Interview du Ministre des Affaires étrangères de la Russie Sergueï Lavrov pour le journal "Commerçant" publiée le 3 octobre 2012 I
Interview du Ministre des Affaires étrangères de la Russie Sergueï Lavrov pour le journal "Commerçant" publiée le 3 octobre 2012
Question: Dans votre déclaration à la présente session de l'Assemblée générale de l'ONU, la thèse sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats résonnait à plusieurs reprises. Avez-vous parlé uniquement des événements au Moyen-Orient? Ou est-ce important pour la Russie elle-même?
Sergueï Lavrov: Absolument. Je ne vais même pas essayer d'être très original, car ce n'est pas mon idée: le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats est préscrit par la Charte des Nations Unies. Il est nécessaire pour tous, pour la Russie, naturellement, aussi. L'ordre mondial repose sur ce principe. C'est une condition intransigeante, un principe fondamental du droit international. Si nous laisserons violer ce principe ou traiter de haut la violation de ce principe à l'égard de quelconque pays qui n'est pas capable de se défendre, cela provoquera une réaction en chaîne. Le monde tout simplement se perdera dans le chaos. Nous pouvons déjá observer cette tendance au Moyen-Orient.
Question: On a pu entendre la thèse sur l'ingérence dans les affaires intérieures quand la Russie a annoncé la cessation de l'activité de l'Agence United States Agency for international development (USAID) (Agence des Etats Unis pour le Developpement International) en Russie. Quelles activités de l'Agence ont fâché ou dérangé Moscou notamment? Pourquoi l'USAID a été tout de même expulsée?
Sergueï Lavrov: Rien ne nous fâche et rien ne nous dérange. Tout Etat a le droit souverainement décider avec qui et dans quelles formes il veut coopérer. Nous avions l'accord de 1992 sur la base duquel l'Agence pour le Développement International a déployé son activité en Russie. Pouvez-vous imaginer ce que c'était cette période – les années 1992-2004? Le pays était en plein désarroi et il est probable qu'à cette époque-là nous ne prêtions pas attention pertinente aux documents signés avec des partenaires étrangers. L'accord qui est devenu la base de l'activité de l'USAID était absolument discriminatoire á l'égard de la Russie. Il conférait aux partenaires américains les droits qui dans une autre situation l'Etat normal n'aurait pas conféres. Sans tout mouvement de rencontre.
Il y a un an que nous avons dénoncé cet accord. Le côté américain a accepté ce pas comme normal. Après la dénonciation, la base juridique de l'activité de l'USAID sur le territoire de la Fédération de Russie a disparu. Les raisons pour lesquelles nous avons demandé de cesser cette activité, aussi sur le plan pratique, ont été publiées dans la récente déclaration du Ministère des Affaires étrangères. Il n'y a aucune base juridique, il n'est pas nécessaire pour nous de recevoir des subventions, étant donné que notre pays lui-même est devenue un donateur. Quant aux organisations non commerciales, l'Etat russe lui-même leur alloue des fonds importants, récemment, sur la demande du Président Vladimir Poutine, ils ont été triplés.
En outre, l'Agence, sans accord de la partie russe, réalisait des projets douteux qui avaient une coloration politique expressément énoncée.
Question: Lesquels par exemple ?
Sergueï Lavrov: Notamment, les projets á Caucase du Nord où l'Agence n'était pas très délicate en choisissant des partenaires. Là-bas, des personnes avec réputation très douteuse étaient les bénéficiaires de subventions. Nous en parlions aux americains á plusieurs reprises.
Je voudrais dire une chose simple. Il n'existe aucun obstacle pour que les objectifs nobles que l'Agence des Etats Unis pour le developpement international poursuivait en Russie aient pu être réalisés. Soient-ils des projets éducatifs, l'aide aux personnes handicapées ou enfants ou d'autres projets de caractère social. Le gouvernemnt des États-Unis peut librement rediriger tout cet argent par d'autres canaux. L'Agence fait partie du Département d'Etat. Selon la nouvelle Loi sur les organisations non commeriales, il n'y a aucun obstacle pour que les mêmes sommes puissent être envoyées aux organisations par d'autres voies. Ceux qui s'occupent des programmes sociaux, des questions de la santé publique, du soutien aux personnes handicapées, etc., ne doivent même pas se faire enregistrer comme «agents étrangers». Tout ça est fixé dans cette Loi.
Donc, je ne pense pas qu'il subsistent des raisons objectives pour la perception si nerveuse de cette situation. Je n'ai vu aucune nervosité de Hillary Clinton ni en juin, quand je lui ai averti pour la première fois, ni à Vladivostok, lors de notre rencontre de 8 septembre quand je lui ai dit à nouveau pour qu'ils eussent été prêts à fermer les activités de l'Agence en Russie depuis le 1-er octobre.
Il est aussi á noter, que cet accord denoncé conférait au personnel de l'Agence le droit de fonctionner comme diplomates à l'ambassade des Etats-Unis en Russie. Et, selon mes renseignements, il y'a quelques dizaines de telles personnes. Nous ne demandons pas qu'ils partent. Ils peuvent rester, mais laissez-les executer les fonctions déjà concédées á eux par leur statut diplomatique. Nos centres culturels à l'étranger ne possèdent pas de tels privilèges et immunité. A titre exlusif, seul le directeur du centre culturel peut avoir le passeport diplomatique, si le pays d'accueil est d'accord. Tous les autres travaillent sans statut diplomatique.
En général, je voudrais dire: nous voulons simplement mettre la base juridique de notre coopération et des relations avec les pays étrangers dans tous les domaines, économique, politique, culturel et humanitaire, dans la sphère des contacts suivant la lignie de la société civile, en conformité aux principes d'égalité en droits et respect mutuel.
Question: Est-ce que les fonds européens fonctionnant en Russie auront le même sort? Allemands, par exemple.
Sergueï Lavrov: Non. Ces fonds fonctionnent sur la base des accords intergouvernementaux, cohérents et mutuellement acceptables, basés sur les principes de réciprocité et égalité. Je ne vois aucune raison d'essayer d'extrapoler cela à d'autres centres culturels et pays. Les américains n'ont pas des organisations similes á l'Institut de Goethe, l'Institut de Cervantes, le British Council ou l'Alliance Francaise. Comme je l'ai déjà dit, l'USAID fait partie du Département d'Etat. Alors que les institutions que j'ai énuméré, ayant aussi le financement d'Etat, sont des structures indépendantes.
Question: Il y a une opinion que maintenant, après que la Russie a pris la décision de cesser l'activité de l'USAID sur son territoire, les États-Unis certainement adopterons la Loi Magnitsky laquelle prévoit des sanctions économiques et de visa contre un certain nombre des responsables russes. Est-ce que, à la suite de l'adoption de cette Loi, ceux qui voudraient annuler l'amendement discriminatoire Jackson-Vanik au prix de cette Loi souffrirons?
Sergueï Lavrov: C'est une opinion tout à fait fausse. La Loi Magnitsky sera adoptée au tout cas. Et ce n'est absolument le prix de l'abrogation de l'amendement Jackson-Vanik. Les republicains et en même temps des nombreux démocrates en Congrès ont déclaré publiquement que la Loi Magnitsky par lui-même était nécessaire. D'ailleurs, beacuoup des adeptes de la Loi Magnitsky disent que la Russie ne mérite pas l'abrogation de l'amendement Jackson-Vanik.
Nous pourrions beaucoup parler sur ce sujet, mais l'amendement Jackson-Vanik a été introduit en relation des restrictions du départ des citoyens de nationalité juive de l'Union Soviétique. Ces problèmes n'existent plus depuis longtemps. Natan Sharansky lorsqu'il a appris que l'amendement Jackson-Vanik encore survit en nouvelle Russie, a dit une chose spirituelle: "Je n'étais pas emprisonné pour raison de "cuisses de Bush". Le fait est que la validité de l'amendement Jackson-Vanik se prorogeait sous différents prétextes. Un de ces prétextes était que la Russie à un certain moment avait cessé l'importation des poulets américains, qui étaient appelés par les gens «cuisses de Bush».
En ce qui concerne les déclarations que les bons législateurs américains voulaient au prix de la "Loi Magnitsky" assurer l'abrogation garantie de l'amendement Jackson-Vanik, cela est de la sphère de l'imagination malade. Actuellement, l'amendement Jackson-Vanik est un problème pour les États-Unis eux-mêmes. Si cet amendement ne sera pas abrogé, les États-Unis ne jouiront pas des avantages, qu'elles pourraient jouir en cas de l'entrée de la Russie à l'Organisation Mondiale du Commerce.
Alors, les phrases que les événements autour de l'Agence des Etats Unis pour le Developpement International ont martelé le dernier clou dans la situation et que la "Loi Magnitsky" será adoptée exactement signifient que ceux qui les prononcent ne possèdent absolument pas des informations sur ce qui se passe réellement sur la Colline du Capitole. Cette «Loi» devient en fait un symbole pour ceux qui voudraient gâcher essentiellement les relations russo-américaines. Et ils n'en renonceront pas. Nous avertissions que l'adoption de la «Loi Magnitsky» nuirait gravement à nos relations, les officiels de l'Administration des Etats-Unis le comprennent mais disent que celle-ci sera forcée d'appuyer ce projet de loi et que Barañk Obama le signera.
Question: Les Américains disent que sans pression extérieure, les autorités russes ne meneront pas l'enquête de l'affaire de Sergueï Magnitsky á bon terme et ne puniront pas les coupables.
Sergueï Lavrov: La Russie, comme aucun autre Etat, est intéressée à une clarification la plus rapide des circonstances de l'affaire Sergueï Magnitsky. La mort de n'importe quel russe emprisonné — c'est une tragédie qui exige une enquête minutieuse. Ce qui ce passe. Sur ce sujet, il y les instructions claires du Président de la Russie pour le Parquet général et le Ministère de l'intérieur. L'enquête pénale se poursuit. Permettez-moi de vous rappeler: l'office russe du fond "Hermitage International" dans lequel Sergei Magnitsky travaillait depuis 1995, en 2007 a été soupçonné d'évasion fiscale. Il était le figurant clé de cette affaire puisqu'il exécutait les fonctions du chef du Département de taxes et audit de cette société. L'enquête d'une autre affaire l'objet de laquelle est l'établissement des circonstances de la mort de Sergueï Magnitsky et du degré de responsabilité des officiels n'est pas encore achevée. Les violations des conditions de détention en garde de Sergei Magnitsky lesquelles étaient exprimé en non-prestation á lui de l'assistance médicale adéquate, reflétaient l'état général défavorable du service médical des maisons d'arrêt de Moscou. À cet égard, pour améliorer cette situation, l'administration du pays, en coopération avec les organisations de défense des droits de l'homme, a rapidement pris des mesures correspondantes.
D'ailleurs, un jeu avec faits, leur distorsion délibérée, des déclarations et actes qui confinent á une ingérence dans les affaires intérieures de notre pays, n'ont rien de commun avec "soin au sujet des droits de l'homme" déclaré, "construction de l'Etat de droit". Pour nous, les tentatives de faire pression sur les juridictions et organes d'enquête de la Russie sont aussi inacceptables.
Question: Comment la Russie peut répondre à l'adoption par les États-Unis de la Loi Magnitsky?
Sergueï Lavrov: Malheureusement, la mort tragique de Sergueï Magnitsky est délibérément utilisée par certaines forces politiques dans les pays occidentaux qui continuent à penser en termes de confrontation idéologique, pour augmenter de façon artificielle l'hystérie anti-russe. On peut cependant remarquer que la "population des prisons " des États-Unis est la plus grande du monde, plus de 2 millions de personnes, et que chaque jour des gens meurent dans les prisons américaines. A la base américaine de Guantanamo, de centaines de personnes voilá déjà dix ans sont emprisonnées sans aucun jugement, dans un vide juridique absolu, y compris un citoyen de la Russie Ravil Mingazov. Nos appels répétés à Washington sur cette question ne donne pas de résultat.
Le comportement des auteurs de la Loi Magnitsky au Congrès américain correspond exactement à la sentence de l'Évangile: "voir la paille dans un œil de voisin et de ne pas voir le poutre dans le sien". Ils proposent la tactique de la chantage par voie des sanctions: au lieu de maximiser les contacts entre les russes et américains jusqu'à l'abolition du régime de visa entre nos deux pays comme préconise la Russie, ils exigent élargir les listes noires et imposer des interdictions d'entrée. Quelqu'un veut évidemment gâcher les relations avec la Russie, réanimer les phobies de la guerre froide. Ce n'est pas notre choix. Nous sommes ouverts à l'approfondissement des liens e du partenariat de commerce et d'investissement avec les États-Unis dans tout autre domaine.
Mais si quelqu'un en Amérique a l'illusion qu'on peut développer la coopération et en même temps nous entourer par une nouvelle palissade de sanction, il vaut mieux se séparer à l'avance. Les tentatives de mélanger la politique et le commerce, exércer une pression sur la Russie aggraveront sérieusement l'atmosphère du dialogue politique bilatéral et le champ de la coopération économique.
Question: Compte tenu des divergences entre la Russie et les Etats-Unis sur un certain nombre de questions importantes, par exemple, concernant le système global de défense antimissile, les droits de l'homme ou problèmes internationaux, pouvez-vous dire que le «rechargement» a échoué ?
Sergueï Lavrov: Quand quelques années auparavant le président des États-Unis Barack Obama et son équipe ont exprimé leur disponibilité à mettre à jour les liens bilatéraux et résoudre les problèmes accumulés nous avons adopté ce signal comme positif. D'ailleurs, dès le début, nous avont exprimé notre opinion que la solution efficace des tâches auxquels nos pays se heurtent ne pouvait reposer que sur les principes du respect mutuel, de la prise en considération des intérêts de chacun, de la non-ingérence dans les affaires intérieures.
Le vecteur d'interaction spécifié alors a été justifiée. Nous avont su étendre la portée du dialogue bilatéral, atteindre les résultats pratiques appréciables. Voici quelques jalons emblématiques: la conclusion du traité sur les forces nucléaires stratégiques, l'affiliation de la Russie à l'OMC, la récente entrée en vigueur de l'accord russo-américain sur la simplification du régime de visa.
Les problèmes, bien sûr, restent encore nombreux. Donc, malheureusement, les décisions américaines sur le système de la défense antimissile sont acceptés sans tenir compte de nos intérêts. L'essentiel pour nous consiste en ce que les États-Unis ne violeraient pas l'équilibre des forces qui se formait depuis des décennies, ne mineraient pas nos forces de la rétention nucléaire. Les garanties claires, soutenues par un mécanisme de vérification fiable sont nécessaires. Washington n'est pas encore prêt à les donner.
Lorsque nous parlons du «rechargement», il devient évident que celui-ci ne peut pas durer éternellement, compte tenu de l'origine informatique de ce terme. Dans le cas contraire, cela ne sera pas "un chargement" cela sera une panne du programme. Il ne faut pas se boucler sur le nom d'une étape. Nous ferons mieux de réfléchir comment développer nos relations. Ou, en parlant à nouveau sur la langue des programmeurs, mettre à jour le logiciel.
C'est exactement ce que nous faisons. Nous avons avec les États-Unis l'ordre du jour chargé. À l'avenir, nous prévoyons de consacrer une attention particulière á l'augmentation de la qualité de la coopération de commerce e investissement. Nos liens économiques serons plus profonds, le «filet de sécurité» assurant les relations russo-américaines contre les gradients de la conjoncture politique sera plus fort.
Il est évident, que des choses importantes devront être différées jusqu'à la fin du marathon électoral aux États-Unis. Mais nos partenaires américains sont pratiques. La rhétorique pré-électorale transocéanienne descendra bientôt à zero et sera remplacée par le dur labeur quotidien. Nous sommes prêts pour cela.
Question: Le président des États-Unis Barack Obama dans son discours à la session de l'Assemblée générale des Nations Unies a fait comprendre que, malgré l'intensification des sentiments anti-occidentaux et le renforcement du rôle des islamistes radicaux au Moyen-Orient, les Etats-Unis «soutiendrons toujours les forces des changements». Que pensez-vous à ce sujet?
Sergueï Lavrov: Je ne voudrais pas commenter ces mots, mais nous éprouvons déjà l'effet «bienfaisant» des forces des changements. J'ai eu la rencontre "en marge" de l'Assemblée générale des Nations Unies avec le ministre par intérim des affaires étrangères de la Libye et j'ai soulevé encore une fois la question de nos citoyens qui, à notre avis, étaient là injustement condamnés pour les sérieux termes de la peine. Mon collègue m'a répondu: comprenez-vous, nous n'avons pas l'État, nous essayons, pour ainsi dire, de vous aider, mais nous n'avons aucune influence sur les structures diverses.
Autrement dit, nous n'avons pas encore compris les conséquences de l'opération libyenne. Il faut dire qu'elles s'expriment non seulement dans le fait qu'il n'y a aucun État centralisé en Libye et il y'a beaucoup à faire pour que les autorités centrales puissent assujettir tous les chefs des clans. Aujourd'hui, on peut sentir les conséquences de ces événements en Mali où les deux-tiers du pays sont sous le contrôle des gens qui combattaient en Libye et qui n'ont apparemment aucune autre occupation sauf la guerre. S'ils voudraient sincèrement calmer leur pays — et bien, vous avez déjà fait votre révolution, nous pouvons la traiter à la manière différente, mais il est temps de se calmer. Non, ces gens se préoccupent des affaires tout à fait différentes. Ils sont aujourd'hui en Mali. Qui sait où ils apparaîtront demain? Le président Vladimir Putin a récemment caractérisé cela comme une situation de chaos qui s'accroît dans la région de plus en plus. C'est une définition très précise.
Il me semble que nos collègues de l'Occident, y compris les États-Unis, se trouvent en certain désarroi. Ils ont semé le vent et récoltent la tempête. Nous faisons tout pour arrêter cette tempête. Pour faire cela, il ne faut pas exciter l'opposition, par exemple, s'il s'agit de la Syrie, qu'elle méne la lutte armée jusqu'à la victoire complète, jusqu'à ce qu'ils obtiennent la tête de Bashar Assad, non, il faut faire asseoir tout le monde à la table et commencer les pourparlers de paix.
Question: Comment se développera la situation en Syrie?
Sergueï Lavrov: Là-bas tout est simple. Il y a deux options. Si vos assurances que maintenant votre priorité numéro un c'est le sauvetage du peuple sont sincères, alors il faut accomplir ce qu'on a accordé à Genève. C'est-à-dire, obliger tout le monde d'arrêter de tirer et de s'asseoir à la table des négociations. Si en effet, la priorité numéro un c'est la déposition du régime et de Bachar Al-Assad, alors nous ne voulons pas vous aider. Le Conseil de sécurité de l'ONU n'en s'occupe pas par définition. En ce cas, c'est une excitation à la poursuite de la guerre fratricide et nous devrons simplement comprendre que le prix de cette obsession de la mission géopolitique de changer le régime en Syrie sera exprimé en centaines et milliers de vies des syriens.
Le choix est très simple, mais, bien sûr, effrayant. Lors de mes entretiens avec les collègues, j'ai ressenti: ils comprennent le manque d'alternatives à ces deux scénarios, mais il ne sont pas encore prêts à poser le pied sur la gorge de sa propre chanson géopolitique. C'est triste.
Question: Vous avez dit quelques fois que l'Occident distordait la réalité russe. Le président Vladimir Putin a donné récemment au Ministère des Affaires étrangères la charge d'élaborer les mesures pour améliorer l'image de la Russie à l'étranger. Pourquoi l'image de la Russie est principalement négatif dans la plupart des pays occidentaux? Est-ce que le Ministère des Affaires étrangères peut l'améliorer, en prenant en compte comment l'Ouest perçoit tels événements comme, par exemple, l'affaire Pussy Riot?
Sergueï Lavrov: Dans le monde actuel l'image d'un pays se forme d'un jeu de composants, qu'on peut ensemble définir comme une force douce. Cette notion comprend la présence culturelle et scientifique de l'état dans le monde, la participation à des programmes d'assistance, les succés dans le sport, le développement de la société civile, la présence des mass-médias nationaux dans l'éspase d'information mondial, le niveaux de propagation de la langue nationale, les réalisations dans les domaines de l'éducation et de la santé publique et bien d'autres.
La Russie est assez attirante du point de vue d'un certain nombre des composants de la force douce. Toutefois, le Ministère des Affaires étrangères attache une grande importance au travail afin de les renforcer.
Cependant, l'image du pays dans l'espace d'information mondial a encore une dimension importante: c'est le niveau de la sincérité et objectivité des évaluations des positions, victoires et échecs de l'État dans la politique l'intérieure et extérieure faites du dehors, Malheureusement, la Russie souvent se heurte aux grossières distorsions de la vérité ou mensonges directes de la part de certains mass-médias mondials. Par exemple, il suffit de se rappeler comment les événements liés à l'agression de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud en août 2008 étaient reflétés.
La campagne propagandiste développée à l'Occident autour de l'affaire Pussy Riot se trouve dans le même rang. La hâte et la manque d'objectivité provenant de l'Union Européenne et des États-Unis forcent conclure que leurs auteurs eux-mêmes ne se dérangeaient pas, en gènèral, de l'examen des circonstances de l'affaire, de la tenue de l'audience et des normes de la législation russe.
Question: A l'Occident il existe une conclusion que c'était le procès politiquement motivé.
Sergueï Lavrov: Les organes d'enquête ne produisaient pas contre les participamtes de Pussy Riot des accusations de nature politique à aucune étape des débats. Elles étaient jugés pour les actes de vandalismes commis dans la plus grande cathédrale orthodoxe de la Russie. Le fait que la soit disante punk-prière dans la cathédrale du Christ-Sauveur qui non seulement tombe sous le coup de plusieurs articles du code pénal de la Russie, mais aussi a provoqué une réaction franchement négative dans la société russe, apparemment, en aucune façon n'a pas confondu ceux qui ont fait les déclarations au sujet de la «violation de la liberté de la parole en Russie» et de la «limitation des droits de l'homme». Les tentatives de lier la décision du tribunal avec une certaine «pression générale sur l'opposition» ignorent la réalité russe actuelle, laquelle, au contraire, est caractérisée par la libéralisation de la vie politique.
Question: Revenons au Moyen-Orient: les événements syriens, quelle influence – forte ou non - ils ont exercé sur les relations de la Russie avec tels pays arabes qui sont plus fortement opposés à Bachar Al-Assad? En premier lieu avec l'Arabie saoudite et le Qatar?
Sergueï Lavrov: Bien sûr, une crise politique aiguë en Syrie qui dure déjà un an et demi, a fait corriger d'une certaine manière notre interaction avec plusieurs pays arabes, y compris l'Arabie saoudite et le Qatar, ayant mis en evidence des certaines divergences entre nos approches. Cependant, je ne voudrais pas les absolutiser.
Au contraire, tous les événements récents démontrent que les pays arabes eux-mêmes, y compris l'Arabie saoudite et le Qatar, s'intéressent à échanger des vues avec nous sur les questions syriennes et sur l'élaboration conjointe des moyens de leur régularisation. Lors de nos contats réguliers, qui se passent dans le format soit bilateral que panrégional, nous s'appuyons sur ces voies.
En particulier, en juillet, j'ai eu une conversation téléphonique très enrichissante et productive avec le ministre saoudien des affaires étrangères Prince Saud Al-Faisal, qui a réaffirmé l'engagement de Er-Riyad à la consolidation et au développement ultérieur des relations diversifiées avec la Russie. Avant la fin de cette année, il est prévu d'organiser dans la capitale saoudienne le second tour du dialogue stratégique entre la Russie et le Conseil de Coopération des Etats Arabes du Golfe Persique (CCEAGP). Le 27 Septembre à New York j'ai eu la rencontre avec les ministres du CCEAGP, où nous discutions les questions relatives à la préparation de cet événement. Nous prêtons, bien sûr, une grande attention aux thèmes siriennes. Je peux assurer que notre position rencontre la compréhension de plus en plus grande et il faut noter que tous mes collègues arabes soulignent l'importance de maintenir une présence active de la Russie dans la région.
Nul ne veut que la confrontation militaire en Syrie poursuive, donc, nous tous, le plus vite possible, devons aider à arrêter l'effusion de sang et le fratricide dans ce pays. Pour cela, il faut forcer tous ceux qui combattent la-bas à s'arrêter et s'asseoir à la table des négociations.
En outre, il faut tenir compte du fait que la situation autour de la Syrie, même si aujourd'hui elle est prioritaire, n'est pas le point unique de l'agenda du dialogue politique russe-arabe. Il y a des autres questions importantes sur lesquelles nos positions sont traditionnellement proches. Cela concerne la règularisation au Moyen-Orient, en premier lieu, la solution du problème palestinien, l'assurance de la sécurité dans le Golfe Persique, la création au Moyen-Orient d'une zone libérée d'armes de destruction massive, l'interaction entre les civilisations, la lutte contre le terrorisme. Enfin, on ne devrait pas rejeter tel bloc fondamental comme la coopération économico-commerciale.
Question: Récemment la Russie a accueilli le sommet de l'APEC. Pourquoi la Russie construit des infrastructures pour les exportations des matières premières en l'Asie beaucoup moins activement que, par exemple, l'Australie ou les pays d'Asie Centrale. Quelle est la raison? Peut être la Russie a peur de se trouver dans le rôle de l'appendice en matières premières? D'autre part, la Fédération de Russie introduit des restrictions des investissements asiatiques dans les infrastructures et l'agriculture. Est-ce que la Russie a une stratégie du développement à long terme de la Sibérie à l'aide des ressources des voisins?
Sergueï Lavrov: Aujourd'hui notre exportation d'hydrocarbures va presque exclusivement en direction ouest, c'est-à-dire, l'UE prend environ 85 % des exportations russes de pétrole et de gaz. La direction européenne, bien que traditionnelle, pour nous, cependant, a un certain nombre de propriétés caractéristiques puisque la consommation des vecteurs énergetiques là-bas s'acroît lentement, la concurrence est plus rigide et les prix peuvent parfois être comparables avec ceux de l'Asie. Il y a aussi des problèmes de réglementation. En premier lieu, nous sommes préoccupés du fait que le climat d'investissement à l'Union Européenne, le soi-disant troisième paquet énergetique de l'UE, s'altére.
Dans ce contexte, en plan énergetique, la direction vers la région de l'Asie et Pacifique est extrêmement prometteuse. La demande de ressources en hydrocarbures dans cette région se développe beaucoup plus vite qu'en Europe. Je peux vous citer un exemple: selon les éstimations de l'Agence Internationale Energetique, la demande en gas augmentera en 2035 de trois fois et dépassera 1 billion de mètres cubes par an. En développant cette direction, nous abordons le double défi: d'une part, nous visons à consolider le rôle du fournisseur fiable de ressources énergétiques, d'autre part, nous stimulons la croissance économique dans les régions de la Sibérie Orientale et de l'Extrême-Orient, créons une infrastructure qui relie l'est et l'ouest de la Russie.
La Russie a toutes les chances de devenir l'un des plus importants fournisseurs de ressources énergétiques dans la région Asie-Pacifique. Cependant, en développant des vecteurs énergétiques soit européen que asiatique, la Russie n'entend pas les opposer l'un à l'autre. Notre but principal ne consiste pas en jeu basé sur les différences de la conjoncture de prix. Notre objectif principal c'est assurer l'intégration de ces marchés, leur stabilité et prévisibilité. Cela va créer les conditions d'un développement socio-économique stable des régions de la Sibérie et de l'Extrême-Orient, élever le niveau de vie de nos citoyens qui y habitent.
En ce sens, les résultats de la présidence russe en Forum de l'APEC en 2012 sont révélants. Elle faisait partie de la stratégie du développement des régions de la Sibérie et de l'Extrême-Orient. En premier lieu, nous visions à organiser l'intégration organique de notre pays dans les processus d'intégration dans la région Asie-Pacifique afin de concourir au développement socio-économique national, en premier lieu de la Sibérie et de l'Extrême-Orient. À Vladivostok, une fenêtre russe à l'est, une bonne infrastructure a été crée qui peut et doit être utilisée pour consolider les contacts avec les pays de la région Asie-Pacifique. Mais, bien sûr, ce n'est que le début.
Nous allons continuer à travailler sur le développement des résultats de la présidence en l'APEC. Nos propositions sur l'utilisation du potentiel de la Fédération de Russie en transit pour diversifier les corridors de transport régionaux, la création de filières «intelligentes» à l'aide des systèmes par satellite et systèmes computerisés modernes, y compris GLONASS, l'implantation des systèmes terminals multimodaux ont été approuvées. Les documents finals du sommet de l'APEC de Vladivostok ont aussi reflété les approches qui répondaient aux intérêts de la Russie et prévoyaient le renforcement de la coopération afin d'accroître la part du gaz naturel dans le bilan d'énergie régionale comme le combustible fossile le plus pur du point de vue écologique, et le développement d'une infrastructure appropriée. Il est compréhensible que certains projets, y compris ceux qui concernent autres routes commerciales (grand ligne trans-sibérienne, voie maritime de Nord), sont conçus pour l'avenir et nécessitent des efforts préparatoires considérables, mais l'intérêt des partenaires à participer à leur mise en œuvre à été déclaré — et c'est la chose capitale pour cette étape.
Question: Maintenant, le travail actif sur la nouvelle rédaction du projet de la Conception de la politique extérieure de la Fédération de Russie se développe. Quelle est sa différence de la précedente?
Sergueï Lavrov: En conformité au décret du Président Vladimir Poutine du 7 mai 2012 "Sur les mesures pour la réalisation du cours de la politique extérieure", le Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie doit préparer la nouvelle rédaction de la Conception de la politique extérieure de la Fédération de Russie en décembre 2012. La dévolution de telle mission est plus que régulière, étant donné des changements impétueux qui se passent dans le monde. On constate les profondes transformations du paysage international, les déplacements tectoniques dans la redistribution du pouvoir et de l'influence au niveau mondial. Quatre ans après l'approbation de la Conception en vigueur, beaucoup des événements se sont passé: la crise économique mondiale, les cataclysmes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le développement de l'intégration régionale, y compris, ce qui est particulièrement important pour nous, dans les pays de la CEI.
Conformément à la pratique de notre pays, la mise à jour de la Conception de la politique extérieure de la Fédération de Russie est associé avec le début du nouveau terme des pouvoirs présidentiels, donc maintenant, il s'agit de la clarification des priorités de politique extérieure pour les six années prochaines.
Je voudrais souligner toutefois qu'il s'agit de la nouvelle rédaction, mais pas de la révision fondamentale du document clé dans le domaine de la politique éxtérieure de la Russie. La continuité de la philosophie de la politique éxtérieure fondée sur les principes fondamentaux tels que pragmatisme, ouverture, diversité, défense des intérêts nationaux avec fermeté mais sans confrontation, est entièrement préservée.
Bien sûr, nous refléterons dans la nouvelle Conception la participation plus active au travail diplomatique de tous les instruments de politique éxtérieure disponibles, y compris, en addition aux méthodes traditionnelles, la promotion plus énergique des intérêts économiques de l'Etat et des entreprises, l'utilisation des méchanisme de la force douce, la maintenance informatique de la politique éxtérieure et un certain nombre d'autres aspects importants.
Une des propriétés caractéristiques des travaux relatifs à ce document est l'embauchage de la communauté d'experte et des institutions de la société civile. Cela reflète la tendance générale de l'élargissement de leur participation aux procès d'élaboration et réalisation des décisions de politique éxtérieure.
Les travaux relatifs à la nouvelle rédaction de la Conception son visés à la remplir par les considérations ajustées et précises relatives aux actes qui sont requis dans les conditions des processus profonds qui se déroulent dans les relations internationales, pour assurer de manière adéquate les priorités de la Russie dans le monde changeant.