Interview de Guennadi Gatilov, vice-ministre russe des Affaires étrangères, accordée à l'agence d'information Rossiya Segodnya, le 2 février 2015
Question: Comment comptez-vous célébrer la Journée du diplomate?
Réponse: Comme toujours, bien sûr, mais dans une ambiance de travail. Nous avons certaines traditions comme le dépôt de gerbes au Cimetière de Novodevitchi sur les tombes de diplomates soviétiques russes éminents tels que Andreï Gromyko, Gueorgui Tchitcherine, Alexandra Kollontaï, Viatcheslav Molotov et d'autres. C'est une tradition respectée par les diplomates depuis des années.
Il y aura également une réunion solennelle au Ministère avec une allocution du Ministre.
On assistera, bien évidemment, à la remise de récompenses aux diplomates qui se sont distingués. Sans oublier le banquet festif.
Cependant, le processus de travail ne sera pas interrompu. Après tout, le Ministère doit réagir de manière opérationnelle aux requêtes venant des postes à l'étranger, qui doivent être traitées très rapidement. De nombreuses requêtes sont limitées dans le temps. Par conséquent, le travail se poursuivra.
Question: D'après vous, quelle est "l'arme" principale du diplomate?
Réponse: Ses qualités professionnelles et individuelles. Elles sont nombreuses, mais je dénoterais parmi les plus importantes la capacité de constituer un large tableau et de poser correctement les accents et les priorités dans son activité à partir des nombreux événements qui se produisent dans le monde.
Quant aux qualités individuelles, il s'agit avant tout de la capacité à établir le contact avec ses interlocuteurs, de savoir les écouter, de comprendre leurs arguments et d'exposer correctement ses positions. Sans cela il est difficile de parler d'un travail diplomatique productif. C'est d'autant plus important pour la diplomatie multilatérale: il faut comprendre la culture de l'interlocuteur, l'histoire de son pays et toutes les nuances qui forment sa position.
Question: Les USA considèrent comme illégitime l'intention de la Palestine d'adhérer à la Cour pénale internationale (CPI). Que pense la Russie de cette aspiration?
Réponse: Cette question a sa propre histoire. Fin 2014, le 30 décembre, le Conseil de sécurité des Nations unies examinait le projet arabe de résolution sur le problème
israélo-palestinien. Il a été soumis par la Jordanie à la demande des Palestiniens mais, malheureusement, n'a pas été adopté à cause d'un nombre insuffisant de voix. Après cela, les Palestiniens ont engagé certaines démarches pour demander d'adhérer au Statut de Rome de la CPI. Ils en parlaient depuis longtemps et ce n'était pas une surprise. Il faut comprendre que les Palestiniens sont déçus par la situation dans le règlement du conflit au Proche-Orient, par l'impasse dans les négociations avec les Israéliens. Mais comme ils le disent eux-mêmes, l'appel à la CPI est un atout pour l'avenir et non un instrument voué à une utilisation immédiate. Pour l'instant, la question est reportée au 1er avril dans l'espoir que des efforts supplémentaires soient entrepris pour sortir les négociations de l'impasse.
En ce qui concerne les nouveaux projets de résolution à ce sujet, en effet, le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas évoquait l'éventualité d'une nouvelle présentation au Conseil de sécurité. Dans cette situation complexe, nous pensons nécessaire d'exploiter au maximum toute opportunité pour relancer le processus de paix, débloquer l'impasse dans laquelle il s'est retrouvé. Nous estimons que cette pause a duré trop longtemps. La situation se dégrade dans la région, des échanges de tirs se poursuivent, la situation humanitaire dans les territoires palestiniens s'est significativement détériorée. Tout cela témoigne de l'importance des efforts que la communauté internationale doit encore entreprendre.
Le Quartet des représentants internationaux pour le Moyen-Orient (UE, Onu, Russie, USA) s'est réuni la semaine dernière à Bruxelles. Les parties ont évoqué les démarches à entreprendre pour donner une impulsion au règlement du conflit israélo-palestinien. Nous pensons qu'il a été juste et justifié de faire participer à cette recherche la Ligue arabe et l'Égypte, pays clé du
Moyen-Orient capable de jouer un rôle constructif dans cette affaire. Et il serait évidemment très utile que le Quartet se réunisse prochainement au niveau ministériel.
Question: Est-ce envisageable à court terme?
Réponse: Oui, cette question est à l'étude actuellement.
Question: Autrement dit, il est possible que les Ministres se rencontrent dans le cadre de la Conférence de Munich sur la sécurité des 6-8 février?
Réponse: En cas d'accord, il se pourrait qu'un tel entretien se tienne à Munich. Du moins, nous y sommes prêts.
Question: En ce qui concerne la résolution sur la Palestine – y a-t-il des chances actuellement qu'elle soit soumise très prochainement, avant la fin du mois?
Réponse: Aucun signe venant de New York n'indique que cela pourrait se produire dans les jours à venir, même si une telle perspective existe bien sûr.
Il est à noter que la composition du Conseil de sécurité a changé depuis le 1er janvier. De nouveaux membres non permanents l'ont rejoint dont la Malaisie, le Venezuela et l'Angola, qui comprennent les espoirs des Palestiniens. Bien évidemment, Ramallah tient compte de tous ces facteurs dans son milieu diplomatique.
Question: Et sur d'autres questions – la composition est également favorable?
Réponse: En principe, il faut reconnaître que tous les nouveaux membres du Conseil de sécurité mentionnés mènent une politique indépendante sur certaines questions, par conséquent la configuration du Conseil de sécurité a changé et on peut espérer que, sur certains sujets, il n'y aura plus de groupe de "pays dociles" qui suivront le sillage de la politique américaine sur toutes les question à l'ordre du jour au Conseil de sécurité.
Question: Au vu des récents incidents retentissants comme la déclaration du Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk sur la Seconde Guerre mondiale et la réaction de Berlin, ou encore le discours du Ministre polonais des Affaires étrangères sur la libération d'Auschwitz, faut-il soulever la question du caractère inadmissible de la glorification du nazisme et de la falsification de l'histoire au niveau du Conseil de sécurité? Comme nous le savons, la partie russe entreprend de telles mesures au niveau de l'Assemblée générale.
Réponse: En principe, nous partons du fait que chaque organisme de l'Onu doit s'occuper de son domaine de compétences. Conformément à la Charte de l'Onu, le Conseil de sécurité est appelé à assurer la paix et la sécurité internationale, et il s'occupe essentiellement du règlement de conflit régionaux.
Le thème de la glorification du nazisme, qui est évidemment prioritaire pour nous, est à l'étude sur notre initiative dans le cadre du Conseil des droits de l'homme des Nations unies (CDH) et de l'Assemblée générale de l'Onu. De plus, il faut tenir compte du fait que même si ce sujet était hypothétiquement soulevé au Conseil de sécurité, nous serions confrontés à l'opposition de nos partenaires occidentaux, qui bloqueraient certainement toute décision à ce sujet. Nous connaissons bien leur position, comment ils se comportent au CDH et à l'Assemblée générale et votent à ce sujet. C'est pourquoi les tribunes du CDH et de l'Assemblée générale demeurent les plus importantes pour nous, et nous continuerons de les exploiter - surtout cette année, qui célèbre le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Je voudrais noter tout particulièrement que le sujet de la glorification du nazisme est pertinent pour nous pour des raisons évidentes. Ce qui se passe dans les pays baltes, et aujourd'hui en Ukraine, montre que, malheureusement, le nazisme relève de plus en plus la tête et que des forces le professent à leurs fins politiques. Pour cette raison, bien évidemment, nous le combattrons et chercherons à rallier de notre côté le plus grand nombre possible de soutiens.
Le thème de la Seconde Guerre mondiale sera évoqué à l'Onu au courant de l'année. Nous avons soumis un point spécial à l'ordre du jour de la session actuelle de l'Assemblée générale de l'Onu et avons déjà initié la mise au point d'une résolution. Une réunion solennelle de l'Assemblée sera organisée, ainsi que de nombreuses activités en marge de l'Onu. Cela ne concerne pas uniquement New York, mais aussi d'autres tribunes comme Genève et Vienne. Nous soulèverons donc activement ce thème et comptons sur le soutien de la plupart des membres de l'Onu dans ce sens.
Question: La Russie a évoqué à plusieurs reprises au Conseil de sécurité l'enquête sur la tragédie survenue à la Maison des syndicats à Odessa, l'utilisation de bombes à sous-munitions et les charniers en Ukraine. A-t-on avancé sur ces questions? La Russie reçoit-elle des informations sur le déroulement de l'enquête?
Réponse: Malheureusement, l'enquête n'avance pratiquement pas, bien qu'on ait effectivement soulevé ces thèmes au cours de nombreuses réunions du Conseil de sécurité, dont la dernière en date s'est tenue la semaine dernière. Nos collègues occidentaux cherchent à taire ces questions et préfèrent ne pas y réagir. Nous voyons surtout des doubles-standards dans l'appréciation des événements et l'approche des problèmes évidents. Mais même en dépit de tout cela, nous continuerons de soulever ce thème au Conseil de sécurité.
Question: Cette semaine, la Rada ukrainienne a proclamé que la Russie était un "pays agresseur". Quelles seront les conséquences internationales de cette décision? Après tout, le Conseil de sécurité est le seul à pouvoir désigner un pays comme agresseur.
Réponse: C'est effectivement le cas, mais comme vous vous en doutez une telle initiative ne peut pas passer par le Conseil de sécurité. Dieu merci, nous en sommes un membre permanent et conformément à la Charte de l'Onu nous bénéficions de certaines prérogatives grâce à ce statut. Tout le monde sait qu'il est très improbable qu'une question aussi absurde soit soulevée au Conseil de sécurité.
L'évocation même de ce sujet est contreproductive. Nous démentons évidemment toutes ces accusations vides et infondées. Il faut aujourd'hui discuter de comment entamer les négociations pour mettre un terme au conflit en Ukraine. La Russie n'y est pas impliquée, nous l'avons toujours dit. Il faut chercher des solutions pour faire cesser l'effusion de sang dans le Sud-Est de l'Ukraine, pour entamer un processus constitutionnel, au lieu de tout réduire aux accusations contre la Russie. Ces tentatives n'ont pas d'avenir.
Question: Le premier cycle de négociations entre Moscou et Kiev s'est tenu à Minsk la semaine dernière au sujet des accusations formulées par l'Ukraine contre la Russie, pour violation de la Convention de 1999 sur l'interdiction du financement du terrorisme.
Réponse: Des contacts ont eu lieu entre nos experts et les experts ukrainiens, mais ce n'est que l'étape initiale. Il est donc trop tôt pour en parler.
Question: Dans quelle mesure les récents appels du Secrétaire général de l'Onu
Ban Ki-moon à ce que le conflit syrien cesse en 2015 sont-ils réalistes? Des signes laissent-ils entrevoir cette possibilité?
Réponse: Ces appels sont justes, bien sûr. On voudrait qu'ils se réalisent en pratique mais, malheureusement, en observant la situation réelle on ne peut pas dire qu'on en soit proche.
L'effusion de sang, les affrontements, les morts civiles et la destruction de l'infrastructure se poursuivent. Ce conflit dure depuis près de quatre ans et vous savez que la Russie a tout fait pour y mettre un terme. Malheureusement, cela n'est pas arrivé. Plus encore, l'ampleur et la nature du conflit ont changé. L'État islamique a fait son apparition en Syrie et a étendu ses activités sur l'Irak, et même jusqu'au nord de l'Afghanistan selon les dernières informations.
Sachant que l'activité terroriste des extrémistes radicaux reçoit constamment un soutien, notamment financier, et des armes. Il faut combattre ce phénomène par les efforts de toute la communauté internationale.
Question: Que pensez-vous du résultat des consultations intersyriennes qui se sont déroulées à Moscou? Pensez-vous que le refus de la Coalition nationale d'y participer soit dû à la pression de forces tierces?
Réponse: Une année s'est écoulée depuis la conférence de Montreux du 22 janvier 2014. Cette dernière a été suivie de deux cycles de négociations intersyriennes, puis les contacts ont été interrompus. Dans ces conditions, il nous a semblé nécessaire de relancer ce processus. Nous avons convié les représentants de l'opposition à Moscou, sachant que le cercle des invités était très large et incluait la Coalition nationale. Ils ont tous été invités à titre individuel pour créer l'atmosphère nécessaire à un dialogue ouvert. L'ordre du jour était également ouvert, ce qui permettait de débattre librement de tous les problèmes et tenter de trouver des points de convergence. Il est à souligner qu'une délégation du gouvernement syrien a participé à ces discussions. La décision de la Coalition nationale de ne pas venir à Moscou était dictée par des prétextes artificiels. L'un d'eux était que le gouvernement n'était pas représenté au niveau suffisant. Mais de nombreux autres représentants de l'opposition sont venus et une discussion utile a eu lieu. Le fait même qu'un tel dialogue ait débuté est très important de notre point de vue, parce que cela crée une base pour poursuivre les contacts et déboucher à terme sur d'autres formats de négociation. Par conséquent, nous estimons que l'objectif de cette réunion a été atteint.
Question: Cela concerne également les propositions en dix points transmises par l'opposition à la délégation du gouvernement?
Réponse: Nous estimons que toutes les propositions posées sur la table doivent être étudiées. Tout cela crée la matière nécessaire aux négociations.
Question: Le communiqué de Genève reste-t-il la base du processus de paix syrien ou ne peut-il plus servir de feuille de route sous sa forme adoptée il y a plus de deux ans? Serait-il temps d'organiser une nouvelle - la troisième - réunion à Genève?
Réponse: Nous verrons comment les chosent évoluent. Une réunion Genève 3 pourrait s'avérer nécessaire à terme. Le plus important est que tous les acteurs aient la volonté politique et soient intéressés par la poursuite des négociations et des recherches de solution pour sortir de la crise. Nous pensons que le communiqué de Genève en demeure la base.
D'ailleurs, comme nous avons pu le voir, tous ceux qui ont participé à la réunion de Moscou ne rejettent pas ce document et sont prêts à poursuivre le travail en s'appuyant sur lui. Donc en principe, tout est en place pour entamer un processus de négociations. Nous soutenons les efforts entrepris de son côté par l'Envoyé spécial de l'Onu pour la Syrie Staffan de Mistura. Ses tentatives de conclure des trêves locales dans certaines régions de la Syrie, notamment à Alep, sont très sollicitées. Ce serait une action humanitaire importante. S'il y arrivait, il serait possible d'étendre cette pratique à d'autres villes et régions de Syrie. De cette manière serait créée une atmosphère plus favorable pour établir des contacts politiques.
Question: Existe-t-il déjà des démarches et des plans concrets dans cette direction?
Réponse: Il est encore trop tôt pour en parler, il faut analyser les résultats des consultations à Moscou. J'ajouterai que beaucoup de pays ont positivement apprécié notre initiative, nous avons donc une compréhension générale de la direction à suivre.
Question: Avez-vous évoqué avec Staffan de Mistura les résultats des consultations intersyriennes. Si oui, quelle a été sa réaction?
Réponse: Nous n'en avons pas encore parlé car la réunion ne s'est terminée qu'hier. Mais nous l'informerons bien évidemment des résultats et serons prêts à poursuivre avec lui les contacts à ce sujet.
Question: En d'autres termes, il est possible que le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov rencontre Staffan de Mistura à la Conférence de Munich sur la sécurité?
Réponse: C'est envisageable si les circonstances le permettent. Quoi qu'il en soit, nous y sommes prêts.
Question: Comment avance le travail à l'Onu pour empêcher la vente de pétrole par les terroristes en Syrie et en Irak? La Russie promeut depuis longtemps cette proposition. D'autres membres du Conseil de sécurité sont-ils prêts à mener ce travail?
Réponse: Plusieurs décisions du Conseil de sécurité ont été prises en un an pour bloquer les activités de l'État islamique et des sanctions ont été décrétées. Cela concerne notamment le gel des actifs et l'interdiction de circulation, l'embargo sur les livraisons, la vente et le transfert d'armements. Mais malheureusement, tout cela n'est pas suffisamment efficace pour qu'on puisse dire que l'activité des groupes terroristes connaît un fort déclin.
Autre aspect important: l'État islamique a mis la main sur des régions pétrolifères en Irak et en Syrie et profite de la vente clandestine de pétrole pour financer son activité.
Selon certaines estimations, l'organisation reçoit entre 3 et 5 millions de dollars par jour en revendant le pétrole par des intermédiaires, et cet argent sert à étendre son activité terroriste.
Dans ce sens, la Russie a entrepris des mesures et a soumis un projet de résolution appelé à interdire toute activité associée à la contrebande de pétrole. Ce document est actuellement examiné par le Conseil de sécurité. Dans l'ensemble, nos partenaires nous soutiennent en apportant des mises au point au texte, et j'espère que le vote au Conseil de sécurité se tiendra le plus vite possible. Nous espérons qu'il s'agira d'une nouvelle démarche importante de la communauté internationale visant à stopper l'activité de l'État islamique.
Cela ne peut pas attendre, car tout le monde a conscience de la gravité du problème.
Question: Les USA et ses alliés de la coalition pour combattre l'État islamique portent des attaques ponctuelles contre les positions des extrémistes en Irak et en Syrie depuis près de six mois, sachant que dans le cas de la Syrie ils le font sans se concerter avec le gouvernement légitime du pays. D'après vous, une telle méthode est-elle efficace? Ou ne fait-elle qu'aggraver la situation?
Réponse: Malheureusement au cours des derniers mois, ces actions n'ont pas apporté de résultats conséquents malgré les 1 700 vols de l'aviation chargée d'attaquer les sites de l'État islamique. Force est de reconnaître que ce n'est pas une méthode particulièrement efficace pour combattre l'EI. Ses unités s'y adaptent assez bien, changent de position et se dispersent, ce qui leur permet de survivre. Selon certains calculs, plus d'un milliard de dollars ont déjà été dépensés dans ces opérations. La situation ne change pas radicalement. D'autant que si dans le cas de l'Irak la coalition coopère avec le gouvernement, elle ne le fait pas en Syrie. Et nous y voyons une sérieuse lacune. Car les autorités syriennes y sont dites disposées, et si les Américains l'avaient accepté, le résultat de la lutte contre les terroristes aurait été bien meilleur. Mais pour des raisons politiques ils refusent de le faire, considérant le régime d'Assad comme illégitime. Tout cela est regrettable car la coopération dans la lutte contre l'État islamique aurait pu connaître de meilleurs résultats.
Question: Autre thème concernant la Syrie – le désarmement chimique. La sous-secrétaire d'État américain Rose Gottemoeller avait déclaré que le niveau d'expertise de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) suscitait des craintes. Sachant que cette déclaration a été faite le jour où l'OIAC rapportait l'élimination presque totale de l'arsenal chimique en Syrie, et que l'Ambassadeur de Syrie auprès de l'Onu déclarait que le programme syrien n'existait plus. Est-ce une simple coïncidence?
Réponse: Les USA cherchent à utiliser la question "chlorique" pour continuer d'exercer une pression sur Damas. Alors que nous estimons que le désarmement chimique est terminé, que tout a été détruit, que le programme et l'objectif sont accomplis et qu'il ne reste aucune question sérieuse. Le problème du chlore ne concerne pas directement le désarmement chimique en Syrie.
Question: Depuis janvier 2014, la Russie est revenue au CDH. A l'issue de la première année de travail la Russie parvient-elle à défendre ses intérêts?
Réponse: Nous avons réintégré le CDH avec de bons résultats – une majorité écrasante de pays a voté pour nous. Nous maintiendrons notre ligne de principe au sein de cette structure. Contrairement aux Occidentaux, nous ne cherchons pas à utiliser la rhétorique droit-de-l'hommiste comme une arme pour exercer une pression politique sur d'autres pays. Les Occidentaux utilisent la situation de certains pays à leurs fins géopolitiques. Cela concerne, entre autres, la Syrie et la Corée du Nord. Nous nous sommes toujours opposés à ce que le CDH s'occupe de pays en particulier et voulons qu'il accorde la priorité aux problèmes des droits de l'homme par une approche thématique. Nous voyons cet organisme comme un outil qui aiderait les États à améliorer l'efficacité de leur activité droit-de-l'hommiste, mais à partir de positions constructives, au lieu de faire pression sur quiconque. Nous luttons activement contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, l'intolérance et la glorification du nazisme. De ce point de vue, le travail au sein du CDH est donc important pour nous.
Nous accordons également de l'attention à la privation arbitraire de citoyenneté, comme cela se produit dans certains pays baltes. Nous promouvons activement ce thème au CDH, où nous avons déjà soumis une initiative sur les droits des Tziganes. Nous pensons avoir des opportunités pour faire avancer nos initiatives et nos intérêts au sein de cet organisme. Une nouvelle session sur les droits de l'homme se déroulera en mars. Nous nous en chargerons activement.
Question: Monsieur Gatilov, pourriez-vous, en conclusion, raconter un épisode insolite de votre pratique diplomatique?
Réponse: Dans l'ensemble, l'Onu est une organisation qui vit selon ses règles et ses normes internes. Naturellement, dans le processus de travail surviennent des situations concernant divers sujets ou événements politiques. Malgré tout le sérieux des problèmes politiques évoqués au sein de cette organisation, certains épisodes suscitent forcément une réaction émotionnelle.
Par exemple, je me souviens quand, en parlant d'un conflit politique grave, le représentant d'une délégation s'était emporté en utilisant des propos politiquement incorrects vis-à-vis du représentant d'un autre pays. Cela avait provoqué une querelle verbale qui leur avait valu une amende très conséquente pour l'époque. Personne ne se souvient s'ils ont payé ces amendes, mais on dit que depuis cette époque les débats dans les murs de l'organisation mondiale se déroulent dans un cadre politiquement correct.