L'interview du Ministre des affaires étrangères de la Russie S.V. Lavrov , accordée à la radio «Kommersant FM», le 20 mars 2012 à Moscou
Question : Comment pouvez-vous commenter la peine de mort de deux accusés de l'attentat à Minsk ? Ce cas a provoqué une réaction assez violente de la part de l'Union européenne et de la part de plusieurs citoyens russes, qui sont venus à l'ambassade biélorusse avec des bougies et des fleurs le dernier week-end. La diplomatie russe a-t-elle un commentaire officiel à ce sujet?
S.V. Lavrov : Bien sûr, l'attentat dans le métro biélorusse était terrible, comme n'importe quel attentat qui emporte une grande quantité de vies. Les citoyens de la Fédération de Russie plus d'une fois tombaient victimes des attentats, y compris dans le métro. Et il est certain que la lutte contre le terrorisme doit être impitoyable. En même temps notre attitude envers la peine de mort est bien connue. Lors de notre entrée dans le Conseil de l'Europe, nous avons déclaré le moratoire sur la peine de mort, dont nous respectons. Des décisions spéciales à ce sujet ont été adoptées par la Cour constitutionnelle. Les autorités russes restent attachées au moratoire.
On serait intéressé à ce que tous les pays européens se joignent à ce moratoire. Bien évidemment, c'est une question intérieure de chaque pays.
Dans la société russe, la question de la peine de mort est ambiguë. À ce sujet les autorités russes s'exprimaient maintes fois en réponse aux appels de supprimer officiellement la peine de mort. Cette question, je le répète, est complexe. La société à peine a une position commune sur cette question. À mon avis, à présent, le principal c'est le maintien du moratoire.
Question : On dit que la Russie soutient des relations étroites reposant sur la coopération avec la Biélorussie et joue un rôle à part dans ce pays. Y a-t-il eu des tentatives d'aborder ce sujet avec le président de la République de Biélorussie M. Loukachenko A.G.?
S.V. Lavrov : La Russie est intéressée que la Biélorussie devienne le membre à part entière du Conseil de l'Europe. Les obstacles artificiels, dont certains pays centraux et occidentaux de l'Europe posent à ce sujet, sont dignes des regrets.
Je suis convaincu que si l'on avance vers la direction de l'appartenance à part entière du Conseil de l'Europe on assurera la résolution du problème de l'application de la peine de mort, en tenant compte que l'une des conditions de la participation à СЕ c'est sa suppression.
Je le répète, dans notre cas agit le moratoire, bien que l'obligation de supprimer la peine de mort est formellement maintenue. La Russie à l'étape donnée suit le moratoire, qui, à mon avis, sera assez long.
Question : À la veille des présidentielles V.V.Poutine a publié un article dans le journal « Nouvelles de Moscou », dans lequel il a formulé son point de vue par rapport à la politique extérieure. Plusieurs personnes, y compris à l'étranger, ont appelé cet article « la deuxième intervention à Munich » qui est une intervention aussi assez violente, prononcée par Poutine en 2007 à l'égard de l'Ouest. Comment voyez-vous la politique extérieure de la Russie du séjour du V.V.Poutine au pouvoir? Croyez-vous que la rhétorique antiaméricaine et antioccidentale de la part des politiques russes, y compris V.V.Poutine, a une influence négative sur la politique extérieure réelle de la Russie ?
S.V. Lavrov : Premièrement, je suis contre qu'on nous accroche n'importes quelles étiquettes, y compris antiaméricaines et antioccidentales. Bien que je comprenne que dans le journalisme on veut faire quelques généralisations, qui seraient perçues vivement par les auditeurs, les lecteurs et les spectateurs. Je ne pense pas que «l'intervention à Munich» en 2007 et surtout l'article «La Russie dans un monde changeant » sont violents. Ils sont honnêtes. Cette une énonciation honnête sur les questions clés de la politique extérieure. L'article « La Russie dans un monde changeant » est un grand document géopolitique, exposant les regards du candidat au moment du fait, et actuellement du Président élu de la Fédération de Russie.
La raison essentielle de l'article c'est l'appel vers l'utilisation de tout le potentiel de notre coopération avec les principaux partenaires. Je prends deux citations. La première sur les États-Unis. Dans cette citation on disait que dans nos relations avec les États-Unis nous sommes vraiment prêts à aller loin, et à effectuer une brèche qualitative. La deuxième citation concerne les relations avec l'Union européenne et l'Europe qui dit que la Russie propose d'avancer vers la création de l'espace humain et économique commun de l'Atlantique à l'océan Pacifique, c'est-à-dire la création de la communauté, appelée par les experts russes « l'Union de l'Europe ». Dans cela sont formulées les approches importantes par rapport aux relations avec l'Ouest. Je ne pense pas que dans ces relations se cache une tendance antioccidentale quiconque.
C'est tout à fait une autre chose qu'avec l'Europe, les États-Unis et n'importe quel autre pays du monde moderne, nous sommes prêts à bâtir des relations exceptionnellement à la base d'égalité et du respect mutuel des intérêts. C'est la loi immuable de la communication internationale, et nous obtiendrons fermement telles approches de la part de nos partenaires. Nous menons une politique étrangère indépendante, en respectant entièrement toutes nos obligations comme il est convenu à un membre responsable de la communauté internationale.
Dans les conditions modernes de la formation du nouveau système réellement polycentrique de la structure du monde, notre sollicitation est conditionnée, avant tout, par un tel caractère des approches russes. Ces approches sont intransigeantes et non conjecturales et ont comme base le fait que les affaires doivent être menées d'après le principe du respect mutuel et du respect honnête des obligations.
Question : Ce n'est pas la première année qu'on parle de ce qui est plus important : les valeurs ou les intérêts. Peut-on bâtir des relations avec l'Europe exceptionnellement sur les intérêts économiques ou politiques, en ne tenant pas compte des relations dans la sphère humanitaire, y compris les sérieux désaccords au sujet de la conception de la démocratie, de la liberté de la presse et d'autres choses pareilles?
S.V. Lavrov : Je pense que si l'on aborde la question des intérêts et des valeurs du point du vue de standard commun, et non pas double standard, alors il n'y aura pas de contradictions irrésistibles à ce sujet.
Qu'est-ce que c'est que les valeurs ? Au sens universel les valeurs c'est ce qui est conclu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui était adoptée après la Seconde Guerre mondiale et après la création de l'Organisation des Nations Unies. Cette déclaration contient des approches universelles pour tous les pays du monde, afin d'assurer le respect des droits de l'homme.
Les tentatives d'accrocher à ces approches universelles ses visions personnelles des droits de l'homme, comme c'est le cas des minorités sexuelles, ce qui provoque périodiquement une réaction nerveuse de la part de l'union Européenne, concernant le fait que nous tâchons de protéger notre société contre la propagande de l'homosexualité, dépassent le cadre des valeurs universellement reconnues.
Finalement, chaque civilisation a ses propres valeurs, qui ne sont pas toujours compatibles avec les valeurs européennes.
En tenant compte que le grand nombre de la population pratique l'orthodoxie ou respecte les traditions orthodoxes, « les choses pareilles » envers les valeurs universelles donneront à peine quelques germes. Elles provoquent seulement une réaction de rejet chez la majorité de la population. On peut dire la même chose sur les sorties récentes des jeunes femmes dans la Cathédrale Bogoyavlensky à Elokhovo et la Cathédrale du Christ-Sauveur. À l'ouest certaines personnes ont interprété ce fait comme une expression espiègle de la liberté de parole. La société russe ne l'acceptera pas. C'est le sacrilège.
En ce qui concerne les intérêts, je le répète, je ne vois rien contradictoire entre le respect des intérêts nationaux et la garantie des droits de l'homme. Un pays normal (j'espère que la Russie est estimée comme tel) ne fait rien dans le contexte de la progression de ses propres intérêts ce que contredirait la protection et la garantie des droits et des libertés des citoyens. De plus, c'est dans les intérêts de l'État normal de soumettre toute son activité de politique extérieure aux tâches du développement intérieur. Ce sont les paroles de Gortchakov A.M.. À présent nous introduisons ce principe activement dans notre activité. Certainement, les tâches du développement intérieur, sont soumises aux tâches de l'amélioration de la vie des gens, à la garantie non seulement de leur prospérité sociale, mais aussi du confort politique dans le cadre du système créé par l'État.
Question : Quel rôle joue la rhétorique de politique extérieure dans la politique intérieure de la Russie ?
S.V. Lavrov : Par devoir professionnel, j'observe la tenue des campagnes électorales dans les pays étrangers et leurs opinions concernant le sujet russe. Cela présente pour nous un intérêt direct. Je peux vous assurer que, pour mon estimation assez bien argumentée, l'influence des sujets de politique extérieure dans les campagnes électorales de la Russie sur la politique intérieure est au minimum, par rapport au sujet de politique extérieure dans les campagnes électorales des États-Unis, de la France.
Dans la campagne électorale américaine le camp républicain diabolise parfois les relations avec la Russie, et le sujet syrien aux États-Unis et en France est traité évidemment de manière de « faire agir » la population et dans le but de compléter au maximum les points sur l'arène de la politique extérieure grâce à une telle agressivité. Il me semble qu'en Russie l'influence des sujets de politique extérieure dans les campagnes électorales est à plusieurs fois plus petite et ne joue pas le rôle décisif sur les idées, dont les candidats veulent porter aux électeurs lors des élections parlementaires et présidentielles.
Question : Les dernières quatre années les relations russo-américaines, dont vous avez mentionné, se développaient sous forme de
« redémarrage », qui était initiée par l'Administration de B. Obama. En se référant au président élu, vous dites que l'on peut rapprocher les relations bilatérales dans la direction qualitative. En quoi peut résulter ce progrès qualitatif ? Comment voyez-vous le développement des relations russo-américaines dans les années à venir ?
S.V. Lavrov : Bien évidemment, lors de la présidence de B.Obama nous avons atteint beaucoup de résultats concrets. Par exemple, la création de la Commission présidentielle, qui structurait les relations bilatérales, ayant embrassé par une vingtaine de groupes de travail toutes les sphères possibles des relations intergouvernementales, y compris les relations entre les représentants de la société civile.
Un autre exemple, c'est l'entrée en vigueur du Traité de réduction des armes stratégiques, des Accords sur utilisation pacifique de l'énergie atomique, la signature de l'Accord de simplification du régime de visa, l'Accord sur la coopération dans le domaine de l'adoption. Deux derniers accords passent maintenant la procédure de la ratification. Bien sûr, nous avons un intérêt mutuel pour encourager par tous les moyens la coopération d'investissements, parce qu'actuellement cette coopération n'a pas un air solide, en comparaison même avec nos partenaires européens. Je peux dire la même chose concernant le chiffre d'affaires. Un grand intérêt stimulé le dernier temps par les présidents, se manifeste vers l'intensification de la coopération d'innovation dans la sphère des technologies avancées, ainsi que vers l'élaboration commune d'innovation des projets modernisés.
Nous accordons une attention particulière aux contacts entre les gens, y compris au sujet des échanges culturels et humanitaires. Cette année on célèbre le bicentenaire du Fort Ross en Californie, qui était fondé par les colons russes. On projette un grand programme et mesures culturelles avec la participation de la direction de l'État de Californie et les représentants des pouvoirs fédéraux des États-Unis. Ce sera vraiment un événement très impressionnant.
Certes, il y a des problèmes aussi. Les deux n'importe quels pays, ayant des intérêts vastes, peuvent avoir des questions, dont les positions ne coïncident pas. À présent nous nous intéressons plus au problème lié à la défense antimissile.
Question : Apparemment, il est évident qu'entre la Russie et les États-Unis ne peut pas avoir lieu une guerre nucléaire. Sergey Viktorovitch, pourquoi le problème de la défense antimissile c'est comme «un clou dans la botte» pour les relations russo-américaines ?
S.V. Lavrov : Il est clair pour moi que les États-Unis et l'OTAN ne vont pas nous attaquer. De l'absence de telles intentions nous parlent chaque jour et toutes les heures ce qui suit littéralement: « Eh bien, ne vous inquiétez pas, nous n'avons pas aucunes intentions et possibilités de vous attaquer ». Mais un homme sage, à mon avis, O.Bismark, a dit que dans l'art militaire l'essentiel ce n'est pas les intentions, mais les potentiels.
N'importe quel état-major général de n'importe quel État bâtira son activité et les recommandations à la direction supérieure du pays, en se basant non pas sur ce qu'on lui promet, mais sur ce qu'il voit au sujet de la création de l'infrastructure sur la terre, et dans les conditions modernes et dans le cosmos. La corrélation entre les armements stratégiques offensifs et défensifs et la nécessité d'assurer la balance dans cette sphère pour le maintien de la stabilité stratégique et de la parité stratégique était reconnue dès le début des contacts sur les problèmes de la sécurité entre Moscou et Washington encore depuis le temps soviétique. La reconnaissance de cette corrélation était fixée dans le Traité de réduction des armes stratégiques de 1972, qui pendant les décennies, en effet, assurait la stabilité stratégique, sans permettre à aucun des participants du Traité de se soumettre à la tentation de faire autrement dans l'intensification des armements, qui pourraient changer la balance stratégique à son profit.
Quand l'Administration des États-Unis est sortie du Traité ABM antimissile, alors s'est ouverte la possibilité pour la violation de cette balance. Maintenant nous sommes les témoins de la création réelle du système global de la défense antimissile des États-Unis, dont le segment européen se développe activement unilatéralement. Sans attendre les décisions de l'OTAN, bien que le système s'appelle l'OTAN, des accords sont conclus avec la Pologne, la République Tchèque, la Roumanie, la Turquie, l'Espagne. Comme on dit, se créent des faits concrets sur la terre.
Question : On dit, que la défense antimissile des États-Unis est pointée contre l'Iran, contre les terroristes et ainsi de suite. Existe-t-il une possibilité d'attaque du côté des États-Unis, si vous personnellement, vous dites que les États-Unis ne nous attaqueront pas?
S.V. Lavrov : J'ai dit qu'actuellement je ne voie pas de telles intentions et je ne les vois pas dans la perspective. Mais la vie avance, et nous n'oublierons pas que ce système a quatre phases. Quand la quatrième phase sera déjà terminée, si tout sera comme il est inscrit maintenant, alors les experts militaires russes voient absolument dans cela les risques pour nos forces de missiles stratégiques. De plus, à notre question, si la quatrième phase est la dernière, les collègues américains disent qu'ils n'ont aucunes restrictions, en motivant que le Congrès des États-Unis a interdit de limiter ce système par quoi que ce soit. Cela signifie que la cinquième et la sixième phase peuvent avoir lieu. Nous ne savons pas ce que sera prévu dans le cadre de ces phases. Je le répète, déjà la quatrième phase est considérée comme le risque très sérieux pour les forces de missiles stratégiques russes.
Maintenant je vous explique pourquoi ce fait provoque l'inquiétude chez nous, si le système est pointé contre l'Iran. On nous dit que le système est nécessaire contre les menaces, qui croissent de la part du sud et viennent du dehors de l'Europe. Nous proposons d'exposer sur un papier des garanties précises, que le bouclier antimissile n'est pas dirigé contre n'importe quel pays dans la région européenne. Nous proposons également d'élaborer des critères géographiques et techniques précis, qui permettront à toutes les phases d'être sûr que le système se développe dans le but d'éviter les menaces potentielles, provenant du dehors de l'Europe. En écho à nos appels, on nous propose de croire sur parole que le système inventé, passé en pratique et réalisé sur le fer et dans l'électronique est le seul système sûr. On nous dit : «Rejoignez-nous, et dans le cadre de cette coopération vous comprendrez, que le système n'est pas dirigé contre vous». Nous répondons à cela : «Est-t-il possible d'élaborer des critères sûrs ?» La réponse est: « Ce n'est pas la peine, nous vous donnerons de l'information. Cette information fait inutile les critères quels qu'en soient». Mais on nous donne l'information à la base de ce que les Américains font unilatéralement. Une telle approche n'est pas respectable par rapport aux capacités intellectuelles des experts militaires russes et de ceux qui s'occupent de la défense du pays.
Question : Quoi faire alors? Il se trouve que toute la coopération russo-américaine et les relations entre la Russie et l'OTAN sont des otages d'une question ?
S.V. Lavrov : Je cite encore un argument. Nous savons que parmi les pays, avec qui on signe des accords sur la coopération de la création d'un système de défense antimissile américaine en Europe, fait part également la Turquie. Sur son territoire s'installe (ou peut être est déjà installé) un radar, qui est nécessaire pour que le système créé surveille les intérêts des Américains. Concernant l'Iran, ce radar est inutile, parce que sur le territoire de l'un des pays de Proche Orient il existe déjà un radar américain depuis longtemps, qui surveille tout le territoire de l'Iran. Si l'on regarde les possibilités du radar installé en Turquie, alors on constate qu'il voit absolument la même chose que le radar susmentionné, c'est-à-dire il voit le territoire de l'Iran, mais aussi une grande partie du territoire européen de la Fédération de Russie.
Question : Est-ce que les États-Unis ne voient pas la même chose à partir des satellites?
S.V. Lavrov : Oui, les Etats-Unis voient la même chose y compris à partir des satellites. Mais en effet, il existe non seulement des radars de surveillance, mais aussi des radars tactiques. C'est pourquoi il s'agit des choses assez sérieuses.
Je remarque, nous n'envisageons pas les choses de façon, que le problème de la défense antimissile démolit toutes nos relations. Non, notre porte est ouverte pour les négociations, mais nous voulons les continuer honnêtement et professionnellement, sans éviter les questions directes, aux réponses desquelles dépend notre compréhension de ce que veulent obtenir nos partenaires américains. D'autant plus, que le segment européen de la défense antimissile mondiale des États-Unis n'est pas l'unique. Il existe encore et le segment asiatique, à la création duquel se rejoignent le Japon et la République de Corée, et qui ne peut pas aussi être ignoré par les planificateurs militaires.
La Chine a des problèmes plus sérieux concernant le segment d'Asie orientale de la défense antimissile mondiale des États-Unis. C'est pourquoi nous voulons dans le cadre de notre dialogue stratégique mettre en relief tous ces problèmes et nous attendons une réaction distincte aux questions, dont nous posons à nos partenaires américains.
Je le répète, cette question n'est pas traitée par nous comme un problème, qui doit congeler toutes les autres questions.
La Russie et les États-Unis ont beaucoup d'intérêts qui coïncident au sujet de la lutte contre le terrorisme, le trafic des drogues, dans la décision des conflits. Comme on le sait, la Russie contribue au règlement de la situation en Afghanistan, où, malheureusement, la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF) qui se trouve en Afghanistan selon le mandat du Conseil de sécurité de L'ONU ne se montre pas très efficace dans la lutte contre les menaces terroriste et narcotique.
Les terroristes ne sont pas tellement éliminés, mais plutôt délogés et poussés vers les régions nord du pays qui étaient, il y a encore trois ans, suffisamment calmes et ne créaient pas de problèmes aux voisins.
Et d'ajouter que, comme résultat, les terroristes des Etats voisins pénétraient dans les pays d'Asie centrale, chez les alliés de la Russie à l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) et ensuite en Russie elle-même.
Cela se rapporte au même titre au trafic des drogues. Nous sommes intéressés à ce que l'ISAF remplisse plus efficacement sa mission. Aussi coopérons-nous avec cette force, en lui ouvrant le transit.
Question : Comment la Russie éstime la décision de B.Obama sur le retrait de l'Afghanistan des troupes américaines en 2014? Cette décision est-elle précipitée ? Peut être, il ne fallait pas l'accepter ?
S.V. Lavrov : Cette question se rapporte à celle, dont vous m'avez posé il y a quelques minutes, quand on a abordé le sujet de l'influence des problèmes de politique extérieure sur la politique intérieure, y compris dans le contexte des campagnes électorales. Nous trouvons que dans ce genre de choses les délais artificiels ne sont pas tout à fait clairs.
Les Forces Internationales d'assistance à la sécurité, dont la charpente constitue les contingents des États-Unis, se trouvent en Afghanistan selon le mandat du Conseil de Sécurité de l'ONU. Je crois que, avant de se retirer, il est nécessaire de faire un compte rendu devant le Conseil de Sécurité sur l'exécution du mandat accordé, dont les atlantistes voulaient réaliser. Maintenant, la menace terroriste ne faiblit pas, alors que la menace narcotique augmente. Les partenaires de l'OTAN en écho à nos nombreux appels ne veulent pas ravager les semailles du pavot, bien qu'en Colombie les plantations de coca soient exterminées à titre d'une principale direction de la lutte contre les drogues. Nous sommes dérangés aussi par ce que les rythmes de la création des forces de sécurité d'Afghanistan, qui doivent assurer la garantie du droit juridique après le départ des contingents étrangers, ne sont pas encore suffisantes. Nous tâchons d'aider: nous préparons des cadres pour les organismes chargés de l'application de la loi et pour les structures antinarcotiques de l'Afghanistan, nous sommes prêts à les aider au niveau de l'équipement. Récemment la Russie et l'Allemagne ont offert au Ministère de l'Intérieur de l'Afghanistan deux hélicoptères russes. À présent nous vendons aux Américains pour l'armée d'Afghanistan 21 véhicules de combat, qui seront également exploités pour l'augmentation de la combativité des Afghans eux-mêmes. Nous devons être sûrs qu'IRA sera en état d'assurer sa sécurité au moment, quand les forces internationales quitteront ce pays.
Encore une chose, qui n'est pas tout à fait trop claire pour nous, ce sont les projets des États-Unis de maintenir leur présence militaire après l'année 2014 sous formes, qui peuvent être utilisées contre les tiers-pays.
Question : C'est-à-dire contre l'Iran ?
S.V. Lavrov : Je ne l'avais pas dit. Je ne sais pas. Certainement, l'Iran à présent c'est la question du jour, parce qu'on y parle tous les jours. Mais la création de quelques grandes bases militaires sur le territoire de l'Afghanistan sans termes limites et sans présentation des buts distinctes pose des questions.
Ces projets ne se limitent pas uniquement à la création des bases à l'Afghanistan. Les Américains aspirent aussi à obtenir activement des objets militaires supplémentaires dans les pays de l'Asie centrale pour une perspective de longue durée. À cet égard nous cherchons à comprendre, quel est le but de cette présence militaire. Si c'est nécessaire pour la lutte qui se poursuit contre les menaces terroriste et narcotique d'Afghanistan, dans ce cas pourquoi les forces internationales vont partir de l'Afghanistan et à quoi bon « cimenter » la présence militaire pour des longues années ou voire pour des décennies ? S'il s'agit du projet géopolitique, alors nous voulons comprendre, pourquoi une telle persévérance se manifeste dans la région, qui se trouve à la proximité directe de nos frontières. Et même les Chinois, proprement dit, veulent comprendre, pourquoi il y a un tel mouvement assez énergique dans les relations avec l'Afghanistan et les pays de l'Asie centrale.
Question : Faut-il continuer le dialogue avec les Talibans ou il faut continuer à «presser» les terroristes et mener avec eux une lutte militaire spécialement intransigeante ?
S.V. Lavrov : Il y a une décision du Conseil de Sécurité de l'ONU, adoptée à la base de la demande de la part du gouvernement d'Afghanistan. Cette décision annonce que nous soutenons entièrement la tendance vers la réconciliation nationale à la compréhension que du côté de l'opposition soient exclus les terroristes de «Al Qaïda» et les groupements liés à cette organisation terroriste. Il y a trois conditions pour la participation des Talibans : les Talibans doivent accepter la constitution de l'Afghanistan, refuser les méthodes violentes dans l'obtention de ses buts et rompre tous les liens avec «Al Qaïda» et avec autres groupements coopérant avec cette organisation terroriste. Bien évidemment, les personnes, qui font partie de la liste de terroristes du Conseil de Sécurité de l'ONU ne doivent pas être admises aux négociations. C'est tout ce que je voulais dire à ce sujet.
Evidemment, le gouvernement de l'Afghanistan doit être le principal négociateur concernant la réconciliation nationale. Aujourd'hui on a des informations sur les tentatives de commencer le dialogue entre les Américains et les Talibans sur le territoire d'un tiers-pays sans participation du gouvernement d'Afghanistan. Je pense que ce n'est pas une approche efficace et il faut la changer.
Mais je voudrais encore une fois revenir au sujet de nos relations avec les États-Unis. Bien qu'au sujet de l'Afghanistan et de l'Asie centrale le dialogue est délicat, mais il se développe quand même assez activement et effectivement. Nous le continuerons, en obtenant les réponses aux questions apparaissant légalement.
Question : Avez-vous posé aux partenaires américains la question au sujet des bases ?
S.V. Lavrov : Oui. À présent nous n'avons pas eu une réponse précise de leur part, mais le dialogue se poursuivra. J'aimerais revenir à la question des contradictions sur la défense antimissile et sur les autres questions, qui peuvent influencer sur tout l'ensemble des relations. Bien évidemment, elles ont une influence. Mais les deux parties sont orientées vers le développement du partenariat dans les domaines où nos intérêts coïncident, sans dissimuler les désaccords, il faut les examiner dans le cadre du dialogue direct. À propos, le 10 mars a eu lieu une communication téléphonique entre le Président des États-Unis et le Président élu de la Russie. B.Obama a téléphoné à V.Poutine, ensemble ils ont jeté un coup d'œil sur les aspects principaux des relations russo-américaines. Ils se sont entendus d'organiser dans le proche avenir une rencontre directe, qui aura lieu bientôt après l'inauguration du Président de la Russie.
Question : Et si B.Obama ne sera pas élu comme le président des États-Unis? Vous personnellement, vous disiez qu'aux États-Unis il y avait des problèmes avec la perception républicaine de la Russie.
S.V. Lavrov : La rencontre aura lieu lors de la présidence de B.Obama.
Question : Et en perspective ?
S.V. Lavrov : Je vous l'avais déjà dit que la rhétorique antirusse est utilisée assez activement par les candidats républicains. Je ne citerai pas d'exemples, car de toute façon tout le monde file ces interventions. Nous jugerons la politique du président des États-Unis élu en novembre 2012 par rapport à la direction russe d'après les choses concrètes, et non pas d'après cette rhétorique, que nous entendons aujourd'hui.
Question : Quand nous avons abordé la question sur l'Afghanistan, le sujet de l'Iran est apparu. Aujourd'hui quelle est l'attitude de Moscou par rapport au développement des événements autour de l'Iran ? À partir des positions spécialement bornées elle est comme ça : la Russie est pour les décisions diplomatiques et contre les sanctions. Cette situation dure plus de dix ans. Jusqu'à présent cette situation a donné la possibilité aux Iraniens de dévier l'exécution des obligations internationales et, en jugeant les faits, de développer le programme nucléaire. Il se trouve que, proprement dit, la Russie se porte comme l'avocat international de l'Iran ?
S.V. Lavrov : Cette vision des choses est incorrecte pour quelques raisons. Premièrement, les sanctions c'est un choix délibéré de la part de la communauté mondiale pour que l'Iran soit plus ouvert au dialogue avec l'Agence internationale de l'énergie atomique. Je rappellerai que dans aucun exposé du directeur Général de l'AIEA, à la différence de la version reproduite par certains partenaires occidentaux, jusqu'à présent il n'y a pas d'affirmation que l'AIEA possède des données sur l'existence en Iran de la mesure militaire de son programme nucléaire. Les prédécesseurs du pouvoir actuel à l'Iran ont commencé à développer le programme nucléaire, comme ils disaient, à des fins pacifiques. L'AIEA a commencé à avoir des soupçons, parce que Téhéran devait communiquer de quoi il s'occupe, mais on ne sait pourquoi il ne l'avait pas fait. Depuis ce temps-là nous tâchons d'obtenir des explications aux questions qui sont apparues chez l'AIEA. Une grande partie, voire une partie considérable de ces questions, est réglée il y a longtemps. Il reste quelques questions, qui s'appellent «les recherches supposées».
« Supposées » dans le contexte des soupçons que les recherches peuvent avoir une composante militaire. L'AIEA a six ou sept questions, auxquelles l'Iran doit répondre. Et nous conseillons activement Téhéran de le faire.
En écho à la résolution préparée avec la participation active de la Russie et acceptée par le consensus en 2011 au cours de la session de novembre du Conseil de gouverneurs de l'AIEA, l'Iran s'est offert de coopérer avec l'AIEA d'une manière plus positive. Après ce fait la délégation de l'AIEA a visité l'Iran, elle s'y rendra encore une fois. Les représentants de l'AIEA se dessinent déjà le programme coordonné du travail pour la résolution de ces six questions. C'est un aspect technique très complexe, et il est important que tous les détails soient prescrits. Ce sujet concerne les visites des entreprises militaires de l'Iran, je souligne - militaires, et non pas nucléaires. L'Iran commence à se rapprocher successivement dans cette matière. Oui, lentement. Oui, nous voudrions que cela ait lieu plus tôt. Mais il y a quelques facteurs qui n'ont pas favorisé les choses. J'ai mentionné déjà les sanctions. Une chose c'est quand le Conseil de Sécurité de l'ONU élabore des sanctions collectives obligatoires de la communauté mondiale pour tout le monde. C'est un signal clair à l'Iran que tout le monde sans exception attend de la part de l'Iran des actions concrètes sur la coopération plus complète avec l'AIEA. Et c'est une autre chose, quand les sanctions collectives ont été coordonnées il y a une année et demie et la résolution 1929 du Conseil de Sécurité de l'ONU est devenue le fruit des négociations très sérieuses où chaque participant pesait ses risques potentiels à propos des relations économiques et du fait à quel point ces sanctions seraient ponctuellement dirigées sur les savants s'occupant du programme nucléaire, et des organisations qui sont entraînées dans ce programme.
Après cela les États-Unis, l'Europe Occidentale, l'Australie, le Japon et la République de Corée ont accepté les sanctions supplémentaires unilatérales, en ne demandant rien à personne. De plus, les sanctions américaines sont extraterritoriales. Elles punissent les compagnies russes qui ne violent pas les résolutions de L'ONU. Autrement dit, nos compagnies respectant la lettre les engagements internationaux de la Russie sont punies pour la violation de la législation américaine qui n'est pas une loi pour nous. Nous tâchons d'obtenir de la part des Américains la cessation de l'extension des pénalités sur les opérateurs économiques russes qui exécutent consciencieusement la résolution du Conseil de sécurité de L'ONU. Ce fait crée chez nous une attitude pas trop positive et une incompréhension de ce que les Américains veulent-ils, proprement dit. Il existe des sanctions collectives et une position concertée pour faire toute la lumière sur le programme nucléaire de l'Iran. L'adoption de sanctions unilatérales, notamment l'embargo frappant les exportations de pétrole iranien, ainsi que les transactions avec toute banque iranienne, ne contribuent pas au renforcement du régime de non-prolifération nucléaire, mais ne visent qu'à étouffer l'économie de l'Iran. Nous tenons à utiliser nos relations avec l'Iran pour le persuader de coopérer avec le Conseil de Sécurité de l'ONU et l'AIEA, en disant : «Quand vous réglerez toutes les questions, vous pourrez développer l'énergie nucléaire pacifique». Les Iraniens répondent : «Non, si c'était comme ça, alors il n'y aurait pas eu de sanctions unilatérales étouffantes. Une fois que ces sanctions existent, alors vos partenaires occidentaux s'intéressent non pas à la clarté concernant notre programme nucléaire, mais au remplacement du régime».
Question : Est-ce que dix ans avant, quand il n'y avait pas encore de sanctions étouffantes les Iraniens ne disaient pas la même chose et ne faisaient rien, en refusant la coopération adéquate?
S.V. Lavrov : Pas d'une manière assez intensive, et le rythme de coopération n'était pas tel qu'on attendait.
Mais je le répète encore une fois, la plupart des questions, posées par l'AIEA, sont résolus. On évite d'en parler, parce qu'on augmente l'hystérie anti iranienne. Nous comprenons bien qu'à présent on parle ouvertement que, si on n'attaquait pas dans le proche avenir, alors on perdrait le contrôle du programme iranien nucléaire.
Ce sont des déclarations très dangereuses. Je le répète encore une fois - on observe du progrès dans cette direction, mais il faut le stimuler. À titre du problème du jour il est nécessaire, premièrement, d'aider l'AIEA et l'Iran à coordonner le projet de la clôture des questions non résolues. Ce sont, en effet, les questions les plus importantes, parce qu'elles sont basées sur les soupçons que le programme iranien nucléaire a un aspect militaire, et pour la Russie une pareille vision des choses est absolument inacceptable. Nous n'avons pas besoin d'un Iran nucléaire. Moscou espère que Téhéran et les six médiateurs internationaux sur le dossier nucléaire iranien (Russie, Chine, France, Grande-Bretagne, Etats-Unis et Allemagne) sous la présidence de C.Achton, la haute représentante de l'Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité tiendront une rencontre en avril prochain.
Il y a longtemps que la Russie a une conception avancée de progression et de réciprocité, parce que l'Iran doit voir «le bout du tunnel». En 2008 la partie russe au nom de six médiateurs internationaux disait déjà aux collègues iraniens qu'en cas de la clôture de ces six ou sept questions, l'AIEA fera un rapport à condition que l'Iran démontre le caractère pacifique de son programme nucléaire. Alors toutes les sanctions vont être levées et l'Iran jouira de tous les droits comme n'importe quel autre membre ne possédant pas l'arme nucléaire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Autrement dit, l'Iran pourra enrichir l'uranium aux fins de la production du combustible pour les centrales nucléaires.
Il est nécessaire de décrypter cette conception, parce que, bien évidemment, on ne peut rien décider « d'un seul coup ». Nous voudrions avancer pas à pas. Mais à chaque étape le premier pas doit faire l'Iran, bien sûr. Nous n'intensifierons pas les sanctions, dès que l'Iran va résoudre une question quelconque (par exemple, l'arrêt de la croissance du nombre de machines centrifuges). Si l'Iran fera encore un pas constructif dans le cadre du dialogue avec l'AIEA, alors quelques sanctions unilatérales doivent être levées en conséquence. En échange aux actions ultérieures de Téhéran les sanctions multilatérales doivent être diminuées. L'alternative pour cela est très mauvaise. Actuellement l'AIEA surveille tout ce que Téhéran a mis sous le contrôle à l'Agence, et l'Agence n'a pas d'information que l'Iran a quelques installations nucléaires confidentielles. Si des soupçons de ce genre apparaissent, il est important de les communiquer à l'AIEA, alors l'Agence mettra en place un contrôle. Dans le cas si l'Iran sera attaqué, j'ai des craintes sérieuses que l'AIEA sera privée de la possibilité de surveiller 24 heures sur 24 ce que se passe sur les installations nucléaires iraniennes. C'est impossible de reconvertir les machines centrifuges en production des armes à l'uranium tandis que ce monitoring est mis en place.
Question : Quelle serait la réaction de la Russie si les États-Unis ou l'Israël attaqueraient les installations nucléaires iraniennes? Peut être que cela ralentira fortement le développement du programme nucléaire iranien, quel qu'il en soit? Comme vous dites personnellement, l'Iran c'est un pays avec des ambitions, qui ne répond pas toujours aux attentes de la Russie.
S.V. Lavrov : Les savants pratiquement de tous les pays, en analysant ce scénario inutile, sont convaincus que les attaques peuvent ralentir le programme nucléaire iranien. Mais elles ne pourront jamais le supprimer, arrêter ou liquider. De plus, même si d'après les déclarations de l'Agence centrale de renseignement et des officiels américains, on n'a aucune information sur ce que la haute direction iranienne a pris une décision politique concernant la fabrication des armes nucléaires, alors après les avoir attaqués, une telle décision sera prise, j'en suis sûr. Puisque actuellement la tension monte autour de l'Iran, et ce fait pousse plusieurs États du tiers monde à réfléchir de manière suivante : si un pays a une bombe nucléaire, on ne le dérangera pas tellement, on appliquera juste quelques simples sanctions, on prendra toujours bien soin de lui et on le suppliera toujours. Comme, par exemple, la République populaire démocratique de Corée. Ce pays déclare ouvertement qu'il a des installations nucléaires, qui étaient essayées plusieurs fois, ce pays possède aussi la technologie des missiles. Cependant, la communauté mondiale manifeste la responsabilité par rapport à ce pays et ne propose pas de le bombarder. Nous insistons tous d'engager un dialogue et nous cherchons des solutions, pour faire ce dialogue productif qui donnera suite aux accords constructifs. Avant tout, ce sont les États-Unis qui s'en occupent.
De nombreux analystes disent que si l'Iran avait une bombe nucléaire, alors on ne menacerait pas de l'attaquer. De plus, certains voisins de l'Iran commencent à penser que l'histoire du refus de la bombe nucléaire au moment de la gouvernance de Kadhafi pourra s'achever autrement, s'il avait eu une arme pareille. Cela donne à plusieurs pays une idée de lancer son programme nucléaire.
Malheureusement, les attitudes agressives contre l'Iran créent plus de risques pour le régime de la non-prolifération, à la place de le renforcer.
Au lieu de faire tout cela il vaut mieux se concentrer sur l'obtention du résultat à l'amiable et par la manifestation de la flexibilité raisonnable pour éviter IRA de se doter de l'arme nucléaire.
Question : À la différence de la Corée du Nord, l'Iran, menace ouvertement, minimum, à un État dans la région, à savoir, à l'Israël et fixe le but de répandre une idéologie constitutionnellement définie dans cette région. Le régime nord-coréen dit : « laissez-nous tranquilles, et nous ne toucherons personne ». Peut-être, c'est ça la différence?
S.V. Lavrov : L'Iran déclare aussi : « laissez-nous tranquilles, et nous ne toucherons personne ». La Russie condamne fermement les propos inacceptables de l'Iran contre Israël, qui étaient prononcés à une époque. Ce n'est pas une façon civilisée d'agir, et n'est pas digne d'une civilisation ancienne, comme Iran qui est une nation avec de grandes traditions. Je considère cela comme une manifestation rhétorique de politique étrangère, dirigée vers la résolution des problèmes intérieurs, ainsi que des problèmes dans le monde islamique. C'est la tendance à retenir dans le lit anti-israélien ceux, sur qui les Iraniens comptent dans la région voisine. Nous rejetons catégoriquement cette accusation. Je suis absolument convaincu que l'Iran ne se décidera jamais à le faire, du moins parce que tout y est en miniature. Détruire l'Israël et ne pas détruire la Palestine en même temps, c'est sans doute très peu réaliste.
Question : Lors d'une intervention à la Douma d'État, vous avez déclaré que la Russie défend les idées de la justice internationale en Syrie. Mais les capitales européennes et les États-Unis, ont tout à fait une autre vision des choses par rapport à cette question, ils disent que la Russie se présente en réalité comme l'avocat international du régime de Bachar al-Assad, en lui fournissant des armes et en le défendant auprès du Conseil de Sécurité. À quoi est due cette position de la Russie ? Peut être aux intérêts concrets comme, par exemple, la présence des navires de guerre russes à Tartous, aux contrats d'armement ou c'est une position de principe contre le changement du régime ? C'est une position idéologique ou une position liée aux intérêts strictement pratiques ?
S.V. Lavrov : Ce sont des bases de la structure du monde, dont nous devons défendre et qui sont fixées dans la Charte de l'Organisation des Nations Unies. Cela évite d'entraîner la communauté internationale dans les jeux de remplacement des régimes, ainsi que l'intervention dans les conflits intérieurs. La communauté mondiale ne peut intervenir que dans les conflits intergouvernementaux, quand il s'agit de l'agression et de l'attaque d'un pays sur l'autre. Le Conseil de Sécurité de l'ONU a tous les pouvoirs pour prendre une décision d'engagement de n'importe quelle mesure de force dans les conflits intergouvernementaux. Le deuxième cas prévu par la Charte de l'ONU pour l'emploi légitime des forces, c'est l'application du droit de la légitime défense individuelle ou collective. C'est tout ce que je puis dire à ce sujet.
Le sang coule sur le territoire syrien. D'ailleurs, le sang coule non seulement en Syrie. Le sang coule et au Libye, et au Mali, où se sont délogés les terroristes, y compris les terroristes du Libye. Le sang continue à couler et au Yémen et dans les autres pays limitrophes, dont les médias occidentaux et internationaux préfèrent de ne pas trop parler.
Vous avez dit que notre position concernant la Syrie se distingue de celle des pays de l'ouest. Justement ce que pensent les pays de l'ouest, ne se distingue pas du tout, de ce que nous prononçons dans notre position. Les pays de l'ouest pensent absolument pareil que nous. Il y a une grande différence entre leurs discussions tranquilles « dans le calme » des cabinets et des états-majors généraux, et entre ce qu'on déclare publiquement dans les capitales. Ces pays savent très bien qu'en avril, l'année dernière, il y avait des premiers messages que dans les rangs des manifestants il y avait des gens armés, qui provoquaient les pouvoirs à une réaction improportionnelle.
J'aimerais être particulièrement clair : nous ne justifions pas du tout la direction syrienne. La Russie considère que la Syrie a réagi d'une manière incorrecte aux premières manifestations pacifiques. Les autorités de la Syrie ont fait beaucoup d'erreurs, malgré les nombreuses promesses en écho à nos appels. Et les pas qui vont dans le juste sens sont entrepris tard. Malheureusement, à cause de cela le conflit a atteint un stade aigu.
Mais si nous sommes préoccupés par les citoyens paisibles, alors nous devons condamner ceux qui font de la provocation depuis assez longtemps, d'ailleurs. On dit, que ces derniers temps le peuple syrien a pris les armes et lutte contre le régime répressif. Ce n'est pas vrai. Parmi les manifestants il y a non seulement ceux qui défendent leurs maisons (bien sûr, que parmi eux il y a de tels gens aussi), et c'est une chose absolument claire. Mais en Syrie il y a de plus en plus des mercenaires et des terroristes, qui cherchent une nouvelle reconversion après avoir participé à la campagne militaire au Libye et en Irak. L'« Al Qaïda » y est présente. C'était reconnu en réalité par le Secrétaire d'État américain H.Clinton lors d'une audition au Congrès américain. À la question, pourquoi on ne peut pas fournir des armes à la Syrie pour l'opposition, elle a dit :« Nous ne sommes pas sûrs, dans quelles mains vont tomber ces armes, et nous ne pouvons pas fournir des armes, qui peuvent se trouver chez les terroristes ». Les journalistes «d'Al-Jazeera » ont démissionné récemment de la compagnie de télévision. Aujourd'hui ils déclarent publiquement qu'encore en avril, l'année dernière, ils voyaient des terroristes, qui tiraient sur les citoyens paisibles, en provoquant les pouvoirs syriens. Voilà pourquoi on ne peut pas passer sous silence tout cela. De toute façon, tôt ou tard ça se révélera.
Oui, les pouvoirs syriens agissent lentement et font beaucoup d'erreurs. Mais dès qu'on observe une certaine éclaircie, un progrès, alors une réaction opposée qui freine ce processus apparaît tout de suite. C'était la même chose avec les observateurs, envoyés par la Ligue des États arabes. À peine un mois de travail passé, la Ligue des États arabes a retiré ses observateurs et a fermé la mission, n'ayant pas attendu l'examen de leur rapport à New York, malgré le fait que les observateurs ont commencé à entreprendre des pas pour apaiser la situation. Au moins, les observateurs ont donné une information réelle, de laquelle découlait que non seulement les forces gouvernementales s'occupaient des choses inacceptables, mais aussi les terroristes.
Le 10 mars 2012 au Caire a eu lieu une rencontre entre les ministres des affaires étrangères des États membres de la Ligue des États arabes et la Russie. Suite aux résultats de cette réunion on été adoptés cinq principes du règlement, dont l'un dit « aucune intervention militaire du dehors ». Quelques heures après, mon collègue, le président du Comité spécial du Ligue arabe pour la Syrie, le Premier-ministre, le Ministre des affaires étrangères du Qatar Hamad ben Jassem Al-Thani, avec qui nous avons mené ces négociations, déclare qu'il faut introduire des troupes arabes ou internationales en Syrie. Cela a eu lieu juste quelques heures après la signature du principe sur « aucune intervention extérieure ».
La Russie soutient activement la mission de Kofi Annan, qui est un diplomate expérimenté. Si quelqu'un pouvait inventer quelque chose qui arrangerait tout le monde, cela ne peut être que lui. Il s'est rendu à Damas et a pris part à la téléconférence avec les membres du Conseil de la Sécurité de l'ONU. Actuellement en Syrie se trouve un groupe d'experts, qui avance les idées, formulées par Kofi Annan dans les contacts avec le gouvernement et l'opposition. Au même moment, sans quelques causes visibles les pays arabes du golfe Persique rappellent soudainement tous les ambassadeurs de Damas. Et en même temps a lieu une série des attentats terribles à Damas, à Alep et dans les autres villes. On a l'impression que tous ces événements sont arrivés pour empêcher la mission de K.Annan.
Question : Qui est intéressé d'empêcher la réalisation de cette mission dans la situation en question ? Pensez-vous que la Syrie c'est une place d'armes, où il y a une lutte entre les régimes sunnites du golfe Persique et l'Iran ?
S.V. Lavrov : La lutte a lieu dans toute la région. Il n'y a aucun doute que si le régime actuel en Syrie s'écroulait, il y aurait une tentation et une pression immense de la part de certains pays de la région au profit de la création du régime sunnite en République arabe syrienne. Dans cette situation ce qui nous inquiète c'est le destin des chrétiens et d'autres minorités religieuses comme les Kurdes, les Alaouites, les Druzes etc. Je ne peux même pas imaginer ce que peut se produire au Liban. C'est aussi un pays multiethnique et multiconfessionnel avec une faible structure étatique. Probablement, l'Irak va être aussi touché par ce processus, vu le fait qu'actuellement tous les postes dirigeants sont occupés par les chiites là-bas. Kurdistan c'est un problème à part. Là-bas il y a une assez grande autonomie, au moins, de facto. L'absence de résolution des problèmes avec la constitution et la position que les sunnites veulent avoir dans leur société. En effet, cette question est très dangereuse et il faut être particulièrement prudent.
Quand l'émissaire spécial de L'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie venait de commencer sa mission, le représentant du Conseil national syrien de la Turquie a déclaré que cette mission a déjà échoué, parce que K.Annan n'a pas demandé la démission de Bachar al-Assad, étant absolument une condition préalable intégrante de tout le reste. Nous étions déjà dans une situation pareille et nous comprenons parfaitement que cette exigence est irréaliste. Ce n'est pas parce que nous défendons Bachar al-Assad (on en parlait plusieurs fois), mais parce que c'est irréel. L'unique approche réelle c'est de demander à tous, qui ont au moins une influence sur n'importe quel belligérant en Syrie, d'arrêter toute la violence et de créer un mécanisme du monitoring. Il s'agit notamment de la mission prioritaire de K.Annan. Ensuite ceux, qui influencent sur les divers joueurs syriens, doivent réunir autour de la table des négociations les parties en guerre. C'est l'unique possibilité d'apaiser la situation.
Question : Avez-vous eu un dialogue avec Bachar al-Assad, lui avez-vous regardé dans les yeux. Comprend-il qu'il est trop lent dans ces décisions ? Peut être dans sa situation il vaut mieux qu'il demande sa démission et vient à Moscou ou à Minsk, au lieu de se trouver dans la situation comme M. Kadhafi ?
S.V. Lavrov : Personne ne l'invite à Moscou.
C'est possible, mais c'est à Bachar al-Assad de décider. Et s'il le décide, ce ne sera pas sur conseil de la Russie. Plusieurs capitales occidentales parlent de lui comme d'un criminel de guerre, en déclarant que sa place est à La Haye et au Tribunal international. Dans ce cas ce n'est pas à nous, mais à elles d'expliquer au président syrien, quelles possibilités il peut avoir dans sa situation. Et le principal, c'est le peuple syrien qui doit décider. Je suis convaincu que si un dialogue syrien commun (comme tout le monde le dit et à quoi tout le monde appelle) sera engagé, avec la participation de tous les représentants de l'opposition et du gouvernement sans exception, alors dans le cadre de ce dialogue il faut résoudre tous les problèmes, y compris la question concernant la personne qui dirigera la Syrie au moment de la période du transit, comme c'était le cas au Yémen.
Au Yémen tous les joueurs extérieurs internationaux ne parlaient jamais des conditions préalables. L'Europe Occidentale, les États-Unis, les pays du golfe Persique, la Russie, l'ONU et l'Union européenne demandaient à tous les Yéménites de se réunir autour de la table des négociations. Pendant plusieurs mois tout le monde faisait preuve de patience, malgré la continuation de l'action militaire, mais ce n'est pas le cas de Syrie. Le Conseil de Sécurité de l'ONU a validé la décision de Yémen, à partir du moment quand les Yéménites sont tombés d'accord sur le schéma de la transmission du pouvoir, y compris sur le départ et les garanties pour A.Salekhou.
Et à présent ils tentent de «mettre le charrue devant le cheval», c'est-à-dire ils tentent d'imposer aux Syriens le dénouement de la question via le Conseil de Sécurité, qui ne sera pas stable et ne provoquera que des nouvelles confrontations.
Question : Donc, si je comprends bien que quand les accords sont obtenus, la Russie peut être aimerait que Bachar al-Assad quitte la scène politique ?
S.V. Lavrov : La Russie ne veut qu'une chose - la fin du massacre en Syrie. Comment est-ce qu'on peut réussir ? Nous proposons des choses concrètes. Je viens de les citer. Tout le monde doit obliger ses « administrés » (excusez pour une telle expression) d'arrêter de tirer l'un sur l'autre. Il faut aussi créer un mécanisme impartial de monitoring de ce que se passe, permettant de se persuader que tous ont arrêté de tirer. Il faut que tout le monde fasse revenir à la table des négociations ses «administrés politiques». C'est une chose pareille quand on élit le Pape de Rome, on dit : Vous ne sortirez pas d'ici avant de prendre la décision.
Certains disent qu'après la démission de Bachar al-Assad tout s'arrangera tout seul. Ce n'est pas vrai. On n'a aucune une réponse claire sur la question comment tout va se passer et qui dirigera le processus, en prenant en compte le morcellement complet de l'opposition syrienne. L'OTAN, l'Union européenne et les États occidentaux, pris à part, déterminent la situation syrienne comme la situation à moitié sans issue. En même temps ils ne veulent pas faire revenir à la table des négociations ceux qui les écoutent. Voilà où est le souci.
Concernant le sang, qui se coule au Yémen, c'est un problème très sérieux. Au Yémen « Al Qaïda » agit activement. Dans les conditions, où « Al Qaïda » tente de provoquer dans ce pays des contradictions interethniques déjà existantes, il est important d'avoir une structure consolidante.
C'est bien qu'au Yémen tout est déjà coordonné et personne ne met pas en doute le pouvoir des autorités. Voilà où est la différence, et c'est justement ce que nous voudrions obtenir pour la Syrie. Comment peut-on demander au gouvernement syrien à déposer les armes, quand il y a des attentats à Damas, à Alep et dans les autres villes de la République arabe syrienne ?
Question : Est-ce que Bachar al-Assad le comprend?
S.V. Lavrov : Je pense que oui. Quand moi et M.Fradkov nous étions à Damas, Bachar al-Assad nous a dit qu'à partir de ce moment-là il était ouvert au dialogue politique avec tous les représentants de l'opposition, mais la guerre avec la terreur ne s'arrêterait pas. Je pense, qu'on ne peut pas passer à cote des manifestations de ce genre, comme les attentats qui ont eu lieu, et dans lesquels on voit les traces d' « Al Qaïda ». Autrement les gens vont vivre dans la peur perpétuelle.