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Réponse de Maria Zakharova, porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, à une question de l'agence de presse TASS concernant l'interview de l'Ambassadeur de France en Russie Pierre Lévy accordée à la presse russe

1481-06-08-2024

Question: Récemment, les médias russes ont publié une interview de l'Ambassadeur de France en Russie, Pierre Lévy, contenant ses évaluations de la situation internationale actuelle et des relations franco-russes, réalisée à la veille de son départ définitif de Russie au terme de sa mission. En particulier, l'Ambassadeur a noté que "le multipolarisme existait déjà avant février 2022" alors que son pays proposait d'améliorer le système international et des actions collectives pour la paix et la sécurité. Il a également parlé du "rôle de premier plan" que la France a joué dans les tentatives de résoudre la crise ukrainienne. Comment pourriez-vous commenter les propos du diplomate français?

Réponse: Nous avons pris connaissance de l'interview. Tout d'abord, il convient de noter à quel point les propos de l'Ambassadeur sont éloignés de la vérité lorsqu'il affirme que Paris proposait des "actions collectives pour la paix et la sécurité". Il est extrêmement étrange d'entendre cela de la part d'un représentant d'un État faisant partie d'une alliance militaire qui procède à une expansion géopolitique vers l'Est depuis de nombreuses années. Et cela en dépit des garanties fournies aux autorités soviétiques de ne pas s'étendre "d'un pouce", ainsi que des engagements pris au plus haut niveau, y compris au sein de l'OSCE, de respecter le principe de sécurité égale et indivisible, de ne pas renforcer sa sécurité au détriment des autres. Aujourd'hui, les pays de l'Otan, y compris la France, mènent contre la Russie une guerre hybride totale, frôlant une confrontation armée directe avec nous.

Toute personne sensée ne peut s'empêcher de se demander: à quel moment les actions de l'Alliance atlantique ont-elles été orientées vers la paix? Sûrement pas pendant l'agression de l'Otan en Europe contre la Yougoslavie. On peut également rappeler les bombardements de la Libye et la destruction de l'État libyen, où Paris a joué un rôle non négligeable et très négatif.

Quant à la remarque de l'Ambassadeur sur l'existence du multipolarisme avant 2022 et son appel dans ce contexte à certains efforts de Paris pour améliorer le système international. Si la France a promu quelque chose pendant tout ce temps, ce n'est certainement pas le multipolarisme, mais une conception axée sur l'Occident du "multilatéralisme", qui est en fait l'expression de l'unipolarisme. Comme nous avons pu le constater au fil des années, le "multilatéralisme" ne suppose pas un dialogue interétatique égalitaire et mutuellement bénéfique, mais la préservation à tout prix, y compris au prix de grandes effusions de sang, de l'ordre dit "fondé sur des règles". Ces règles sont en fait dictées par Washington et certaines capitales européennes et imposées au reste de la communauté internationale comme un fait et un axiome pour perpétuer l'hégémonie mondiale de l'Occident.

Dans cette vision du monde, tous les autres États doivent suivre strictement et sans réserve les "instructions" de l'Occident collectif. Ceux qui tentent de contester de telles "directives" sont soumis à diverses formes de pression. En particulier, divers outils de coercition économique, y compris des sanctions unilatérales, sont activement utilisés contre eux. La machine de propagande occidentale est mobilisée pour diaboliser des pays et des peuples entiers, les présentant comme des ennemis et les accusant de "tous les péchés" – autoritarisme, nationalisme, revanchisme. "Qui n'est pas avec nous est contre nous", telle est l'essence de l'ordre mondial promu par les pays occidentaux. Tout cela n'est certainement pas du multipolarisme.

Aujourd'hui, le monde évolue vers un véritable multipolarisme. C'est une réalité objective. La possibilité pour un pays ou un groupe de pays de dominer s'efface au profit d'une structure basée sur un équilibre des forces et des intérêts des centres de décision d'importance mondiale. Les principes fondamentaux sur lesquels repose un ordre polycentrique (ou multipolaire) sont: l'égalité souveraine des États, la coopération fondée sur l'équilibre des intérêts et les avantages mutuels, la non-ingérence dans les affaires intérieures, la diversité culturelle et civilisationnelle, la primauté du droit international dans la régulation des relations interétatiques conformément à la Charte des Nations unies dans toute son intégralité et son interconnexion.

Notre point de vue est partagé par les pays du Sud et de l'Est globaux, soit la majorité mondiale. Les États d'Eurasie, de la région Asie-Pacifique, du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Amérique latine, comme nous le voyons, aspirent de plus en plus à renforcer leur souveraineté et leur indépendance. Ils sont guidés par leurs intérêts nationaux dans la détermination de leurs priorités politiques intérieures et extérieures. Ils prônent des relations égalitaires entre les États. Ils exigent à juste titre que les ressources de la planète puissent être gérées par l'ensemble de l'humanité, et non par un groupe restreint de pays "choisis" de l'Occident. Et ce faisant, ils ne copient pas les modèles ultralibéraux occidentaux, mais se développent en s'appuyant sur leurs propres traditions, fondements et valeurs.

En ce qui concerne le prétendu rôle de Paris dans le règlement du conflit ukrainien, nous l'avons déjà commenté à plusieurs reprises. Si l'on examine les causes profondes du conflit et sa chronologie, le rôle de la France peut être considéré comme tout sauf médiateur. En 2014, Paris a activement soutenu le coup d'État nationaliste anticonstitutionnel en Ukraine. À cette époque, le Ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a apposé sa signature sur l'accord des "leaders du Maïdan" avec le Président en exercice, Viktor Ianoukovitch, apparemment en sachant d'avance qu'il participait à une tromperie collective du chef de l'État légitime. Les années suivantes, Paris a toléré le régime criminel de Kiev, fermant les yeux sur son sabotage flagrant des Accords de Minsk et sur les crimes de guerre des forces armées ukrainiennes dans le Donbass contre les citoyens de leur propre pays. En décembre 2022, après des aveux similaires de la chancelière allemande Angela Merkel, l'ancien Président français Franàois Hollande, qui a également participé aux négociations de Minsk en 2015, a admis que l'objectif de Paris et de Berlin n'était pas du tout de mettre en œuvre les Accords de Minsk, mais de donner à l'Ukraine le temps de restaurer ses forces et de renforcer son potentiel militaire pour une revanche.

Force est de constater qu'avec la complaisance de la France et de l'Allemagne, l'Ukraine a perdu la possibilité de résoudre la crise dans le Donbass sur la base des Accords de Minsk par la réintégration des régions orientales, en optant pour une solution militaire au conflit. Sous la pression de Londres et avec la complaisance de leurs protecteurs occidentaux, y compris la France, Kiev s'est retiré du processus de négociation avec la Russie, puis a établi une interdiction légale de les mener. Le prix de cette décision a été la mort de dizaines de milliers de soldats ukrainiens, une économie détruite et les souffrances de la population civile.

Aujourd'hui, la France est l'un des plus actifs sponsors financiers et militaires du régime de Kiev, visant à infliger à la Russie une "défaite stratégique", à augmenter progressivement les enjeux dans le conflit ukrainien, à son escalade progressive, et à promouvoir les idées d'une intervention militaire occidentale en Ukraine, ce qui augmente les risques de confrontation directe entre la Russie et les pays de l'Otan.

Il est révélateur que dans son interview, l'Ambassadeur français parle de la nécessité de revenir au respect du droit international et de la Charte des Nations unies, ainsi que de prendre en compte les "préoccupations des Ukrainiens, des Européens et de la France en matière de sécurité". Cependant, il ne dit rien sur la montée du néonazisme en Ukraine, les répressions contre l'opposition, les violations des droits des croyants et les violations massives des droits des Russes ethniques et des citoyens russophones. Comme nous le voyons, il n'y a tout simplement pas de place pour les intérêts nationaux légitimes de la Russie et les intérêts d'une grande partie des Ukrainiens dans la "formule médiatrice" de Paris.

 

 

 

 

 


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