à nouveau des armes en Ukraine et de la "persuader" de poursuivre la guerre, mais de garantir un règlement durable à long terme qui reflète équitablement les intérêts de toutes les parties concernées en matière de sécurité. À cette fin, il convient de s'attaquer aux causes profondes du conflit. Nous avertissons depuis de nombreuses années qu'il ne faut pas créer ces causes profondes, en gardant à l'esprit ce que le groupe de putschistes qui est arrivé au pouvoir à Kiev après le coup d'État de 2014 était en train de faire: premièrement, créer des menaces pour la sécurité de la Russie en entraînant les infrastructures de l'Otan en Ukraine (les membres de l'Otan le souhaitaient activement). Et la deuxième chose que les putschistes ont faite, c'est de détruire la langue russe, la culture russe, tout ce qui, d'une manière ou d'une autre, reliait l'Ukraine et la Russie.

La dénazification s'inscrit également dans la deuxième partie de la réponse. Ce que fait le régime Zelenski à l'égard de tout ce qui est russe est du pur nazisme. Et la démilitarisation, parce que, comme je l'ai déjà dit, parmi les causes profondes, il y avait les plans de l'Otan de s’installer sur le territoire de l'Ukraine, il était prévu d'établir des bases sur le territoire ukrainien, même avant le coup d'État, il était prévu d'établir des bases navales en Crimée. Les auteurs du coup d'État devaient mettre en œuvre ces plans dans la mer d'Azov. Tout cela existait déjà. La question des capacités militaires dont disposera l'Ukraine est loin d'être anodine. Ici, toute présence militaire étrangère est hors de question.

Quant aux perspectives. La diplomatie ne consiste pas à deviner, mais à faire. Elle doit être menée de manière professionnelle. Et être professionnel ne signifie pas crier dans un micro comme Vladimir Zelenski, en demandant au président de la Russie Vladimir Poutine de "venir personnellement me voir", mais faire des choses concrètes.

 

 

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