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Allocution de S. V. Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Russie, à MGIMO (U) du MAE et réponses aux questions des étudiants, Moscou, 1 septembre 2012

1596-01-09-2012

Cher Anatoli Vassilievitch,

Cher Evgenii Petrovitch,

Chers amis,

J'aimerai avant tout féliciter tous les étudiants et les enseignants avec la Journée des connaissances. Je suis heureux de pouvoir entretenir la bonne tradition des rencontres annuelles que nous tenons au sein de notre alma mater. Je suis particulièrement heureux d'entendre les données statistiques mentionnés par Anatoli Vassilievitch. Ces nombres « secs » cachent l'excellent qualité de l'éducation proposée à MGIMO (U) et les excellentes opportunité de former les étudiants en tant qu'individus à forte personnalité, ce qui est très important dans le monde moderne basé sur la concurrence. Les données mentionnées, la géographie des nouveaux étudiants admis à MGIMO (U) montrent que l'université est devenue un des principaux établissement de hautes études de la Fédération de Russie, que l'université renforce son autorité internationale et son classement mondial.

Le MGIMO (U) représente notre pays avec honneur de part le monde. Un exemple très simple d'un passé pas si lointain. Il fut décidé au sein de l'OSCE de conduire une recherche dans le cadre de la problématique de la sécurité euro-atlantique et eurasienne. L'initiative ainsi soutenue prévoyait que des centres de recherche de grande renommée de l'Allemagne, de la France, de la Pologne et de la Russie se penchent sur le problème. La Russie fut représentée par les étudiants et le personnel du MGIMO (U). Est plaisant le fait que de nombreux diplômés de l'université choisissent la carrière diplomatique, aidant ainsi à maintenir la succession du service diplomatique russe. L'année passé environ 80% des nouveaux employés du MAE furent des diplômés du MGIMO (U) ou de l'Académie diplomatique.

Aujourd'hui le système éducatif russe et la sphère universitaire connaît une croissance des investissements. Nous apportons notre soutien à MGIMO (U) afin qu'il ne soit pas laissé de côté, notamment dans le cadre de la construction de nouveaux logements pour étudiants.

Il ne fait aucun doute que ces investissements sont nécessaires afin de développer les divers domaines de l'activité universitaire et profiter des technologies novatrices. Je suis heureux de voir que des acteurs russes tout comme étrangers participent dans ces nobles efforts. Une grande contribution dans la résolution des problèmes auxquels fait face MGIMO (U) est apporté par le Conseil des curateurs, dont un grande nombre de membres sont des diplômés de notre université, qui ont notamment connu le succès dans le monde des affaires.

Chers amis,

Beaucoup de choses se sont passées dans le monde depuis l'année dernière. Les changements profonds qu'a connu le monde montrent que nous vivons un tournant historique du développement mondial, qui s'accompagne de grandes perturbations. L'économie mondiale ne s'est toujours pas remise et la zone Euro connaît des difficultés. Des perturbations se passent de part le monde. Je parle avant tout de la Syrie, mais aussi de la région du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord en général. La situation autour du programme nucléaire iranien reste tendue, tout comme le problème du nucléaire en péninsule Coréenne. La situation en Afghanistan reste une équation à multiples inconnues. Les menaces telles la prolifération des armements de destruction massive, le terrorisme, le trafic de stupéfiants, la dégradation écologique, le déficit alimentaire et les épidémies n'ont pas disparu. Ne voila que quelques exemples d'une longue liste de menaces. Afin de réagir face à ces menaces la communauté mondiale doit les comprendre et agir collectivement afin de résoudre les problèmes existants.

La situation actuelle, à mon avis, est sans précédents. Nous parlons dans les faits de la définition des bases de la gouvernance mondiale du XXIème siècle.

La Russie est l'un des centres du système international polycentrique qui est en train de se former et réalise pleinement sa responsabilité dans cette nouvelle étape de l'histoire. Nous sommes en train de travailler activement sur la concrétisation des priorités du notre pays dans un monde changeant en conformité avec le Décret du président V. V. Poutine du 7 mai « Sur les mesures de mise en oeuvre des objectifs diplomatiques de la Fédération de Russie ».

Dans ce décret, tout comme dans son allocution lors de la réunion des ambassadeurs aux Ministère des Affaires étrangères le 9 juillet, le président V. V. Poutine a formulé des objectifs diplomatiques précis. Je ne les passerai pas en revue aujourd'hui. Je sais que vous avez pris connaissance du décret et des allocutions du président à la réunion des ambassadeurs, ainsi que d'autres allocutions de V. V. Poutine et des diverses publications du MAE qui traitent des événements mondiaux et de l'argumentation de la position russe. Je ne parlerai pas en détail de l'essence de chacun de ces problèmes. Je pars du principe qu'on aura le temps pour un dialogue interactif.

Avant de passer à cette partie j'aimerai attirer votre attention sur l'objectif clé défini par le président. Dans son allocutions au MAE le 9 juillet, il a souligné que le rôle positif et équilibré de la Russie dans les affaires mondiales est de plus en plus en demande. Cela nous permet de mieux influencer la situation internationale et de défendre les intérêts russes avec plus d'efficacité. Pour cela il faut agir en amont et être prêt à toute tournure que les événements pourraient prendre.

Dès lors le travail analytique et la prédiction des développements probables du monde prennent une grande importance. Et là, je le pense, nous avons un certain avantage, car nous ne sommes pas entravés par des considérations idéologiques qui réduisent si souvent la perspective de nos partenaires étrangers. Comme l'histoire le prouve, il est souvent difficile de faire un pronostique objectif par une extrapolation mécanique de l'expérience passée et même des tendances actuelles en les projetant dans l'avenir. Dès lors il est évident que grande est la possibilité de perturbations majeures de par le monde. Je pense qu'il faudra reconsidérer bien des choses, et dans certains cas nous devrons partir d'une « feuille vierge ». Cette situation comporte bien évidemment certains risque, mais aussi bien des possibilités.

La diplomatique russe a toujours été riche en potentiel intellectuel, qui est aujourd'hui soutenu par la coopération active de notre Ministère avec les cercles académiques, des experts et des entrepreneurs, avec les organisations non-gouvernementales et les structures de la société civile. J'aimerai donc souligner le rôle important joué par MGIMO (U) et l'Académie diplomatique, qui apportent une contribution de taille dans notre travail analytique et de pronostique.

En conclusion j'aimerai rajouter que étudier auprès de MGIMO (U) – c'est une chance de rejoindre ceux qui ont toujours servi la Patrie et défendu ses intérêts. Je suis certain que vous allez saisir cette chance. Ceux qui choisiront la carrière diplomatique, tout comme ceux qui trouveront d'autres moyens de réaliser leur potentiel dans les domaines tels le journaliste, la science, la politologie, la jurisprudence, entrepreneuriat. Bien sûr, ceux qui ont travaillé des années et même des décennies au sein du MAE sont quelque peu biaisés et considèrent la carrière diplomatique comme la meilleure profession au monde. Mais je le répète, vous allez décider vous-même de votre chemin de diplômés. De notre côté nous allons faire de sorte que vous appreniez le plus possible durant vos années d'études à l'Université. J'ai fini mon allocution et je suis prêt à répondre aux questions.

Extrait des réponses aux questions:

Question : Le sommet du APEC débute les prochains jours à Vladivostok. Ce sera la première fois que la Russie accueillera le sommet et qu'elle y participera en tant que membre de l'OMC. Cela impose-t-il des obligations particulières sur la Russie ou lui donne des droits additionnels ?

S. V. Lavrov: Le pays qui préside un forum international a certains droits définis par la tradition qui s'est établie au fil du temps. En ce qui concerne l'APEC, le pays qui préside choisit habituellement les sujet clés de l'ordre du jour. Mais il y a une tradition et le choix des sujets ne peut contredire ce qui fut acquis avant l'entrée d'un pays dans les fonctions du président du forum. De plus, les sujets dont s'occupe l'APEC sont des sujets à long terme. Ce genre de problèmes ne peut être résolu en une seule année, durée au cours de laquelle un pays exerce les fonctions de président du forum. Il est donc important d'assurer la succession et l'innovation des approches.

L'ordre du jour proposé par la Russie et soutenu par tous les États membres de l'APEC assure une telle succession dans le cadre de l'intensification de l'intégration et de la libéralisation des échanges commerciaux et des investissements en Asie-Pacifique.

En ce qui concerne les sujets additionnels représentatifs de la présidence russe, tout en tenant compte des tendances régionales, ils traitent des domaines tels les innovations, la sécurité alimentaire et la perfection des systèmes logistiques et de transport en Asie-Pacifique, dont font partie des États maritimes. La logistique est complexe sur la mer et nécessité une approche systématique. Ces priorités ont été soutenus. Mis à part les droits il y a des obligations, qui sont bien plus nombreux. Je parle avant tout de la responsabilité que tout se passe bien du point de vue protocolaire et organisationnel, ainsi que du point de vue du contenu. En ce qui concerne le sens de la présidence russe de l'APEC, le sommet à Vladivostok est un événement qui couronne le travail fait durant toute l'année. L'année au cours de quelle nous avons eu plus de 90 événements impliquant nos ministères chargés des divers secteurs économiques, au cours desquels nous avons traité de tous les aspects des sujets à l'ordre du jour du sommet et avons contribué à la déclaration qui sera adopté dans le cadre de événement principal du 7 au 9 septembre à Vladivostok.

Du point de vue organisationnel nos services protocolaires ont à maintes reprises visité l'île Russky en compagnie des services protocolaires de l'Administration présidentielle. Ils on aussi visité d'autres sites qui seront utilisés durant le sommet et nous informent que tout est prêt. J'espère que c'est bien le cas.

Question : Ce n'est pas un secret que vous êtes un grand passionné de rafting. Selon vous, qu'est-ce qui offre le plus de frissons, le rafting de loisir ou braver les barrières politiques durant le service ?

S. V. Lavrov: C'est des sensations différentes. Le plaisir est procuré tout autant par le passage des rapides que par la résolution d'un problème difficile, et plus encore quand vous arrivez à un consensus reflétant les intérêts de ton pays. La dernière fois j'ai eu cette sensation durant la visite à Genève le 30 juin. Ce jour, sur initiative de la Russie et de l'ancien représentant spécial de l'ONU/LÉA K. Annan, c'est tenue la réunion sur la Syrie avec la participation de tous les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, des représentants de la Ligue des États arabes, de la Turquie, ainsi qu'en présence du Secrétaire général de l'ONU Pan Ki-mun et de K. Annan. Nous avons travaillé durant 8 heures avec des pauses et des rencontres en petits groupes de travail. La réunion s'est terminée par l'adoption d'un document intitulé le « Communiqué de Genève ». Les participants de l'événement ont aussi crée le « Groupe d'action ».

Je ne pensais pas qu'on pourrait arriver à un consensus en ce moment, car les différences sur la Syrie étaient très grandes. Je ne parle pas ici du but final, car nous nous accordons tous sur le fait que la Syrie doit être un État stable, libre, démocratique et indépendant, qui garantirait les droits de tous ces citoyens, y compris des minorités. En cela nos positions s'accordent. Mais nous avons de graves différences sur comment atteindre cet objectif. Nos collègues occidentaux et certains représentants des pays de la région penchent pour une intervention ouverte depuis l'extérieur, alors que la Russie, la Chine et d'autres pays sont convaincus de la nécessité d'immédiatement obliger les parties à cesser le feu et d'entamer les discussions.

Malgré les grandes différences nous avons pu adopter un document détaillé qui contient des nos propositions pour toutes les parties syriennes (pour le gouvernement tout comme pour l'opposition) afin d'entamer les discussions sur la période de transition, et avant tout sur la formation de l'organe de transition sur base d'un accord entre le gouvernement et tous les groupes de l'opposition. Et ce fut un succès, le consensus était fixé sur papier.

La Russie a proposé d'approuver le document dans le Conseil de sécurité de l'ONU, mais à notre grande surprise nos collègues occidentaux ont refusé de le faire. Peut-être ont-ils pensé que le document reflète plus nos intérêts que leurs intérêts. Mais alors cela confirme nos soupçons que dans la crise syrienne certains de nos partenaires étrangers agissent selon leurs propres intérêts géopolitiques et non pas selon les besoins du peuple syrien, car le consensus de Genève demandait avant tout la fin de la violence et le début des pourparlers.

C'est ça le sens même du document, qui reflète les intérêts intrinsèques du peuple syrien. Nos actions se fondent sur ça. Malheureusement le Conseil de sécurité a refusé d'approuver ce document à cause de l'opposition de certaines délégations occidentales.

A Genève nous avons accompli un grand progrès dans notre capacité de formuler des accords entre les acteurs externes. J'espère que les pensées que nous avons inclus dans ce document répondent au mieux aux intérêts intrinsèques et non pas imaginaires du peuple syrien et seront utilisées par L. Brahimi, qui a pris le relais de K. Annan au poste du représentant spécial de l'ONU/LÉA pour la Syrie.

Question : Comme nous le savons la Russie a officiellement adhéré à l'OMC. Quelles sont les perspectives qui s'ouvrent devant notre pays ?

S. V. Lavrov: Les perspectives font l'objet de discussions dans les médias et parmi les experts. Je ne vais pas passer en revue tous les problèmes qui font l'objet de discussion. L'important est dans l'équilibre. Comme toute adhésion à des structures multilatérales, elle reflète l'équilibre des intérêts. Comme vous le savez les négociations ont duré plus de 18 ans. Nous avons discuté en détail des divers aspects des processus commerciaux et des investissements que nous devrons traverser avec nos partenaires. Nous allons bien sûr sentir un certain effet causé par la simplification de l'accès des produits d'importation en Russie. Les prix pour de nombreux produits de consommation devraient baisser. Les recettes de nos exportations devraient croître, avant tout ça concerne les produits industriels que nous exportons envers nos partenaires traditionnels, notamment dans les pays de l'Union européenne où, avant le 23 août, existaient des barrières discriminatoires.

Je pense que l'équilibre que nous avons atteint respecte la position de ceux qui s'opposaient à l'entrée de la Russie à l'OMC tout comme de ceux qui la soutenaient. Cet équilibre inclut des mesures protectrices pour certains secteurs de notre économie (l'agriculture, les banques, l'aéronautique, la production des automobiles), qui permettront d'obtenir l'expérience nécessaire les années qui viennent afin d'agir selon les normes de l'OMC et d'améliorer la capacité concurrentielle de l'économie russe, car la concurrence sera plus accrue sur le marché russe. En même temps la participation à l'OMC nous donnera la possibilité de prendre part à l'élaboration des règlements concernant l'échange de produits, services et investissements. Ces règlements seront élaborés dans le cadre de la modernisation à venir du système d'échanges internationaux. Je pense qu'en fin de compte l'adhésion est un moment positif.

Question : Sergei Viktorovitch, vous avez déjà parlé de la Syrie, mais pouvez-vous préciser s'il est possible de résoudre le conflit dans ce pays sans recourir à l'intervention des puissances étrangères ? Que faut-il entreprendre outre la réunion de Genève ?

S. V. Lavrov: Bien sûr que cela est possible. Je suis convaincu que les syriens doivent décider eux-mêmes. En fait, tout le monde parle de ça, en théorie du moins. Les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU soulignent que la résolution doit être atteinte par toutes les parties syriennes et que les syriens doivent décider de leur avenir eux-mêmes. Cela reflète le principe de base de la Charte de l'ONU. Le Conseil de sécurité de l'ONU ne peut décider autrement.

Nous rencontrons régulièrement des représentants du gouvernement de la Syrie et de tous les groupes de l'opposition, et il y en a un grand nombre. Il y a l'opposition interne (des modérés tout comme des radicaux) et l'opposition externe. Le Conseil national syrien est le plus mentionné et ces représentants sont nos interlocuteurs réguliers. Il y a un mois et demi le président du Conseil national syrien A. Seyda s'était rendu à Moscou au sein d'une grande délégation. Il a commencé les discussions en déclarant que les syriens sont intéressés par des relations amicales et proches avec la Fédération de Russie. Il a aussi noté que la situation en Syrie n'est pas conflit, mais une révolution, et qu'il faut partir de ce principe. Nous lui avons répondu que si c'est une révolution, qu'est-ce que le Conseil national syrien veut du Conseil de sécurité de l'ONU ? Le Conseil de sécurité n'a pas la compétence de soutenir des révolutions et des interventions étrangères, à quoi appellent les membres du Conseil national syrien.

L'intervention externe doit être positive et nous insistons que les acteurs clés « interviennent » par le seul moyen de forcer les parties syriennes, le gouvernement et l'opposition, de mettre fin à la violence. C'est de ça que nous avons parlé à Genève et cela est reflété par le Communiqué de Genève.

Mais ça ne va pas marcher si nos partenaires occidentaux déclarent que le gouvernement doit mettre fin à la violence en premier et retirer les soldats et les armements des villes et seulement après demander à l'opposition de faire pareil. Nous parlons ici soit de naïveté, soit de provocations. Il est impensable de croire que seule la capitulation unilatérale d'une seule partie est une solution quand des combats font rage dans les villes.

Et nous ne parlons pas ici d'idéologie. Nous ne soutenons pas un régime ou des personnes concrètes dans la crise syrienne, mais nous partons de ce qui est réaliste et ce qui est nécessaire afin de remplir l'objectif principal qui est la fin de la violence afin de sauver le plus de vies possible. L'approche russe répond à cet objectif, car le premier point de notre plan consiste à mettre fin à la violence et d'entamer les pourparlers.

Vous savez que le plus grand groupe de l'opposition interne, le Comité national de coordination, est assidûment contre le gouvernement. Ce Comité il n'y a pas longtemps proposé une initiative en quatre points qui converge avec l'approche russe. Il s'agit de mettre fin à la violence, de résoudre immédiatement le problème humanitaire de la livraison d'aide, la libération des prisonniers dans les prisons gouvernementales, mais aussi de ceux qui furent enlevés par l'opposition. Enfin, il faut entamer les pourparlers. Nous soutenons entièrement ce plan car il converge avec notre position.

La position russe et l'approche du Comité national de coordination demande la fin de la violence et répondent à l'objectif de sortit de la crise et ne pas permettre l'augmentation du nombre des victimes. Ceux qui demandent la capitulation unilatérale des forces gouvernementales encouragent la fois les groupes armés de l'opposition à poursuivre la lutte. Il semblerait qu'ils sont dès lors prêts à payer le prix en nombreuses vies humaines. C'est là où est la différence fondamentale de nos positions. Il semblerait qu'il y a des positions de ceux qui insistent sur la lutte armée jusqu'à ce que le gouvernement ne capitule (comme on nous l'affirme publiquement et dans nos discussions). J'ai dès lors l'impression qu'ils n'agissent pas dans le respect des intérêts du peuple syrien, mais selon leurs propres intérêts géopolitique dans cette région si importante.

Question : L'opinion publique fut secouée par les événements à Londrès qui concernent J. Assange, le créateur de Wikileaks, qui s'est réfugié dans l'ambassade de l'Équateur alors que le MAE britannique veut l'extrader vers la Suède. Comment jugez-vous la situation actuelle ?

S. V. Lavrov: Il y a des aspects très importants qui concernent la liberté de l'accès aux informations et la protection des données. Il était d'abord très intéressant de lire ce qui était publié sur Wikileaks. Les matériaux ouvraient les yeux sur un nombre de choses. Mais je dois dire que je n'ai rien vu dans les documents publiés sur Wikileaks de ce qu'on pourrait qualifier comme menace aux intérêts nationaux ou à la sécurité des États .

Les documents ont montré les façons de faire des divers pays, ce qu'ils pensent de leurs partenaires, quelle valeur ils leur donnent, leur comportement en général. Ce fut intéressant, mais pas plus. Mais nous avions déjà l'impression que ce genre de pratique est monnaie courante dans les cercles diplomatiques et politiques de certains de nos partenaires. Nous en avons juste reçu la confirmation.

En ce qui concerne la situation actuelle dans laquelle se trouve J. Assange, je dois dire qu'on nous lit souvent des notices sur la système judiciaire de notre pays, bien que le système judiciaire de chaque pays et constitutionnellement définie comme une branche séparée du pouvoir dont il faut respecter les décisions. Il a des exemples qu'on nous reproche, mais aussi des cas quand aux États-Unis les jurés par unanimité libèrent un meurtrier. Il y avait un épisode il y a des années avec un acteur hollywoodien qui a tué sa femme et son amant. Les jurés l'ont unanimement innocenté. Ça a certes choqué l'opinion publique mais personne n'a douté de la validité du verdict.

Je ne sais pas si vous connaissez de quoi on accuse J. Assange en Suède et le degré de la validité procédurale des accusations. On l'accuse d'une forme bizarre de viol. Car dans les deux cas les femmes ont eu des rapports avec lui sans y avoir été forcées.

Mais je ne dirai pas plus sur le sujet. Vous pouvez trouver plein de choses très intéressantes sur internet. Mais dès que l'on parle de J. Assange, il y a tout de suite un manque d'information.

J'avais déjà parlé de la liberté d'expression et du principe de protection des informations sensibles. Il y a aussi le principe du respect de l'asile politique. Après tout le Royaume-Uni est connu pour être une terre d'asile pour tous ceux qui le souhaitent. En territoire britannique opère l'ambassade de l'Équateur, où se trouve un citoyen australien dont l'extradition est demandé par la Suède et qui est sûr qu'en fin de compte on l'extradera aux États-Unis. Il a demandé l'asile politique à l'Équateur et il l'a obtenu. Oui, c'est une collision. Tant qu'il se trouvera en territoire équatorien, je pense que personne ne tentera de faire des actes insensés. Le droit d'asile doit être respecté ou on peut faire appel dans un cadre juridique. Il y a des règles de droit pour cela. Les menaces de prendre d'assaut l'ambassade équatorienne comme on a pris d'assaut le Palais d'hiver est complètement en dehors du cadre judiciaire.

Question : En tant que citoyen russe et étudiant qui suit des cours d'estonien je suis intéressé par les problèmes de la région et, avant tout, les relations entre la Russie et l'Estonie. Comme nous le savons tous il n'y a pas longtemps on entendait comme quoi un monument aux soldats soviétiques aurait été détruit, un monument aux soldats de la « Waffen-SS » aurait été érigé. Nous savons tous le traitement infligé à la population russophone de l'Estonie. Ces derniers temps ce genre de nouvelles est heureusement de plus en plus rare. Pensez-vous que la situation s'est réellement stabilisée ou que l'on pourrait s'attendre à une aggravation du conflit ?

S. V. Lavrov: Je dois avant tout dire que vous étudiez une langue très intéressante. « Une des » langues, si je le comprends bien. L'Estonie est notre voisin. Je suis d'avis qu'en son temps la direction du MGIMO(U) a agi avec beaucoup de bon sens. Suite aux événements qui ne furent pas très agréables pour nous, la chute de l'URSS, l'université a entrepris des mesures concrètes afin d'enseigner les langues de nos voisins, y compris de ceux qui faisaient partie de l'URSS.

Nous sommes intéressés par des relations de bon voisinage avec l' Estonie. Nous partons du principe que nos peuples n'ont plus rien à diviser. Il y a quelques années de cela, cinq ou sept, nous avons signé un Accord sur le tracé des frontières, qui était très voulu par nos voisins estoniens et par l'Union européenne. L'Estonie est devenue membre de l'UE en 2004 avec la Lettonie, la Lituanie et un nombre d'autres pays de l'Europe de l'Est. En parlant de cela, ce fut une violation des règles, car un des critères d'adhésion à l'UE est l'absence de disputes territoriales avec les voisins, les frontières doivent être formellement tracées. Durant l'élargissement de 2004, la Lettonie et l'Estonie n'avaient pas encore tracé les frontières avec la Fédération de Russie.

Dès lors nous avons signé des accords sur ce sujet avec la Lettonie et l'Estonie. La Lettonie a ratifié l'accord, tout comme l'a faite la Russie, et cet accord est entré en force. La frontière est tracée, nous procédons aux derniers travaux de démarquage. Avec l'Estonie nous avons signé un accord qui disait clairement que les disputes territoriales ne doivent pas se reproduire, comme ce fut le cas dans les années vingt du siècle passé avec le Traité de Tartu. Nos collègues estoniens nous ont assuré qu'il n'y aura aucune dispute territoriale et que cet accord mettra un point final aux problème de la frontière. Mais quand était venu le temps de la ratification, le parlement estonien a mentionné le traité de Tartu dans l'acte de ratification, notamment dans un contexte qui sauvegarde les demandes territoriales envers la Fédération de Russie. Bien sûr nous ne pouvions plus approuver ce document dans un contexte pareil et avons retiré notre signature. Mais en même temps nous sommes prêts à entamer de nouveaux pourparlers, mais sans surprises comme fut l'acte du parlement estonien.

C'est juste un exemple des sentiments revanchistes et des tentatives de nos voisins baltes de spéculer sur le sujet de la soi-disant « occupation » afin de demander des compensations. Il n'y a pas longtemps la présidente de la Lituanie a établi une commission d'investigation des crimes de l'Holocauste, du nazisme et de l' « occupation ». Ils parlent ouvertement de demander des compensations à la Russie, mais ils ne mentionnent pas le fait que l'industrie des pays baltes fut établie dans les années qu'ils considèrent comme les années de l'occupation et qu'ils nient tout ce qui fut de positif dans nos relations. Cela complique bien évidemment l'établissement de la coopération dans ce nouvel contexte, bien que l'intérêt est présent dans le cercle des affaires, tout comme parmi la communauté scientifique et la jeunesse.

Vous avez mentionné le problème de l'interprétation des résultats de la Deuxième Guerre mondiale. Il ne fait aucun doute que les tentatives de faire des héros des nazis et des collaborateurs persistent. Nous le voyons en Estonie, nous le voyons en Lettonie et, malheureusement, en Union européenne qui agit selon le soi-disant « principe de solidarité ». Tout le monde se cache derrière ce principe quand une minorité absolue des membres de l'UE commencent à imposer leurs opinions à la majorité absolue.

Voici un exemple concret. Chaque année la Russie, avec la coopération d'autres États, soumet une résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui condamne toute forme de racisme, de néo-nazisme, de discrimination raciale, de la xénophobie. Cette résolution contient un appel aux États de ne pas permettre ce genre de pratique sur leurs territoires ou dans leurs relations avec d'autres États. Le document ne nomme personne, ne pointe personne du doigt. L'Union européenne vote contre cette résolution presque unanimement. Quand nous posons la question à nos collègues de l'UE pourquoi agissent-ils ainsi, nous ne reçevons pas de réponse claire. Juste que les marchés des anciens membres de la « Waffen-SS » dans les villes relèvent de la liberté d'expression.

Mais la liberté d'expression n'est pas sans limite. Le Pacte internationale sur les droits civils et politiques, la Convention européenne des droits de l'homme disent clairement que la liberté d'expression peut être limitée par des considérations morales, sécuritaire, de santé publique ou de respect des sensibilités religieuses. Si ces limitations sont fixées dans la loi (et en Russie et dans la majorité des pays européens ces limites sont fixés dans la loi), alors ces normes doivent être respectées.

Nous aimerions surmonter les barrières qui existent dans nos relations avec l'Estonie et sommes en faveur de recommencer le travail sur le tracé de la frontière et d'entamer de nouveaux pourparlers sur un accord dans ce sens.

Mais nous n'allons pas fermer les yeux sur les violations de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Convention européenne sur les langues régionales durant nos discussions avec l'Estonie ou les autres pays de l'UE. Le problème principal dans nos rapports avec les pays baltes reste la questions des « non-citoyens ». C'est une honte pour l'Union européenne et pour l'OTAN, ce dernier se posant non pas seulement en tant qu'alliance militaire, mais aussi en « école de la démocratie ». J'ai des questions envers ceux qui essaient de défendre ces pays. Car il paraît que les « étudiants », les « aspirants » même de cette « école » imposent leur propre volonté et rejettent les appels du Conseil de l'Europe, de l'OSCE et de l'ONU de réduire d'une manière considérable le nombre de « non-citoyens » et d'entamer le processus de liquidation de cette institution honteuse.

On nous dit que nos compatriotes russophones qui ne peuvent pas obtenir la citoyenneté de l'Estonie ou de la Lettonie doivent passer des examens linguistiques, suite à quoi leur citoyenneté sera formellement approuvée. Beaucoup font ça, mais le nombre de naturalisés de cette façon ne laisse pas de place à l'optimisme, car nous parlons ici de 10 à 15 mille personnes par an, alors qu'il y a près d'un demi-million dans les deux pays. Nous avons même proposé que les enfants nés dans les familles des non-citoyens obtiennent automatiquement la citoyenneté, tout comme les personnes âgées pour lesquelles il est difficile d'apprendre une nouvelle langue. Nos voisins lettoniens nous ont promis ça, mais n'ont rien fait. Un référendum sur ce sujet est en projet en Lettonie. Je pense que c'est un moyen de mise en œuvre de la réalisation. Ce genre de procédure doit être utilisée. Mais sans tenir compte des référendums il est inacceptable de garder l'institution de la « non-citoyenneté », qui n'existe tout simplement pas en droit international.

Et un dernier point au sujet des référendums. Quand l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie tenaient des plébiscites sur la séparation de l'URSS et l'indépendance, on tenait compte des votes des gens. La majorité a, il paraît, voté pour la séparation de l'URSS. Ils voulaient donc être des citoyens fidèles et formels de leurs nouveaux États. Cela veut dire qu'à ce moment leurs votes étaient nécessaires, mais aujourd'hui on en a plus besoin. Il est étonnant que pour calculer le quota des votes de l'Estonie et de la Lettonie au Parlement européen, on prenait en compte la population totale de ces pays, en y incluant les non-citoyens. Les non-citoyens n'ont pas le droit de vote ni d'être élus dans les élections municipales. Je pense que le mot « honte » est une qualification douce de la situation actuelle.

Question : Sergei Viktorovitch, j'ai une question très brève. Pouvez-vous dire que votre succès a commencé au sein du MGIMO ?

S. V. Lavrov: Je ne parlerai pas de succès ou de manque de succès. Le plaisir que je tire de mon activité professionnelle me vient de mes années étudiantes. L'apprentissage est un travail, et à MGIMO nous avions non seulement l'enseignement, mais aussi du travail physique dans les équipes de construction. J'y été quatre fois et à chaque fois j'en ai tiré une grande satisfaction. Dès lors chaque année, en travaillant aux divers postes du MAE, cette satisfaction ne me quitte pas.

Question : Sergei Viktorovitch, quel est le rôle des pays de l'Asie centrale dans la politique étrangère de la Russie ?

S. V. Lavrov: Notre priorité consiste dans des relations de bon voisinage avec tous les pays de la Communauté des États indépendants. La région de l'Asie centrale nous est très proche. On y compte des pays qui sont nos alliés dans le cadre de l'OTSC et du CEI. Il y a l'aspect de l'intégration économique, la Communauté économique eurasienne, qui connaît un essor vu le processus d'intégration de la Russie, du Kazakhstan et de la Biélorussie. Je sais que le Kirghizstan et le Tadjikistan sont aussi intéressés par la participation dans ce processus d'intégration. Je pense que nous avons des intérêts mutuels dans ce qui concerne les processus d'intégration, ce qui transparaît durant les contacts entre les présidents de la Russie et des pays de l'Asie centrale. Ceci fut confirmé dans les contacts récents des présidents V. V. Poutine et A. S. Atambayev. Dans le filon des accords atteint durant leurs pourparlers, nous travaillons sur des documents afin d'approfondir notre coopération dans tous les domaines. Je pense que l'élaboration de ces documents se terminera très bientôt.

J'ai mentionnée l'OTSC. Son importance croît vu les circonstances actuelles. Personne ne sait ce qui va se passer en Afghanistan après 2014. Nous ne comprenons pas entièrement les déclarations de nos partenaires américains sur le fait qu'ils retireront leurs forces de l'Afghanistan car ils ont vaincu la menace terroriste, mais entre temps ils vont laisser des dizaines de milliers de leurs soldats sur des bases renforcées. Nous tentons de comprendre comment cela s'inscrit dans le contexte d'absence de la menace terroriste, nous menons des discussions. Dans tous les cas les forces internationales se trouvent en Afghanistan sous mandant du Conseil de sécurité de l'ONU, qui est reconduit chaque année. Avant le retrait des forces internationales, il faudra faire rapport au Conseil de sécurité de l'ONU des résultats atteints dans la lutte contre la menace terroriste et du trafic des stupéfiants. Nous sommes intéressés par le travail effectif des forces internationales, nous offrons le transit à l'ISAF par le territoire de la Fédération de Russie pour la rotation, le ravitaillement et le transfert des armements.

Bien évidemment nous voulons plus de résultats, notamment dans le cadre de la lutte contre le trafic des stupéfiants. Comme je l'ai déjà dit, l'ISAF opère sous mandat du Conseil de sécurité de l'ONU. Le gros de troupes est composé par les contingents de l'OTAN. La production des stupéfiants a connu une croissance soutenue sous la présence des forces internationales. Le trafic des stupéfiants en provenance de l'Afghanistan a aussi connu une croissance significative. Les pays de l'Asie centrale et la Fédération de Russie, les pays européens ont le plus souffert de ça. Les États-Unis ont moins souffert de ça, car ils sont déjà sous pression du trafic en provenance de l'Amérique centrale et Latine.

Nos propositions sur le fait que l'ISAF se concentre sur la destruction des champs de de pavots et les laboratoires de production de narcotiques est accueilli avec bien de scepticisme, ce qui s'explique par la crainte de voir les contingents internationaux soumis à encore plus de dangers. Nous ne comprenons pas le refus des pays de l'OTAN d'établir la coopération entre les forces internationales de sécurité qui opèrent en Afghanistan et l'OTSC, qui conduit régulièrement des opérations d'interception des stupéfiants en provenance de l'Afghanistan. Les experts sont convaincus qu'une telle coopération, la coordination en temps réelle, augmenteraient l'efficacité de la lutte contre le trafic et la production des stupéfiants. Les partenaires de l'OTAN refusent sans en expliquer les raisons. Je pense qu'ils ne considèrent pas l'OTSC comme une organisation égale à l'Alliance de l'Euro-atlantique. Le fait est que cela ne fait rien pour aider la lutte contre le trafic de stupéfiants et la menace terroriste dans la région de l'Asie centrale. La coopération entre l'OTAN et l'OTSC dans ces domaines serait bienvenue. Mais, comme on dit, on ne peut pas forcer quelqu'un à t'aimer. C'est pour ça que au sein de l'OTSC et avec la participation du Kirghizstan, du Tadjikistan et du Kazakhstan et les autres membres de l'organisation nous entreprenons des efforts afin d'assurer la sécurité Je suis sûr que notre coopération dans ces domaines va croître encore plus.

Question : On considère la carrière diplomatique comme le domaine des hommes. Comment pouvez-vous expliquer cela ? Selon vous, dans combien de temps les femmes seront plus demandées dans la profession diplomatique au même niveau que les hommes ? Le seront-elles ?

S. V. Lavrov: Vous avez posé quatre questions, mais trois d'entre elles sont de trop. Vous avez débuté par une question qui est aussi une affirmation, que l'on considère que la carrière diplomatique est réservée aux hommes. Je ne pense pas ainsi. Vos autres questions ne sont pas d'actualité. Anatoli Vasillievitch a mentionné dans son allocution que cette année plus de jeunes filles sont entrées à l'université que de jeunes hommes. Il est clair que pas tous les diplômés vont faire une carrière au sein du MAE. Le monde des affaires attire plus d'un, beaucoup choisissent le journalisme, la jurisprudence. Le gros des nouvelles recrues du MAE est composé des diplômés du MAE, mais nous acceptons les diplômés de plus d'une trentaine d'universités de tout le pays, du Kaliningrad à Vladivostok.

J'aimerai encore une fois remercier le rectorat de l'université qui offrent la possibilité à ceux qui veulent être admis de faire des cours de préparation durant les vacances d'hiver. Ces cours offrent une perspective sur les affaires internationales.

Mais c'est une digression lyrique. Paris les nouvelles recrues du MAE le nombre de jeunes filles est égal au nombre de jeunes hommes ces dernières années. Nous n'avons pas de préjugés. De plus en plus de femmes occupent des postes de haute importance. Je n'ai pas les chiffres, mais je suis en contact régulier avec le Conseil des femmes du Ministère des Affaires étrangères. Ils notent que la tendance est palpable : une femme est directeur de Département, une autre est Consul général, une autre ambassadrice, une représentante auprès de l'UNESCO. Je vous l'accorde, cela n'est pas suffisant. Il est clair que les problèmes liés à la naissance d'un enfant doivent être résolus d'une façon ou d'une autre. Les lois à ce sujet sont en force, mais le reste dépend de la personne. Certains au sein du MAE se marient et préfèrent s'occuper de la famille. C'est leur choix et leur droit. Mais un grand nombre de jeunes filles talentueuses viennent nous rejoindre. Avec le temps elles deviennent des femmes diplomates très expérimentés. Nous soutiendrons un tel processus.

Question : Il est bien connu qu'un spécialiste nouvellement diplômé doit encore suivre une école de vie en travaillant dans des pays divers, y compris dans les pays du tiers monde. Comment et en combien de temps un diplomate qui est poste dans un de ces pays pourrait devenir représentant dans un pays des plus développés ? Si ce n'est pas un secret, pouvez-vous dire quel temps ça vous a pris ?

S. V. Lavrov: Tout est individuel. Le rang d'ambassadeur signifier la fin d'une carrière, mais peut aussi être obtenu au milieu du chemin. Nous n'avons pas une liste obligatoire des régions par lesquelles il faut passer afin de devenir ambassadeur. Traditionnellement, en commençant par l'Empire Russe et par la suite durant la période soviétique, l'accent fut mis non pas sur une « école de vie » des diplomates dans un plus grand nombre de pays et de régions, mais sur la spécialisation. Durant la période actuelle, dès 1992, le Ministère a entrepris un effort de résoudre la question de la spécialisation par la force. J'avancerai un exemple concret. Une fois la discussion était d'envoyer un diplomate en Mongolie pour la cinquième fois durant sa carrière au MAE. On parlait d'une déploiement avant retraite. La chef du Directorat des ressources humaines (on avait un directorat ces temps là) était absolument contre : ce diplomate n'avait rien à faire en Mongolie, il ferait mieux de travailler en Europe. Et le diplomate se mettait carrément à genoux et suppliait, comme quoi il aimait la Mongolie, tout le monde le connaissait là-bas, il connaissait les dirigeants, il y avait une bonne pêche et de la chasse. On ne l'a pas laissé aller.

En Occident le système est différent. Après deux-trois ans dans un pays un diplomate peut être transféré directement à un autre pays sans passer par le retour à la capitale. Un diplomate peut passer dix ans à voyager ainsi avant de revenir travailler dans son Ministère des Affaires étrangères. Il y a des moments négatifs et positifs dans les deux systèmes. Je pense que le mieux c'est de combiner les deux principes. La spécialisation est très importante, surtout quand vous avez un réseau. Quand vous commencez en tant que jeune diplomate d'une ambassade vous établissez des liens et vos contacts sont des jeunes diplomates des Ministères des Affaires étrangères des divers pays. Ils font eux-aussi une carrière et occupent des postes de haute importance. Il serait malvenu de ne pas utiliser ces réseaux, tout le monde ferait ainsi.

De l'autre côté, dès que l'on parle d'un sujet concret, on a de plus en plus besoin d'avoir une perspective sur les événements. Cela concerne spécialement le travail dans les capitales des grandes puissances, des pays du « G8 », de la Chine, de l'Inde, du Brésil, de l'Afrique du Sud. Ce sont des États avec des intérêts dans la plupart des événements de part le monde. C'est pour ça que les diplomates et ambassadeurs bilatéraux, qui travaillent dans les ambassades de la Russie dans ces pays, doivent avoir des grandes connaissances. On ne peut pas tout tirer de l'Internet ou de nos documents de service internes.

Combien de temps faut-ils ? Je suis devenu représentant à l'ONU en 1994, quand j'avais 44 ans. En ce moment j'avais déjà passé plus de 22 ans au sein du MAE. Mais ce n'est pas un record. Certains ambassadeurs ont atteint ce rang à l'age de 35-37 ans. Alors allez-y ! Le plus important c'est d'avoir la volonté sr laquelle on pourra capitaliser durant le travail.

Question : La Russie va-t-elle s'inspirer de l'expérience occidentale dans la résolution des problèmes écologiques ? Si la réponse est négative, allez-vous créer un autre système qui serait aussi efficace que le système occidental ?

S. V. Lavrov: Nous allons dédier bien plus d'attention à la protection de environnement que ne fut le cas jusqu'à présent. Notre pays a des nombreux problèmes de ce côté-là, en particulier dans nos territoires du nord. Vous savez qu'avec la fonte de la couche de glace le transit par le Passage maritime du Nord a connu une grande croissance, car il devient de plus en plus propice à la navigation. En son temps V. V. Poutine s'était rendu avec une visite d'inspection dans cette région et a pris la décision qu'il fallait d'urgence remettre de l'ordre dans le domaine de la protection de l'environnement. Des mesures sont en train d'être prises.

Nous avons nos propres standards, nous avons des obligations internationales, notamment dans le cadre du Conseil des États de la Mer Baltique. La protection de l'environnement dans la mer Baltique est une de nos priorités. J'ai déjà mentionné l'Arctique. La protection de l'environnement et des peuples autochtones y vivant est une des priorités du Conseil de l'Arctique. Il y a aussi l'Organisation de la coopération économique en Mer Noire, qui a elle aussi des normes de protection de l'environnement. En Mer Caspienne les cinq États avec accès à cette mer ont adopté une Convention sur la protection de l'environnement et des ressources biologiques. En ce qui concerne d'autres exemples d'organisations multilatérales je peux citer l'exemple à succès de la Coopération économique en Asie-Pacifique. Une des décisions que devra être approuvée par les dirigeants durant le sommet de Vladivostok concerne la baisse des tarifs sur l'importation des produits sans danger pour l'environnement, dont la liste devra encore être définie. Ce taux devra être de 5%.

Je mentionnerai bien sur le Programme de l'ONU sur la protection de l'environnement, dont la Russie est un participant actif qui agit dans le cadre non plus de standards régionaux, mais aussi de standards universels. Nous avons aussi des standards qui respectent la spécificité internationale et le caractère spécifique de la protection de l'environnement en Fédération de Russie. Je peux vous assurer que ces efforts sont prioritaires pour les dirigeants de notre pays et je suis convaincu que ces problèmes resteront d'actualité.

Question : Quels sont les problèmes et les perspectives des relations entre l'Inde et la Russie, car il n'y a pas beaucoup d'informations sur internet et dans les médias sur cette région ?

S. V. Lavrov: Je vous rappelle que outre l'internet et la presse il y a aussi la littérature qui traite d'une manière approfondie et complète des relations entre l'Inde et la Russie. L'Inde est notre partenaire stratégique. Durant la encontre l'année passée des présidents russe et indien les parties ont adopté une Déclaration, qui qualifie notre partenariat de privilégié et de stratégique, ce qui souligne le caractère spécial de nos relations. Ces relations sont définies par l'histoire, par la solidarité de l'Union soviétique avec l'Inde durant la période de la décolonisation et durant les premières années de l'indépendance, la période durant laquelle l'URSS a soutenu ce pays politiquement et a établi l'industrie. Il faut aussi parlé de la coopération dans le domaine de la culture et des liens humanitaires. Les films indiens, je le pense, occupent toujours la première place en terme de popularité.

Nous sommes aussi des partenaires stratégiques dans tout ce qui concerne la problématique de la gouvernance mondiale. Les positions de la Russie et de l'Inde sur les problèmes du monde moderne convergent, elles convergent en ce qui concerne le l'obligation de tous les États de respecter la Charte de l'ONU, de ne pas interférer dans les affaires internes d'autres pays, de respecter la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de tous les États sans exception. Moscou et Delhi croient que la suprématie de la loi, ce de quoi nos partenaires occidentaux aiment parler dans le cadre interne, soit aussi assurée dans les relations internationales. En d'autres mots, le droit international doit être respecté. L'Inde est notre allié dans ces questions. Les deux pays soutiennent la démocratisation des relations internationales. Nous soutenons la participation de l'Inde dans les diverses organisations internationales au vu du caractère spécial de nos relations, du rôle de l'Inde en tant que puissance régionale avec des intérêts en dehors de la région et au vu de notre partenariat dans le cadre du BRICS. Cela concerne aussi l'adhésion de l'Inde en tant que membre à part entière de l'OCS et l'adhésion indienne au cercle des Membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU.

Question : Vu que je suis en train d'étudier la langue amhara, j'aimerais savoir quelles sont les perspectives des relations entre la Russie et l'Ethiopie.

S. V. Lavrov: L'Ethiopie est elle aussi un ami de longue date. Nous soutenions les pays africains dans leur lutte contre le colonialisme. Ils se rappellent du rôle joué par notre pays dans la libération de l'Afrique du joug colonial. L'Ethiopie fut et reste un des leaders sur le continent africain. Le siège de l'Union africaine se trouve à Addis-Abeba. Tout cela rajoute de l'importance au rôle de l'Ethiopie dans les affaires africaines. Mais pas seulement, car l'Union africaine a des relations avec l'UE, la Fédération de Russie, les États-Unis. Malheureusement en ce moment l'Ethiopie connaît des problèmes sérieux avec l'Erythrée. Il fut un temps où les deux pays formaient un seul. Par la suite il y a eu un « divorce » qui n'est toujours pas formellement fixé afin que le calme revienne dans la région. Nous soutenons la résolution de ces problèmes par le dialogue. Il y a des décisions du Conseil de sécurité de l'ONU à ce sujet. Les liens culturels et les contacts politiques entre nos pays connaissent une croissance soutenue. Malheureusement nos ressentons un manque de la composante économique. En ce moment les liens économiques et commerciaux sont bien loin de leur plein potentiel.

En ce qui concerne les langues qui vous sont réparties, ne soies pas inquiets. Vous le mentionnez de la manière d'un condamné. J'étais choque quand le 1 septembre 1967, à l'ancien immeuble du MGIMO, j'ai appris que l'allais apprendre le singhalais. Je pensais alors que cette langue était parlée quelque part en Afrique, peut-être au Sénégal. Et en fait il s'agit d'une langue qui est parlée par 70% de la population du Sri-Lanka.

Question : Mon enseignement est lié aux langues finno-ougriennes, notamment à l'estonien. Vous avez déjà parlé des problèmes de la région. A votre avis, quels sont les meilleurs moyens de coopération avec ces pays ?

S. V. Lavrov: J'ai déjà parlé de l'Estonie. Nous ne voulons pas cacher les problèmes existant, mais les résoudre afin qu'ils ne nous empêchent pas d'avancer dans les domaines ou les intérêts des deux pays convergent. Nous y sommes prêts. Je pense qu'en cas de bonne volonté du gouvernement estonien il sera possible de résoudre les problèmes et de tirer un profit mutuel de la coopération bilatérale. Après tout nous sommes voisins et nous avons des avantages naturels sur une rangée des questions.

En ce qui concerne les peuples finno-ougriens, la Finlande et la Hongrie font partie de ce groupe en même temps que l'Estonie. Nous avons des relations proches avec la Finlande. C'est bien connu. Nos présidents, nos chefs de gouvernement et nos ministres ont des contacts réguliers. Le 20 août je m'étais rendu à Helsinki sur invitation de mon collègue finlandais. J'y avais rencontré le président, le Premier-ministre et le ministre des Affaires étrangères, mais j'ai aussi fait une allocution durant la réunion des ambassadeurs finlandais. Ce fut un grand honneur que d'y être invité et démontre le caractère de confiance et d'avantage mutuel dans les relations entre nos pays. Ces relations ont une bonne composante économique avec un grand potentiel, y compris dans la sphère économique (il y a eu plus de 10 millions de cas de passage de frontière entre la Russie et la Finlande l'année dernière). Aujourd'hui nous sommes en train de résoudre le problème purement pratique afin d'établir des points de passage plus confortables. Les finlandais se rendent à Saint-Pétersbourg pour une période de trois jours sans visa. Helsinki nous soutient dans la question du régime de libre circulation avec l'Union européenne. Nous parlons donc de relations très positives.

Nous avons de bonnes perspectives avec la Hongrie. Malgré le fait que la Hongrie fait partie de l'UE et de l'OTAN, elle n'en fait pas un problème dans nos relations bilatérales. Je pense que très bientôt nos relations économiques et dans le domaine des investissements ne vont que s'approfondir. Vous avez des bonnes perspectives, je vous souhaite beaucoup de succès.

Question : Le 2 septembre nous fêtons la fin de la Deuxième Guerre mondiale, mais en même temps nous voyons les prétentions japonaises sur les îles Kouriles. Des prétentions japonaises semblables existent dans les relations avec la Chine et la Corée. Pourquoi un traité de paix avec le Japon n'est-il toujours pas conclu et ne pourrait-on pas le faire dans le cadre d'une organisation internationale, par exemple l'APEC ?

S. V. Lavrov: L'APEC n'est pas une organisation internationale, mais un forum des économies. C'est pour ça qu'il a un statut particulier car l'APEC ne se penche par définition pas sur les questions juridiques et politiques. On y discute des questions économiques.

Aujourd'hui nous ne voyons pas d'entraves au développement des relations avec Tokyo, même en absence d'un traité de paix. Il y a la Déclaration bilatérale de 1956 qui a, dans les faits, rétabli les liens entre nos pays. Cette déclaration mentionne la nécessité de conclure un traité de paix avant la résolution des disputes territoriales. Le traité de paix vient d'abord, peu importe les circonstances. Notre position est simple et nous l'avons réaffirmé à maintes réprises. Le traité de paix, le traité de San-Francisco et d'autres documents non-universels sont importants. Mais au-dessus de tout autre instrument juridique international se trouve la Charte de l'ONU qui fixe les résultats, y compris les échanges territoriaux, de la Deuxième Guerre mondiale. Tous les Etats membres de l'ONU signent et ratifient la Charte avant d'adhérer à l'organisation en tant que membres de plein droit. C'est le principe duquel in faut partir.

Question : En ce moment le MAE connaît il un surplus ou un manque de jeunes spécialistes diplomatiques ?

S. V. Lavrov: Nous ne sentons ni le manque, ni le surplus. Mais il y a un problème. Au début des années 1990 du siècle passé le monde des affaires a connu un grand essor et les entreprises privées avaient besoin de cadres parlant les langues étrangères afin de tisser des liens avec l'étranger. Les salaires du MAE durant cette période furent médiocres et un salaire de 500 dollars américains par mois était très attractif pour le personnel du Ministère. La couche des « chevaux de travail » du Ministère, les diplomates du rang moyen (premiers et seconds secrétaires, même des conseillers) s'est très « amincie ». Il y a quelque temps nous avons commencé à en ressentir les effets. Nous avons recruté des jeunes gens au MAE afin de remplacer les anciens, mais un « creux » s'est formé dans la catégorie de jeunes diplomates expérimentés, qui auraient déjà passé une dizaine d'années au MAE et capables de préparer par eux-mêmes des documents. Le problème est en train d'être résolu, car les nouvelles « vagues » des diplômés admis au MAE deviennent de plus en plus expérimentées. Bien que ces « vagues » ne soient pas encore un « tsunami », elles en sont pas loin. Je plaisante bien sûr. Dans le fait je pense que nous avons un équilibre optimal au niveau des cadres.

Question : Quelles conséquences géopolitiques pour la Russie pourrait avoir le transfert de la péninsule de Tuzla à l'Ukraine ?

S. V. Lavrov: Cette question fut très assidue il y a huit ans. Nous sommes en pourparlers avec nos collègues ukrainiens sur la résolution du problème de la Mer d'Azov, sur le détroit de Kertch et sur la Mer Noire. Toutes ces questions sont liées, les pourparlers sont en cours. Nous avons des accords de principe sur certains aspects, bien que l'accord final est encore loin d'être conclu. Je suis certain que les intérêts de la Fédération de Russie et de l'Ukraine seront pleinement respectés. Il faut trouver des solutions qui seront acceptables pour nos deux pays.

Question : Si Pierre le Grand était au pouvoir, où bâtirait-il la capitale ?

S. V. Lavrov: Pierre le Grand a déjà bâti la capitale à Saint-Pétersbourg. Je ne comprends donc pas votre question. Nous n'avons pas besoin d'une nouvelle capitale. Nous en avons déjà deux, Moscou et Saint-Pétersbourg.

Question : Le MGIMO, ce n'est pas seulement l'éducation, mais aussi le sport. Vous êtes soutenez le « Spartak ». Allez vous assister au match d'adieu de Egor Titov qui se tiendra le 9 septembre ?

S. V. Lavrov: Je serai à Vladivostok. Mais j'aurai assisté au match si seulement je pouvais revenir à temps. Nous avons par plusieurs fois joué au mini-foot ensemble. C'est des sensations particulières. Tu te sens différent sur le terrain en compagnie de maîtres de l'art. J'ai des contacts régulier avec des joueurs du « Spartak » sur le terrain, avec Y. V. Gavrilov, D. A. Alenichev et avec d'autres. N'aimez pas seulement le sport en vous, mais aussi vous-mêmes dans le sport. Il faut faire du sport. Je suis certain que MGIMO(U) a toutes les opportunités pour cela.

Merci et tout de bon.

1 septembre 2012


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