Conférence de presse de Maria Zakharova, porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères, Moscou, 12 mai 2016
Sur la participation de Sergueï Lavrov, Ministre russe des Affaires étrangères, aux consultations de Vienne sur le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
Suite à son déplacement en Biélorussie, dont j'ai parlé lors de la dernière conférence de presse, le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov se rendra à Vienne avec sa délégation. Des communiqués diffusés aujourd’hui, notamment par l’OSCE, ont annoncé que les présidents de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan devaient se rencontrer la semaine prochaine dans la capitale autrichienne. Sont également attendus les ministres des Affaires étrangères des pays coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE – la Russie, les États-Unis et la France. Le principal objectif de ces consultations, si elles ont bien lieu, sera de renforcer le cessez-le-feu, de réduire les risques militaires et de s’entendre sur le renforcement de mesures de confiance concrètes. Tout cela figure dans les plans activement élaborés à l’heure actuelle. Nous vous informerons évidemment du format, de l’heure et de la date quand ils seront fixés.
Nous pensons qu’une telle réunion devrait contribuer à stabiliser la situation dans la zone de conflit et réunir les conditions nécessaires pour relancer les négociations de paix.
Sur la participation de Sergueï Lavrov, Ministre russe des Affaires étrangères, à la réunion ministérielle du Groupe international de soutien à la Syrie
Nous avons déjà publié, sur le site du Ministère, des informations sur l’issue des entretiens téléphoniques entre les chefs des diplomaties russe et américaine. Comme vous le savez, Sergueï Lavrov et John Kerry ont convenu d’inviter les membres du Groupe international de soutien à la Syrie (GISS) à la réunion ministérielle du 17 mai à Vienne.
La Russie part du principe que c'est pour garantir un travail réussi qu'une base solide a été élaborée, notamment les déclarations du GISS adoptées à Vienne et à Munich, le Communiqué de Genève du 30 juin 2012, ou encore la Déclaration conjointe russo-américaine sur la fin des opérations du 22 février 2016. Tous ces documents ont été approuvés par le Conseil de sécurité des Nations unies, notamment par les résolutions 2118, 2254 et 2268.
Comme vous le savez, une autre déclaration russo-américaine sur la Syrie a été adoptée le 9 mai, qui actualise et détaille les principaux axes des efforts internationaux sollicités pour rétablir la paix au plus vite, régler politiquement le conflit dans ce pays et éradiquer le foyer de terrorisme sur le sol syrien.
Une base a été élaborée pour que le travail du Groupe soit fructueux. Certains pays qui y participent le font avec dévouement, d’autres simplement, mais c’est déjà une bonne chose. Nous pensons qu’à l’heure actuelle le plus important est de remplir complètement les décisions prises par toutes les parties syriennes et tous les membres du GISS.
Dans le même temps, nous tenons à insister sur un autre point: la nécessité de mettre un terme au soutien apporté aux terroristes, non seulement en combattants mais également en armes, ce que nous répétons constamment à nos partenaires. Cet approvisionnement se déroule essentiellement via la frontière turco-syrienne. Nous prônons également et travaillons activement à bloquer les canaux de financement encore actifs de ces groupes.
Il est important que les participants syriens au cessez-le-feu se détachent résolument des terroristes, y compris géographiquement. Nous avons réaffirmé cette position plusieurs fois. Beaucoup de choses dépendent des membres du GISS qui exercent une influence sur les groupes armés.
Nous voulons que tous les acteurs impliqués dans ce dossier renoncent à la politisation, aspirent à une approche objective pour améliorer la situation humanitaire, prennent en compte les intérêts de tous les groupes de la population syrienne touchée et dans le besoin.
Il est impératif d’accroître considérablement les efforts menés dans le cadre du GISS et par ses membres individuellement afin d’assurer la stabilité et le succès des négociations intersyriennes de Genève sous l’égide de l’Onu, tout comme la représentativité de l’opposition syrienne - y compris le groupe de Riyad qui avait suspendu plus tôt sa participation au processus de Genève, et le Parti de l’union démocratique kurde syrien dont la participation équitable aux pourparlers reste bloquée par Ankara.
Nous assistons actuellement à un renversement de la situation en Syrie. La Russie continue de tout faire, y compris dans le cadre du GISS, pour que la tendance à la normalisation et à la transition du conflit intersyrien vers le processus de paix prédomine. Nous espérons que cette ligne sera comprise et soutenue par tous les membres du Groupe.
Sur le prochain sommet Russie-ASEAN
Le prochain sommet de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) se tiendra à Sotchi les 19 et 20 mai sous la devise "Russie-ASEAN: vers un partenariat stratégique mutuellement bénéfique". Cet événement permettra de dresser le bilan de notre coopération sur les deux dernières décennies. En effet, en 2016, le dialogue de partenariat entre la Russie et l'ASEAN fêtera son 20e anniversaire.
Après son déplacement à Vienne, le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov se rendra donc lui-même à Sotchi pour participer à ce sommet important et fondamental pour la Russie.
Je rappelle que plusieurs grands événements auront lieu à cette occasion, notamment le Forum d'affaires Russie-ASEAN - qui vise à élargir les contacts entre les milieux entrepreneuriaux et à chercher de nouveaux projets prometteurs de coopération commerciale, économique et d'investissement, ainsi que la première réunion des ministres de la Culture et le Festival des arts dans le cadre de l'Année croisée de la culture Russie-ASEAN.
Plusieurs activités communes entre les institutions concernées et les structures d'experts ont été organisées pour préparer ce sommet-anniversaire.
Notre coopération dans le domaine de la sécurité est passée à un niveau supérieur, comme en témoigne le succès de la première réunion informelle des ministres de la Défense de la Russie et des pays membres de l'ASEAN en avril 2016 à Moscou.
Un travail est également en cours pour apporter un caractère systémique à notre collaboration dans le domaine de la réaction aux situations d'urgence.
De nouveaux mécanismes de coopération ont été lancés dans le domaine de l'énergie renouvelable, de l'agriculture et de l'éducation. Des accords ont été conclus pour prolonger les efforts visant à améliorer la qualité des services touristiques et assurer la sécurité des touristes.
Le Groupe de personnalités éminentes formé pour le sommet et composé de représentants de premier plan des services diplomatiques et académiques de Russie et des pays de l'ASEAN a élaboré un rapport présentant la vision stratégique de l'avenir de nos relations, qui sera dévoilé au sommet.
Sur la réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères des États membres de l'OCS
Le Conseil des ministres des Affaires étrangères des États membres de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) se réunira les 23 et 24 mai à Tachkent.
Les participants évoqueront notamment la préparation du sommet de l'OCS des 23 et 24 juin à Tachkent, qui sera consacré au 15e anniversaire de l'Organisation. Les ministres des Affaires étrangères comptent évoquer les projets de documents et de solutions à soumettre à l'examen du Conseil des États membres de l'OCS, en particulier la Déclaration de Tachkent pour le 15e anniversaire de l'OCS, le Plan d'action pour 2016-2020 sur la mise en œuvre de la Stratégie de développement de l'OCS d'ici 2025, ainsi que divers projets destinés à promouvoir la coopération dans la lutte contre le terrorisme, l'extrémisme, le crime organisé et le trafic de stupéfiants.
Dans le contexte des décisions prises par les chefs d’État en 2015 à Oufa sur l'élargissement de l'OCS, les ministres étudieront le déroulement de la procédure d'admission de l'Inde et du Pakistan à l'Organisation.
L'agenda prévoit également un échange d'opinions sur les problèmes régionaux et internationaux d'actualité.
L'adoption d'un communiqué est prévue à l'issue de la réunion.
Sur la visite de travail de Sergueï Lavrov, Ministre russe des Affaires étrangères, en Hongrie
Le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov se rendra le 25 mai à Budapest à l'invitation du Ministre hongrois des Affaires étrangères et des Relations économiques extérieures Peter Szijjarto.
Il poursuivront leur discussion sur l'actualité des relations bilatérales en mettant l'accent sur la mise en œuvre des accords conclus lors de l'entretien du Président russe Vladimir Poutine avec le premier ministre hongrois Viktor Orban à Moscou le 17 février. Les deux ministres échangeront également leurs points de vue sur les problèmes internationaux, notamment la lutte contre le terrorisme, les relations de la Russie avec l'UE et l'Otan, la crise migratoire en Europe et la situation en Ukraine.
Sur la tournée africaine du Vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, représentant spécial du Président russe pour le Moyen-Orient et l'Afrique
Quelques mots sur la tournée africaine du Vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, représentant spécial du Président russe pour le Moyen-Orient et l'Afrique. L’objectif de ce voyage (10-14 mai) est de renforcer les liens traditionnellement amicaux de la Russie avec les pays du continent. Voilà un bilan intermédiaire des entretiens qui ont déjà eu lieu et un point sur les sujets qu'il reste à aborder.
Le 10 mai à Luanda, Mikhaïl Bogdanov a été accueilli par le Président angolais José Eduardo dos Santos pour évoquer la coopération commerciale et économique bilatérale dans différents secteurs, ainsi que la coopération politique - notamment dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies dont l'Angola est un membre non permanent pour 2015-2016.
Le 11 mai à Kigali, Mikhaïl Bogdanov a rencontré le Président rwandais Paul Kagame et la Ministre des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo. Il a également participé au 26e Forum économique mondial pour l’Afrique. Ce rendez-vous a réuni les dirigeants de plusieurs pays d’Afrique et les responsables de compagnies russes et internationales.
Les 12 et 13 mai à Kampala, Mikhaïl Bogdanov représentera notre pays lors de l’investiture officielle du Président ougandais Yoweri Museveni, réélu en février. Pendant ses consultations avec les dirigeants du pays seront évoquées les questions relatives au renforcement des liens russo-ougandais, avec un accent sur le renforcement de la coopération commerciale, économique, politique et humaine.
Durant les entretiens prévus le 14 mai avec les dirigeants du Burundi, il est prévu d'évoquer un large éventail de questions bilatérales et l’éventuelle contribution de la Russie, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, à la stabilisation politique dans ce pays.
Sur la préparation opérationnelle de la base de défense antimissile des USA en Roumanie et le début de la construction d’une base en Pologne
Le complexe antimissile américain Aegis Ashore, déployé en Roumanie près de Deveselu, a été mis en service le 12 mai. Les États-Unis ont ainsi achevé la deuxième phase de leur Approche adaptative et progressive annoncée en 2009 sur le déploiement des éléments de leur Bouclier antimissile (ABM) global en Europe. Washington entame désormais la troisième étape: déployer Aegis Ashore en Pologne avec des missiles intercepteurs modernisés Standard 3 en version IIA. La "cérémonie" du début de la construction de la base des missiles d'interception est fixée le 13 mai à Redzikowo.
Depuis plusieurs années, la Russie attire l'attention sur les risques que représente le déploiement de l'ABM américain stratégique unilatéral et illimité pour la sécurité internationale et la stabilité stratégique.
Nous avons suggéré plusieurs options pour régler la situation et sommes prêts à une coopération plus étroite - jusqu'à la création en Europe, avec l'Otan, d'une architecture antimissile construite selon le principe des secteurs qui pourrait effectivement protéger la région contre d'éventuelles menaces de missiles émanant de l'extérieur de la région euro-atlantique, sans pour autant mettre à mal la parité stratégique. Je voudrais attirer votre attention sur ce point car c'est là que réside le fond du problème. Mais les USA et leurs alliés ont refusé d'aller dans ce sens. Ils n'ont pas non plus accepté de fixer, dans une forme juridiquement contraignante, que l'ABM actuellement mis en place ne visait pas la Russie.
Puis toutes les discussions concernant d'éventuelles solutions au problème de l'ABM global ont été entièrement interrompues à l'initiative de Washington. Pour autant, cela n'empêche pas les USA d'accroître leur potentiel antimissile à une échelle dépassant largement les objectifs déclarés.
Nous continuons de percevoir les agissements des USA et de leurs alliés dans le domaine de l'ABM comme une menace directe à la stabilité et à la sécurité régionales et internationales. Ils aggravent significativement la situation stratégique en Europe.
D'autres questions problématiques entourent la création de sites de défense antimissile en Europe. Ainsi, la liste des armements déployés en Roumanie et en Pologne dans le cadre de l'Aegis Ashore inclut des systèmes de lancement identiques à ceux utilisés par les navires de la marine américaine pour lancer aussi bien des missiles intercepteurs que des missiles de croisière de moyenne portée Tomahawk. Nous considérons l'apparition de tels vecteurs sur le terrain comme une violation, de la part des USA, de l'un des termes du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI). Force est de le constater ouvertement, sans aucune formule diplomatique supplémentaire.
La Russie a alerté plusieurs fois ses partenaires du risque d'une évolution négative de la situation dans le domaine de l'ABM, mais nos préoccupations continuent d'être ignorées. Nous en tirons les conclusions appropriées, notamment avec des mesures de rétorsion militaires et techniques.
Je voudrais également commenter le communiqué du porte-parole de l'Ambassade des USA à Moscou, Will Stevens, diffusé aujourd'hui une demi-heure avant notre conférence de presse. Il a déclaré: "Nous avons fait trois propositions concrètes à la Russie. Premièrement, nous avons proposé une transparence sur l'ABM par l'intermédiaire d'échanges dans le cadre du Conseil Otan-Russie et avons envoyé une invitation officielle aux experts russes afin qu'ils puissent assister aux essais des missiles de l'ABM de l'Otan. Deuxièmement, nous avons proposé d'organiser des exercices communs Otan-Russie sur l'ABM. Troisièmement, nous avons proposé de créer deux centres communs pour l'ABM: un pour échanger des données et un autre pour la logistique de planification". Selon lui, la Russie n'a pas donné de réponse positive à cette proposition, suspendant de facto le dialogue en 2013. J'ai déjà dit qui et comment y avait mis un terme.
Maintenant, passons en revue les détails du communiqué du porte-parole de l'Ambassade des USA à Moscou, Will Stevens. Le diable, comme on le sait, est dans les détails. En matière de présentation, rien à reprocher: en effet, les points de coopération énumérés ont été proposés. Mettons de côté la casuistique et analysons le fond.
En réalité, tout est très simple. Il n'est pas nécessaire d'énumérer les noms des vecteurs, de faire des phrases compliquées ou des citations. Le fond du problème est simple: les USA et l'Otan – qui sont maintenant comme des frères jumeaux – ont décidé de déployer en Europe leur ABM. Nous avons dit à plusieurs reprises que les objectifs invoqués, de notre point de vue, ne correspondaient pas aux tâches publiquement déclarées. Eu égard à nos préoccupation et en comprenant que ce système changerait foncièrement la sécurité et la stabilité stratégique sur le continent, nous avons suggéré de trouver une issue commune à la situation en mettant au point un système qui remédierait aux craintes et aux inquiétudes aussi bien des Américains, de l'Otan, que de la Russie - d'autant qu'on nous disait que ce système ne nous visait pas. Pour qu'il n'y ait par la suite aucune spéculation, à aucun niveau et pour personne, nous avons proposé de le faire en signant un document juridiquement contraignant – un accord ou un traité. D'après moi, c'était une position très juste, ouverte et honnête. Si vous avez des préoccupations qui ne concernent pas la Russie mais qui ont lieu d'être sur le continent, construisons ensemble un système qui tiendrait compte des craintes des deux parties, et faisons-le comme des partenaires honnêtes, c'est-à-dire en le fixant dans un document juridique.
Qu'ont fait nos partenaires américains? Ils ont effectivement proposé de partager des informations, élaboré un certain type de partenariat, de coopération en la matière, mais uniquement dans le cadre des programmes ou des systèmes qu'ils mettaient en place. Pourquoi? Pour légaliser leur propre système qu'ils n'avaient aucunement l'intention de stopper, comme nous pouvons le constater aujourd'hui. En d'autres termes, selon leur logique, s'il faut partager des informations c'est uniquement dans le segment et selon la quantité que les USA permettent, uniquement sur les questions permises par les États-Unis. Est-ce une coopération vraiment équitable? Peut-on la faire passer pour un partenariat? Bien sûr que non.
Il fallait donc soit choisir ce qui avait été décidé unilatéralement et supposait une coopération très limitée uniquement dans le segment permis par l'une des parties, soit proposer un système qui serait construit, créé et mis au point par la Russie et l'Otan, qui tiendrait compte des véritables objectifs - pas inventés. Nous avons opté pour la seconde approche. Il est important de comprendre ce qui se passe et qui poursuit tel ou tel objectif.
Sur la décision du Sénat brésilien de relever la présidente Dilma Rousseff de ses fonctions
Plusieurs médias, notamment l'agence ITAR-TASS, nous ont demandé de commenter la décision prise par le Sénat brésilien de relever Dilma Rousseff, la présidente du pays, de ses fonctions.
Nous suivons attentivement l'évolution de la situation au Brésil, où a été initiée cette procédure de destitution. Elle a été suspendue de ses fonctions de chef d’État à compter du 12 mai, et sera remplacée par le vice-président Michel Temer.
Ce qui se passe au Brésil, évidemment, relève de sa propre politique intérieure. Il est important que ces processus se déroulent dans le cadre constitutionnel et législatif. Il est également fondamental que l'issue de cette situation, quelle qu'elle soit, n'entraîne pas de divisions dans la société ou de montée d'une forte confrontation politique. Évidemment, toute ingérence extérieure nuisible est inadmissible.
Nous souhaitons que le Brésil soit un pays stable, démocratique et qu'il évolue dynamiquement en jouant un rôle important sur la scène internationale. Pour la Russie, il est un partenaire important en politique étrangère aussi bien en Amérique latine que dans le monde. Nous coopérons activement à l'Onu, dans le groupe des Brics et au G20. Nous entretenons des liens constructifs dans les domaines commercial, économique, humain et culturel, et nous constatons avec satisfaction que le développement de la coopération avec la Russie est soutenu par un large éventail de forces politiques brésiliennes.
Sur le refus des autorités turques de traduire en justice Alparslan Celik
De nombreux médias russes nous ont demandé de commenter le refus des autorités turques de traduire en justice Alparslan Celik, citoyen turc impliqué dans l'assassinat du pilote russe Oleg Pechkov le 24 novembre 2015.
En nous basant sur la presse turque, notamment sur les réseaux sociaux, nous avons retracé l'information concernant le décret du procureur républicain d'Izmir refusant d'ouvrir une enquête pénale à l'encontre d'Alparslan Celik. Cette décision a été prise car la base de preuves serait prétendument "insuffisante" et parce que "les complices turcs de Celik n'ont pas été arrêtés".
Une telle position, de la part de la police turque, suscite de sérieuses préoccupations et soulève de nombreuses questions. D'une manière générale, on a l'impression que la justice turque cherche sciemment à disculper un homme qui a publiquement reconnu être impliqué dans un crime grave. La situation est recouverte d'un véritable voile d'opacité. De facto, Ankara reconnaît sa réticence à entreprendre des mesures exhaustives pour retrouver et traduire en justice tous les responsables de la mort du pilote russe - il n'est pas seulement question d’Alparslan Celik mais également d'autres extrémistes impliqués dans ce massacre qui lui étaient directement subordonnés.
Je voudrais noter une fois de plus que nous sommes consternés, que nous avons beaucoup de questions et que nous ne comprenons pas pourquoi la situation, pourtant déjà passée sur le plan juridique, est aussi opaque et emmêlée, pourquoi il y a autant de désinformation sur ce sujet.
Réponses aux questions:
Question: Vous dites que la Turquie a une attitude négative vis-à-vis de la Russie et de la Syrie, et qu'elle exerce une influence néfaste sur la situation politique dans la région. Se permettrait-elle autant d'arrogance si les USA ne la soutenaient pas?
Réponse: Non, elle ne pourrait pas se le permettre.
Question: Le Conseil de sécurité des Nations unies a récemment bloqué un projet de résolution russe proposant d'inscrire Ahrar al-Sham et Jeysh al-Islam sur la liste des groupes terroristes. Qu'en pensez-vous?
Réponse: Cette décision met en lumière l'approche non constructive de nos collègues. Elle contredit clairement l'aspiration, fixée noir sur blanc dans plusieurs textes internationaux, à la normalisation de la situation en Syrie, mais également à trouver un plan concret pour y parvenir en mettant un terme à l'activité terroriste, en stoppant le soutien aux groupes terroristes, en organisant des négociations uniquement avec les forces qui ont annoncé leur non implication dans l'activité terroriste et le rejet de cette dernière.
Nos efforts au Conseil de sécurité des Nations unies sont connus de tous. Nous agissons ouvertement, selon les principes de transparence et de logique. En ce qui concerne la transparence, nous expliquons chacune de nos démarches à nos partenaires de manière bilatérale ou multilatérale, ainsi que dans la presse – nous faisons des déclarations publiques et des commentaires en accord avec la position que nous exprimons à nos partenaires à huis clos.
Bien évidemment, nous ne pouvons pas évoquer publiquement tous les détails, plans et nuances des travaux en cours, notamment les conversations de couloir. Mais une fois de plus je peux vous assurer que ce que nous disons publiquement correspond aux documents adoptés, y compris avec la participation de la Russie, et à la position que nous avançons à nos partenaires étrangers pour un travail conjoint.
Personne ne vantera nos mérites à notre place, comme on dit. Quant à la logique, même pour nos opposants il est difficile de nier qu'elle guide nos décisions et nos approches. Notre position est cohérente et sans ambiguïté depuis plusieurs années. Même en remontant à notre position vis-à-vis de l'Irak il y a dix ans, par exemple, on constate que dans l'ensemble notre politique vis-à-vis des pays du monde et de la région, quand nous parlons des problèmes au Moyen-Orient, se distingue toujours par sa logique et son approche cohérente et claire. Nous percevons notre activité au sein du Conseil de sécurité des Nations unies comme une démarche logique faisant suite aux actions entreprises par les coprésidents ou les membres du GISS. Nous essayons vraiment de mettre en application ces déclarations. C'était l'un des exemples de notre tentative d'appliquer les déclarations en pratique.
Question: Après la dernière rencontre entre le Président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre japonais Shinzo Abe, le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait déclaré que des consultations se poursuivraient en juin au niveau des vice- ministres des Affaires étrangères concernant un accord de paix éventuel. Qu'est-il prévu d'y évoquer? Quels pourraient être les résultats?
Réponse: C'était bien le sujet central de l'entretien. Il est question de poursuivre cette discussion, qui reste à l'ordre du jour des relations bilatérales. De telles réunions au niveau des vice-ministres des Affaires étrangères se sont déjà déroulées et sont un format traditionnel. Ce n'est pas une invention mais bien la poursuite du travail compte tenu des contacts au sommet.
En ce qui concerne les attentes de notre côté, j'espère que vous les connaissez bien. Dans l'ensemble, nous attendons des relations russo-japonaises stables, larges et dans tous les formats, qui s'appuieraient sur la mise en œuvre des intérêts des nations des deux pays dans divers domaines et sans que prédomine un thème par rapport à un autre. Nous estimons que ces relations doivent se développer en plein format. Il existe un mécanisme pour étudier et apporter une dynamique à la question qui est à l'ordre du jour.
Mais en adoptant une approche globale, nous souhaitons que les relations s'activent et soient véritablement en plein format.
Question: Le site ukrainien Mirotvorets a récemment publié, avec l'aide de représentants du pays, une liste de 4 000 journalistes de 26 pays reprenant leurs informations personnelles, où nos confrères sont qualifiés de "complices des terroristes". Qu'en pensez-vous?
Réponse: Hier, quand cette information a été annoncée et que nous avons déterminé qu'il ne s'agissait pas d'une intox mais bien d'une liste réelle contenant des informations personnelles sur les journalistes travaillant en Ukraine, nous avons immédiatement publié un communiqué à ce sujet. Force est de constater que ce qui s'est produit hier n'a pas attiré l'attention que de la Russie. Assisterait-on à un tournant? Tous nos avertissements précédents avaient été ignorés par de nombreux collègues étrangers et les organisations internationales. Malheureusement, il a fallu attendre une telle initiative sans précédent de la part des forces ukrainiennes nationalistes pour que certains réalisent la gravité du problème. Peut-être qu'à quelque chose malheur est bon. Ce sera peut-être enfin un tournant dans l'impunité que ressent Kiev.
Quel est le fond de la question? Quand les journalistes parlent du site Mirotvorets (qui se traduit comme "Pacificateur"), je pense qu'il est temps d'y ajouter le "prétendu" Mirotvorets. Plus personne ne doute de ses véritables intentions, qui ne sont en rien pacificatrices. L'unique objectif de ce site consiste à inciter à la haine et à la xénophobie, à provoquer un conflit aussi bien en Ukraine que par rapport aux journalistes étrangers.
Cette dernière publication avait certainement reçu l'aval des autorités de Kiev. Cette action transgresse les termes de l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que la nouvelle législation ukrainienne - même si elle soulève elle-même des questions.
En ce qui concerne les médias, il est pratiquement impossible de déterminer quel est le texte de loi qui régule ce secteur d'activité en Ukraine. Dès qu'on commence à agir et à penser logiquement, en demandant où sont publiées les règles d'accréditation des correspondants étrangers ou comment nos journalistes doivent travailler à Kiev, on apprend qu'un décret vient d'être adopté par les structures de force, qui bloque toutes les lois en la matière. La législation ukrainienne est un terreau fertile (et c'est peu dire) pour l'oppression et, de fait, pour discriminer les journalistes en fonction de leur nationalité. Même les normes législatives ukrainiennes encore en vigueur sont bafouées par l'initiative d'hier. Conformément à la loi ukrainienne, chaque individu a le droit d'être protégé contre une ingérence illégale dans sa vie privée et familiale.
Et c'est l’État qui doit garantir le respect de ces lois sur le territoire ukrainien. Il est très inquiétant de constater de tels agissements (ce n'est pas un cas isolé, mais celui d'hier était trop flagrant) qui incitent à la haine contre ceux qui remplissent leur devoir professionnel et doivent donc être objectifs et impartiaux. C'est une atteinte à l'objectivité et à l'impartialité, constitutives de l'activité journalistique.
Bien sûr, des décisions si radicales en la matière rappellent certaines tragédies récentes en Ukraine, notamment la mort du journaliste et publiciste Oles Bouzina, tué quelques jours après la révélation de ses informations personnelles (tout aussi sciemment). Aujourd'hui, des journalistes russes nous ont déjà téléphoné pour nous informer que les représentants de presse en contact avec les journalistes russes et travaillant en Ukraine avaient déjà commencé à recevoir des menaces. Mais ces inquiétudes ne datent pas d'aujourd'hui. Depuis 18 mois, nous recevons de nombreuses demandes et lettres des médias russes qui ne comptent plus sur l'aide et la protection de l’État ukrainien, qui voudraient que le thème de la protection des journalistes russes en Ukraine soit soulevé pendant une réunion au niveau des ministres des Affaires étrangères.
Cette question des médias russes en Ukraine est évoquée par le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à chaque fois qu'il échange avec son homologue ukrainien. Il est toujours question soit de la fermeture des chaînes russes, soit de la normalisation de la situation concernant l'accréditation des journalistes russes en Ukraine, etc. Il n'est pas normal que les médias doivent d'adresser directement à un organisme public de leur pays pour demander de faire part aux autorités compétentes d'un autre État de toute l'absurdité et du danger de la situation.
Sur la même thématique, j'ai reçu aujourd'hui un lien vers un site d'information ukrainien qui écrit que la critique de l'OSCE et des pays étrangers est infondée et n'a pas lieu d'être, et que les déclarations et les commentaires du Ministère russe des Affaires étrangères sont "cyniques", car nous publierions nous-même constamment des "informations personnelles de journalistes étrangers".
Je voudrais donc préciser que depuis 15 ans, tous les trois mois, nous mettons à jour la rubrique "En aide aux journalistes" sur le site du Ministère des Affaires étrangères. Dans cette rubrique sont répertoriés (et c'est une pratique internationale normale) les noms des responsables des représentations de médias étrangers accrédités à Moscou, les numéros de téléphone des représentations (s'il est question d'un téléphone portable, il est officiellement fourni par le correspondant) et les adresses électroniques. Je le répète: ces informations sont fournies pour aider les journalistes étrangers et essentiellement à leur demande. Ainsi, les médias, les autorités et les Russes en général peuvent contacter les représentations des médias étrangers pour telle ou telle question. C'est un niveau de travail parfaitement normal qui est ouvert et se déroule dans le cadre d'un accord bilatéral avec les journalistes et principalement à leur demande. Si la représentation d'un média, pour une raison quelconque, ne souhaite pas partager ses informations avec le grand public - ce qui paraît étrange mais cela peut arriver - elles ne sont pas révélées. Mais les informations officielles et convenues sur les représentations et leurs responsables sont publiées sur le site du Ministère russe des Affaires étrangères depuis 15, voire 20 ans.
J'ai pris connaissance de la liste des journalistes publiée sur le site Mirotvorets. Il n'y est pas question des numéros de téléphone et des contacts officiels des représentations, mais de tous les journalistes qui travaillent en Ukraine. Tout cela se déroule sur fond d'intimidations permanentes. Si vous posez la question aux journalistes qui ont travaillé en Ukraine, même au sein de votre entreprise qui s'est également adressée à nous, ils vous diront qu'ils reçoivent constamment des menaces par téléphone, SMS, des menaces de mort. Là, on publie des informations personnelles en ajoutant qu'il s'agit "d'ennemis de l'Ukraine" – c'est une incitation direct au lynchage des journalistes. Tout en essayant immédiatement de se protéger derrière l'expérience internationale. Les responsables du site Mirotvorets n'ont aucune idée de l'expérience civilisée internationale et en sont encore très loin.
Nous faisons tout pour que l'Ukraine et son gouvernement retrouvent une attitude civilisée envers des notions de base telles que la démocratie, la liberté d'expression, le respect des hommes et de leur liberté d'expression, de religion et d'opinion. Un nouveau cycle de négociations au Format Normandie a été organisé. Toujours sur le même sujet – le respect des hommes. Tout cela sur fond de nouvelles intox de ce genre. Non seulement c'est dangereux, mais cela pousse également l'Ukraine vers la catastrophe globale.
Pardonnez-moi pour cette réponse aussi détaillée, mais c'est un sujet très important.
Question: La Fédération internationale de football (FIFA) envisage d'intégrer la République du Kosovo: qu'en pensez-vous? La Géorgie s'y oppose. Serait-ce un précédent pour l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud?
Réponse: Notre position au sujet de la reconnaissance du Kosovo est bien connue - elle a toujours été cohérente et n'a pas changé. Nous constatons que Pristina entreprend des démarches pour adhérer à des associations et organisations internationales, pensant visiblement que cela aidera à faire reconnaître le Kosovo, au niveau international, comme un État souverain indépendant. La démarche d'adhésion à la FIFA est manifestement une nouvelle tentative de ce genre. Nous ne nous engageons pas à juger quelle sera la décision de l'Organisation. Mais vous comprenez bien que la Russie ne soutient pas cette initiative.
En ce qui concerne l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, notre position en la matière est, là aussi, bien connue. Nous avons reconnu ces États et développons avec euх des relations interétatiques. Nous comprenons parfaitement ce dont vous parlez, mais nous avons une position très claire. Nous n'appliquons pas de deux poids-deux mesures et argumentons notre position dans les deux cas.
Question: Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré hier que la mer Noire devenait "un lac russe". Que pouvez-vous en dire?
Réponse: Je ne suis pas médecin.
Question: Que pouvez-vous dire de la situation et de la crise en Irak? Quel est le rôle de la Russie dans le règlement de la crise militaire, politique et économique dans ce pays?
Réponse: La crise en Irak a deux dimensions. Tout d'abord, il faut rappeler les réalités historiques et les origines de cette situation. Nous savons parfaitement que c'est l'intervention militaire, la destruction de la vie intérieure dans ce pays et la tentative complètement irréfléchie de construire un État en s'appuyant sur les forces extérieures - et non pas sur les réalités intérieures - qui ont entraîné des conséquences si tristes et tragiques, tant pour le pays que la région dans l'ensemble.
Le second aspect est l'état actuel des choses. Nous entretenons avec l'Irak des relations dans les domaines politique, militaire et technique, ou encore économique, nous menons des négociations à divers niveaux et nous souhaitons que l'Irak soit un État stable, prospère et autonome, capable d'équilibrer tous les processus intérieurs. Nous pensons que notre contribution en la matière peut être divisée en plusieurs secteurs: entretenir avec cet État des relations amicales et de partenariat dans divers domaines (dont j'ai parlé); contribuer à la lutte contre le terrorisme et à l'apaisement de la situation dans la région en général. C'est ainsi qu'on pourrait décrire notre position à ce sujet.
Question: Le Secrétaire d’État américain John Kerry a mis en garde la Russie qui, selon lui, risque de s'enliser dans le "marais syrien". Que pouvez-vous en dire?
Réponse: Ce n'est pas un marais, mais un incendie. Tout ce que nous faisons vise à éteindre la flamme de cet incendie. Tous nos efforts ne sont pas entièrement soutenus par nos partenaires. J'en ai parlé au début de la conférence de presse. Malheureusement, certains ne font qu'attiser cette flamme.
On m'a demandé aujourd'hui si la Turquie aurait pu faire tout ce qu'elle fait aujourd'hui - le trafic de biens syriens ou le soutien aux groupes terroristes par exemple - sans l'aval de l'Occident (les USA et l'Europe). J'ai répondu que, selon nous, non. Dire que quelqu'un risque de s'enliser quelque part est injuste et malhonnête, surtout quand on ne fait rien pour que les Turcs cessent de nuire directement à la situation et aux processus à l’œuvre dans le cadre du GISS.
Comme vous l'avez noté, nous entretenons un dialogue régulier avec nos partenaires américains. Chacun exprime ouvertement ce qui ne lui convient pas (Moscou comme Washington) et n'a pas peur d'indiquer ce sur quoi il est en désaccord. Mais la rhétorique publique est une autre sphère de communication, où chaque partie campe sur ses positions.
Je considère cette déclaration comme un élément nécessaire, pour Washington, d'une certaine "agressivité médiatique". Nous pensons que si de telles préoccupations existent, il faut les régler dans le cadre de nos contacts - qui sont nombreux à l'initiative de Washington - et tout faire pour que personne ne s'enlise dans les problèmes syriens. Tous les mécanismes et possibilités existent pour cela.
Question: Le thème a déjà été abordé mais l'un de nos confrères, correspondant en Crimée, a reçu des menaces ce matin. Nous sommes très préoccupés.
Réponse: Je voudrais répéter que nous faisons le maximum: nous nous exprimons publiquement sur tout ce que se passe en Ukraine dans le domaine des médias, et nous avons mis en place un dialogue régulier, permanent et très substantiel avec l'OSCE concernant la liberté d'expression et la protection des droits des journalistes russes subissant des attaques et des poursuites idéologiques ou nationalistes en Ukraine ou dans d'autres pays à cause de leur activité professionnelle. Nous attirons constamment l'attention sur ce sujet sur les plateformes internationales et faisons part à l'Ukraine de nos inquiétudes par rapport aux problèmes ou aux questions que nous jugeons inacceptables. Nous continuerons de le faire - non pas pour l'apparence ou parce qu'il est important que les médias ressentent que nous pensons à eux. Pas seulement pour cela. Bien évidemment, nous tenons tous nos engagements et agissons dans le cadre de la loi, mais ce qui nous stimule également est que depuis plus de deux ans, parfois uniquement grâce à l'activité des journalistes russes, sur le territoire ukrainien non seulement la Russie, mais également le monde entier peut voir et obtenir des informations alternatives. C'est inestimable et ne doit pas passer inaperçu. Nous en sommes très reconnaissants et savons parfaitement qu'en accomplissant un tel exploit personnel et professionnel, vous comptez sur la protection du Ministère des Affaires étrangères. Je voudrais dire une fois de plus que nous continuerons de le faire de notre côté.
Question: La nouvelle base de défense antimissile américaine en Roumanie est-elle une menace pour la Russie?
Réponse: J'ai déjà évoqué en détails la situation en Roumanie.
Pour résumer: nous nous basons sur les notions fondamentales de stabilité stratégique, de sécurité sur le continent et d'équilibre stratégique des forces. Malgré tout, les pays souverains ont bien sûr le droit de conclure des alliances, d'établir une coopération militaire et technique, d'entrer en associations, de participer à des organisations, mais sans déséquilibrer une situation déjà relativement fragile ni violer les intérêts et la stabilité stratégique sur le continent. Il est très facile de tout faire s'effondrer en retirant une seule pierre de l'édifice, mais rétablir la confiance demande des années de travail. Nous voyons, sur l'exemple de nombreux pays, à quel point il est difficile de rétablir la confiance quand elle a été mise à mal.
Question: Est-ce que Moscou étudie la possibilité de sortir du traité START-3 suite à la mise en service d'une base de défense antimissile des USA en Roumanie?
Réponse: J'ai déjà dit qu'il n'y avait pas simplement des préoccupations du côté de Moscou, mais bien toute une série de démarches, de mesures, d'activités et de réunions concrètes - une grande conférence a notamment été organisée à Moscou où les ministères de la Défense et des Affaires étrangères, nos chercheurs, nos spécialistes, nos experts ont prouvé l'impasse d'une approche unilatérale du problème de l'ABM, mais tout cela a été globalement ignoré. Je le répète: étant donné que nous n'avons pas choisi d'implanter ce bouclier antimissile, nous nous réservons le droit de prendre des mesures de rétorsion militaires et techniques.
Question: Le projet de cessez-le-feu en Syrie, sur lequel se sont entendus la Russie et les USA, a conduit à un renforcement des positions des terroristes qui l'ont ignoré et ont commis des attaques. Quelle est la position de Moscou à ce sujet?
Réponse: Je ne peux pas juger d'un cas concret d'attaque terroriste car je n'ai pas très bien compris de quoi il était question. Si je vous ai bien entendu, votre question est la suivante: bien que la Russie et les USA, en tant que coprésidents du GISS, aient conclu un accord sur le cessez-le-feu, les organisations terroristes l'enfreignent.
Vous oubliez une composante cruciale de ce processus. Entre la signature de cet accord et les violations constatées, il ne faut pas oublier que le travail entre les coprésidents du GISS n'a pas cessé, ne serait-ce qu'une journée. Nos experts militaires sont en contact permanent. Comme vous le savez, un Centre spécial de coordination a été récemment ouvert à Genève sur la plateforme de l'Onu. L'échange d'informations entre les experts miliaires, sur lequel nous avions insisté, permettra de mieux coordonner les actions, y compris pour la lutte antiterroriste de la Russie et de la coalition, d'identifier les terroristes et les cas de violations de la trêve. Le travail se poursuit tous les jours.
On ne voudrait pas que vous pensiez que Moscou et Washington travaillent uniquement à la signature d'accords et que rien ne se passe sur le terrain. Ce n'est pas le cas. Les accords offrent justement une base juridique et politique à ce travail concret, mené au quotidien. En outre, c'est l'un des points primordiaux sur lequel nous attirons l'attention des acteurs régionaux, de nos collègues de l'Onu et du GISS. Ce thème reste une priorité. C'est également ce que visaient nos démarches au Conseil de sécurité des Nations unies pour interdire les groupes terroristes concernés, afin de rendre cette lutte générale et globale du point de vue du droit international.
Question: Le Parlement européen a adopté aujourd'hui une résolution sur la Crimée, qui pose comme condition à la levée des sanctions antirusses le rejet de la Crimée comme territoire russe et la remise de la péninsule à l'Ukraine. Comment le Ministère russe des Affaires étrangères réagira-t-il à une telle résolution, et quel travail est mené pour faire reconnaître la Crimée comme faisant partie de la Russie?
Réponse: Il faut rendre leur dû aux lobbyistes qui travaillent pour Kiev, au profit de Kiev ou d'autres parties ou États souhaitant constamment remettre sur le tapis la question du retour de la Crimée à l'Ukraine. Les gens gagnent de l'argent, font leur travail.
Si vous me permettez, je voudrais raconter une blague très adaptée aux circonstances. Le président ukrainien s'adresse à Dieu: "Aide-moi à restituer la Crimée". Et Dieu lui répond: "Vous avez déjà restitué la Crimée, il est temps de restituer l'argent à présent". C'est pourquoi tout ce qui concerne le retour de la péninsule est un sujet définitivement clos. C'est un territoire russe. Toute tentative (qu'il s'agisse des activités au Parlement européen ou de la présentation, dans les pays européens, de cartes avec des frontières tracées à la main) est une perte de temps, d'argent et d'efforts. Cette question est close et indiscutable.
Question: Début mai, la Russie a bloqué la déclaration du Conseil de sécurité des Nations unies sur le problème des essais de missiles Musudan de moyenne portée, menés fin avril par la Corée du Nord. L'adoption d'une déclaration est donc suspendue jusqu'à maintenant. Quelle en est la raison?
Réponse: Vous connaissez bien notre position vis-à-vis de la situation sur la péninsule de Corée. Nous agissons pour faire revenir les parties à la table des négociations et parvenir à un règlement politique et diplomatique des problèmes actuels. Nous suivons, pour ce faire, la ligne des récentes décisions du Conseil de sécurité des Nations unies sur la Corée du Nord. Nous appelons également tous les participants et ceux qui sont plus ou moins impliqués dans la situation à ne pas exacerber la situation dans la région, mais à essayer de stimuler et de créer une atmosphère qui réglerait le problème que j'ai évoqué au début – la formation d'une atmosphère appropriée pour le règlement politique et diplomatique des problèmes existants. C'est l'approche globale sur laquelle nous nous basons.
Question: Si j'ai bien compris, la Russie a donc commencé à avancer des initiatives - que vous avez qualifiées d'équitables - bien avant le début de la crise ukrainienne, quand les affaires allaient encore "comme d'habitude"?
Réponse: Séparons ces deux problèmes. Je n'arrive même pas à comprendre à quelle étape on a commencé à les mélanger. Le problème de l'ABM et de la crise en Ukraine sont différents. Je comprends que, dans le monde, tout soit interdépendant - mais ce sont deux problèmes différents. Le travail sur l'ABM et les tentatives de régler cette question durent depuis plusieurs années sur différents plans – politique, militaro-politique, militaro-technique et au niveau des experts. De nombreux articles de presse y ont été consacrés. Ils sont tous accessibles. Rendez-vous sur le site du Ministère russe des Affaires étrangères et entrez "ABM" dans le champ de recherche, et vous verrez comment, depuis probablement des décennies, différentes initiatives russes ont été avancées, comment cette question était posée à nos partenaires occidentaux, etc. D'où vient le lien entre l'ABM et l'Ukraine? Je pense qu'il faut le percevoir uniquement comme une tentative de faire suivre une fausse piste à toute l'affaire. C'est un problème à part, qui était évoqué sur divers plans par les représentants de différentes institutions et à différents endroits: à Bruxelles et à Moscou où se sont tenues des conférences et des négociations. La conférence dont j'ai parlé (je crois qu'elle s'est déroulée à côté du Ministère russe des Affaires étrangères et qu'elle a accueilli beaucoup de participants) était absolument indépendante et globale. Elle était appelée à soulever cette question au niveau des experts, à analyser les préoccupations des parties et à tenter de trouver des réponses communes aux menaces si elles avaient été réalistes. Il doit y avoir une clarté absolue à ce sujet.
Question: Étant donné qu'aujourd'hui la situation politique est complètement différente, à quoi peut-on s'attendre de la part de l'Occident? Peut-être que si les deux parties reconnaissaient que les affaires ne seront plus "comme d'habitude", comme vous dites, dans bien des domaines, faudrait-il oublier les initiatives antérieures et réagir plus fermement? Est-ce le cas? Votre pays compte-il changer sa position en ce sens?
Réponse: Il n'y a pas très longtemps, nos collègues américains associaient l'ABM au problème iranien. Avec l'aide de Dieu et la sagesse de la diplomatie, ce dernier a pu être réglé. Après quoi, à divers niveauх, nous avons demandé aux USA: "Si le problème iranien n'existe plus, pourquoi revenir à l'ABM?". Nos collègues américains ont changé leur position pour motiver le problème de la défense antimissile par des tâches complètement différentes, en disant qu'ils avaient été mal compris. En l'occurrence, il ne s'agit pas seulement de savoir quels principes doivent être adoptés mais de constater, malheureusement, que nos collègues agissent de manière illogique. Nous en avons déjà parlé aujourd'hui en prenant l'exemple du processus de paix au Moyen-Orient. Je pense que cette situation est similaire. Notre position est parfaitement claire et logique depuis des années. Nous sommes prêts à négocier et à mettre en place un système qui tiendrait compte des préoccupations de nos collègues européens et de l'Otan, avant tout des États-Unis qui y contrôlent tout, et de nos propres intérêts. Nous pensions que cette approche était universelle pour toutes les époques, au-delà des turbulences politiques et des divergences. La table des négociations et la prise en compte des inquiétudes réciproques offrent toujours une opportunité d'aboutir à des résultats mutuellement acceptables. Les approches unilatérales, par contre, ne mènent nulle part. Votre question s'adresse plutôt à nos collègues américains car de notre côté, rien n'a changé.
Question: Mon nom se trouve sur la liste du "prétendu site" Mirotvorets. J'ai, moi aussi, travaillé à Donetsk pendant plusieurs mois, et c'est pourquoi je voudrais demander au Ministère russe des Affaires étrangères comment réagir aux menaces si j'en faisais l'objet?
Réponse: Nous vous préconisons de les rendre publiques, car c'est primordial. Quand nous rapportons les requêtes, c'est une chose, mais c'est différent si c'est vous qui en parlez. Il serait aussi utile de faire appel à la communauté professionnelle, par exemple aux associations de journalistes (nous en avons plusieurs: l'Union des journalistes russes ou des associations de journalistes locales). Il faudrait aussi penser à une certaine base de données ou d'enregistrement de telles menaces. Pourquoi ne pas les révéler au public pour que les institutions compétentes, par exemple européennes, puissent se référer à cette information à partir de la source, pendant que l'Union des journalistes garantirait que ce n'est pas une propagande commanditée mais effectivement des appels de journalistes russes à leur protection? Nous pourrions également transmettre cette information via les organisations internationales et nos collègues, et soulever cette question lors des négociations. C'est pourquoi il faut tout d'abord que cette information soit de notoriété publique. Cela nous permettra de réagir rapidement et, surtout, de faire sortir cette question de l'ombre où nos collègues ukrainiens cherchent minutieusement à la cacher. Ce n'est même plus une politique du deux poids deux mesures, mais une tricherie globale. Aujourd'hui, alors qu'on évoque l'organisation d'élections dans le Donbass, la question de l'accès de la presse et la garantie des droits des journalistes dans la région restent très importantes pour nos collègues ukrainiens. Et c'est Kiev qui le dit, qui a pourtant expulsé des groupes entiers de journalistes russes sans rien faire pour garantir des droits équitables notamment aux nombreux journalistes russes lors de la couverture des élections sur le territoire ukrainien! C'est pourquoi, quand on nous empêche d'aller quelque part ou qu'on nous dit de ne pas nous occuper de quelque chose en particulier, il est crucial de rendre tout cela public. Voilà mon conseil.
Question: A Donetsk, j'ai parlé aux représentants des forces armées russes qui travaillent au Centre conjoint de contrôle et de coordination (CCCC) du cessez-le-feu. Des militaires russes qui ont rejoint la ville y travaillent également. J'ai été surpris, au début, de voir des hommes en uniforme russe. Puis ils m'ont expliqué qu'ils étaient officiellement venus via Kharkov, qu'un droit d'accès leur avait été accordé et qu'un convoi spécial les avait conduits jusqu'à Donetsk. Pourquoi il n'y a pas de problèmes avec le travail des représentants militaires qui arrivent à Donetsk via Kharkov, et non par la frontière avec la région de Rostov, alors que les journalistes rencontrent justement de telles difficultés?
Réponse: Si je comprends bien, il est question du Centre conjoint de contrôle et de coordination du cessez-le-feu créé à la demande du Président ukrainien Petro Porochenko pour que des militaires russes y soient présents.
Vous vous trompez en disant que cela ne pose pas de problèmes. Il y en a.
Question: Il n'y en avait probablement pas avant.
Réponse: Probablement pas. Je voudrais souligner de nouveau ce dont parlent publiquement tous les représentants russes: le CCCC a été créé à la demande et à l'initiative de la partie ukrainienne, appelons-la "nouvelle démocratie ukrainienne". Malgré tout, nos militaires sont confrontés au sein de ce Centre au même deux poids deux mesures, à une attitude incorrecte et à des pressions – et je pèse mes mots. Nous avons publié un communiqué à ce sujet, qui est disponible sur le site du Ministère russe des Affaires étrangères.
En ce qui concerne les journalistes, il n'y a pas de deux poids deux mesures. On utilise cette expression quand il y a des nuances sélectives mais là, il est question d'un évincement médiatique et physique, d'une tentative d'exclure la présence physique d'une certaine partie des journalistes sur un territoire dans le but d'empêcher la diffusion d'un point de vue alternatif.
Question: La semaine dernière, le site officiel chargé de diffuser les informations sur les projets de loi préparés par les organismes fédéraux du pouvoir exécutif et les résultats de leur débat public a publié le projet du Décret présidentiel sur les mesures relatives à la mise en œuvre de la résolution 2270 du Conseil de sécurité des Nations unies du 2 mars 2016, préparé par le Ministère russe des Affaires étrangères. Le site en question mentionne qu'une expertise anti-corruption indépendante est menée à l'heure actuelle. Que pouvez-vous dire au sujet du travail sur ce décret?
Réponse: Je n'ai pas d'informations concrètes actuellement, je vais étudier la question.
Question: Comment voyez-vous le règlement du conflit entre le Haut-Karabagh et l'Azerbaïdjan?
Réponse: Si vous me permettez, je vais reformuler votre question car il s'agit de notre position sur le règlement du problème du Haut-Karabagh. Pour nous, il passe uniquement par la voie politique et diplomatique pacifique en s'appuyant sur les documents internationaux déjà adoptés et signés par Bakou et Erevan. C'est sur cette plateforme juridique internationale qu'il faut construire le processus de paix par des méthodes politiques et diplomatiques. Nous espérons que c'est précisément ce qui sera fait. Il n'existe aucune autre alternative - l'usage de la force, par exemple, est proscrit. Nous voyons à quoi mènent les tentatives de régler le problème par la force, de prédéterminer ou de changer le cours du processus de paix: à une impasse.
Question: Il y a quelques semaines, le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov disait que la Russie engagerait des mesures de rétorsion si la Suède adhérait à l'Otan. De quelles mesures pourrait-il être question?
Réponse: Malheureusement, vous n'avez pas lu attentivement ce qu'a déclaré le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov dans son interview accordée au journal suédois Dagens Nyheter. A la question de savoir quelles seraient ces mesures de rétorsion éventuelles, il a renvoyé la question aux experts militaires spécialistes du sujet. Ce n'est pas probablement pas de votre faute. Le fait est que, malheureusement, l'interview accordée par le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov au Dagens Nyheter a été significativement abrégée par la revue suédoise. Cette situation est assez nouvelle pour nous. Nous savons parfaitement que les journaux ne peuvent pas publier les interviews en intégralité, mais il existe des sites pour cela. Nous travaillons ainsi avec les médias de manière pratiquement hebdomadaire. De nombreux journalistes ici présents savent qu'une version réduite de l'interview est publiée dans la presse, mais que le site du journal peut donner un accès à la version intégrale. Malheureusement, le Dagens Nyheter a publié une version abrégée de l'interview sur son site également. Par contre, elle est disponible en intégralité sur le site du Ministère russe des Affaires étrangères.
Question: Que pense Moscou du dialogue Russie-Otan?
Réponse: Comme vous le savez, les représentants permanents du Conseil Otan-Russie se sont réunis récemment à l'initiative de l'Alliance, qui a visiblement commencé à prendre conscience de certaines réalités. Malheureusement, peu de gens en Occident comprennent cela en théorie - on assiste manifestement à une "crise de la pensée". Mais, eu égard aux réalités concrètes, les membres de l'Otan ont commencé à comprendre que l'absence de dialogue sur les questions basant nos différends n'avait pas de perspectives. Bien évidemment, il n'est pas encore question d'une coopération en plein format. Une première tentative a été entreprise. Les parties ont mis beaucoup de temps à convenir du format et de l'agenda pour que la conversation soit constructive et ne soit pas une simple opération de com' pour les membres de l'Alliance. Nous avons finalement convenu de parler du fond des préoccupations réciproques et cette réunion a eu lieu.
Nous sommes ouverts au dialogue. Notre seule condition est qu'il soit mutuellement respectable et tienne compte des intérêts réciproques. Parler avec un seul micro branché ne nous convient pas.
Question: Une fillette de 18 mois se trouve actuellement en Égypte, où ses parents l'ont amenée pour recevoir des soins, mais elle a contracté une infection. Est-il prévu de la faire revenir par un vol spécial? Cette situation aura-t-elle des répercussions sur les relations avec l’Égypte?
Réponse: Nous avons récemment fait un commentaire à ce sujet. Nous ne pouvons pas évoquer tous les détails car il s'agit d'informations personnelles, qui plus est d'un enfant.
L'Ambassade de Russie en Égypte continue de suivre la situation de la citoyenne russe Sofia Chourigo, 18 mois, qui se trouve dans un hôpital pédiatrique du Caire.
Les médecins égyptiens ont confirmé que l'état de santé de l'enfant s'était amélioré ces derniers temps. Bien sûr, la situation pourrait changer mais cette information date d'hier. Cependant, la patiente a encore besoin de soins intensifs en réanimation qui lui sont pleinement administrés par les médecins égyptiens.
La question d'une éventuelle évacuation médicale est étudiée entre les spécialistes russes et égyptiens. Le retour de la fillette en Russie dépend de leur décision. Le travail est en cours.
Question: Je voudrais avoir votre commentaire sur la marche du "Régiment immortel" qui s'est déroulée non seulement en Russie et dans la CEI mais également à l'étranger, où l'on a pu entendre des commentaires divers comme: "La marche du Régiment immortel est une manifestation de la militarisation de la société russe". Ce dernier vient d'un journaliste polonais assez connu, qui s'exprimait en direct à la radio polonaise. Ce n'est pas du tout une question banale car il s'avère que des gens pensent que la marche du Régiment immortel est une manifestation de la militarisation de la société russe… Qu'en pensez-vous?
Réponse: Je pense que tout cela se produit pour plusieurs raisons. Premièrement, les gens qui ne parlent pas russe ne comprennent pas ou traduisent et interprètent incorrectement le terme "régiment", en pensant probablement qu'il est question d'une sorte d'action militarisée ou d'un régiment militaire. Comme vous le savez: ce n'est pas le cas, c'est une marche de la société civile qui n'a rien à voir avec le militarisme. Elle me semble d'ailleurs complètement pacifique. D'après moi, elle se base sur la volonté de la société civile de transmettre de génération en génération les connaissances sur la Seconde Guerre mondiale et de perpétuer le souvenir de la contribution de chaque individu concret dont la famille honore la mémoire. Tout cela est fait pour éviter un caractère trop impersonnel, pour que ceux qui se battent à la guerre ne restent pas une "masse sans visage", pour que nous comprenions quel a été concrètement l'exploit de chacun. Certains disent qu'on assiste actuellement à une mythologisation de la guerre, une sorte d'extrapolation. Bien évidemment, la mythologisation et l'extrapolation auront lieu car la Seconde Guerre mondiale est le plus important événement ayant bouleversé l'histoire mondiale récente. Mais si les gens défilent dans les rues avec les portraits de leurs proches, c'est pour mettre des noms sur ces actes héroïques, pour ne pas sacrifier l'investissement individuel sur l'autel de l'impersonnalité. Donc si, à l'étranger, certains y voient un élan militariste, c'est je pense d'abord un problème de traduction du terme Régiment immortel.
Au-delà du vocabulaire, certains nourrissent simplement une haine profonde envers notre pays. Rien ne peut l'expliquer hormis les particularités personnelles de tel ou tel individu. Selon moi, la haine est le sentiment le plus fort, dont il est très difficile de se débarrasser. Il se semble que chez certaines personnes elle est bien plus forte que l'amour. Que puis-je leur suggérer? De se libérer de cette haine envers la Russie et notre nation. Pas besoin d'amour, nous arriverons à survivre sans l'amour de ces personnes, mais la haine est un sentiment autodestructeur. Il est d'autant plus dangereux quand il émane de journalistes car, si j'ai bien compris, vous avez mentionné des journalistes. C'est cette haine qui empêche l'objectivité et la vérité de remonter à la surface.
Nous n'avons pas de chiffres particuliers ou de faits à mettre en avant car il s'agissait de manifestations de la société civile. A l'étranger, ces manifestations se sont tenues avec la participation de nos compatriotes russes qui vivent et travaillent sur le territoire d'autres pays, ainsi que de simples citoyens d'autres pays qui n'ont rien à voir avec la Russie contemporaine mais dont les proches sont d'origine russe, qui ont combattu épaule contre épaule avec les soldats soviétiques ou même qui n'avaient aucun lien avec notre pays mais qui comprenaient et partageaient les sentiments des organisateurs de cette manifestation.
Question: Le 9 mai, à la question d'un journaliste qui demandait pourquoi la Russie continuait de livrer des armes à l'Azerbaïdjan, l'Ambassadeur de Russie en Arménie Ivan Volynkine a littéralement répondu que "vendre encore" ne signifiait pas "vendre". Les autorités arméniennes en ont conclu que les livraisons d'armements russes en Azerbaïdjan étaient interrompues. En tant que représentante du Ministère russe des Affaires étrangères, que savez-vous à propos des livraisons ou de la poursuite des livraisons d'armements en Azerbaïdjan?
Réponse: En tant que représentante du Ministère russe des Affaires étrangères, je sais parfaitement qu'Ivan Volynkine est un très grand professionnel. C'est un Ambassadeur avec un grand "A" et un homme qui se soucie professionnellement et personnellement des relations russo-arméniennes, de leur développement, afin qu'elles évoluent toujours dans l'intérêt des deux nations. Sa contribution personnelle à ce processus est très grande.
Je pense que la position des autorités russes à ce sujet est claire. Les représentants officiels chargés de la coopération militaire et technique ont donné des formulations claires et exhaustives. Il ne faut donc pas chercher de nuances ou de doubles-sens. Vous savez que la Russie établit sa coopération militaire et technique conformément à la base juridique bilatérale et internationale. Notre coopération militaire et technique se développe ouvertement, nous parlons publiquement des motivations et des perspectives de cette coopération. Je le répète, nous avons parfaitement conscience de la complexité de la situation et des méthodes - et non des propos - qui, selon nous, pourront apaiser la situation. Nous avons clairement expliqué qu'il fallait un règlement politique et diplomatique de la situation, ainsi qu'une intention et une disposition des parties, avec le soutien des médiateurs (Groupe de Minsk de l'OSCE), à régler sérieusement les problèmes existants et parvenir à la paix. Je pense que depuis l'aggravation de la situation, notre position a été clairement exposée: c'est sur le plan politique et diplomatique qu'il faut chercher la réponse à la question qui préoccupe notamment l'Arménie: comment faire en sorte que le sang ne coule plus? C'est pour cette raison que la diplomatie existe et qu'on étudie actuellement la possibilité d'organiser une réunion à Vienne. Vous savez que le rôle de la Russie dans le processus de paix du Haut-Karabagh est très important, vous savez également que ces dernières années nous avons fait plusieurs propositions qui ont rapproché les parties de la recherche d'une solution définitive. Malheureusement, au dernier moment ces accords ne sont pas rentrés dans leur phase finale pour différentes raisons. Mais vous devez savoir que c'est la Russie qui a avancé constamment des propositions pour stimuler le processus de paix.
Je comprends que les médias doivent être objectifs et ne peuvent pas écarter de leur champ de vision un facteur aussi important que la coopération militaro-technique, mais ils doivent se référer à l'information factuelle et comprendre que les actions de la Russie sont transparentes et s'appuient sur une base juridique. Par ailleurs, il est important d'avoir conscience du fait que la clé pour régler la situation se trouve sur le plan politique et diplomatique.
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Je voudrais faire une annonce. Nous ne nous verrons pas la semaine prochaine. On étudie actuellement la possibilité d'organiser la prochaine conférence de presse du porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères non pas dans l'enceinte du ministère sur la place Smolenskaïa, mais en marge des événements qui se dérouleront à Sotchi. Cela est dû au planning de la délégation du Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et au fait que nous comprenons que la plupart des journalistes travailleront en cette période à Sotchi. La conférence de presse y sera déplacée pour leur confort. Nous nous verrons donc à Sotchi.