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Allocution et réponses aux questions de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, dans le cadre d'une table ronde avec les membres du Club Gortchakov de soutien à la diplomatie publique en visioconférence, Moscou, 21 avril 2020

593-21-04-2020

Je remercie le Fonds Gortchakov de soutien à la diplomatie publique de m'avoir invité à participer à cette discussion qui, si je comprends bien, ouvre un cycle de conférences organisées en ligne par le Fonds.

La réalité nous pousse à trouver de nouvelles voies pour poursuivre les discussions sur l'avenir de l'humanité. Dans les conditions actuelles, elles sont plus que jamais d'actualité.

L'infection au coronavirus continue de représenter une sérieuse épreuve pour tous les pays et de nombreuses organisations internationales. Elle doit évidemment nous inciter à réfléchir sur les événements dans le monde, ainsi qu'à réfléchir sur l'avenir de la vie, à la direction dans laquelle il faut avancer pour garantir à l'humanité un avenir pacifique, sûr et stable.

C'était clair depuis longtemps, et la pandémie l'a clairement confirmé: nous vivons dans un monde interdépendant et interconnecté. Avec la libre circulation des personnes, des capitaux et des marchandises à travers la planète circulent tout aussi librement les menaces, dont le terrorisme bien connu de tous, le trafic de stupéfiants et d'autres formes de crime organisé, la menace de la prolifération des armes de destruction massive, et à présent la menace de la pandémie qui ne connaît pas de frontières et contre laquelle il est impossible de se prémunir.

Il est évident que ces conditions nécessitent des approches collectives de la construction des relations internationales. Les concepts et les pratiques d'hégémonisme et de domination sont complètement inadmissibles au XXIe siècle. Le monde avance assurément sur le chemin de la formation d'un nouveau système plus juste et démocratique de relations internationales, sur le chemin de la création d'un ordre mondial à l'architecture polycentrique. Cela ne se produit pas de manière artificielle, mais avec l'ascension naturelle de nombreuses économies, de centres financiers. Et avec l'influence économique et financière vient évidemment l'influence dans la politique internationale. Nous assistons à de tels processus avant tout dans la région Asie-Pacifique, en Amérique latine, mais également en Afrique dont le développement et l'exploitation des ressources sont associés par certains à l'avenir de l'humanité pour une longue période historique. Les pays qui s'élèvent ainsi aujourd'hui renforcent leurs économies nationales et leurs capacités financières, ils mènent évidemment une politique extérieure autonome et orientée sur les intérêts nationaux. Il faut reconnaître que nombre d'entre eux obtiennent des résultats très positifs et impressionnants.

Les tentatives de bloquer ce processus, auxquelles nous assistons, sont vouées à l'échec sur le plan historique. Il est clair que les pays qui "menaient le bal" dans les affaires internationales depuis près d'un demi-millénaire, et qui voient aujourd'hui de nouveaux concurrents assez sérieux prendre de la force, veulent préserver leurs positions privilégiées. Différents moyens sont employés à cet effet, parfois pas très propres. Je souligne de nouveau que de toute manière, historiquement, les tentatives de bloquer le processus objectif de formation d'un système multipolaire sont vouées à l'échec. Cette prise de conscience apparaît dans différents cas, notamment dans la formation et le fonctionnement du G20 où sont représentés les pays du G7 et les pays des Brics, sans l'interaction desquels, sans consensus avec lesquels il est très difficile de régler les problèmes sérieux qui surviennent dans l'économie mondiale, dans les finances mondiales et, dans l'ensemble, dans la politique mondiale.

D'autres associations dont la Fédération de Russie fait partie travaillent également selon le principe de consensus, en particulier l'OCS et les associations d'intégration dans l'espace postsoviétique - l'Union économique eurasiatique (UEE), l'OTSC, et la CEI.

Je pars du principe que la situation de crise actuelle liée au coronavirus nous pousse à étudier plus sérieusement, et certainement plus rapidement, les décisions qui ont été remises à plus tard par les acteurs internationaux pour différentes raisons. Je fais notamment allusion aux aspects humanitaires du développement de l'humanité. Les sanctions unilatérales et illégitimes, ainsi que les sanctions adoptées en contournant le Conseil de sécurité des Nations unies, infligent un préjudice colossal à de nombreux États. Je veux parler avant tout des pays comme l'Iran, la Syrie, la Corée du Nord et d'autres pays qui ont fait l'objet de sanctions unilatérales illégales de l'Occident. Même aujourd'hui, alors qu'ils ont cruellement besoin d'équipements, de médicaments, de moyens de protection spéciale pour combattre la pandémie, ils ne peuvent pas en bénéficier parce que les pays occidentaux, et avant tout les États-Unis, refusent absolument de répondre à la proposition de marquer une pause humanitaire, de faire une exception dans les sanctions pour les fournitures de produits nécessaires pour combattre la pandémie. Tout cela est regrettable. Je rappelle que cet appel a été lancé par le Secrétaire général de l'Onu Antonio Guterres, et que Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, s'est exprimée dans le même sens. Le Président russe Vladimir Poutine a proposé, pendant le sommet du G20 en ligne, de créer des "corridors verts" exempts de guerres commerciales et de sanctions pour fournir aux pays qui en ont besoin des médicaments, de la nourriture, des équipements et des technologies nécessaires.

Avant de passer à la partie interactive de notre communication, je voudrais rappeler une question conceptuelle, fondamentale, que nous pointons ces derniers temps. Je veux parler de la tendance de nos partenaires occidentaux à mentionner plus rarement le droit international, voire à retirer cette expression du vocabulaire. Au lieu du terme "droit international", ils cherchent à employer la nouvelle formule "ordre basé sur des règles". Nous voyons comment ce concept prend forme et se concrétise dans les actions pratiques de nos partenaires occidentaux sur les sujets qu'ils souhaitent traiter hors du cadre de l'Onu et des institutions universelles multilatérales, sur lesquels l'Occident veut défendre uniquement son point de vue et ne veut pas s'entendre.

Vous remarquerez que dès que l'Occident rencontre une résistance sur un problème dans le cadre des mécanismes universels, dans bien des cas il cesse de chercher un consensus et fait sortir ce problème en dehors des structures multilatérales. Je fais notamment allusion à ce qui se passe à l'OSCE et aux tentatives de changer par un vote les documents conventionnels consensuels et bien d'autres. Bien évidemment, nous défendrons les institutions universelles Onu-centrées et tout le système des relations internationales bâties sur la Charte de l'Onu. Les principes de cette Charte, notamment l'égalité souveraine des États, la non-ingérence dans les affaires intérieures, le règlement pacifique des litiges, conservent entièrement leur signification, voire en ont une plus grande dans les conditions actuelles.

Cette année, nous célébrons le 75e anniversaire de la Victoire dans la Seconde Guerre mondiale et celui de la création de l'Onu. Je pense que c'est une bonne raison de nous unir et de nous concentrer sur le renforcement des mécanismes universels, de ne pas essayer de créer des structures préjudiciables qui tenteront de substituer la diplomatie multilatérale par différents termes tels que "l'ordre basé sur des règles" ou une autre expression inventée: "une alliance pour le multilatéralisme", c'est-à-dire en soutien au multilatéralisme.

Ceux qui veulent soutenir le multilatéralisme doivent reconnaître qu'un véritable et vrai multilatéralisme est incarné par l'ONU, qui a une légitimité unique. Les partisans du multilatéralisme doivent venir à l'Onu pour y trouver une entente avec les autres États au lieu d'essayer d'en faire sortir les thèmes litigieux pour s'entendre dans un cercle étroit de "partisans des mêmes idées", et ensuite imposer leur décision à tous les autres comme un avis universel sans la moindre alternative.

Voilà ce qui nous inquiète. Je suis très reconnaissant d'avoir aujourd'hui la possibilité d'évoquer ces thèmes. Nous essayons toujours d'entendre et de tenir compte dans notre travail des avis exprimés par les experts et les politologues russes et étrangers.

Merci beaucoup pour votre attention. Je suis prêt à poursuivre le travail.

Question: Comme vous l'avez noté, depuis le début de l'année nous assistons à une situation de "tempête parfaite" au niveau mondial. Que pensez-vous de l'impact de ces tendances sur les pays de l'Union économique eurasiatique (UEE) dans l'ensemble, et sur le Kazakhstan et la Russie en particulier? Que nous devons entreprendre ensemble à ce sujet?

Sergueï Lavrov: Je suis convaincu que c'est seulement ensemble que les pays de l'espace postsoviétique pourront surmonter la période actuelle avec les moindres pertes. La crise a éclaté au moment où nous devions faire - et je suis certain que cela arrivera - de nouveaux pas très importants dans le développement de l'intégration eurasiatique pour assurer une libre circulation des individus, des marchandises, des services, des capitaux, avec en ligne de mire une suppression supplémentaire des barrières restantes, notamment pour déboucher sur un marché énergétique commun dans quelques années. Je pense que ces projets restent entièrement d'actualité, comme cela a été confirmé lors du récent sommet en ligne des pays membres de l'UEE. Des rencontres en ligne sont également prévues au niveau des chefs de gouvernement et des ministres selon leur domaine. Je suis convaincu que nous devons renforcer les institutions collectives et multilatérales. Cela concerne également la Banque eurasiatique de développement et le Fonds eurasiatique qui fonctionnent, qui existent et règlent des problèmes très importants pour les pays membres. Je n'ai donc aucune révélation à faire qui serait une surprise. Il y a un travail laborieux pour renforcer les institutions communes. Et nous devons évidemment tenir compte de l'expérience d'autres associations d'intégration qui sont apparues bien avant l'UEE, en particulier l'UE. L'Union européenne traverse aujourd'hui, comme nous tous, une période très difficile, mais cette crise a coïncidé avec l'aggravation des débats au sein de l'UE concernant le rapport optimal entre le fonctionnement des organes supranationaux et la responsabilité des États-nations. C'est un problème très important, nous voyons qu'il fait l'objet d'un grand débat entre Bruxelles et les différentes capitales, notamment concernant les pouvoirs qui doivent être attribués aux gouvernements nationaux, les pouvoirs qui seront ou sont déjà délégués aux structures centrales et supranationales. Bien sûr, nous en parlons également à l'UEE. Il faut toujours tirer les leçons d'une crise, qui sont utiles pour l'avenir. La manière dont ces questions seront réglées au sein de l'UE sera très utile pour nous, pour choisir les voies qui nous permettront de régler à l'avenir de telles tâches dans le cadre de l'UEE.

Question: Vous le savez, certains en Pologne estiment que c'est une bonne chose que les relations entre la Russie et l'UE soient mauvaises. Pensez-vous que dans le cadre de la crise survenue après la pandémie ces relations, notamment économiques, se normaliseront? Si oui, est-ce que les autorités polonaises chercheront à ralentir cette normalisation? Ou dans cette situation Varsovie décidera-t-il que l'économie est plus importante que la politique?

Sergueï Lavrov: Merci, c'est une question très intéressante.

Vous avez dit que certains en Pologne pensaient que les mauvaises relations entre la Russie et l'UE étaient une bonne chose. Je peux vous assurer que certains en Russie se réjouissent également que les relations entre la Pologne et l'UE ne soient pas bonnes non plus. Si nous cherchons toujours des choses à utiliser pour alimenter la malveillance, alors ce n'est pas de la politique mais de la politicaillerie, la satisfaction de ses propres ambitions ou de celles de quelqu'un d'autre.

Je me souviens parfaitement de l'époque à laquelle je suis arrivé au poste de ministre des Affaires étrangères. Avec la Pologne, nous avons toujours eu des relations historiques compliquées, mais à l'époque nous avions un très grand nombre de mécanismes de coopération, probablement plus qu'avec tout autre pays européen. Nous avions un Comité pour la stratégie de développement de la coopération russo-polonaise présidé par les ministres des Affaires étrangères avec la participation des vice-ministres de l’Économie, des Finances, du Commerce, et de la Culture. Il existait un groupe pour les questions difficiles où les historiens se réunissaient et discutaient honnêtement des pages regrettables ou positives du passé des peuples polonais et russe. Certaines prémisses de ces relations existent toujours. Récemment, après 2014, a été publié un manuel russo-polonais concernant une période datant d'il y a un siècle, mais tout de même. Il y a eu plusieurs articles conjoints. Dans les articles sur lesquels les avis divergeaient étaient publiés les deux avis - russe et polonais. C'est bien mieux que de s'accuser au microphone sans avoir la possibilité de communiquer. Nous avions un prix conjoint des ministres des Affaires étrangères de la Russie et de la Pologne remis aux personnalités culturelles. Je me souviens qu'avec le Ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski nous avions remis un pris à Barbara Brylska et à Viktor Erofeev. C'était à Varsovie. Une cérémonie très chaleureuse. Il y avait de nombreuses choses utiles. Tout cela est suspendu aujourd'hui, notamment le régime sans visa entre la région de Kaliningrad et les voïvodies polonaises voisines. C'est regrettable, à mon sens. Puisque nous tous (je crois que le gouvernement polonais y est également favorable) nous soutenons les contacts entre les gens, l'ouverture des sociétés, alors comment peut-on fermer la circulation sans visa? Ils insinuent que c'était principalement dû aux intérêts commerciaux: certains achetaient à l'étranger des produits pour les vendre plus cher sur leur territoire. Mais les gens communiquaient tout de même.

En ce qui concerne la solution à cette situation, nous le voyons et entendons, c'est dit publiquement, l'UE se rapproche de plus en plus d'un point où il sera nécessaire de réviser les "cinq principes" formulés par Federica Mogherini pour les relations avec la Russie, ou les laisser comme tels. Je sais que la Pologne prône leur maintien. Certains autres pays estiment également qu'il ne faut rien faire. Plusieurs autres membres de l'UE pensent qu'il faut tout de même examiner cette situation les yeux ouverts, avant tout au profit des intérêts des peuples de l'UE, des économies des pays de l'UE. Nous serons prêts à parler avec l'UE en toutes circonstances. C'est d'ailleurs ce que nous faisons aujourd'hui. Simplement, les "cinq principes" sont utilisés par certains pays pour bloquer la reprise du travail des dialogues sectoriels, dont on comptait plus de vingt: l'énergie, la culture, les droits de l'homme, le transport, la santé, les finances. Nous avions deux sommets annuels. Il y avait le Conseil permanent de partenariat (formellement il existe aujourd'hui) chargé d'évaluer la mise en œuvre des accords dans tous les domaines des relations. Tout cela est suspendu aujourd'hui. A présent nous sommes accusés, notamment par des collègues polonais, que la Russie cherche à saper l'autorité de l'UE et qu'au lieu de parler avec Bruxelles elle communique avec les capitales des pays-membres - Rome, Paris, Budapest. Ce n'est pas de la malveillance de notre part, telles sont les circonstances. Si Bruxelles a suspendu tous les canaux mais que les capitales des pays membres prônent le développement des relations bilatérales, alors nous y répondons, évidemment.

J'espère vraiment qu'avec nos voisins polonais et, je n'ai pas peur de ce mot, amis (j'ai beaucoup d'amis en Pologne) nous surmonterons la période actuelle, et que les tentatives de créer artificiellement des prétextes pour désunir nos peuples échoueront. Je vous assure que vous trouverez l'écho le plus positif à toutes les propositions qui ne seront pas idéologisées et s'appuieront sur les intérêts actuels profonds des citoyens polonais et russes.

Question: Ma question porte sur les événements en Libye. Depuis longtemps, toutes les personnes objectives reconnaissent que c'est grâce à l'aide de la Fédération de Russie qu'il a été possible de sauver non seulement le gouvernement légitime de la Syrie, mais également le pays en tant que tel. Hormis la Syrie, il existe un autre point chaud et inquiétant dans la région: la Libye. D'après vous, est-il possible que la Russie lance une initiative similaire sur un règlement concret et efficace de la situation en Libye en créant une coalition internationale, par exemple, avec l’Égypte, l'Italie et d'autres pays de la région?

Sergueï Lavrov: Nous sommes absolument ouverts à une coopération honnête et équilibrée sur chaque sujet de crise, y compris la coopération pour régler le conflit en Libye. Vous savez comment ce conflit a commencé quand nos collègues occidentaux, les pays de l'Otan, ont grossièrement abusé de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Cette résolution avait été adoptée en 2011 et prévoyait une zone d'exclusion aérienne en Libye, ce qui impliquait quelque chose de concret, bien défini par la résolution: l'aviation du colonel Kadhafi ne devait pas décoller. Et elle ne l'a pas fait. Afin de garantir la zone d'exclusion aérienne tous les pays intéressés étaient habilités par le Conseil de sécurité à prendre toutes les mesures nécessaires pour que l'aviation de Kadhafi ne vole pas. Et elle ne volait pas. Mais l'Occident a envoyé brutalement, je pense, l'aviation de l'Otan pour bombarder l'armée de Kadhafi sur le terrain, prenant de facto parti pour les extrémistes (qui y étaient majoritaires) pour renverser le régime. Après cela la Libye s'est transformée en "trou noir". L'Afrique noire, l'Afrique subsaharienne et la région du Sahara-Sahel ont été submergées par la contrebande d'armes, des flux de combattants, de drogues. De nombreuses entités terroristes qui se sont renforcées depuis en Afrique sont liées à cette période précise. Et des flux de migrants clandestins se sont dirigés via la Libye vers le Nord, phénomène dont l'Europe souffre à ce jour et qu'elle règle assez difficilement. Que faire maintenant… Je ne le dis pas pour que nous revenions constamment à la question de savoir qui est coupable. La question de savoir ce qu'il faut faire est tout aussi importante, et en ce sens nous avons une bonne entente avec nos collègues italiens, certains autres pays européens et avec les pays de la région. Cette entente consiste en ce qu'il n'existe pas de solution militaire à ce conflit, qu'il faut se concerter. Et la Russie, avec bien d'autres pays dont la Turquie, l’Égypte, les Émirats arabes unis, ou encore le Qatar, fait des efforts pour lancer un tel dialogue politique. Je rappelle que nous avons activement soutenu l'activité du représentant spécial de l'Onu pour la Libye quand Ghassan Salamé occupait ce poste. Nous avons également essayé de contribuer au processus à travers nos propres initiatives quand nous avons soutenu le processus de Berlin, nous avons essayé de contribuer au succès de la Conférence de Berlin en réunissant à Moscou, avec nos collègues turcs, les principaux protagonistes du conflit libyen, c'est-à-dire le maréchal Khalifa Haftar, le chef du Conseil présidentiel et du Gouvernement d'unité nationale Fayez el-Sarraj et le président du parlement de Tobrouk Aguila Salah Issa. Malheureusement, lors de cette réunion nous n'avons pas réussi à signer de document, néanmoins nous avons engagé un mouvement vers l'élaboration de compromis et de consensus. Nous avons joué un rôle décisif pour persuader nos collègues allemands de ne pas ignorer les parties libyennes lors de la préparation de la Conférence de Berlin. Au départ ils ne voulaient appeler ni Sarraj ni Haftar, aucun Libyen, ils ne voulaient même pas convoquer les voisins de la Libye. Nous avons assez activement travaillé avec Berlin, nous l'avons convaincu que c'était une erreur. C'est ainsi qu'à la Conférence de Berlin ont fait leur apparition les principaux protagonistes: Fayez el-Sarraj et Khalifa Haftar. C'est ainsi que les voisins de la Libye ont fait leur apparition, y compris nos collègues égyptiens. Et notre principal message pendant la Conférence de Berlin était que nous étions prêts à soutenir toutes les décisions si elles étaient soutenues par Fayez el-Sarraj et Khalifa Haftar. Malheureusement, nous n'avons pas obtenu de réponse directe à cette question pendant les discussions de Berlin, c'est pourquoi nous avons soutenu les idées formulées à Berlin, mais tout en précisant qu'il ne fallait pas les imposer mais persuader les parties d'accepter ces approches. Malheureusement, une fois de plus nous avions raison parce qu'aujourd'hui la mise en œuvre des décisions de la Conférence de Berlin stagne, les activités militaires ont repris. Notre initiative est simple: poursuivons le processus de paix. Ghassan Salamé, qui était un moteur actif, voire principal, du Processus de Berlin, a demandé de le libérer de ses fonctions de représentant spécial du Secrétaire général. Aujourd'hui ces fonctions de représentant spécial de l'Onu pour la Libye sont remplies par l'Américaine Stephanie Turco Williams, qui était l'adjointe de Ghassan Salamé. Je pense qu'il faut nommer au plus vite un représentant spécial permanent qui, nous en sommes certains, doit être originaire d'un pays africain, d'un pays qui se trouve dans la même région que la Libye. Actuellement l'UE a décidé d'aider à veiller au respect de l'embargo sur la livraison d'armes en Libye. C'est une noble affaire, mais tout de même nous en avons parlé plusieurs fois à nos amis européens ces derniers mois - j'en ai parlé avec Josep Borrell, avec Heiko Maas et Luigi Di Maio. Je trouve que l'UE doit venir au Conseil de sécurité et dire: "Le Conseil de sécurité a décrété un embargo sur les armes, il faut le respecter. Nous, l'UE, voulons réaliser une autre opération spéciale pour contrôler le respect de l'embargo. Elle contient tels et tels éléments. Nous demandons au Conseil de sécurité de soutenir notre approche." Le fait que l'UE évite de présenter ses idées au Conseil de sécurité des Nations unies suscite forcément des questions que les raisons de cette position. J'espère que très prochainement ces raisons nous seront dévoilées. Je souligne de nouveau en résumant cette vague déclaration que nous prônons la création d'une plateforme où tous les acteurs extérieurs pourraient convaincre les parties libyennes de s'entendre. Par le passé nous avons assisté à des tentatives de miser sur un camp ou un autre. Depuis le début des efforts de l'Onu pour le processus de paix libyen nous avons soutenu les contacts littéralement avec toutes les parties libyennes. Elles sont toutes venues en Russie, nous avons rencontré chacun de ces politiciens sur différentes plateformes multilatérales et aujourd'hui nous constatons avec satisfaction que nos partenaires, qui tentaient de miser au départ sur telle ou telle partie libyenne, comprennent à présent qu'il est bien plus productif de les faire s'asseoir à la table des négociations pour s'entendre. Voilà ce que je juge nécessaire de faire dans le contexte de la crise libyenne.

Question: Vous le savez, les États-Unis débattent depuis plusieurs mois d'une éventuelle sortie du Traité Ciel ouvert. Une déclaration officielle pourrait être faite en septembre à ce sujet par les autorités américaines. D'après vous, la Russie est-elle prête à rester dans le cadre du Traité en cas de retrait des États-Unis? Si oui, sous quelles conditions? Les partenaires européens du Traité pourraient-ils influencer cette décision?

Sergueï Lavrov: Cette question revêt une pertinence particulière compte tenu des délais que vous avez mentionnés. Les experts qui suivent l'évolution de la situation pensent que la décision de Washington est déjà prise. Nous pensons que cet avis est vraisemblable. Nous tirons les mêmes conclusions d'après nos contacts avec les Américains et d'autres membres de l'Otan et du Traité Ciel ouvert. Comme dans le cas du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), les Américains avancent activement (et depuis longtemps) la thèse selon laquelle la Russie enfreint le Traité Ciel ouvert. Comme dans le cas du FNI, les Américains ont toujours autant de mal avec les faits. Je ne vais pas entrer dans les détails, si vous suivez ce sujet vous connaissez les compromis réalisés en lien avec la principale prétention de l'Occident à notre égard. Je fais allusion aux survols du territoire russe à proximité des frontières avec l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud. Nous étions prêts à régler ces réclamations si la Géorgie ouvrait également son ciel à de tels vols. Dans ce cas nous aurions ouvert les régions du ciel russe attenantes à l'Abkhazie et à l'Ossétie du Sud. Ce compromis a été trouvé, puis les autorités géorgiennes y ont renoncé en disant qu'elles n'autoriseraient pas nos inspecteurs à survoler leur territoire. Voici l'unique reproche réel qui est maintenu artificiellement. Il aurait été possible de s'entendre depuis longtemps, comme nous l'avons fait d'ailleurs. Mais nos collègues n'ont pas tenu leur parole.

Les Américains utilisent la même méthode en ce qui concerne le Traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Même s'ils ont officiellement déclaré qu'ils ne le ratifieraient pas, ils cherchent à l'utiliser pour nous accuser - et depuis peu ils font de même avec la Chine - d'enfreindre le TICE. Pour quelle raison? Si je comprends bien, pour la même raison que dans le cadre du FNI. Seulement, avec le FNI, il fallait justifier le retrait de ce Traité, alors que dans le cas du TICE il faut justifier pourquoi les Américains ont catégoriquement et déjà officiellement déclaré qu'ils n'y adhéreraient pas. La même chose concerne le Traité Ciel ouvert. L'administration américaine actuelle rejette conceptuellement et fondamentalement tout type de contrôle de l'activité militaire américaine. Surtout quand ce contrôle est exercé sur ou au-dessus du territoire américain.

D'autres pays suivront-ils les Américains? J'en doute. Je pense que les Européens savent que le Traité Ciel ouvert possède une valeur ajoutée en tant qu'outil de confiance, de prévisibilité et de transparence. Nous le percevons en tant que tel. Notre réaction aux décisions potentielles de Washington dépendra de la formulation de cette décision, ce qu'elle signifiera concrètement. Bien évidemment, nous verrons si des alliés de l'Otan suivront Washington parce que de cela dépendra cette fameuse valeur ajoutée du Traité aujourd'hui. Mais nous devrons simplement voir dans quelle mesure elle sera maintenue au vu des plans américains.

Question: Comme le montre la réalité ces dernières années, le niveau de soutien de l'UEE par la population du Kirghizistan ne cesse de chuter, la critique grandit, notamment concernant la liberté de circulation des produits et des finances. La Russie aide nos migrants du travail, mais en même temps c'est le faible travail de notre gouvernement national qui fait l'objet de ces critiques et explique pourquoi la population du Kirghizistan est sceptique par rapport aux perspectives de l'UEE. Selon vous, est-il temps d'apporter des correctifs à la politique de la Russie avec les voisins proches, notamment d'Asie centrale?

Sergueï Lavrov: Des correctifs dans quel sens?

Question: Vers une intensification du travail avec les forces, les groupes politiques.

Sergueï Lavrov: Nous avons parfaitement conscience de l'importance des relations avec nos voisins en Asie centrale, en Transcaucasie, dans la partie européenne de la CEI. Nous constatons que dans ces mêmes régions, notamment en Asie centrale, les États-Unis, l'UE, le Japon, la Chine et la Turquie deviennent plus actifs. Avec la formation de formats "5+1" où le chiffre cinq représente les pays d'Asie centrale et le chiffre un soit les États-Unis, soit le Japon, soit l'UE. Nous avons proposé un tel format avec la Fédération de Russie. Nos amis d'Asie centrale l'ont activement soutenu. Deux réunions ont déjà eu lieu. A première vue, on pourrait se demander pourquoi nous aurions besoin de formes et de formats supplémentaires quand nous avons la CEI, l'UEE, l'OCS, l'OTSC. Mais aucune de ces structures ne permet à la Russie de communiquer et de parler directement avec les cinq pays d'Asie centrale. Je pense que cette association informelle "5+1" (Asie centrale + Russie) sera utile. Nous avons organisé déjà deux réunions dans ce format au niveau des ministres des Affaires étrangères.

En ce qui concerne l'UEE et dans quelle mesure elle répond aux attentes des pays membres, vous le savez, on entend une certaine critique vis-à-vis de l'UEE. Nos voisins biélorusses promeuvent de telles approches critiques. L'UEE est une association assez jeune. Bien plus jeune en comparaison avec l'UE. Bien sûr, nous essaierons d'utiliser l'expérience positive de l'UE et de tenir compte des erreurs commises dans le processus d'intégration européen, mais cette expérience ne sera jamais suffisante pour que nous puissions régler toutes les questions au sein de l'UEE. Nous avançons progressivement vers la formation de marchés communs, notamment de marchés communs d'énergie - c'est l'une des étapes principales qui nous attend dans nos relations. Regardez objectivement le profit actuel, "ne cédez pas à la tentation" de le prendre pour un dû. Il y avait déjà des migrants du travail avant l'UEE - rien de terrible ne se produisait. Parfois des problèmes s'accumulaient, une amnistie était accordée pour les migrants du travail, cela a eu lieu plusieurs fois, y compris récemment.

Quel rapport avec l'UEE? En réalité l'UEE a légalisé cette situation et permet de tirer profit de la libre circulation de la main d'œuvre sur une base juridique parfaitement solide. Nous avons apporté une sérieuse contribution au Kirghizistan pour créer l'infrastructure nécessaire afin de garantir la libre circulation des marchandises, des capitaux, des services et de la main d'œuvre, nous apportons régulièrement un soutien humanitaire notamment pour soutenir le budget du pays. Il n'y a pas de limite à la perfection. Mais si l'idée de la nécessité d'un changement se répand au Kirghizistan, cela pourrait être le reflet du processus compétitif, de la concurrence pour l'Asie centrale où nos collègues occidentaux sont entrés activement. Nous pensons qu'une telle concurrence est contreproductive. Il est bien plus préférable de coopérer pour aider les pays d'Asie centrale, notamment le Kirghizistan et le Tadjikistan qui en ont particulièrement besoin, à développer leur économie, à créer une stabilité dans l'économie nationale. Nous y sommes prêts. Mais, malheureusement, nos collègues occidentaux ne le sont pas. Quand l'UE a avancé sa stratégie en Asie centrale, elle ne mentionnait pas l'OCS, l'UEE ou la CEI - structures auxquelles les pays d'Asie centrale participent d'une manière ou d'une autre. Elles ont été mentionnées tangentiellement à titre de mise en garde pour dire qu'il fallait veiller à ce que l'UEE, l'OCS, l'OTSC et les autres n'empêchent pas l'UE de travailler avec l'Asie centrale. Tout comme le programme Partenariat oriental de l'UE en direction des pays transcaucasiens et européens de la CEI, qui vise la concurrence, la contention de la Russie sur les territoires concernés.

Si au Kirghizistan, sous l'influence de tels programmes et concepts, se répand l'avis selon lequel il faut changer quelque chose dans les relations avec la Russie, je ne suis pas d'accord avec la nécessité de tenir compte de l'impact de telles idées. Par exemple, avec la Chine, dans le cadre de l'OCS et de l'interaction qui se met en place entre l'UEE et les projets chinois du programme "La Ceinture et la Route", nous essayons d'unir nos ressources et nos efforts pour aider les pays d'Asie centrale à se développer en harmonie tant au niveau de leur économie nationale que de transformation de leur économie nationale en partie organique de l'économie de l'Asie centrale. Actuellement, avec les collègues chinois et kirghizes, nous élaborons une approche commune du développement du réseau ferroviaire du Kirghizistan de manière à ce que  le chemin de fer ne transforme pas simplement le pays en point de transit à destination de l'Ouzbékistan, mais qu'il travers les villes et aide à créer des usines et des capacités économiques.

Si, en tant que personne qui suit ces avis, vous avez des idées concrètes pour modifier le travail des organes de l'UEE au Kirghizistan, ou si vous avez des remarques pour savoir comment la Russie pourrait coopérer plus efficacement avec les collègues kirghizes pour développer nos relations, envoyez-les, nous les étudierons volontiers et nous pourrons poursuivre ensuite la discussion.

Question: Permettez-moi de vous remercier pour l'aide apportée par la Russie à la Serbie en ces temps difficiles. Le 24 avril 2020, dans le cadre de l'Onu, sera célébrée pour la première fois la Journée internationale du multilatéralisme et de la diplomatie au service de la paix. D'après vous, le multilatéralisme pourra-t-il redevenir d'actualité dans le règlement du problème du statut du Kosovo?

Sergueï Lavrov: Je n'étais pas au courant de cette journée. Dans mon introduction j'ai mentionné l'initiative visant à développer le multilatéralisme avancée par l'Allemagne et la France. Je suis attentivement cette initiative. S'il existe une décision de l'Assemblée générale des Nations unies de célébrer une journée qui symbolise le soutien au multilatéralisme et à la diplomatie au service de la paix, j'en suis ravi. L'initiative franco-allemande de créer un groupe d'amis du multilatéralisme se développe hors du cadre de l'Onu, remettant ainsi en question le caractère universel de l'Organisation. Je trouve que le multilatéralisme est incarné dans la Charte de l'Onu. Le multilatéralisme qui s'appuie sur les principes d'égalité souveraine des États, de non-ingérence et de coopération pour un règlement pacifique des litiges, est une exigence absolue de notre époque.

Merci pour cette remarque, je me renseignerai pour savoir comment cette journée sera célébrée. Nous essaierons de faire en sorte qu'à terme elle soit fêtée de manière résonnante et permette de faire part des idéaux du multilatéralisme à tous les États pour que nous profitions de cette fête afin de renforcer l'Onu, et non pour créer des mécanismes concurrents opaques dans le but de promouvoir des idées douteuses.

Question: La Russie est le troisième plus grand partenaire commercial extérieur de la Géorgie. L'absence de missions diplomatiques et de représentations commerciales constitue un frein à une circulation significative des capitaux, des produits, des services et de la main d'œuvre entre nos pays. Qu'en pensez-vous: peut-on parler d'une normalisation des relations entre la Russie et la Géorgie?

Sergueï Lavrov: Je partage entièrement votre intérêt pour le développement de notre coopération avec la Géorgie, pour la rendre la plus large possible et qu'elle profite à nos citoyens et à nos peuples. Nous n'étions pas à l'origine de la rupture des relations diplomatiques. En fait, aujourd'hui, chez vous et chez nous existent des ambassades appelées sections des intérêts. A Tbilissi: la Section des intérêts près l'Ambassade de Suisse, et à Moscou la Section des intérêts de la Géorgie - également à l'ambassade suisse en Russie. Il n'y a pas d'ambassadeurs, mais des gens à la tête des Sections au niveau de conseillers émissaires dans les deux pays. Cela permet d'entretenir des liens, et pas seulement via les amis suisses. Il y a également des contacts directs à Moscou et à Tbilissi. La vie prend le dessus.

Évidemment, en présence d'une ambassade à part entière, les questions concernant la coopération économique, commerciale et les liens culturels seraient réglées bien plus rapidement et efficacement, c'est pourquoi nous sommes prêts à rétablir les relations diplomatiques. Mais étant donné que nous n'étions pas à l'origine de leur rupture, il faudra probablement attendre que les collègues géorgiens abordent la question. Les représentations commerciales impliquent également la présence d'accords. Je ne pense pas que l'ouverture d'une représentation commerciale changera soudainement quelque chose, ajoutera des avantages supplémentaires, mais si cela était proposé nous étudierions certainement cette éventualité.

Vous avez mentionné que la Russie était le troisième partenaire commercial extérieur de la Géorgie. Gazprom fonctionne, la Géorgie reçoit du gaz, c'est bien connu. Malheureusement, la communication aérienne est suspendue actuellement, mais j'espère que prochainement nous pourrons régler ce problème. Il est important pour nous d'éviter que la campagne antirusse soit attisée à Tbilissi. Les débordements qui ont eu lieu pendant l'Assemblée interparlementaire de l'orthodoxie nous ont poussés à réfléchir sérieusement au problème de la sécurité des Russes, même si par la suite les autorités géorgiennes affirmaient que la sécurité serait garantie.

Je suis attentivement les discours des dirigeants géorgiens, notamment de la Présidente Salomé Zourabichvili, qui s'est exprimée récemment de manière assez dure et agressive sur la Russie et sur nos affaires dans la région. Bien évidemment, de telles déclarations agressives ne contribuent pas à créer une bonne atmosphère au sein de l'opinion publique. Quand Salomé Zourabichvili a déménagé de France et est devenue Ministre géorgienne des Affaires étrangères, elle s'était rendue à Moscou, et je m'étais rendu à Tbilissi. C'est avec elle que nous négociions et avons passé un accord sur le retrait des deux bases militaires russes qui restaient en Géorgie. Cet accord avait ensuite été approuvé par les présidents de la Russie et de la Géorgie, Vladimir Poutine et Mikhaïl Saakachvili. Sur la base de notre déclaration a été préparé un document juridique, un accord avec la participation de nos ministères de la Défense. On peut encore mentionner un autre point intéressant qui montre à quel point les parties étaient capables de s'entendre et dans quelle mesure elles souhaitaient vraiment maintenir de bonnes relations. Je répète: nous menions des négociations sur le retrait total des bases russes de Géorgie. Deux ont été retirées à l'issue de l'accord de 1999, deux sont restées. Pendant les négociations, cette question a été soulevée, et le Président russe Vladimir Poutine a décidé que si les autorités géorgiennes ne voulaient pas maintenir ces bases sur leur territoire, il fallait s'entendre sur leur retrait. Et cela a été fait. Cet accord impliquait notamment l'entente mutuelle de créer à proximité du territoire de l'une de ces anciennes bases un centre antiterroriste russo-géorgien. Des spécialistes russes et géorgiens étaient supposés y travailler. C'était un symbole de notre partenariat: nous retirions les bases obsolètes pour les relations russo-géorgiennes, mais comme que le terrorisme était notre ennemi commun (dans la vallée de Pankissi, et dans la région dans l'ensemble, la situation n'était pas calme) nous sommes convenus de créer un tel centre. Tout a été signé, les bases ont été retirées, mais les autorités géorgiennes ont simplement renoncé à leurs propres décisions de créer ce centre antiterroriste russo-géorgien. Je pense que si à l'époque les accords avaient été respectés, cela aurait permis de changer le cours des choses. Cela aurait été un geste créant une base de confiance et de coopération dans un domaine très sensible. Cela aide toujours à se rapprocher. Nous serons prêts à réagir positivement à toutes les démarches constructives de nos voisins géorgiens. Nous le souhaitons vraiment.

Question: Le Ministre azerbaïdjanais Elmar Mamediarov a déclaré que l'Azerbaïdjan attendait de la communauté internationale des démarches efficaces afin de mettre en œuvre la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies pour régler le conflit azerbaïdjano-arménien dans le Haut-Karabakh. D'après vous, les institutions internationales compétentes sont-elles capables, notamment dans la crise actuelle, de répondre à ces attentes? Quels mécanismes pourraient déclencher la mise en œuvre des résolutions adoptées mais pas encore appliquées?

Sergueï Lavrov: Les résolutions en question sont des documents connus, adoptés pendant les activités militaires et supposant avant tout un arrêt total des activités militaires et le début du processus de paix. Certes, ils confirmaient l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan, mais exigeaient aussi de stopper la guerre et d'entamer les négociations. Depuis, les négociations ont été entamées plusieurs fois. Il y a eu les accords de Key West de 2001. Ainsi que d'autres accords dans différents formats conclus avec et sans la participation du Karabakh. A présent s'est établi le format des négociations Bakou-Erevan-Groupe de Minsk de l'OSCE pour le processus de paix dans le Haut-Karabakh avec trois coprésidents - Russie, France, États-Unis - et un représentant de la présidence en exercice de l'OSCE. C'est un bon format, un format utile. C'est dans ce format que s'est incarnée l'exigence du Conseil de sécurité des Nations unies de stopper la guerre et de chercher un terrain d'entente.

Il y a les principes de Madrid, ainsi que les documents préparés par la Fédération de Russie en 2010-2011, dits "document de Kazan". Il y a les projets proposés il y a un an (en avril 2019) à la réunion des ministres des Affaires étrangères de la Russie, de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan avec la participation des coprésidents à Moscou. Ils sont activement discutés actuellement. Ces documents prévoient un progrès vers la paix par étapes prévoyant dans un premier temps le règlement des problèmes prioritaires: la libération de plusieurs régions autour du Haut-Karabakh et le déblocage des communications de transport, économiques et autres.

Je suis certain que quand nous arriverons à la décision de signer ces documents, ce sera un pas important dans la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies en question et qui, je le répète, exigeaient de cesser la guerre et de chercher une entente. Ils ont commencé à chercher une entente. A présent il faut s'entendre. C'est ce que nous essayons de faire en tant que coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE pour le processus de paix dans le Haut-Karabakh.

Question: Je voudrais poser une question concernant le Spitzberg, ce fameux traité concernant le Spitzberg signé à Paris en 1920, et notre confrontation avec la Norvège. La position russe est compréhensible, les intérêts norvégiens le sont aussi. Mais en plus de la Russie et de la Norvège, ce Traité été signé par plus de 40 autres pays. Les médias mondiaux présentent actuellement les choses comme si la Russie était la seule à être opposée à la Norvège. Mais les pays mécontents sont bien plus nombreux. D'après vous, serait-il utile de constituer une coalition de plusieurs pays compte tenu de la violation du Traité par la Norvège?

Sergueï Lavrov: Je suis d'accord avec vous. Nous n'écartons pas cette éventualité. Nous agissions en parallèle, tant dans le cadre de nos relations bilatérales avec les Norvégiens que dans celui de la création d'une coalition pour défendre ce Traité datant de 1920.

Vous le savez, nous n'avons pas encore établi de dialogue constructif avec les Norvégiens. J'ai envoyé plusieurs lettres à mon homologue la Ministre norvégienne des Affaires étrangères Ine Marie Eriksen Søreide, dont la dernière date de février 2020, dans lesquelles j'ai concrètement exprimé nos préoccupations en énumérant les articles du Traité qui, selon nous, devaient être respectés plus attentivement, en proposant des consultations. Le fait que nos collègues et voisins norvégiens, qui ont toujours été connus pour leur respect du droit international, esquivent l'idée même des consultations ne rend pas leur position plus convaincante.

Je n'entrerai pas dans les détails, mais nous gardons à l'esprit la possibilité que vous avez mentionnée. Car parmi ceux qui veulent défendre plus activement ce Traité, certains le font simplement pour leur propre intérêt à partir des droits fixés dans le Traité, mais d'autres veulent profiter de la situation entre la Russie et la Norvège pour nous faire passer au premier plan tout en attendant l'issue de ce processus. Il existe aussi une troisième catégorie de personnes, qui veulent vraiment que les Norvégiens nous lèsent au maximum et créent finalement les conditions pour que nous stoppions notre activité, que nous cessions de réaliser nos projets touristiques, et la production de charbon par Arktikougol à Barentsburg. Nous le savons parfaitement. Nous sommes conscients de tous ces jeux géopolitiques et de la nécessité de préserver le régime juridique international du Spitzberg.

Question: Dans le cadre du projet de l’État de l'Union, les citoyens de la Russie et du Belarus sont préoccupés par le rétablissement factuel du contrôle frontalier côté russe dans le cadre de la pandémie. Des rumeurs sont répandues selon lesquelles à terme une frontière à part entière pourrait être instaurée, ce qui est un pas évident vers la désintégration des alliés. Quel est votre avis à ce sujet?

Sergueï Lavrov: Nous ne voyons aucune raison d'instaurer un régime frontalier. Nous voulons que l’État de l'Union se développe en parfaite conformité avec les principes, les objectifs et les directions prévus par le Traité sur la création de l’État de l'Union de 1999. Parmi d'autres principes, il inclut les engagements des parties à créer des conditions égales pour les citoyens du Belarus et de la Russie dans tous les domaines - l'économie, la culture, les relations juridiques, etc. Dans la plupart des domaines, de tels droits égaux ont été fixés par des accords et traités séparés. Il ne reste plus que quelques positions où ces droits doivent être égalisés, notamment en ce qui concerne les services médicaux pour les Russes sur le territoire du Belarus (où les conditions sont encore différentes), les tarifs des hôtels. Mais ce sont des questions mineures. Elles seront certainement réglées.

Quant au franchissement de la frontière, il y a deux ans et demi, quand nos voisins biélorusses ont instauré unilatéralement le régime sans visa pour l'entrée au Belarus pour les citoyens d'environ 80 États, cela n'avait pas été convenu avec nous et a créé une situation où des citoyens de pays n'ayant pas de régime sans visa avec nous entraient sans visa au Belarus. Or en l'absence d'un contrôle douanier entre le Belarus et la Russie un citoyen qui aurait dû recevoir un visa pour entrer en Russie pouvait sans obstacle et donc illégalement se rendre sur le territoire de la Fédération de Russie. C'est alors que nous avons proposé de se mettre d'accord sur une politique de visa commune entre la Russie et le Belarus pour avoir les listes communes des citoyens interdits d'entrer rédigées sur une base mutuelle et réciproque; des approches communes pour accorder un régime sans visa aux citoyens des États concernés. Un tel accord a été préparé. Il a été paraphé en décembre 2018. Il attend sa signature depuis presque un an et demi. Notre gouvernement nous a donné son accord en décembre 2018. Je pense que la signature de cet accord répondrait aux préoccupations mentionnées et retirerait les derniers prétextes pour ceux qui voudraient créer une frontière équipée à part entière entre nos pays membres de l’État de l'Union.

Je pense que prochainement nos collègues biélorusses nous feront part de leur position, confirmeront leur disposition à signer ce qui a été paraphé il y a un an et demi. Du moins, très récemment le Belarus a signé avec l'UE un document sur la simplification du régime de visa, la réadmission. C'est un progrès utile. Nous avons également un tel document avec l'UE. Par conséquent, la solution du problème évoqué est prête depuis un an et demi. Nous avons les pouvoirs pour le signer. Nous espérons que mes collègues biélorusses ont également conservé ces pouvoirs.

Question: Qu'en pensez-vous: si l'Union européenne s'effondrait, les membres actuels de l'UE auraient-ils une chance d'être acceptés au sein de l'UEE?

Sergueï Lavrov: L'Union économique eurasiatique (UEE) est ouverte à l'adhésion de chaque pays qui partage ses documents fondamentaux.

En ce qui concerne les perspectives de l'UE, je ne vois pas, même en théorie, de situation dans laquelle cela pourrait se produire.

Dans cette situation, le plus juste serait d'établir des contacts entre l'UEE et l'UE. Ces propositions ont été évoquées en 2015 déjà. Bruxelles continue d'y réfléchir. L'UEE, via la Commission économique eurasiatique, a soumis plusieurs fois de telles initiatives à l'étude de la Commission européenne. Au départ, elles n'ont reçu qu'une attitude négative, puis, au fur et à mesure que Bruxelles a pris conscience que les pays membres de l'UEE déléguaient de nombreuses fonctions pratiques au niveau supranational, Bruxelles est devenu plus ouvert au dialogue avec la Commission économique eurasiatique, mais seulement sur les questions techniques telles que les règlements techniques, la régulation de différents secteurs, etc. Mais c'est déjà quelque chose. Ce sont des éléments concrets sur lesquelles il est possible de prendre appui pour renforcer la coopération. Nous sommes favorables au développement du partenariat stratégique sur tout notre continent eurasiatique.

Car l'Eurasie est un immense territoire où existent l'UE, l'UEE, l'OCS, et une grande partie des pays de l'ASEAN. A cet endroit passe également une grande partie du projet chinois "La Ceinture et la Route". C'est pourquoi en mai 2016 déjà, quand Sotchi a accueilli le sommet Russie-ASEAN, le Président russe Vladimir Poutine y avait formulé l'initiative de créer un Grand partenariat eurasiatique qui serait ouvert aux pays membres de toutes ces associations: l'UEE, l'OCS, l'ASEAN, aux pays qui faisaient partie de l'UE, et à l'UE elle-même.

Occupant une grande superficie de la planète, nous avons tous d'immenses avantages comparatifs. Il est étrange de ne pas profiter de ces avantages, de continuer d'avancer des scénarios de confrontation (les scénarios mentionnés - le Partenariat oriental et la stratégie de l'UE pour l'Asie centrale - sont bien de confrontation). Nous souhaitons précisément créer ce Grand partenariat eurasiatique en accumulant progressivement les domaines de coopération où le profit est évident pour tous les acteurs. Je pense qu'en suivant cette voie il deviendra aussi plus simple pour l'UE de régler ses problèmes intérieurs, et l'UEE sera également ouverte à la coopération au profit de ses propres membres.

Question: Vous avez parlé au début du marché énergétique commun et de la nécessité pour les pays de l'UEE de combattre ensemble les conséquences économiques de la pandémie de coronavirus. A cet égard, je voudrais soulever la question du gaz. Tout le monde sait que le prix du gaz, ce n'est pas seulement du business, mais aussi en grande partie de la politique. En Arménie et au Belarus, nous observons comment la Russie baisse les prix même à titre rétroactif pour les pays de l'UE: par exemple pour la Bulgarie ou pour la Moldavie amicale les tarifs sont plus bas aujourd'hui que pour l'Arménie. D'où la question: pourquoi, dans cette politique, la Russie ne procède-t-elle pas à une telle baisse des tarifs avant tout pour les pays de l'UEE, et seulement ensuite pour d'autres pays? Cela motiverait également d'autres pays à adhérer à l'UEE, à coopérer avec l'UEE, en sachant que cela apporte d'importants profits économiques.

Sergueï Lavrov: Je comprends la question. Je vois la logique, mais dans ce cas il faut être logique jusqu'au bout. Quand le prix actuel pour l'Arménie et le Belarus était deux à trois fois inférieur au prix du marché, cela était considéré comme un dû, et personne ne disait que c'était de la politique. Tout le monde disait que c'était ainsi que cela devait être. Je pense que les alliés doivent évidemment bénéficier de préférences économiques, je n'ai aucun doute sur ce point. Mais quand le prix s'est retrouvé où il est actuellement, il existe des engagements contractuels. Je suis certains qu'en examinant les requêtes soumises par nos amis biélorusses et arméniens dernièrement nos relations d'alliés sont prises en compte. Il est probablement incorrect de le rappeler seulement quand la situation devient diamétralement opposée à ce qui était le cas il y a 3-4 ans, quand ce mécanisme de tarification a été créé en tenant compte entièrement des engagements d'alliés.

En parlant concrètement de l'Arménie, le Ministère russe de l’Énergie et Gazprom s'en occupent déjà. Mais il existe un problème chronique qui n'est pas réglé depuis plusieurs années: les tarifs intérieurs en Arménie qui compliquent l'application des approches préférentielles maximales de la tarification. Je ne vais pas entrer dans les détails maintenant.

Si nous parlons d'alliance, elle doit se manifester dans tous les domaines. En parlant d'économie, nous espérons vraiment que les procès qui ont commencé ces dernières années en Arménie sur les coentreprises, y compris le chemin de fer du Caucase du Sud, seront réglés sans aucune tentative d'y inclure des éléments inadmissibles entre alliés. J'en parle très franchement parce que plusieurs situations difficiles impliquant des compagnies russes sont survenues. J'espère que nous réglerons toutes ces questions pour la satisfaction mutuelle.

Très récemment le Président russe Vladimir Poutine s'est entretenu par téléphone avec le Premier ministre arménien Nikol Pachinian. Ils voient des voies de développement de notre coopération et du partenariat stratégique. Je vous assure que toutes les questions seront réglées dans ce sens précis des deux côtés.

Question: Au nom de la division sibérienne de l'Académie des sciences de Russie, nous remercions les collaborateurs du Ministère russe des Affaires étrangères pour leur aide au retour d'importants chercheurs sibériens depuis leurs missions à l'étranger, notamment depuis les États-Unis.

A l'heure actuelle nous assistons à la fermeture de projets et de programmes internationaux de coopération scientifique et technique. Quelles mesures et programmes compte entreprendre le Ministère russe des Affaires étrangères pour rétablir les liens scientifiques internationaux après la pandémie de coronavirus? Quelles nouvelles possibilités pour la diplomatie scientifique cette situation ouvre-t-elle pour la Russie?

Sergueï Lavrov: Le Ministère russe des Affaires étrangères ne s'occupe pas de l'orchestration des liens scientifiques. Nous soutenons toujours les liens scientifiques, mais ils sont directement établis quand une communauté scientifique, dans notre pays ou à l'étranger, nous demande de l'aide pour trouver un partenaire, faire part au partenaire choisi des idées et des propositions. Nous le faisons toujours et nous continuerons de le faire. Mais nous ne pouvons pas, par définition, assurer le contenu scientifique des contacts de nos institutions académiques avec les partenaires à l'étranger. C'est de votre ressort.

Si nos collègues de Novossibirsk ou d'un autre centre scientifique, à l'issue de cette pandémie et tout ce qui y est lié, après la levée de toutes les restrictions, avaient besoin de notre aide pour rétablir les liens, pour transmettre des informations (même si les moyens de transfert d'information sont si développés aujourd'hui que cela ne devrait poser aucun problème), nous y contribuerons pleinement.

Comprenez-moi bien, nous ne pouvons pas dire physiquement: "Allez demain en Italie ou en France pour entamer la réalisation d'un projet pour créer un vaccin ou un nouveau mécanisme. Dès que vous sentirez que vous serez prêts et que les partenaires également, mais que quelque chose vous freine, si nous pouvons surmonter cet obstacle nous le ferons volontiers.

En ce qui concerne la seconde partie de la question, je pense que la diplomatie scientifique est dans l'intérêt de tous sans exception. Si, à une période plus calme, avant que ce malheur ne nous tombe dessus, la diplomatie scientifique était perçue à travers la logique du "soft power" - comme quoi nous développerons les contacts, montrerons à quel point nous sommes ouverts et intéressants, qu'avec nous il est possible de régler des questions importantes et qu'ainsi nous influencerons la situation politique globale - je trouve qu'aujourd'hui la diplomatie scientifique prend avant tout la forme d'un instrument pour élaborer des antidotes aux problèmes communs qui menacent toute l'humanité. Elle ne perd pas sa fonction de créer du lien entre les hommes, mais elle n'est pas devenue le "soft power" pour qu'un pays influence un autre, mais un instrument de développement du bon voisinage dans l'intérêt de tous. Pas pour que quelqu'un atteigne ses objectifs au détriment des autres. C'est pourquoi nous soutiendrons pleinement la diplomatie scientifique.

Je répète que ce sont les chercheurs qui doivent déterminer ses voies de développement, les sphères d'application des efforts communs. Si vous nous tenez au courant de vos projets, ce sera d'une grande aide pour nous et nous aidera à vous prêter assistance le cas échéant.

Question: Merci pour cette possibilité de poser une question. Elle concerne le thème de la neutralité permanente de la Moldavie, que vous connaissez et dont vous avez entendu parler plusieurs fois durant votre travail. Nous observons et avons toujours une attitude très sensible envers les relations entre la Fédération de Russie et l'Union européenne. Toute tension entre vos pays affecte directement la situation et l'opinion en Moldavie, ainsi que nos relations bilatérales. Que pensez-vous des perspectives de la neutralité permanente de la Moldavie? Pouvons-nous compter éventuellement sur le soutien de la Russie en la matière, dans le renforcement de ce statut et sa promotion sur la scène internationale?

Sergueï Lavrov: Non seulement vous pouvez compter sur notre soutien, mais vous l'avez déjà - et ce depuis le début de l'ère postsoviétique de l'histoire de la Moldavie, quand, grâce à l'intervention de la Fédération de Russie, a été réglé le conflit chaud en Transnistrie, quand ont été posées les bases pour régler ce problème de manière durable, quand ont été élaborés les principes de base qui distinguent la politique de la Fédération de Russie. Ils stipulent que nous soutenons le règlement du problème du statut particulier de la Transnistrie dans le cadre d'une Moldavie souveraine et intègre territorialement. En garantissant le respect de sa neutralité. En d'autres termes, cette position signifie deux choses très simples. Nous ne soutiendrons pas les tentatives d'aspirer la Moldavie et la Transnistrie au sein de l'Otan. C'est absolument hors de question. Et nous ne soutiendrons pas les tentatives de priver la Moldavie de sa structure étatique. Dans le cadre du respect de ces deux principes qui, selon moi, correspondent parfaitement aux intérêts fondamentaux de la Moldavie en tant qu'Etat et à ceux du peuple moldave, je garantis que nous pourrons toujours trouver une solution au problème de la Transnistrie. Si tous les membres du processus "5+2" partaient de ce principe, je pense que le problème serait réglé depuis longtemps. Malheureusement, ce n'est pas vraiment le cas. Certains collègues occidentaux suivent un autre ordre du jour qui est déterminé avant tout par leur volonté de renforcer et d'élargir l'Otan.

Question: Souvent des journalistes, des chercheurs russes et pas seulement sont proclamés persona non grata dans les pays d'Asie centrale. Et nous avons aussi un tel exemple: c'est l'anthropologue russe Sergueï Abachine, dont la position diverge avec la position officielle des autorités de l'Ouzbékistan. La même chose arrive aux chercheurs français, azerbaïdjanais et autres en Iran, au Pakistan et dans d'autres pays. Sachant que la réaction du Ministère russe des Affaires étrangères est quelque peu différente de ses homologues étrangers. Qu'en pensez-vous: sur ces questions le Ministère russe des Affaires étrangères se limite-t-il à une activité de consultation?

Sergueï Lavrov: Sincèrement, je n'en ai pas entendu parler. Si vous m'envoyez ces informations, nous vous répondrons. En principe le droit international et les Conventions de Vienne partent du principe que tout pays est en droit de proclamer persona non grata qui que ce soit sans explication. Pour être plus concret, j'ai besoin d'informations. Envoyez-nous vos informations. Nous vous communiquerons notre avis.

 

 

 

 

 

 


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