INTERVIEW D'A.YOU.MECHKOV, VICE-MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA RUSSIE, AU JOURNAL «LE TEMPS DES INFOS (VREMYA NOVOSTEY)», PUBLIÉE LE 6 FÉVRIER 2004 SOUS LE TITRE «LA RUSSIE N'EST POINT UN FIGURANT AU SEIN DU G8 »
Traduction non-officielle du russe
Question: Au Congrès des USA, on appelle à expulser la Russie du G8 des états développés.
Réponse: La Russie n'est point un figurant au sein du G8, forum informel, mais important, auquel on discute les problèmes globaux. En 2006, la Russie va présider au G-8, ce qui nous confère des obligations supplémentaires et exige une sérieuse préparation. Au cours de la présidence annuelle, se passent des dizaines de rencontres au niveau ministériel et de réunions des groupes de travail.
Tout cela est préparé par le pays président. Sur le fond actuel compliqué des relations économiques internationales, la Russie fait plutôt belle mine et ne fait que consolider les positions du G-8. Le développement dynamique de notre économie commence à influer aussi sur les rythmes du développement d'un grand groupe d'états, en particulier en CEI.
Question: On parle aussi de l'expulsion de la Russie, parce que son image a quelque peu terni à l'étranger vu les derniers événements dans notre pays.
Réponse: Il est évident qu'une Russie ferme sur ses pieds et qui défend ses intérêts nationaux ne plaît pas à tout le monde. Il y a au monde des forces qui vivent encore avec les stéréotypes de "la guerre froide" et cherchent à présenter la Russie sous une lumière négative.
Question: N'est-ce pas la tâche du MAE de présenter au monde l'image objective de la Russie?
Réponse: Pour résoudre cette tâche, mise devant nous par le Président, nous utilisons tant les instruments traditionnels que les nouvelles technologies. En particulier, les possibilités d'Internet. Aujourd'hui, le site web du MAE de la Russie, tournant en temps réel en cinq langues, est un des plus visités. Cette ouverture permet d'évaluer réellement le vecteur du développement de la Russie, de notre pensée de politique étrangère. Dans la plupart de pays du monde, nos ambassades ont aussi leurs sites. Les diplomates travaillent avec l'opinion publique locale: font des conférences, participent aux séminaires, publient des articles. Tout cela, en n'essayant point d'imposer une image d'Epinal de la Russie, mais en donnant une image objective de son développement sur la voie des réformes de marché. Oui, on a aussi des problèmes.
Qui n'en aurait pas? La tâche de la diplomatie est de contribuer à la création du tissu des échanges interétatiques qui permettent de lever ces problèmes aussi.
Question: Et quel est le but stratégique de la politique étrangère de la Russie?
Réponse: C'est la formation de l'ordre mondial qui réponde aux intérêts de l'état russe et de chaque Russe. Aucune organisation régionale, aucun état, aussi fort soit-il, ne réglera les problèmes mondiaux. On a besoin de l'interaction de tous les "acteurs". Ce qui n'est possible que sur la base des institutions multipartites, universelles, avant tout de l'ONU.
Question: Est-ce que la stratégie de la politique étrangère de la Russie a changé en 2004? Les politologues russes proposent que Moscou concerte ses priorités avec les événements en Irak, avec l'élargissement de l'OTAN vers l'Est?
Réponse: L'année de politique extérieure ne commence pas avec une nouvelle année calendaire, mais avec le message annuel du Président, qu'il a fait l'été dernier. Il dresse le bilan du travail pour l'année passée, définit les pistes de base du mouvement pour l'année prochaine. La piste stratégique est reflétée dans le concept de politique étrangère, approuvé par le Président en 2000. Ses principaux éléments sont: la défense de nos intérêts nationaux, de chaque citoyen de la Russie, le développement de la diplomatie multilatérale. Les priorités de politique étrangère de la Russie ne sont pas réduites à des organisations ou crises isolées, notre politique étrangère est multivectorielle. Certes, nous sommes intéressés à surmonter au plus vite la crise irakienne, ceci dit, sur la base du droit international avec la participation active de l'ONU.
Les rapports avec l'OTAN se développent dynamiquement, mais nos intérêts en Europe sont sensiblement plus larges que le domaine militaro-politique. Une priorité importante est le développement des relations avec l'Union Européenne. Après le futur élargissement de l'UE, sa part des échanges commerciaux de la Russie sera de plus de 50%.
Question: Qu'est-ce qui est important pour la Russie sur la piste européenne en dehors du domaine militaro-politique?
Réponse: C'est le problème de la garantie des droits de la population russophone en Lettonie, en Estonie - à propos, futurs membres de l'UE et de l'OTAN. L'adhésion de la Russie au processus de Bologne répond directement aux intérêts des Russes (ce processus a pour but final pour les Russes la reconnaissance réciproque des diplômes. NDLR), qui leur garantirait l'accès égal à l'enseignement supérieur en Europe.
Question: Pour voyager en Europe, les Russes ont de la peine pour avoir un visa Schengen...
Réponse: "Schengen" est un mécanisme souple. On a posé le problème de faciliter au maximum le régime de visas en vigueur avec certains états sur la base bilatérale, mais compte tenu des normes de Schengen. L'an dernier, on a signé l'accord avec Allemagne, nous travaillons aux mêmes accords avec la France et l'Italie.
Question: Est-ce que le MAE conserve la tâche de la promotion des intérêts du business de la Russie à l'étranger?
Réponse: C'est une des priorités que le Président nous a assignées. La stabilité des relations bilatérales avec un état dépend beaucoup du niveau des liaisons économiques. Le soutien du business russe à l'étranger est une tâche non seulement économique, mais aussi politique.