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Allocution et réponses à la presse du Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors d'une rencontre avec les étudiants et les enseignants de l'Institut d’État des relations internationales de Moscou (MGIMO), Moscou, jeudi 1er septembre 2016

1511-01-09-2016

Messieurs, chers amis et collègues,

Je ne cache pas ma joie d'assister à cet événement traditionnel du début de l'année scolaire. Je voudrais féliciter toutes les personnes ici présentes, notamment ceux qui rentrent en première année. Vous entrez dans la vie autonome. Toutes les possibilités s'offrent à vous et elles se réaliseront si vous faites le nécessaire avec vos mains, vos têtes, vos cœurs et vos idées pour devenir de véritables professionnels, des citoyens dignes de la Russie et des pays dont certains d'entre vous sont originaires.

Je voudrais tout d'abord dire que, selon ma profonde conviction, vous avez eu de la chance car il est difficile de surestimer le rôle de l'établissement que vous avez choisi. Le diplôme de l'Institut d’État des relations internationales de Moscou (MGIMO) a toujours été un gage de qualité, une garantie de connaissances fondamentales et d'excellents acquis pratiques. Cette université est une plateforme éducative, scientifique et analytique unique où on enseigne de manière globale les relations internationales, l'économie mondiale, le droit international et la politologie. Par son activité de recherche, l'université apporte une réelle contribution au travail du Ministère russe des Affaires étrangères et elle est utilisée pour préparer des solutions en politique étrangère. Cela est d'autant plus réjouissant que notre Alma Mater ne se repose pas sur ses acquis et continue d'évoluer de manière dynamique. Très récemment, avec Anatoli Torkounov et Evgueni Bajanov, nous avons ouvert une filiale du MGIMO à Odintsovo où l'accent sera mis sur la formation de cadres administratifs et économiques. L'éventail de connaissances qu'offre le MGIMO continue de s'élargir. Dans les classements internationaux, l'université occupe traditionnellement des positions très élevées et nous en sommes fiers à juste titre.

Aujourd'hui, le Ministère russe des Affaires étrangères a grandement besoin des cadres spécialistes qualifiés en relations internationales préparés par le MGIMO. Comme l'a récemment noté le Président russe Vladimir Poutine lors de la Réunion des ambassadeurs et des représentants permanents de Russie à l'étranger, la diversité et la complexité des problèmes, défis et risques internationaux auxquels est confrontée la Russie nécessite une amélioration permanente de notre inventaire diplomatique dans les domaines politique, économique, humanitaire et médiatique.

Ces hautes exigences sont induites par l'évolution actuelle du système de relations internationales, qui, d'unipolaire et bipolaire, devient multipolaire. Cette tendance est appelée à refléter la diversité culturelle et civilisationnelle du monde contemporain, à respecter les droits des peuples à disposer d'eux-mêmes et, au final, à contribuer au renforcement de la sécurité régionale et mondiale sur la base immuable du droit international. Il est clair que c'est seulement ensemble, à travers des actions collectives, qu'on pourra chercher et formuler des réponses aux nombreux problèmes globaux de notre époque. Le rôle de la diplomatie est donc de plus en plus important. Ces dernières années, en période d'évolution tumultueuse d'une nouvelle révolution technologique, nous avons tous pu constater qu'aucune technologie d'information et de communication, même la plus moderne et avancée, n'était capable de remplacer une discussion en "face-à-face". Vous le ressentirez. J'espère vraiment que la capacité d'une communication humaine directe ne sera pas perdue par la génération qui se passionne pour les réseaux sociaux et les jeux vidéo.

Malheureusement, le processus naturel d'établissement d'un système international multipolaire polycentrique, impliquant la recherche de compromis, des concessions réciproques et le respect, la compréhension et la prise en compte des intérêts mutuels, est confronté à de nombreux obstacles sérieux, qui découlent avant tout de la volonté de nos partenaires occidentaux (je veux parler de l'Occident dans le sens large et historique) à préserver leur domination globale. Ils partent du principe qu'ils ont "donné le ton" dans ce monde pendant plusieurs siècles (et globalement c'est effectivement le cas) et ils veulent continuer de dicter les solutions à tout problème selon leur vision de la situation. En fait, ils revendiquent le "monopole de la vérité" et utilisent à ces fins un large éventail de méthodes généralement illégitimes de contrainte, des méthodes non éthiques de pression sur leurs partenaires: de la réécriture de l'histoire à l'adoption de sanctions unilatérales en passant par des campagnes médiatiques de propagande très puissantes et agressives, le financement de coups d’État, le déclenchement de conflits régionaux et l'ingérence militaire directe. Les conséquences de ces actes sont déjà visibles dans plusieurs régions du monde, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, mais également bien plus près de nos frontières.

Nous ne sommes pas les seuls à être en désaccord avec cette ligne égoïste. De plus en plus de pays (même si certains ne peuvent pas le dire aujourd'hui haut et fort) expriment leur insatisfaction quant à cette politique grossière, à certaines actions et à la pression qu'ils subissent pour prendre des décisions. La tendance au rejet de l'unilatéralisme des affaires internationales s'appuie sur des processus objectifs, notamment, comme je l'ai déjà dit, sur le processus de formation d'un système polycentrique. Ce n'est pas une quelconque théorie: c'est un processus objectif et réel. De nouveaux centres de croissance économique et de puissance financière apparaissent dans le monde - ce qui s'accompagne évidemment d'une plus grande influence politique. C'est ainsi que se répartissent les forces et l'influence à l'échelle mondiale. On constate de tels processus en Asie-Pacifique, région appelée à constituer pour longtemps une locomotive du développement économique mondial. Tout cela en sachant que notre plus grand partenaire commercial, l'Union européenne - et ce en dépit de la crise et des sanctions - perd relativement et peu à peu ses positions dans les affaires économiques et politiques mondiales.

Nous n'avons pas l'intention de partir exclusivement d'un côté ou d'un autre. Nous sommes une puissance eurasiatique - c'est ainsi qu'en a décidé l'histoire, la nature et surtout nos grands ancêtres. C'est pourquoi nous devons travailler sur tous les axes en assurant des conditions extérieures optimales pour le développement du pays et l'amélioration du niveau de vie de la population. Cela implique de garantir la sécurité de nos frontières, les conditions optimales pour nos citoyens partant à l'étranger pour qu'ils se sentent en liberté et en sécurité, ainsi que pour nos opérateurs économiques qui coopèrent avec des partenaires étrangers à l'Est, au Sud et à l'Ouest. Nous faisons tout pour que ces conditions soient bonnes, pour ne permettre aucune discrimination vis-à-vis de nos compagnies, nos milieux d'affaires et nos entrepreneurs.

Nous qualifions notre ligne en politique étrangère de "multivectorielle" compte tenu des directions de développement tous azimuts, et d'"indépendante" car la Russie et notre État en général ne peut agir autrement. Nous promouvons une politique qui ne divise pas la communauté internationale mais l'unit, nous soutenons une politique pacifique sous-entendant le règlement des problèmes en s'appuyant sur des méthodes politiques diplomatiques et sur le droit international. Nous sommes ouverts à la coopération avec tout le monde sans exception, tous ceux qui sont prêts à coopérer avec nous sur un pied d'égalité en tenant compte des intérêts mutuels et de manière mutuellement bénéfique. Je vous assure qu'aujourd'hui, les approches que nous prônons - et qui sont différentes des approches imposées par des actions unilatérales - sont partagées par la grande majorité des États, qui représentent plus de 80% de la population de la planète. Tous ces pays veulent établir des relations interétatiques basées sur un respect réciproque. Ainsi, nous sommes des partenaires naturels pour la plupart des pays de la communauté internationale.

Je répète que l'UE reste notre plus grande partenaire. Mais il serait impardonnable de ne pas profiter des immenses opportunités qui s'ouvrent devant nous au vu du développement de l'économie, des processus logistiques et de transport en Asie-Pacifique, d'autant que l'une de nos principales priorités est la promotion de l'intégration économique eurasiatique. Cet objectif est bien plus large qu'un simple règlement de toutes les tâches fixées par les leaders de la Communauté économique eurasiatique, c'est aussi le prolongement des processus d'intégration en régime ouvert.

Comme vous le savez, le Président russe Vladimir Poutine pousse le projet de "Grand partenariat eurasiatique" qui suppose non seulement un élargissement du nombre de partenaires de la Communauté économique eurasiatique souhaitant créer des zones de libre-échange avec notre UEE, mais également l'établissement de liens systémiques stables avec l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN). L'intérêt pour un tel partenariat ouvert avec la participation des organisations mentionnées s'est manifesté lors du dernier sommet de l'OCS (Oufa, juillet 2015) et pendant le sommet Russie-ASEAN en mai à Sotchi.

Bien évidemment, dans le cadre de tous ces processus, le partenariat stratégique russo-chinois joue un rôle très important. Nous accordons beaucoup d'attention à l'accomplissement des accords entre nos présidents sur le renforcement de nos relations stratégiques bilatérales. Le Président russe Vladimir Poutine s'est rendu en Chine pour une visite officielle en mai 2016. Après-demain, le Président russe Vladimir Poutine se rendra au sommet du G20 à Hangzhou où il s'entretiendra de nouveau avec son homologue chinois Xi Jinping.

Demain s'ouvre le 2e Forum économique oriental à Vladivostok. Ce rendez-vous sera une plateforme importante pour promouvoir l'intégration de notre pays à la région Asie-Pacifique afin de stimuler le développement de la Sibérie orientale et de l'Extrême-Orient. Bien sûr, nous utiliserons d'autres formats pour construire de nouvelles relations politiques et économiques justes: le G20 (dont le sommet démarrera le 3 septembre à Hangzhou), ainsi que les Brics (deux sommets attendus cette année: informel en marge du G20 et un autre en Inde dans un mois et demi).

Tout ce que nous faisons vise à assurer les conditions les plus sûres pour le développement de notre pays, des projets internationaux et des contacts humains. En l'occurrence, notre ennemi commun est le terrorisme international. Nous sommes certains qu'il n'est possible de le combattre que sur la base du droit international, sans deux poids deux mesures et en respectant le rôle central de l'Onu. Nous nous sommes tenus à ces principes quand, à la demande du gouvernement syrien, nous avons envoyé nos forces aérospatiales en Syrie pour combattre Daech, le Front al-Nosra et les groupes terroristes qui collaborent avec eux. En parallèle, nous réglons des tâches très importantes visant à faciliter la situation humanitaire de la population syrienne, notamment dans les régions bloquées par les extrémistes. Nous cherchons à initier au plus vite un dialogue politique à part entière.

L'Onu a des directives appropriées mais ne se tourne pas encore beaucoup dans cette direction. La tâche fixée par le Conseil de sécurité des Nations unies sur le début des négociations intersyriennes avec la participation de tous les groupes politiques, ethniques et confessionnels sans exception est plus pertinente que jamais. Nous en avons parlé il y a quelques jours à Genève quand j'ai rencontré une nouvelle fois le Secrétaire d’État américain John Kerry. J'ai déjà dit que nous ne voulions pas tourner le dos à qui que ce soit, que nous étions prêts à la normalisation à part entière des relations avec l'UE et les USA mais uniquement sur une base équitable, sans aucune tentative de transformer ces relations en un "jeu à sens unique".

La situation en Ukraine est très difficile. La crise dans ce pays a mis en évidence l'imperfection de la structure de sécurité en Europe et dans l'espace euro-atlantique, ainsi que les failles systémiques de cette structure qu'il a été impossible de réformer pendant de nombreuses années car nos propositions butaient sur l'égoïsme des élites politiques de différents États qui cherchaient clairement à obtenir des avantages géostratégiques au détriment des intérêts d'autres pays, en violant grossièrement les déclarations officielles adoptées lors des sommets de l'OSCE dans les années 1990 et dans le cadre des relations Otan-Russie sur le fait que la sécurité était indivisible et que personne ne renforcerait sa sécurité au détriment de celle des autres. Ces engagements politiques ont été grossièrement bafoués et continuent d'être transgressés. Nos propositions de traduire ces simples déclarations politiques en accords juridiquement contraignants ont été balayées. J'espère que nos partenaires s'en souviennent. S'ils l'ont oublié nous le rappellerons, évidemment. Nous ne pourrons plus faire affaire comme d'habitude ni avec les USA, ni avec l'UE, ni avec l'Otan.

Jusqu'à récemment on cherchait constamment à nous classer dans la catégorie des "élèves difficiles". Mais ni les USA, ni l'UE, ni l'Otan ne sont l'université MGIMO. Nous avons tous étudié au MGIMO, nous continuerons d'y apprendre et resterons attachés aux connaissances et aux principes qu'enseigne notre grande université pour aborder différents facteurs et relations humaines.

Indépendamment des processus à l’œuvre aujourd'hui en Ukraine et autour, nos partenaires occidentaux auront beaucoup à faire pour rétablir la confiance de la Fédération de Russie et la prédictibilité des affaires européennes. Bien évidemment, l'Occident commence à comprendre la nécessité de normaliser la situation. Nous sommes unis par notre détermination dans la lutte contre le terrorisme international incarné par Daech et le Front al-Nosra, au moins en paroles, et nous sommes unis par notre détermination à faire remplir les Accords de Minsk sur la crise ukrainienne. Bien sûr, nous soutenons cette approche dans les positions de nos partenaires occidentaux mais nous répétons qu'il faut remplir les Accords de Minsk tels qu'ils ont été convenus – à travers un dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk. Il est avant tout question d'entériner le statut particulier du Donbass sur le plan législatif, de procéder à la réforme constitutionnelle, de l'amnistie et de l'organisation des élections locales. Tout cela est écrit dans les Accords de Minsk: il faut le mettre en œuvre.

Avec initiative, détermination et, je l'espère, efficacité, notre diplomatie continuera de défendre les intérêts de la Russie et de nos citoyens. Dans la situation instable que nous vivons, il est difficile de surestimer le rôle des contacts et des échanges humains pour renforcer la confiance et la compréhension mutuelle entre les nations. En ce sens également, le MGIMO s'efforce d'être à la pointe. Nous apprécions grandement la contribution de l'université aux efforts dans ce sens dans différents formats. Aujourd'hui démarre à Vladivostok, où nous nous rendons avec le recteur du MGIMO Anatoli Torkounov, le Forum universitaire Russie-ASEAN en marge du Forum économique oriental. Le MGIMO a joué un rôle direct et très actif dans son organisation.

Je voudrais m'arrêter là mais avant de vous demander de passer aux questions, je voudrais souhaiter encore une fois à la direction, aux enseignants, aux étudiants et aux doctorants de l'université de la santé, de nouveaux succès professionnels et tout le meilleur dans la vie. Je voudrais tout particulièrement souhaiter bonne chance aux élèves de première année. L'avenir de notre pays est entre les mains des jeunes qui s'engagent aujourd'hui sur le large chemin de la vie. Beaucoup de choses dans la vie de notre pays et de toute la communauté internationale dépendront des acquis et des connaissances que vous recevrez ici au MGIMO, des compétences que vous posséderez en quittant ces murs.

Merci.

 

Question: L'élection présidentielle américaine approche. Comment affectera-t-elle les relations de la Russie avec les USA?

Sergueï Lavrov: J'ai déjà dit que nous prônions le développement de relations normales avec tous les États, que ce soit les USA ou un autre pays, moyen ou petit. Nous partons toujours du fait que c'est la population qui doit décider du sort de son pays. Nous sommes prêts à travailler avec tout dirigeant des USA ou d'un autre État ayant reçu la confiance de la population dans le cadre d'élections libres et démocratiques. Voilà pour répondre brièvement à votre question. Mais vous avez aussi évoqué la campagne électorale aux États-Unis. Bien sûr nous sommes déçus, en un sens, pour nos partenaires américains. Après tout, c'est une superpuissance où le rôle des principes démocratiques et de la promotion des concepts politiques était traditionnellement élevé.

Dans la lutte politique, notamment à la veille d'une élection, les adversaires et les rivaux ont parfois recours à des méthodes et des images hors du commun qu'ils utilisent dans leur propagande. Mais ce qui se passe aujourd'hui est excessif: la Russie, qui a été qualifiée encore récemment de "puissance régionale" par le président américain actuel, s'est pratiquement transformée lors de la campagne électorale américaine en "principal décideur des destinées du monde", y compris en pays qui exerce une influence décisive sur les processus qui se déroulent aux USA. Tout le monde comprend qu'il s'agit de slogans exagérés pour choquer l'électeur. Cette manière antirusse parfaitement grossière vise simplement à dire qu'un des candidats est un espion russe et c'est pourquoi il faut voter pour un autre candidat. C'est, presque mot pour mot, ce qu'on entend lors de cette campagne. C'est navrant pour les USA, pour les Américains et pour la classe politique américaine. Ce n'est pas digne.

Nous l'observons de manière assez philosophique, bien sûr, en tirant certaines conclusions. Quel que soit le vainqueur, il sera Président des USA - et cela parle de soi-même. Nous serons prêts à travailler avec lui, bien évidemment dans la mesure où cette disposition sera réciproque et que nos échanges se baseront des principes mutuellement convenus: l'équité, la prise en compte des intérêts mutuels, le respect réciproque. Je suis certain que nous arriverons à beaucoup de choses dans ce cas, malgré toutes les péripéties des dernières années et en dépit de la campagne antirusse dans la presse, dans l'économie et dans les finances que nous constatons chez nos partenaires américains. Là où nous avons vu coïncider les intérêts de la Russie et de l'Occident, où nous avons vu que la Russie et les USA pouvaient aider à régler les plus graves problèmes globaux sur un pied d'égalité, nous avons travaillé ensemble et obtenu des résultats. Je pense notamment à l'accord sur le programme nucléaire iranien, la démilitarisation chimique, la destruction des armes chimiques syriennes et bien d'autres éléments comme la création d'un mécanisme multilatéral pour régler politiquement la crise syrienne coprésidé par la Russie et les USA. En mettant de côté les problèmes artificiels, en se concentrant sur les menaces réelles communes pour tous – la prolifération de l'arme nucléaire, le terrorisme international, le trafic de drogues, le crime organisé – il sera possible d'obtenir de très bons résultats comme le montre l'expérience des dernières années. J'espère que le pragmatisme caractéristique de la classe politique américaine prévaudra sur la propagande et la rhétorique clairement idéologisée.

Question: On parle activement aujourd'hui de la construction par la Mongolie d'un barrage sur la Selenga, ce qui pourrait provoquer la dégradation du lac Baïkal car cette rivière est son principal affluent. Quelles mesures pourraient être prises par la Russie pour minimiser les éventuelles pertes écologiques à cause de ce projet?

Sergueï Lavrov: C'est une question très sérieuse. Nous nous en occupons depuis le début de l'élaboration de ce projet par nos voisins mongols. Elle a été évoquée au niveau des présidents des deux pays, je l'ai abordée au printemps durant ma visite en Mongolie, lors des réunions avec le président, le chef du gouvernement et le ministre des Affaires étrangères. Nous sommes parvenus à un accord qui, je l'espère, sera mis en œuvre à court terme pour créer un groupe de travail qui réunira toutes les régions afférentes de la Russie et de la Mongolie, notamment la région d'Irkoutsk et la Bouriatie. Ce groupe de travail sera chargé d'élaborer des propositions très concrètes qui seront soumises à l'analyse des autorités des deux pays. Nous partirons de la nécessité de protéger le système écologique unique du Baïkal et de la région environnante.

Question: Depuis quelques années on vous demande si vous pensez que le monde est au seuil d'une nouvelle guerre froide. Estimez-vous toujours que la Russie ne s'inscrit pas dans cette tendance?

Sergueï Lavrov: Vous savez, il est très difficile de comparer ces deux situations qui sont foncièrement différentes. Je ne vois pas aujourd'hui de prémisses au déclenchement d'une seconde guerre froide. Contrairement à l'époque qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, nous n'avons pas de divergences idéologiques mais des principes communs que nous partageons dans le cadre de l'OSCE et de l'Onu. Ils impliquent le développement démocratique des sociétés, bien que la démocratie ait de nombreuses formes et manifestations concrètes qui prennent en compte les traditions historiques d'une société, les étapes dans son développement, la culture et bien d'autres. C'est pourquoi il ne peut y avoir de système commun de démocratie par définition. Ce serait un modèle autoritaire ou une organisation unifiant mondialement tous les États.

Nous partageons les principes démocratiques, dont le principal est la tenue d'élections libres et justes. Nous faisons tout pour que les questions que nous nous posons nous-mêmes sur notre système électoral soient réglées pour satisfaire toutes les forces sociales. Bien évidemment, nous aussi sommes unis par l'économie de marché qui ne peut pas être uniformément réalisée dans le système étatique de chaque pays. C'est pourquoi nous avons beaucoup de choses en commun. Le plus important est que nous n'avons pas de différends idéologiques.

Pendant la Guerre froide, tout conflit était perçu par le prisme "eux ou nous": le système bipolaire USA-URSS, Otan-Pacte de Varsovie. Tout visait à la dissuasion mutuelle, à empêcher l'autre d'avoir plus. En cas d'apparition de conflits quelque part en Afrique, où des régimes dictatoriaux subissaient la pression des révolutionnaires ou des combattants contre le colonialisme, on cherchait à ne pas laisser dégénérer ces conflits jusqu'à une phase où les grandes puissances, les deux blocs militaires, auraient été contraints de s'ingérer. Mais on les voyait tout de même dans le contexte "ami-ennemi", comme un jeu à somme nulle. Si "nos" protégés prenaient le dessus, alors "leurs" protégés auraient perdu et vice versa.

Aujourd'hui, des menaces sont apparues à l'agenda international qui ont véritablement un caractère global et qu'il est impossible de transformer en jeu à somme nulle – soit tout le monde perdra, soit tout le monde vaincra. Et nous ne pourrons gagner qu'ensemble, en unissant  nos efforts. J'ai déjà mentionné la prolifération des armes à l'ère de la destruction nucléaire, le trafic de drogues, le crime organisé sous toutes ses formes et le cybercrime.

Soit dit en passant, parmi les accusations proférées aux USA pendant la campagne électorale à notre égard, vous entendez que nous commettons prétendument des crimes cybernétiques, que les hackers russes piratent les sites du parti démocrate, du FBI et de la NSA. Les experts qui connaissent l'organisation de la communauté de hackers disent que ce sont des absurdités. Néanmoins, des accusations sont proférées à notre égard. De plus, depuis des années, près de vingt de nos concitoyens ont été arrêtés dans certains pays à la demande des USA et ont été extradés dans la moitié des cas de manière illégale aux États-Unis pour y être jugés. Pratiquement tous sont accusés de crimes cybernétiques. Il y a un an nous avons officiellement proposé aux USA d'organiser des consultations sur la coopération visant à assurer la sécurité cybernétique car nous sommes également préoccupés par cette histoire. Nous ne voulons pas que nos citoyens, si les suspicions à leur égard s'avéraient justifiées, participent à ces actes illégaux. En novembre 2015 nous avons proposé de sérieuses consultations d'experts. Nous n'avons pas eu de réponse. En janvier 2016 j'ai rappelé au Secrétaire d’État américain John Kerry que nous voudrions obtenir au moins une réponse. Il a dit que c'était une très bonne idée et qu'il s'en occuperait. Je le lui ai encore rappelé en mai et la semaine dernière quand nous nous sommes réunis à Genève pour évoquer la Syrie. Il était étonné que nous n'ayons toujours pas eu de réponse. Le ministère américain de la Justice, à qui cette requête avait été envoyée à notre rappel direct, a refusé d'envoyer une réponse écrite. Oralement ses représentants nous ont dit qu'ils ne voyaient aucune raison de coopérer dans ce secteur. Le Secrétaire d’État américain John Kerry a déclaré que ce n'était pas correct et qu'il chercherait à faire changer cette position très arrogante et surtout incompréhensible du Ministère de la Justice. C'est une anomalie qui illustre qu'il y a des exceptions à la règle.

Sur le plan général, bien évidemment, en Occident et aux USA on comprend de plus en plus qu'il est très difficile de régler des problèmes sans la Russie, que ce soit en Syrie, en Irak, en Libye et concernant bien d'autres crises. Nous nous occupons aussi des problèmes de non-prolifération de l'arme nucléaire, de la maîtrise des risques dans le domaine de l'arme chimique et biologique - nous nous efforçons aujourd'hui de faire en sorte de créer dans le domaine de la mise en œuvre de la convention sur l'interdiction des armes biologiques et toxiques un mécanisme pour vérifier comment cette convention est remplie par tous. Tout le monde semble être prêt mais les Américains rejettent en bloc. Nous savons qu'ils ont plusieurs programmes, y compris avec nos voisins, consacrés aux recherches biologiques. Leur refus de créer un mécanisme de contrôle pour remplir les exigences de la convention sur les armes biologiques et toxiques laisse présager que ces recherches sont loin d'être pacifiques. Nous avons également établi un dialogue avec eux mais pour l'instant ils évitent toute conversation franche. Avec le soutien de la Chine nous avons proposé de créer une convention sur la lutte contre les actes terroristes chimiques et biologiques.

Je souligne une nouvelle fois que ces initiatives bénéficient d'un très large soutien, ce qui aurait été impossible à l'époque de la Guerre froide. Le fait que les Américains s'opposent au début d'un travail concret dans ce sens indique seulement qu'ils renoncent plus lentement que les autres à leurs mauvaises habitudes - notamment la conviction de leur propre exclusivité. Mais le temps soigne. Malheureusement cela ne sera pas rapide. Nos collègues ont inscrit dans leur code génétique qu'il fallait qu'ils décident de tout. Mais la vie est plus dure qu'un code génétique. C'est pourquoi j'espère que dans une perspective historique tout le monde comprendra la nécessité de suivre les tendances objectives d'évolution du monde.

Question: Monsieur Lavrov, quel est selon vous l'éventail des qualités, des compétences et des acquis que doit posséder le futur diplomate, hormis une excellente connaissance des langues étrangères?

Sergueï Lavrov: La liste est infinie. La diplomatie est beaucoup plus complexe qu'au Moyen-Âge, quand elle consistait principalement en des négociations et des intrigues autour des problèmes de guerre et de paix. Aujourd'hui nous les appelons "problèmes de sécurité internationale" mais il s'agit tout de même de problèmes de guerre et de paix. Ils sont très importants pour la diplomatie, elle s'en occupe et s'en occupera aussi longtemps que ces problèmes et tentatives d'usage de force dans les affaires internationales existeront. Malheureusement, elles continuent. Nous voyons que les joyeux espoirs d'il y a 15-20 ans, quand on pensait que dans le monde contemporain la signification et le facteur de la force militaire se réduiraient considérablement, étaient vains. Ce n'est pas encore le cas. Nous sommes convaincus que ce facteur doit perdre de l'importance en tant que moyen de régler les problèmes internationaux, mais tout ne dépend pas de nous. Pour cette raison, parfois, comme nous le faisons en Syrie, il faut encore unir nos efforts dans des opérations militaires difficiles pour éliminer la menace commune pour l'humanité qu'est le terrorisme international. Mais nous tendons vers les méthodes politiques et diplomatiques de règlement de différents problèmes.

La diplomatie d'aujourd'hui, hormis la guerre, la paix et les problèmes que cela implique, s'occupe pratiquement de tout sans exception, y compris le climat et l'énergie qui restent l'objet de négociations difficiles. Lors de la conférence de Paris sur le climat a été rédigé un document qui est le fruit de nombreuses années de négociations entre les experts, les ministres et au sommet. C'est évidemment un compromis. Il est très difficile d'arriver à un dénominateur commun quand certains pays ne veulent pas se limiter en matière de développement industriel. A une époque, quelqu'un a dépassé un autre et aujourd'hui ce quelqu'un est passé à l'économie postindustrielle, alors que d'autres doivent investir selon les lois industrielles dans une économie qui pollue l'environnement. C'est un processus très complexe. C'est pourquoi, quand nous avons mis au point l'accord sur le climat, nous n'avons pas réussi à nous entendre sur le contrôle de sa mise en œuvre et de sa réalisation. Cela reste encore à fixer. Avant d'arriver à la ratification de cet accord nous voulons comprendre comment il fonctionnera.

Autre exemple que j'ai déjà mentionné: l'énergie, qui fait l'objet de jeux politiques très sérieux - notamment en Europe actuellement. Ce problème concerne également le transit de gaz via l'Ukraine, qui a prouvé plus d'une fois sa totale absence de fiabilité, et nos plans de diversifier les canaux de fourniture de gaz en Europe pour les membres de l'UE, nos propres gazoducs et la construction de gazoducs à l'est et au sud en plus de l'infrastructure occidentale. On y retrouve la volonté de l'UE, en ignorant les réalités économiques et ses propres intérêts financiers, de politiser les problèmes associés à la livraison de notre gaz en Europe même au prix d'avoir à chercher d'autres fournisseurs à perte. En parallèle, les USA tentent de profiter du froid actuel dans les relations entre la Russie et l'UE pour imposer aux Européens leur propre gaz naturel liquéfié qui nécessite une infrastructure très coûteuse qui, une fois construite, serait donc difficile à abandonner.

Je peux citer des tonnes d'autres exemples mais, pour résumer, un diplomate doit connaître pratiquement toute les sphères d'activité humaine ne serait-ce qu'en termes généraux - même la médecine et le secteur pharmaceutique. Cela peut surgir tout à coup dans des négociations et il faut comprendre de quoi il s'agit, où il faut chercher des arguments plus concrets. Vous avez mentionné les langues – c'est obligatoire. Depuis longtemps nous avons une règle au ministère selon laquelle il faut connaître au moins deux langues étrangères pour être embauché.

C'est évidemment aussi la culture. La diplomatie culturelle joue un rôle colossal, voire crucial quand les liens interétatiques se refroidissent. Nous ne traversons pas la meilleure période dans les relations avec l'Europe occidentale, avec le Royaume-Uni qui a gelé les mécanismes de coopération antiterroriste et bien d'autres. Mais nos contacts humains et culturels continuent de se développer. Plusieurs événements culturels se déroulent chaque année à Londres: des concerts, le mardi gras russe, la semaine de l'art russe...

A Arkhangelsk, le fait que la princesse Anne assiste actuellement aux événements consacrés au 75e anniversaire du premier convoi Dervish, montre à quel point le diplomate doit très bien connaître l'histoire. Des événements remontant à une époque difficile, notamment s'ils sont associés aux actions d'alliés, aident à préserver le dialogue et à éveiller la mémoire historique des populations. Je suis certains que beaucoup de nos collègues occidentaux se souviennent encore de quand nous avons battu ensemble le terrible ennemi. Il faut absolument soutenir ces sentiments et empêcher ce qu'on cherche aujourd'hui à faire contre tout dirigeant européen disant qu'il se souvient de l'exploit commun de son peuple et du peuple soviétique. Je ne dirai pas leurs noms mais ces hommes politiques honnêtes à la conscience pure se font attaquer par ceux qui voudraient réécrire toute l'histoire, rayer toutes les pages concernant la victoire de l'Union soviétique. Cela devient un outil réel de la politique moderne. L'histoire est une sphère de connaissances particulière pour un diplomate. En résumé, à défaut d'avoir une éducation encyclopédique dans tous les domaines d'activité humaine, il faut avoir une idée de la direction de l'humanité en termes d'économie, de technologies, de tendances dans le monde de l'art, de la culture et en aucun cas n'oublier l'histoire. Sinon nous oublierions notre parenté.

Question: Monsieur Lavrov, où en est aujourd'hui le concept de realpolitik dans les conditions d'un ordre mondial multipolaire, de la mondialisation et alors que ses problèmes ont été mis à nu?

Sergueï Lavrov: Pour faire court, la realpolitik n'est pas un terme russe qui aurait acquis aujourd'hui une connotation négative. J'ai déjà mentionné le pragmatisme comme partie intégrante de la diplomatie et de l'activité de l’État, dans le sens où ce que vous faites doit être, premièrement, clair et, deuxièmement, utile pour votre peuple au sens large. Quand la realpolitik est interprétée comme une manifestation de cynisme et la capacité à fermer les yeux sur certaines abominations pour obtenir ce que vous voulez au final (c'est souvent le cas) – on parle alors d'une méthode différente de celle que la Russie cherche à utiliser. Nous tentons toujours de traduire le pragmatisme dans la langue des compromis avec nos partenaires, et de le faire de manière à ne pas sacrifier nos intérêts centraux, notre autonomie en politique étrangère, à ne pas chercher à aller dans le sens de celui qui ne veut pas faire un pas dans notre direction. C'est l'équité de la prise en compte des intérêts mutuels, le respect réciproque. J'en ai déjà parlé.

Parfois, les diplomates et les hommes politiques doivent engager des démarches à la limite du cynisme. Nous essayons toujours de ne pas franchir cette limite. Lors de mes interventions précédentes j'ai déjà expliqué pourquoi il fallait s'attrister de ce qui se passe en Syrie, pourquoi agir ainsi parce qu'on a voulu forcer les Criméens à vivre dans un pays où le pouvoir a été pris par les organisateurs d'un coup d’État anticonstitutionnel. Tous ceux qui nous ont critiqué et nous critiquent encore à ce sujet disent que nous dépensons beaucoup d'argent, que les membres de la communauté internationale nous ont tourné le dos. Premièrement, personne ne nous a tourné le dos et il n'est pas correct de dire "tous les membres de la communauté internationale". J'ai déjà mentionné que 80% de la population mondiale vit dans des pays qui partagent nos approches et veulent la justice dans les affaires mondiales. C'est pourquoi il est ridicule de parler d'un isolement. Deuxièmement, ceux qui ont décrété des sanctions contre nous, qui nous font éprouver des désagréments économiques et financiers, sont les pays occidentaux - et avant tout les USA qui ont littéralement forcé l'Europe, à travers une minorité agressive en UE, à suivre la même voie. Ils ont également forcé également l'Australie, le Japon et bien d'autres pays.

Je vais tracer un très mauvais parallèle mais je ne vois pas d'autre moyen. Quand on nous demande pourquoi nous faisons tout cela en Syrie, en Crimée où s'est tenu le référendum qui a gelé pendant longtemps notre coopération avec l'Occident, je me souviens d'une conversation avec les spectateurs sur l'une de nos chaînes de télévision libres et démocratiques. Entre autres, on avait soulevé la question de savoir s'il avait vraiment valu le coup de "s'entêter" et de maintenir le siège de Leningrad, que tellement de vies auraient pu être sauvées. De quoi parle-t-on? De realpolitik, de pragmatisme, d'une préoccupation pour sa propre population? C'est très difficile à dire pour moi. Je considère les défenseurs de cette ville comme des saints et ils sont considérés ainsi par toute personne normale qui connaît quelque chose de la Seconde Guerre mondiale, de la Grande Guerre patriotique. C'est pourquoi hormis la realpolitik, le pragmatisme - quel que soit le nom -, hormis l'obligation à voir clairement le profit pour son pays, à mes yeux la politique étrangère russe n'a rien d'amoral et s'appuie sur les sentiments et les vertus d'une grande nation, d'un grand peuple.

Question: Quand pourrait-on s'attendre à la reconnaissance internationale de l'adhésion de la Crimée à la Russie?

Sergueï Lavrov: Je ne me souviens plus exactement combien d'années l'Union soviétique a attendu sa reconnaissance en tant qu’État – sept ou huit ans, je crois. Au début l'URSS a été reconnue à des fins commerciales, puis plus tard en tant qu’État.

L'adhésion de la Crimée à la Fédération de Russie, la réunification de la Crimée avec la Russie s'est déroulée en parfaite conformité avec le droit international. L'article 1 de la Charte de l'Onu énumère parmi ses principaux principes le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. On y mentionne également la nécessité de respecter l'intégrité territoriale des États, mais dans le respect du droit à l'autodétermination. Ce lien est fixé depuis le début de l'activité de l'Onu dans le plus important document de droit international de notre époque. La forme d'autodétermination à laquelle les Criméens ont eu recours est assez spécifique mais elle a eu lieu en réaction au coup d’État et aux postulats proclamés par les nouvelles autorités. En particulier ceux de Dmitri Iaroch, l'un des principaux exécutants directs du coup d’État et de tous les sévices sur le Maïdan: "La Crimée est pour les Ukrainiens car les Russes ne parleront jamais ukrainien, ne penseront jamais comme les Ukrainiens, n'honoreront pas Bandera et Choukhevitch, c'est pourquoi les Russes doivent être chassés de Crimée, et ceux qui résistent doivent être éliminés". Cela a été dit fin février 2014, quelques jours avant la montée de la vague de protestation en Crimée. C'est pourquoi face aux très graves menaces et tentatives de les mettre en œuvre, les Criméens n'avaient aucun choix.

En ce qui concerne l'aspect juridique de ce dossier, nous en avons parlé et nous avons diffusé les documents appropriés. J'ai déjà mentionné l'article 1 de la Charte de l'Onu mais on peut aussi rappeler les pactes de 1966 sur les droits politiques et civils internationaux et sur les droits économiques, sociaux et culturels internationaux qui fixent également le droit à l'autodétermination. Le document le plus complet est la déclaration de l'Assemblée générale de l'Onu adoptée par consensus en 1970 sur les principes du droit international relatifs aux relations amicales entre les États. Elle stipule que la création d'un État souverain et indépendant, l'adhésion libre à un État indépendant, l'union avec ce dernier en établissant un autre statut politique librement déterminé par le peuple, sont des formes de réalisation de ce droit à l'autodétermination par le peuple. Bien sûr, les auteurs de cette déclaration n'ont pas oublié le principe du respect de l'intégrité territoriale. Il est écrit dans cette déclaration qu'il faut en même temps respecter l'intégrité territoriale de l’État quitté. Avec une nuance: ce dernier ne peut revendiquer la conservation de son intégrité territoriale que s'il garantit à tous les habitants de son territoire le droit à l'autodétermination. L’État ukrainien a privé le peuple criméen de ce droit. Après la chute de l'URSS, les Criméens ont organisé un référendum qui a d'abord été ignoré par les autorités centrales de Kiev et en 1996; ses résultats ont été annulés. Autrement dit, cela fait longtemps que les Criméens cherchent à faire valoir leur droit d'être traités conformément aux termes de la déclaration de l'Assemblée générale de l'Onu de 1970. Le droit à l'autodétermination a été plusieurs fois réaffirmé dans les décisions de la Cour internationale et dans les commentaires des comités pour les droits de l'homme que j'ai mentionnés.

Maintenant, en ce qui concerne les parallèles: nos partenaires occidentaux fuient comme la peste toute proposition d'analyser les événements en Crimée à travers le prisme de ce qu'ils ont fait au Kosovo. On dit que le Kosovo est un cas particulier et incomparable - ce n'est pas ce que nous pensons. Il n'y a eu aucun référendum au Kosovo. Au moment de la proclamation unilatérale d'indépendance, les Albanais du Kosovo ne subissaient aucune menace physique, les activités militaires étaient stoppées depuis longtemps, la guerre était terminée depuis des années et personne ne les opprimait. Ils vivaient, au fond, comme une autonomie. Les exigences de base – fin des activités militaires fixée dans la résolution de l'Assemblée générale de l'Onu - n'étaient pas remplies. La résolution 1244 imposait également le retour au Kosovo d'un contingent limité de douaniers et de garde-frontières serbes. Cela n'a pas été respecté. Avant la proclamation de l'indépendance personne n'opprimait, ne tuait, n'arrêtait: les habitants vivaient comme ils le voulaient. Le dialogue se poursuivait sous l'égide de l'Onu sur les nouvelles conditions pour normaliser les relations entre Belgrade et Pristina. Et tout à coup, de nulle part, ceux qui avaient organisé le dialogue, notamment les Européens, ont dit qu'il n'y avait plus de temps, qu'on ne pouvait plus attendre. Pourquoi? Je le répète: il n'y avait aucune menace. Au final, l'indépendance kosovare a été proclamée et reconnue. Les plus hauts dirigeants des plus grands pays affirment que tout cela était basé sur un référendum correctement organisé contrairement au référendum "incorrect" en Crimée. Il n'y a eu aucun référendum au Kosovo. Voilà un premier exemple.

Autre cas marquant: pendant la décolonisation de l'Afrique, l'Assemblée générale de l'Onu a décidé que la colonie française des Comores devait décider de son sort par référendum. Il a été convenu qu'on tiendrait compte des votes des habitants de toutes les îles de l'archipel des Comores. Ces derniers ont voté pour l'indépendance mais à Mayotte la majorité a voté pour rester au sein de la France. La décision concernant la résolution de l'Assemblée générale de l'Onu devait être prise compte tenu de l'ensemble des voix pour tout le pays, ce que l'Assemblée générale de l'Onu a respecté. Mais la France a refusé de reconnaître cette décision, arguant que puisque Mayotte voulait rester, la France la garderait. Puis il y a eu de nombreuses résolutions et protestations de l'Union africaine et de l'Assemblée générale. La France a refusé de changer de position. En 2011, Mayotte est devenue un territoire d'outre-mer de la France et l'UE n'a pas rompu ses liens économiques avec Paris.

En 1991 déjà, quand le pacte de Varsovie, le Conseil d'entraide économique et l'URSS ont cessé d'exister, l'UE a pris une décision intitulée "Lignes directrices de la reconnaissance de nouveaux États en Europe orientale et en Union soviétique". Ce document stipulait que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes pouvait être réalisé par la reconnaissance de ces États. Si des juristes pointus sont présents dans la salle, ils comprennent que c'est une manière de jouer sur les mots. Autrement dit, le droit à l'autodétermination peut être réalisé non pas par référendum mais simplement en proclamant puis en étant reconnu. Voici l'approche adoptée par l'UE dans cette situation envers les nouveaux États apparus suite à la disparition du pacte de Varsovie, de la CEE et de l'URSS. C'était peut-être l'expression de la realpolitik que nous avons évoquée. Ils pensaient probablement que sinon il faudrait attendre trop longtemps pour que toutes les procédures soient réalisées. Parmi les critères de reconnaissance des États séparés contenus dans les lignes directrices de l'UE on ne mentionnait aucune condition extrême rendant impossible la présence des peuples concernés au sein de tel ou tel État. Une simple reconnaissance - c'est tout. On ne parlait même pas de la nécessité de respecter des procédures constitutionnelles pour prendre la décision de se séparer. C'est sur la base de ces principes qu'en 1991 ont été reconnues toutes les anciennes républiques soviétiques, dont l'Ukraine.

Il n'a a donc aucun problème juridique vis-à-vis de la reconnaissance de la réunification de la Crimée avec la Russie par nos partenaires occidentaux. Simplement, il n'y a pas de volonté politique. Nous constatons seulement le désir flagrant de profiter de la situation dans la ligne qui était menée bien longtemps avant l'Ukraine par l'Occident sous l'égide des USA pour réfréner la Russie, car cette dernière a commencé d'acquérir une autonomie excessive du point de vue des collègues occidentaux. Ils n'ont pas encore compris qu'il ne s'agissait pas d'une posture conjoncturelle, mais simplement d'une partie de notre existence.

Question: Cette année, le lycée Gortchakov du MGIMO accueillera ses premiers élèves. Quelles qualités, selon vous, doivent avoir ces derniers pour être de dignes étudiants du MGIMO?

Sergueï Lavrov: Je ne voudrais pas me répéter mais il faut, en tout cas, chercher à devenir une personne érudite, acquérir des connaissances dans le plus grand nombre de domaines possible. Surtout: vouloir. Le MGIMO approuve le programme scolaire du lycée donc il sera bon. Simplement, faites tout ce qu'il prévoit. Et, bien sûr, apprenez les langues et l'histoire.

Question: Qu'est-ce qui vous a le plus marqué pendant vos études, dans votre vie d'étudiant. Écriviez-vous déjà de la poésie à cette époque?

Sergueï Lavrov: Si je disais la vérité sur ce qui m'a le plus marqué pendant mes années universitaires, ce ne serait pas très pédagogique. En réalité, n'oubliez pas que cette période est riche en opportunités fantastiques pour se réaliser dans la vie, ressentir l'amitié et même une certaine "désinvolture". Mais c'est particulièrement tentant et agréable de le faire quand les cours sont appris. Avec Anatoli Torkounov, nous étudiions bien et nous nous détendions bien. Nous partions au sein de détachements d'étudiants-bâtisseurs où le collectif devient tellement soudé qu'on ne veut plus repartir. Nous gagnions de l'argent là-bas, puis nous partions pour quelques jours dans le sud – en Crimée, à Sotchi, pour se reposer et nager pendant 4-5 jours avant le début de l'année scolaire.

Nous étions passionnés par l'art, nous écrivions des textes dans le genre des festivals humoristiques dès notre première année. Les soirées de notre année étaient toujours les plus populaires à l'institut. Nous distribuions (en aucun cas nous ne vendions) les billets – ils étaient très sollicités. Jusqu'à notre quatrième année ils étaient toujours très populaires. Parfois nous invitions des amis de l'Institut des langues étrangères (aujourd'hui MGLU). Par ailleurs, à cette époque, nous présentions des scénarios pour les festivals humoristiques au comité du parti pour approbation. C'était notre censure à l'époque - il n'y en a plus aujourd'hui.

Depuis la fin de l'institut nous essayons de nous réunir chaque année au moins avec une partie des étudiants de notre promotion, mais obligatoirement au complet tous les cinq ans. C'est une grande réunion pendant laquelle tous nos anciens camarades de classe synchronisent leurs congrès. Dans le cadre de ces activités nous mettons également en scène des représentations humoristiques. D'ailleurs, la dernière date de 5-6 ans, il ne faut pas oublier de relancer cette tradition.

Avec Anatoli Torkounov nous faisions également de l'art sérieux. Avec un autre de nos camarades en deuxième année nous avons participé au Concours national des lecteurs – nous avons lu, sur la scène de la petite arène sportive de Loujniki où se déroulait la finale du concours, un extrait du poème Antimondes d'Andreï Voznessenski et avons obtenu un diplôme de deuxième niveau. Bien sûr, nous chantions. Ma première expérience date probablement de la première année. Nous partions en expéditions, la guitare… le feu… Tout cela remplissait notre vie de couleurs absolument inoubliables. Mais, je le répète, tout cela est réjouissant quand tous les cours sont déjà appris.

Question: Récemment, l'agence britannique Portland a inscrit la Russie dans le top-30 des pays utilisant le soft power (puissance douce). On ignore dans quelle mesure on peut croire cette information. Quelles mesures de soft power prend et compte entreprendre le Ministère russe des Affaires étrangères hormis sa brillante politique médiatique, notamment sur les réseaux sociaux?

Sergueï Lavrov: Nous prenons exemple sur le Président russe Vladimir Poutine car hormis le contexte formel et juridique, selon la Constitution, c'est le Président qui détermine les principales orientations de la politique étrangère du pays. Sur ordre de ce dernier nous complétons actuellement la nouvelle mouture du Concept de politique étrangère de la Fédération de Russie qui tiendra compte des événements qui se produisent ces derniers temps. Je suis convaincu que nous ne devons pas changer les directions clés déterminées par le Président russe Vladimir Poutine en 2000, prévoyant une politique multivectorielle et la disposition à coopérer avec tous ceux qui sont prêts à le faire sur un pied d'égalité et en respectant les intérêts des partenaires. Cela implique notamment la défense non conflictuelle mais ferme de ses propres intérêts. Néanmoins, il y aura évidemment certaines nuances dans la version renouvelée du Concept.

Il n'est pas aisé de codifier la notion de soft power. Quelles méthodes tombent dans cette catégorie? On parle des ONG et de la possibilité de les influencer à travers leur financement, ou de les utiliser dans le mouvement protestataire et l'organisation de révolutions "jaunes". On mentionne bien sûr les médias. Comment travailler avec ces derniers, quelles subventions ils doivent recevoir, comment inviter les représentants de la société civile et les journalistes pour présenter tel ou tel pays pour créer un groupe d'influence à l'intérieur l’État dont vous souhaitez affecter la politique. On parle de réunions de politologues pour engager un tel travail...

En prenant les médias dans le sens moderne de ce terme, il s'agit évidemment des réseaux sociaux. Le travail avec les ONG et les journalistes sur les réseaux sociaux, l'encouragement des contacts entre les jeunes, les diplomates et les scientifiques de différents pays – nous travaillons dans toutes ces directions. Le Ministère russe des Affaires étrangères faisait partie des premiers établissements publics à utiliser les réseaux sociaux. Je regarde aujourd'hui de temps à autre les données sur notre activité médiatique: nous restons dans le top-3, parfois nous sommes en tête. Il faut réunir de telles statistiques pour savoir ce que chacun fait.

Je suis peut-être vieux jeu mais en principe le soft power, ce ne sont pas des technologies. Même en faisant "chauffer" les réseaux sociaux jusqu'à des températures sans précédent, le meilleur impact sur les hommes se produit à travers un contact personnel. Cela concerne particulièrement les situations où il est nécessaire de convaincre et de mettre de son côté ou de dissuader quelqu'un de commettre un acte qu'on considère incorrect. C'est aussi vrai quand il faut simplement gagner la confiance d'un individu pour soi, pour son pays, pour continuer de coopérer. N'oublions pas que tout cela doit évidemment s'appuyer sur le développement durable de l’État lui-même – l'économie, la sphère sociale - et sur le confort des gens dans leur propre pays. En cette période difficile, quand l'Occident réagit à ses propres erreurs, à son incapacité à assurer une sécurité égale et indivisible en Europe et une coopération économique équitable, quand il cherche à nous rendre responsables de ses propres erreurs, vous voyez l'attention accordée par le Président russe Vladimir Poutine et le Gouvernement pour minimiser au maximum les conséquences négatives et profiter au maximum de la situation actuelle pour avancer dans différents domaines. Nous constatons notamment de tels résultats dans le secteur agricole et bien d'autres domaines de la politique industrielle où les produits et les technologies d'innovation commencent à croître rapidement.

Le soft power, c'est un choix pratiquement illimité d'opportunités. Mais au final, tout cela concerne la communication entre les hommes.

Question: Quelle est, selon vous, l'alternative au format de Minsk étant donné qu'à ce jour la partie ukrainienne n'a pas rempli la majeure partie des accords?

Sergueï Lavrov: Honnêtement, je ne vois pas d'alternative aux Accords de Minsk. On cherche actuellement à nous persuader que celui qui a signé ces accords voudrait les remplir mais qu'il n'y arrive pas pour des raisons objectives. Ce sont des prétextes qui ne font honneur ni aux dirigeants ukrainiens qui ont convenu les accords de Minsk, ni à ceux qui étaient dans la capitale biélorusse pour signer ces accords, je veux parler du Président français François Hollande et de la Chancelière allemande Angela Merkel. Ils l'ont fait à l'issue d'un marathon très difficile de négociations qui a duré plus de 17 heures, avec la participation du Président ukrainien Petro Porochenko et du Président russe Vladimir Poutine. Personne ne peut dire que quelqu'un a trompé l'autre en "glissant" une formulation qui aurait été approuvée sans prendre conscience des conséquences. Chaque formulation a été retournée dans tous les sens, modifiée 10 fois pour y apporter des précisions. Tout ce qui est inscrit dans les accords l'a été avec la tête froide par chaque participant – j'y ai assisté personnellement.

Immédiatement après son retour à Kiev, le Président ukrainien devait soumettre ces accords au Parlement, dire que c'était sa décision présidentielle et un accord juste, qu'il avait été élu en tant que président de paix et non de guerre et proposer d'adopter rapidement au Parlement tout ce qui était exigé et écrit dans ces accords. Il devait aussi exiger de ses partenaires qu'ils influencent Donetsk et Lougansk. Ces derniers devaient s'entendre avec Kiev sur les élections anticipées sur ces territoires, sur l'amnistie, sur la loi concernant le statut particulier et la manière dont cette loi devait s'intégrer à titre permanent dans la Constitution ukrainienne. Au lieu de cela, quand le Parlement a attaqué le Ministre ukrainien des Affaires étrangères Pavel Klimkine pour demander des explications, il a déclaré que les dirigeants ukrainiens n'avaient pris aucun engagement: ni celui de dialoguer directement avec Donetsk et Lougansk, ni d'amnistier tous les participants aux événements. Consternant! Au lieu de s'accrocher à cette possibilité de faire sortir le pays de la crise et de s'assurer le soutien total du Parlement, ceux qui avaient participé du côté ukrainien à la mise au point des Accords de Minsk ont cherché à rassurer les radicaux sur leur propre terrain dès que ces derniers les ont critiqués. Au final le pouvoir de Kiev était plus opposé aux Accords de Minsk que ceux qui n'avaient pas du tout participé à leur rédaction.

Néanmoins, le 2 octobre 2015 à Paris s'est tenue la réunion des présidents de la Russie, de la France, de l'Ukraine et de la Chancelière allemande, où ce qui est écrit dans les Accords de Minsk a été une nouvelle fois confirmé, ainsi que la nécessité de régler toutes les questions mentionnées directement avec Donetsk et Lougansk.

Il existe également le Format Normandie que nous avons accepté en voyant notamment la volonté de la France et de l'Allemagne de faire passer ces décisions par tous les niveaux de l’État ukrainien, notamment le Parlement. Je peux dire que nos partenaires allemands et français comprennent toujours cette nécessité. Même s'ils se comportent un peu étrangement quand la Chancelière allemande et le Président français déclarent que la mise en œuvre des Accords de Minsk permettra de lever les sanctions contre la Fédération de Russie. La Russie n'est mentionnée à aucun moment dans ces accords mais on y voit apparaître plusieurs fois le gouvernement ukrainien, qui doit accomplir dans des délais concrets des choses qui n'ont même pas été commencées - par exemple, le dialogue avec le Donbass sur la loi concernant les élections locales devait commencer en avril 2015. Rien n'a été fait à ce jour. Nous essayons de savoir comment le gouvernement ukrainien voit cette loi qu'il est nécessaire de transmettre au Groupe de contact, de convenir avec Donetsk et Lougansk. Même chose pour l'amnistie et bien d'autres sujets.

Heureusement, personne ne remet en question les Accords de Minsk - ce serait difficile à faire car immédiatement après leur signature nous avons obtenu qu'ils soient approuvés au Conseil de sécurité des Nations unies. C'est déjà un point positif que personne ne cherche à réécrire ces accords. Il y a des choses qu'il est possible de préciser sur le plan tactique, mais cela doit être fait directement avec les délégations de Donetsk et de Lougansk. Il est à noter qu'aujourd'hui les USA font part de leur souhait d'aider à régler cette crise sur la base des Accords de Minsk. Ils ne remettent pas non plus en question ce texte, ils veulent simplement profiter de leur poids pour contribuer à leur mise en œuvre. Les USA ont un contact exclusif avec les autorités de Kiev, c'est pourquoi ces dernières doivent ressentir tout leur poids. J'espère que ce travail ne sera pas mené de manière seulement formelle et visera à faire remplir tout ce qui a été convenu. Cela a toujours fonctionné de cette manière chez nous – quand on tape sur les doigts, il faut faire.

Au sujet de la disposition des autorités de Kiev à s'entendre, on entend souvent de leur part qu'elles souhaitent rétablir le format de Genève composé de la Russie, des USA, de l'UE et de l'Ukraine. La France et l'Allemagne représentent l'UE, et des bureaucrates de Bruxelles occupent déjà cette place - on y ajoute les USA. Ce format a été rencontré pour la première fois le 17 avril 2014 à Genève avec la participation du Secrétaire d’État américain John Kerry, de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la Britannique Catherine Ashton, de votre serviteur et du Ministre ukrainien des Affaires étrangères par intérim Andreï Dechtchitsa. Durant ces négociations nous avons approuvé un document qui n'était pas aussi détaillé et long que les Accords de Minsk – il n'y avait qu'une page mais il a été approuvé. Ce document évoquait la nécessité d'entamer immédiatement les consultations avec toutes les régions ukrainiennes sur la réforme constitutionnelle. Je rappelle que ce document a été adopté le 17 avril 2014. Un mois après, nous avons demandé aux USA et à l'UE ce qu'ils avaient fait pour pousser les nouvelles autorités à entamer la réforme constitutionnelle avec la participation de toutes les régions. Ils ont pudiquement baissé les yeux. Ce n'est qu'un exemple. Si nous répondons aux appels à rétablir le format de Genève, nous commencerons évidemment par la mise en œuvre de ce document et insisterons sur la réforme constitutionnelle générale car les autorités ukrainiennes l'ont signé.

Question: Quels éléments ont joué une rôle principal dans votre vie dans la formation de votre personnalité en tant que Ministre des Affaires étrangères?

Sergueï Lavrov: Je n'y avais jamais pensé. Comme chantait Vladimir Vyssotski: "Ne vaut-il pas mieux être simplement dans la vie un homme décent?" Cela conviendra pour tout métier. Bien sûr, c'est ma mère, mes amis, l'université - et pas seulement comme une institution du système d'éducation mais comme une école de la vie. On ne peut pas dire que pour devenir diplomate il faut se conduire d'une certaine manière, et que pour devenir quelqu'un d'autre il faut se comporter autrement.

Je vous souhaite bonne chance, profitez de ces années, ayez de bons résultats et amusez-vous comme nous le faisions.

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