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Discours du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et réponses aux questions des médias lors d’une conférence de presse en marge de la 69e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, New York, le 26 septembre 2014

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Mesdames et Messieurs,

Nous avons reçu de nombreuses demandes d'interview provenant de divers médias afin de clarifier la position de la Russie lors de ma participation à la 69e session de l'Assemblée générale. Etant donné que cette année mon séjour est de courte durée, j'espère que vous ne serez pas contre ce format de communication avec la presse.

La session de l'Assemblée générale des Nations Unies se tient dans des conditions assez difficiles. Nous constatons des problèmes de nature systématique, et il est important que ces difficultés systématiques et artificielles, tout comme objectives, figurent au premier plan de nos discussions. Cela s'applique également à la lutte contre le terrorisme. Certes, il est important de lutter contre les symptômes de ce mal, mais il faut également analyser les causes profondes de son apparition, les actions dictées par les meilleures intentions, qui conduisent parfois à une aggravation de la menace terroriste.

De même, on ne peut pas lutter contre les symptômes des problèmes qui surgissent sur le continent européen, y compris la crise ukrainienne. La crise du système de sécurité européen ne s'est pas produite à cause des événements en Ukraine, mais au contraire, les événements ukrainiens reflètent les profondes contradictions qui se sont accumulées dans la zone euro-atlantique depuis l'approbation des déclarations, après la fin annoncée de la guerre froide, selon lesquelles la sécurité pour tous les Etats européens devrait être égale et indivisible. Mais ce n'était pas le cas. En fait, l'expansion de l'OTAN se poursuivait, tout comme le mouvement de l'infrastructure militaire de l'OTAN à l'Est. Au lieu de faire l'indivisibilité de la sécurité le fondement de l'architecture européenne, ces promesses solennelles sont restées sur le papier, dans les déclarations.

Il y a également beaucoup d'autres choses qui nous préoccupent. Lors de la résolution de chaque problème il est très important de voir les causes qui l'ont provoqué. Sinon, nous continuerons à se heurter à l'absence d'approches communes pour des problèmes systématiques qui se dressent devant la communauté internationale. Nous avons beaucoup de partisans qui soutiennent cette approche du travail de l'Assemblée générale des Nations Unies et de l'Organisation des Nations Unies dans son ensemble.

Notre initiative lancée lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies, présidé par le Président des Etats-Unis Barack Obama, a été bien accueillie. Nous avons proposé (lors de l'adoption de résolutions telles que 2170 et 2178) de convoquer un forum représentatif avec la participation des pays du Proche-Orient et d'Afrique du Nord, les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et d'autres États concernés pour l'analyse systémique profonde des causes qui ont donné lieu et continuent à alimenter le terrorisme international. Il s'agit d'une menace commune à nous tous. Je pense que ce format serait utile. L'ONU a créé beaucoup de structures pour la lutte contre le terrorisme, qui doivent être utilisé activement, et surtout, correctement.

Je voudrais aussi parler de la situation en Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, l'Afghanistan. Problèmes au Proche-Orient et en Afrique du Nord se multiplient. En dehors des objectifs communs pour lutter contre la menace terroriste, il est important de se mettre d'accord sur la façon dont nous allons maintenir la paix et les processus politiques. Les questions internes de l'organisation de la vie doivent être réglées via un dialogue national impliquant tous les groupes politiques, ethniques et religieux de l'État, sans chercher à imposer des scénarios d'un règlement de l'extérieur. Je ne vais citer des exemples, mais il est de plus en plus évident que ce genre de tentatives de résoudre toute crise selon ses propres considérations, sans prendre en compte l'état des choses à l'intérieur du pays en question, ne conduisent pas à un règlement à long terme.

En conclusion, je tiens à mentionner le virus Ebola. Maintenant, c'est un problème qui doit nous unir. Nous avons soutenu activement la position du Secrétaire général de l'ONU et sa proposition sur la façon dont la communauté internationale devrait répondre à cette menace. La Russie va contribuer activement aux efforts de la communauté internationale. Nous avons déjà envoyé de l'aide et des médecins en Guinée. Nous préparons la même chose pour la Sierra Leone.

Il y a trois jours, lors de son intervention à l'Assemblée générale de l'ONU, Ban Ki-moon, a appelé à un strict respect des principes de la Charte des Nations Unies. Je crois que cette vérité évidente doit être toujours respectée, et dans ce cas il est utile de le répéter.

Question: Selon vous, quel est le rôle de la Russie dans la coalition formée contre l'Etat islamique? Quelle était la réaction du président russe Vladimir Poutine à l'intervention de Barack Obama à l'Assemblée générale des Nations Unies, lors de laquelle il a souligné le rôle de la Russie dans la crise ukrainienne?

S.Lavrov: En ce qui concerne la formation d'une coalition, vous posez la question comme si nous y sommes entrés. Nous luttons contre le terrorisme constamment et systématiquement, indépendamment du fait que quelqu'un décide d'annoncer la création de la coalition. Pour nous, ce n'est pas une tâche qui survient d'un coup.

Quant à la menace spécifique provenant de l'Etat islamique, Jabhat al-Nosra, Al-Qaïda et d'autres groupes radicaux de caractère terroriste et extrémiste, nous aidons activement et systématiquement les pays de la région confrontés à ces menaces. Cela s'applique également à la fourniture de nos armes suite à la demande des gouvernements de l'Irak, la Syrie, le Liban, le Yémen, l'Egypte et d'autres pays de la région. Nous sommes convaincus que nous devons tous renforcer la capacité des États à lutter contre les menaces à leur sécurité, y compris, la composante terroriste.

Nous sommes encouragés par le fait que récemment plusieurs autres pays ont accordé leur attention à la tâche d'améliorer l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. Nous partons du fait que toute action sur la scène internationale, et notamment le recours à la force afin de contrer la menace terroriste, doit être effectuée en conformité avec le droit international et avec le consentement des pays dans lesquels ces opérations sont effectuées. C'est une chose évidente, il est difficile de s'y opposer. Il est important qu'au moins «rétroactivement», une telle interaction avec les autorités - dans ce cas, syriennes - a été mise en place. Ceci est dans notre intérêt commun. Outre le fait que l'exclusion du gouvernement syrien de la lutte contre le terrorisme dans ce pays se trouve en violation du droit international, cela réduit l'efficacité de ce travail. Il ne faut pas répéter les erreurs faites lors de la convocation d'une conférence de paix sur la crise syrienne : alors, pour des raisons idéologiques, on a refusé d'inviter l'Iran. Est-ce que cela aide à la discussion? À mon avis, non. Du point de vue du droit international, et en termes de pragmatisme et de bon sens, ce format devrait être inclusif, où tous ceux qui peuvent en quelque sorte contribuer à la solution du problème doivent travailler en équipe.

En ce qui concerne votre question sur la déclaration du président Barack Obama qui a dit qu'après le virus Ebola et le terrorisme, c'est la Russie qui constitue l'une des principales menaces. Je ne pense pas que cette liste reflète l'image de la Fédération de Russie dans la communauté internationale.

Question: Comme vous le savez, les membres de la coalition anti-terroriste déclarent que les racines du terrorisme en Syrie se trouvent dans les actions du gouvernement syrien à l'égard de la première vague de protestations politiques. C'est un allié de la Russie, vous avez une grande influence sur Assad. Ne pensez-vous pas qu'en modifiant votre position et usant de votre influence sur le régime syrien, appelant Assad à accepter le processus de Genève, la Russie pourrait contribuer à la lutte contre le terrorisme, et peut-être entrer dans la coalition formée?

S.Lavrov: Non seulement vous personnellement, mais de nombreux dirigeants des grands pays ont déclaré à la tribune de l'Assemblée générale des Nations Unies, que le terrorisme international a levé la tête, parce que Bachar al-Assad ne veut pas partir. C'est une déclaration très sérieuse, nous l'avons entendu de la part de nos partenaires, ainsi que des affirmations selon lesquelles la réticence du président syrien à quitter son poste a provoqué tous les problèmes en Irak.

L'histoire de terrorisme ne date pas de la «printemps arabe». Je me rappelle le bombardement illégal de l'Irak en 2003, le renversement du régime ferme, mais laïque, l'expulsion, par ordre d'un chef américain, de la mission civile des sunnites installés en Irak de tous les postes plus ou moins importants au sein de l'armée, du service de sécurité. Il me semble qu'en parlant des racines de la menace terroriste, nous devons toujours nous rappeler quelle était la situation avec la présence ou l'absence de terrorisme il y a 11 ans.

De même, la Libye ne pourrait jamais imaginer une situation où une grande partie du pays sera capturé par les divers groupes terroristes qui y créent leurs enclaves, organisant la production et la vente de pétrole. Je ne vois pas aucun lien entre la situation en Lybie et la réticence d'Assad, comme vous le dites, à remplir la déclaration de Genève. Ce document a été adopté en juin 2012. Après Bachar al-Assad, peut-être sans beaucoup d'enthousiasme, a dit qu'il était prêt à parler sur une telle base. C'était l'opposition qui a catégoriquement rejeté cette déclaration. Notre tentative de présenter ce document à l'approbation du Conseil de sécurité de l'ONU a également échoué. Cela s'est produit seulement un an après l'adoption de la Déclaration de Genève, lorsqu'avec le secrétaire d'Etat américain John Kerry nous avons proposé de convoquer une conférence à Genève.

La première expérience à Montreux a confirmé que tout le monde doit remplir ses engagements dans le cadre de la déclaration de Genève. Du point de vue de l'organisation du processus politique, la chose principale consiste à l'exigence – comme enregistré dans le communiqué de Genève – de garantir la participation d'un large éventail de la société syrienne : tous les groupes politiques, ethniques et religieux. Je ne pense pas que la «Coalition nationale», avec laquelle nous restons en contact, communiquons avec ses membres, représente l'ensemble de la société syrienne. Il y a des comités nationaux de coordination, qui opèrent à l'intérieur de la Syrie et représentent une opposition sérieuse au régime ; il y a d'autres organisations comme kurdes, qui n'ont pas délégués leurs pouvoirs de participants potentiels au dialogue national aux membres de la «Coalition nationale». On a coopté quelques individus, mais l'inclusion de l'opposition n'est pas assurée. C'est d'ailleurs ce que reconnaissent nos partenaires américains, quand avec eux nous revenons à la nécessité de ne pas oublier le processus politique en vue d'un règlement de la situation syrienne.

Il faut lancer des discussions au fond. Plus de 50 pays ont été invités à la conférence à Montreux, et elle s'est rapidement transformée en une « Assemblée générale des Nations Unies » au format réduit, où on n'entend que soi-même et déclare ses propres positions. Pour un travail sérieux il faut moins de publicité, moins de situations obligeant les négociateurs à prendre des positions extrêmes pour se manifester devant les médias et être soutenu par son électorat. Il doit y avoir un groupe compact, avec la participation de la principale force d'opposition, le gouvernement syrien, les principaux pays de la région. Je pense que tous les voisins, y compris l'Iran, devrait être impliqué. Il ne s'agit pas seulement d'Assad. L'inclusion d'une équipe d'opposition et des participants externes n'est pas assurée : sans Iran la conversation ne sera pas intégrale. Nous encourageons à adopter une approche complexe et à ne pas rejeter la responsabilité sur une seule personne élue par quelqu'un comme une cible principale. Dans cette région et ailleurs, comme en Yougoslavie, nous avons tous vu la situation où, pour le renversement d'un seul leader, considéré comme autoritaire, l'Etat européen a été réduit en ruines, les membres de l'OSCE ont utilisé la force contre un autre membre de l'OSCE, en violation de tous les principes de la Helsinki et d'autres. Soyons francs. Le pays a été détruit afin d'éliminer Saddam Hussein. Maintenant, nous devons soutenir l'Irak, pour qu'il retrouve son intégrité territoriale et le contrôle du pays, en tenant compte des intérêts des Chiites, Sunnites et Kurdes.

Je mets en garde et invite à résister à la tentation de voir des solutions simples, comme, par exemple, certaines déclarations qu'après la disparition d'Assad tout ira bien. Rien de tel ne se produira. Nous devons faire ce travail de manière professionnelle, quel que soit le temps, les goûts personnels et la réticence à s'asseoir à une table de négociation avec certains acteurs. Ce sont les caprices qui sont déplacées pour la politique mondiale.

Question: Pourriez-vous expliquer exactement comment la Russie participe à la lutte contre le terrorisme en Irak, en Syrie et au Liban?

S.Lavrov: Comme je l'ai déjà dit, nous aidons ces pays à assurer la sécurité en leur fournissant des armes et des équipements militaires. Pour de nombreux pays, nous formons des professionnels et avons l'intention d'étendre cette pratique. Nous avons établi un contact mutuellement utile dans le cadre des structures de la sécurité. Pour des raisons évidentes, je ne peux pas en parler plus en détail. La lutte contre le terrorisme comprend les services des renseignements et les services spéciaux. Je vous assure que cela fonctionne de manière très efficace.

Question: Comment voyez-vous la fin de la crise ukrainienne? Par exemple, le gouvernement a proposé l'autonomie aux régions du sud-est, mais les séparatistes répondent que ce n'est pas assez. Est-ce que la situation en Ukraine peut répéter celle de la Moldavie, et une partie du pays pourrait se détacher?

S.Lavrov: Je suggérerais de ne pas se concentrer sur ce que disent les parties des négociations. Il n'y a pas longtemps ils ont déclaré de ne pas vouloir s'assoir à la même table, parce que le gouvernement a appelé les représentants de Donetsk et de Lougansk des «terroristes» et des «séparatistes», et ils ont dit qu'ils avaient tenu un référendum sur l'indépendance, et il n'y avait plus rien à discuter. Cependant, malgré ces positions extrêmes, qui ont été élaboré sous l'influence de l'opinion publique dans les différentes régions de l'Ukraine, les représentants du Président ukrainien Piotr Porochenko et les dirigeants des républiques autoproclamées (les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk) sont parvenus à se rencontrer à Minsk et, avec le soutien de la Fédération de Russie et l'OSCE, se sont mis d'accord sur deux documents : le Protocole comprenant une feuille de route (Document-cadre) et un mémorandum, signé le 19 septembre, stipulant des mesures qui doivent être prises pour assurer un cessez-le-feu durable: l'apaisement de la tension entre les parties, le retrait de l'équipement lourd, le déploiement d'observateurs de l'OSCE. Tout cela est actuellement mis en œuvre dans la pratique. Les parties se sont mis d'accord d'appliquer une même approche dans le cadre du processus de Minsk par rapport aux autres dispositions du Protocole signé le 5 septembre dernier.

La conversation se poursuit, et personne n'y renonce. Quoi qu'on déclare à Kiev, Donetsk et Lougansk, ils sont en train d'harmoniser les prochaines étapes dans le cadre du processus de Minsk, que nous soutenons activement. Nous ferons tout notre possible pour faire poursuivre ces négociations et assurer leur efficacité.

Question: Le quotidien « Financial Times » a rapporté que le président russe Vladimir Poutine avait menacé les mesures immédiates contre l'Ukraine. Est-ce que Moscou considère le gouvernement de Kiev légitime?

S.Lavrov: Nous menons les négociations avec le président ukrainien Piotr Porochenko, nos gouvernements sont en contact quotidien au niveau des ministres de l'économie, du commerce, de l'énergie, et d'autres organismes. Les voies de communication ne manquent pas. Je ne sais pas ce qui est écrit dans le « Financial Times », mais aucune sanction contre l'Ukraine afin de saper son économie n'a pas été déclarée et personne n'a intention de le faire.

Permettez-moi de vous rappeler en quelques mots, que, à un moment où l'Ukraine s'apprêtait à signer un accord d'association avec l'UE, nous avons attiré l'attention des partenaires de Kiev et de Bruxelles sur le fait que l'Ukraine avait déjà des engagements dans le cadre de l'autre zone de libre-échange - la CEI. Les engagements dans le cadre de l'accord de libre-échange, que l'Ukraine allait prendre suite à l'accord avec l'Union européenne, se trouvaient en conflit avec le régime de la zone de libre-échange au sein de la CEI. C'est une chose évidente. C'est la décision du président Viktor Ianoukovitch de reporter la signature de ce document avec l'UE et d'analyser la situation une fois de plus qui a déclenché le premier Maïdan, qui s'est transformé en révolution armée. Presque personne ne s'en souvient, affirmant que Viktor Ianoukovitch était corrompu, ne partageait pas les valeurs européennes, mais c'est la décision du président légitime de ne pas annuler, mais de reporter la signature du document avec l'Union européenne, qui est devenue le «déclencheur» de la crise. Quelqu'un tenait à voir le succès du sommet du Partenariat oriental de l'UE à Vilnius. Je considère qu'il est irresponsable d'ajuster les choses graves qui ont finalement mené à la crise profonde dans ce grand pays, et les faire otages de ses ambitions personnelles et le désir de déclarer au monde entier que l'Ukraine a presque adhérer à une association avec l'Union européenne. D'autant plus qu'au moment où les Ukrainiens ont proposé de tenir des consultations spéciales avec la participation de la Russie et de l'UE et de voir comment construire une séquence d'étapes qui permettraient d'harmoniser les engagements de l'Ukraine dans le cadre de la zone de libre-échange de la CEI, dont elle ne voulait pas sortir, avec ceux dans le cadre de la zone de libre-échange avec l'UE, qu'elle allait se joindre. C'est tout. Alors Bruxelles a déclaré que la Russie n'avait rien à faire ici, parce que c'étaient leurs affaires avec les Ukrainiens et il ne faut pas y intervenir. Ainsi on a renoncé à ces consultations. Maintenant, ces consultations ont lieu, et Bruxelles se montre très intéressé. En outre, nous sommes convenus de reporter à la fin de 2015 l'entrée en vigueur des articles de la convention entre l'Ukraine et l'UE, qui affectent la zone de libre-échange de la CEI.

J'attire votre attention sur le fait que M. Ianoukovitch a été renversé en raison du fait qu'il avait décidé de reporter la signature du document. Le président Piotr Porochenko l'a signé, les parties l'ont ratifié, mais l'application des articles qui nous préoccupent a été reportée de plus d'un an pour essayer de trouver des solutions et d'harmoniser les intérêts de tous les acteurs économiques dans ces processus. Il s'avère qu'on s'est retourné à la même situation, qui a précédé la révolution en Ukraine. Viktor Ianoukovitch a reporté l'application des articles qui pourraient affecter l'économie des pays de la CEI, ce qui a été fait maintenant. La seule différence est les milliers de vies perdues, un grand nombre de villes, de villages et d'infrastructures détruits dans le pays. A ce jour, il n'est pas clair pourquoi tout cela a été fait.

Quant aux mesures de réponse de la partie russe, nous n'avons jamais dit que nous allions punir quelqu'un. Mais si l'Ukraine rejoint la zone de libre-échange avec l'Union européenne dans son intégralité, alors nous serons obligés d'abandonner le tarif zéro sur les exportations ukrainiennes vers la Fédération de Russie. Nous adopterons alors le principe de la nation la plus favorisée dans nos relations commerciales avec l'Ukraine. Rien de plus.

Question: Pouvez-vous confirmer que les membres du Parlement européen se sont fait refuser l'entrée en Russie?

S.Lavrov: Je ne sais pas. Si vous pouvez citer les noms, je vais essayer de le clarifier, mais je n'ai pas entendu rien de tel.

Conformément à la décision du Parlement européen, comme on le sait, de nombreux parlementaires russes ne peuvent pas entrer dans l'UE. Peut-être quelqu'un parmi les membres du Parlement européen figurait dans les listes de réponse parce que nous ne pouvons pas ignorer une telle attitude de la part du Parlement européen. Si vous dites les noms, je vais essayer de le découvrir.

Je répète que je ne suis pas au courant de cette affaire, mais je ne vois rien d'inhabituel. Tout pays a le droit de refuser l'entrée à un ressortissant d'un autre pays sans donner des explications. Je ne sais pas s'il s'agit d'une raison liée à l'introduction de sanctions à l'encontre de nos députés.

Vous essayez de prendre cette question en particulier, en la plaçant sur la une. J'aurais pensé au fait que nous n'avons aucun progrès avec l'UE en ce qui concerne la tâche, proclamé il y a longtemps au sein de l'OSCE, concernant la suppression des visas à l'Europe. Si nous ne réglons pas les problèmes systémiques, nous nous heurterons sur les cas particuliers.

En 1975, l'OSCE a proclamé le principe de libre circulation. Durant dix ans, la Russie et l'UE ont élaboré des documents. Bien avant la crise ukrainienne, l'Union européenne s'est défilé, décidant de ne pas signer le document sur la suppression des visas pour nos citoyens pour des raisons purement politiques. On nous a dit directement que les pays du Partenariat oriental seraient les premiers à bénéficier d'un régime sans visa, et les Russes devraient attendre, même si nous avions tout préparé, à la différence des pays du Partenariat oriental.

Aujourd'hui, j'ai entendu que quelqu'un n'a pas été autorisé d'entrer, quelqu'un a été fouillé. C'est pour cela qu'il faut tenir d'autres séances d'information. Si nous parlons de la politique mondiale, il faudrait trouver un accord sur le système de choses.

Question: Pourriez-vous nous dire à quel point le règlement de la crise ukrainienne est réel?

S.Lavrov: J'espère que le processus de paix sera durable. Il ne peut être que progressif, cohérent, nécessitant un entretien approprié, quand tous les «joueurs étrangers » agiraient de la même manière. Parfois, il semble que certains membres du gouvernement ukrainien, en particulier, A.Iatseniouk, nommé au poste du Premier ministre par la Verkhovna Rada, ne soutiennent pas les étapes menant à la normalisation de la situation dans le Sud-Est de l'Ukraine, appelant à renoncer au statut du pays non-aligné. Tout cela ne contribue pas aux actions menées, si je comprends bien, suite à l'ordre du président Piotr Porochenko. Dans les contacts avec des collègues européens et américains, nous attirons constamment l'attention sur le fait qu'il faut influencer les parties ukrainiennes dans un sens constructif, plutôt que les inciter à saper le processus de paix.

Question: Maintenant on parle d'une nouvelle «guerre froide» entre les États-Unis et la Russie. Du point de vue de la Russie, qu'est-ce qu'il faut faire pour améliorer et restaurer les relations avec les Etats-Unis pour les ramener à l'état de ces dernières années?

S.Lavrov: En ce qui concerne une nouvelle « guerre froide », j'en ai déjà parlé avec de nombreux collègues au cours de cette session. J'ai rencontré les différents groupes régionaux d'Afrique et d'Amérique latine. Et certains de mes collègues m'ont dit que maintenant il est devenu clair que la «guerre froide» n'a jamais cessé. Ceux qui ont gagné la guerre (comme vous vous en souvenez, on a annoncé « la fin de l'histoire»), n'ont jamais renoncé à user de la situation dans ses intérêts géopolitiques, contrairement aux déclarations de l'égalité, du bénéfice mutuel, le respect mutuel des intérêts, l'indivisibilité de la sécurité et autres.

Que faire pour améliorer les relations avec les Etats-Unis? Nous ne les avons pas gâchées. Nous n'avons pas aggravé la relation ni lors de «l'affaire Magnitski » ni lorsque, comme un « coup de tonnerre », est apparu E.Snowden et les Américains ont été terriblement offensé contre la Russie, même en prenant la décision d'annuler la visite du Président des Etats-Unis Barack Obama à Moscou à la veille du sommet du G20 à Saint-Pétersbourg. Nous n'avons pas aggravé la relation et avons fait et continuons à faire tout notre possible pour préserver les voies de communication, ce qui définit le caractère des relations entre Moscou et Washington.

L'activité de la Commission russo-américaine présidentielle, dont les coordonnateurs sont le secrétaire d'État américain et le ministre russe des Affaires étrangères comprend environ 20 groupes de travail, n'a pas été suspendue suite à notre initiative. Maintenant, elle est « gelée » suite à l'initiative de la partie américaine. Tout d'abord, pour une raison inconnue, ils ont suspendu un groupe de travail sur le dialogue entre les sociétés civiles, et puis tout le reste, y compris les groupes anti-terroriste et anti-drogue - c'est-à-dire groupes s'occupant de questions qui ont réfraction pratique et auxquels les Américains sont prêts à renoncer, ayant le désir simple de nous punir.

Nous ne voyons pas la nécessité d'initier des mesures. Nous sommes prêts pour un travail honnête et équitable. On essaie de nous envoyer des signaux, proposant de se mettre d'accord sur les critères que nous devons effectuer, et ensuite ils vont progressivement supprimer les sanctions. Ce n'est pas une approche sérieuse. Je suis étonné que les gens occupant les postes diplomatiques puissent présenter de telles propositions. La Russie veut travailler avec tous ceux qui y sont prêts, sur la base de l'égalité et des intérêts mutuels. Dès que nos partenaires atteignent la maturité, ils seront les bienvenus.

Question: Au cours du mois prochain, le président Vladimir Poutine doit effectuer une visite officielle à Belgrade. Quel est le but de cette visite? La Serbie envisage de signer avec l'UE le Pacte de stabilité et de croissance. Quelle est votre opinion sur les perspectives d'adhésion à l'OTAN du Monténégro, la Macédoine et surtout de la Bosnie-Herzégovine?

S.Lavrov: La visite du président russe Vladimir Poutine est dédiée au 70e anniversaire de la libération de Belgrade des nazis. Nous vénérons la mémoire de la guerre, de notre fraternité avec les Serbes et les autres peuples de l'Europe lors des combats. La participation aux activités consacrées à cet effet dans la capitale serbe sera l'évènement solennel central de la visite.

Nous avons tout un ensemble de projets communs avec la Serbie dans les secteurs économique et d'investissement. Nous avons des sujets à discuter et des tâches supplémentaires à définir pour approfondir notre partenariat.

Dans les relations de la Serbie avec l'Union européenne, nous partons du fait que Belgrade est intéressé à trouver de tels accords avec Bruxelles, qui n'affecteront pas nos relations dans les domaines du commerce, d'économie et d'investissement. Nos amis serbes nous en parlent ouvertement, et nous avons établi un dialogue à ce sujet. A ce stade, nous n'avons pas rencontré de problèmes.

Je considère comme une erreur l'élargissement de l'OTAN. C'est même une provocation dans une certaine mesure. C'est une politique irresponsable qui compromet les engagements à construire en Europe un système unique de sécurité égale et indivisible pour tous indépendamment de l'appartenance à un bloc militaro-politique quelconque ou de la neutralité.

Apres la disparition du Pacte de Varsovie, il y a eu des responsables occidentaux qui ont sérieusement suggéré de faire un pas radical : ne pas dissoudre l'OTAN, mais charger l'OSCE des tâches principales pour assurer que la sécurité militaire et politique en Europe. Maintenant, cela serait une organisation très différente et toute autre histoire dans le contexte de ce qui se passe actuellement : donner à tous la possibilité de participer dans les accords juridiquement contraignant sur l'indivisibilité de la sécurité. Par la suite, les évènements ont suivi un autre scénario. Les promesses de ne pas élargir l'OTAN, de ne pas déployer les forces de combat non substantielles sur le territoire de nouveaux membres (de l'Alliance) sont restées sur papier. C'est triste. L'incapacité de négocier est aussi l'un des plus grands problèmes d'aujourd'hui, ainsi que l'incapacité de traiter de manière collective des problèmes systématiques existants. Nous constatons une tentation de saisir un symptôme et de le traiter.

Question: Que pensez-vous de l'adhésion possible de la Géorgie à l'OTAN? Hier, dans une interview à «USA Today», le Secrétaire général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen a déclaré que la Russie avait un plan d'action pour créer une pression et contrôler les pays voisins, ainsi que le fait que la Russie considérait l'OTAN comme un ennemi. De quoi s'agit-il, quelle sera votre réponse?

S.Lavrov: Anders Fogh Rasmussen a fait autant de déclarations après avoir quitté ce poste que je n'arrive même pas à les suivre. Il se considère comme un homme politique à l'échelle mondiale, tandis qu'il est fonctionnaire chargé de coordonner le travail du Secrétariat de l'OTAN. Je ne voudrais plus rien rajouter à ma réponse.

En ce qui concerne le problème général de l'élargissement de l'OTAN, je l'ai déjà dit, en réponse à la question précédente. Nous croyons que c'est une grave erreur et le rejet des engagements qui ont été prises au niveau politique au début des années 1990 et plus récemment.

Question: Hier, la France a proposé de limiter le droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, affirmant que dans le cas contraire le travail de cet organe serait paralysé. La Russie est-elle prête à renoncer à ses privilèges pour débloquer le travail du Conseil de sécurité des Nations Unies? Quelle sera la réaction de Moscou si les Etats-Unis et leurs alliés décident de déployer les troupes au sol dans le Nord de l'Irak?

S.Lavrov: En ce qui concerne le droit de veto, nous sommes prêts à en discuter, mais il est peu probable d'aboutir à un résultat quelconque, parce que, premièrement, le droit de veto est inscrit dans la Charte des Nations Unies, et nous ne voyons aucune chance de changer la Charte des Nations Unies dans cette partie pour une variété de raisons, non seulement parce qu'il s'agit de la position de la Fédération de Russie. Deuxièmement, même si en théorie nous supposons qu'on commence une conversation et essayons de trouver une solution en réponse à la proposition française, dans la pratique, ceci est impossible d'imaginer. Il s'agit ici de renoncer volontairement au droit de veto dans des situations comme les violations massives du droit humanitaire international, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Qui et comment va déterminer le niveau de souffrance des gens pour renoncer volontairement au droit de veto? Cent, deux cent mille personnes? Rappelez-vous la phrase que «la mort d'un homme est une tragédie ; la mort d'un million d'hommes est une statistique ». C'est tout simplement irréaliste. Avec tout le respect dû aux raisons qui ont amené la France à mettre en avant cette idée, je ne vois pas comment elle pourrait fonctionner.

Question: Les élections au Parlement européen ont eu lieu récemment. Le mois prochain la ministre italienne des Affaires étrangères F.Mogherini deviendra la haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères. Avant sa nomination au poste, on a pu constater une certaine résistance, car elle était soupçonnée d'être pro-russe. Qu'attendez-vous de l'Europe? Que ferait-elle afin de résoudre la situation avec la participation russe en Ukraine? Avez-vous des recommandations pour améliorer les relations entre l'Europe et la Russie?

S.Lavrov: J'ai compris de votre question que la personne considérée comme pro-russe, n'a aucune chance de faire carrière dans l'UE. Donc si F.Mogherini est nommée, cela prouve qu'elle n'est pas pro-russe, non?

En fait, il s'agit d'une perception fautive de la situation. Nous avons beaucoup d'amis en Europe. L'Italie est l'un d'eux, ainsi que la France, l'Allemagne ... Je ne veux offenser personne. Il y a beaucoup de pays avec lesquels nous maintenons les relations d'amitié. Je ne pense pas qu'ils peuvent être accusés comme « pro-russes ». Cela démontre le niveau de la politique dans certaines parties de l'Europe et parfois à Bruxelles.

Je n'ai pas de conseils pour F.Mogherini. Elle a une riche expérience, elle comprend les intérêts de son pays, car actuellement elle occupe le poste de ministre des Affaires étrangères, et elle a suffisamment d'expérience pour représenter les intérêts de l'UE dans son ensemble.

J'espère que les intérêts de l'Union ne seront substitués par les intérêts des personnes qui travaillent au siège de l'Union européenne, le service des Affaires étrangères et la Commission européenne à Bruxelles. C'est une question qui doit être abordée avec les membres de l'Union européenne. Très souvent, nous disons l'Union européenne, mais en réalité il s'agit de la position de la Commission européenne, ou même d'un ou deux commissaires.

Le Royaume-Uni a posé une question au sujet de lui-même. En Ukraine, l'ancien président Viktor Ianoukovitch a reporté la signature d'un accord d'association avec l'Union européenne, et il a été renversé, et le Royaume-Uni veut changer leurs droits au sein de l'Union européenne, et ceci est considéré comme normal.

Il s'agit d'un problème au sein de l'UE, et nous ne pouvons rien conseiller ici. Nous ne pouvons que confirmer notre intérêt à ce que l'UE soit notre partenaire, règle tous ses problèmes, ait sa propre voix et dans les affaires économiques et politiques internationales. Nous apprécions le partenariat stratégique entre la Russie et l'Europe, qui est fixé dans plusieurs documents déjà existants. Nous avons beaucoup de projets d'avenir en commun, y compris dans le secteur des hautes technologies, nos échanges ne cessent d'augmenter. Je suis convaincu que les intérêts fondamentaux de l'UE et de la Russie prendront le dessus sur les obstacles extérieurs et permettront renforcer notre partenariat.

En réponse à votre question ce que doit faire le Service européen pour l'action extérieure pour aider à résoudre la crise en Ukraine, je dirais qu'il ne faut pas s'en mêler et appuyer les positions fixées dans les documents, y compris avec la participation de l'UE et de ses Etats membres comme la France et l'Allemagne. En avril dernier l'Union européenne, avec la Russie, les Etats-Unis et l'Ukraine ont signé la Déclaration de Genève, que nous l'avons déjà mentionné, qui a fixé l'engagement des autorités de Kiev à commencer immédiatement un processus politique inclusif, transparent et responsable, impliquant toutes les régions et les forces politiques afin d'élaborer la réforme constitutionnelle. Encore une fois, c'était en avril, mais l'expression «commencer immédiatement » n'a pas été reflété en pratique. Nous avons proposé d'approuver cette déclaration à l'OSCE et au Conseil de sécurité des Nations unies. Nos partenaires occidentaux, dont les Etats-Unis et les États membres de l'UE, ont refusé de le faire. Par conséquent, il est nécessaire de ne pas intervenir, et remplir ses engagements. C'est la question de négociabilité.

Depuis avril, il y avait deux ou trois «tables rondes», mais ils n'ont pas rempli les conditions mentionnées dans la déclaration de Genève : établir un dialogue inclusif impliquant toutes les régions et toutes les forces politiques. Mieux vaut tard que jamais. Malgré la résistance pendant la période d'avril à septembre, ce qui a été encouragé par certains pays occidentaux, les parties ukrainiennes ont pu s'asseoir à la table des négociations, aboutissant à des accords de Minsk, dont tout le monde s'est félicité. Auparavant, l'Occident empêchait un tel dialogue, préconisant l'utilisation de la force contre la population du sud-est.

Question: Quel est le rôle du «Quartette» et le Conseil de sécurité des Nations unies dans un règlement de la situation en Palestine et dans la bande de Gaza. Le Conseil de sécurité n'aurait-il pas dû intervenir plus tôt ou il doit agir maintenant?

Pourriez-vous parler également des progrès des négociations « 5 + 1 » sur l'Iran. Nous entendons beaucoup d'évaluations américaines et parfois européennes. Quelle est la position de la Russie sur cette question? Comment se déroule le processus de négociation, et serait-il achevé d'ici novembre?

S.Lavrov: En ce qui concerne les négociations sur le programme nucléaire iranien, je garde un optimisme prudent. Nous sommes très proches du but si l'on regarde tout le travail effectué sur le texte de l'accord, mais il reste quelques petits détails qui s'avèrent être les plus compliqués à résoudre. J'ai le sentiment que tous les acteurs de ce processus veulent qu'il mène à un résultat. Le 24 novembre est la date définie par des équipes de négociation, et on a encore du temps. Nous allons tout faire pour résoudre de manière mutuellement acceptable les petites questions de grande importance.

En ce qui concerne le problème palestinien, je crois que sa longue suspens est l'un des facteurs les plus importants qui permettent aux extrémistes de recruter des jeunes dans leurs rangs et imposer l'idée que tout processus de paix n'atteindrait jamais la justice. Ils évoquent l'Etat qui leur a été promis il y a 70 ans, mais ils ont été trompés. Et cela marche. Nous savons comment les extrémistes recrutent les gens dans les rangs des «Etats islamiques» et d'autres organisations terroristes.

Le « Quartette » était une invention très utile. Les dernières années de son fonctionnement, nous avons proposé à plusieurs reprises d'élargir sa composition et, en plus de l'ONU, l'UE, les Etats-Unis et la Russie, assurer la présence de la Ligue des États arabes (LEA). En règle générale, les contacts entre le « Quartette » et la Ligue arabe ont été réduits à l'annonce aux représentants de la Ligue des décisions prises par le « Quartette» lors d'une réunion. Ce n'est pas respectueux, ni productif. La Ligue arabe est également une structure complexe, qui exprime différents points de vue. Mais si tout le monde pensait la même chose, nous n'aurions pas besoin de diplomatie. La Ligue arabe devrait être impliquée dans le processus. Elle est l'auteur de l'Initiative de paix arabe, proposée par le roi d'Arabie Saoudite et qui, d'ailleurs, a été soutenue non seulement par les Arabes, mais aussi par l'Organisation de la coopération islamique (qui comprend plus de 50 pays). Je suis convaincu que l'Initiative de paix arabe est la clé de la mise en œuvre des décisions prises à l'ONU et dans le cadre d'autres processus : les principes de Madrid, et d'autres.

Le « Quartette » ne s'est pas réuni depuis un an. Nous savions que les parties étaient convenus de travailler avec la médiation des Etats-Unis, avaient demandé le délai de neuf mois afin de tenter de parvenir à un résultat. Ils ont échoué. Ensuite, nous avons tous été occupés par « la lutte contre l'incendie » dans la bande de Gaza. Dieu merci, grâce à l'Egypte, il a été possible d'établir un cessez-le-feu durable. C'est également grâce à la médiation de l'Egypte, on a fait des progrès dans le rétablissement de l'unité palestinienne entre le Fatah et le Hamas, sans lequel aucunes négociations n'aboutiront pas à des résultats durables en ce qui concerne la question palestinienne.

Nous voulions que le Quartette se réunisse cette semaine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU. Certains de nos partenaires ont répondu que comme nous n'envisagions d'adopter aucun document, la réunion allait être perçue comme un échec. Je crois que ce sont des craintes injustifiées. Dans la situation actuelle, vu la quantité des évènements, ce serait une bonne idée de convoquer la réunion quadripartite (idéalement avec la participation des représentants de la Ligue des États arabes) et, sans public, sans journalistes, sans tribune de l'Assemblée générale ou du Conseil de sécurité, partager nos estimations et envisager des mesures à prendre pour aider à surmonter cette impasse. Mais ils n'ont pas voulu. Nous allons tout de même continuer à travailler. Pas nécessairement dans le cadre du «Quartette». Je pense que le format avec la participation obligatoire de la Ligue arabe serait très utile.

Question: Comment pourriez-vous commenter les raisons de la persécution des Tatars de Crimée, et y a-t-il des plans pour les expulser, tout comme Joseph Staline l'a fait en 1944?

S.Lavrov: Je ne peux pas répondre à cette question, parce que je ne sais pas de quelles persécutions il s'agit.

En ce qui concerne la situation des Tatars de Crimée, ils sont les citoyens de la Fédération de Russie et sont soumis au même règlement comme tout autre citoyen de notre pays. Je n'ai pas entendu parler de problèmes quelconque. En Crimée il y a eu des incidents avec des signes d'activité extrémiste. Dans ce cas, nous appliquons des mesures de prévention, ainsi que dans toute autre partie de la Fédération de Russie, lorsqu'on constate les manifestations d'extrémisme.

Aucune expulsion n'est pas prévue, et personne n'y pense. J'attire votre attention que, après un référendum en Crimée, la grande majorité de la population locale a pris volontairement cette décision. L'un des premiers actes après la réunification de la Crimée avec la Russie est devenu l'adoption de trois langues nationales, y compris le tatar de Crimée, qui a obtenu le statut officiel, ce qui n'était pas le cas lorsque la Crimée faisait partie de l'Ukraine.

Quand, après l'effondrement de l'URSS, la Crimée est devenu partie de l'Ukraine, elle a adopté sa propre constitution, a proclamé l'autonomie. Après cela, la plupart des privilèges et droits énoncés dans ce document ont été abrogés par les autorités de Kiev. Durant toutes ces années on n'a jamais évoqué le problème de l'occupation illégale des terres. Les Tatars de Crimée sont rentrés dans leur pays d'origine, ils n'avaient nulle part où vivre, et ils ont simplement occupés les terres. Ce problème s'accumulait et devenait de plus en plus dangereux. Le deuxième acte du gouvernement russe après la réunification est une amnistie pour tous ceux qui avaient occupé les terres. Ainsi, je tiens à vous assurer que nous allons garantir les droits du peuple de la Crimée, tout comme les droits des gens résidant en Crimée et à la Fédération de Russie dans son ensemble. Telle est notre politique.

Le Crimée a tenu les élections à l'Assemblée législative et l'exécutif. Les personnes élues sont connues et elles prennent leur travail très au sérieux. Je suis convaincu que tout cela ne va qu'améliorer la situation en Crimée.

Question: En Ukraine, on a découvert des charniers dans des endroits de dislocation des troupes gouvernementales. L'enquête se poursuit, dans les tombes il y aurait des dizaines, voire des centaines de personnes. Il y a des rapports qu'il pourrait s'agir des civils. L'OSCE se serait prononcée prête à mener une enquête indépendante sur ces faits, suivie par l'ONU. Avez-vous évoqué ce sujet avec vos collègues?

S.Lavrov: Oui, bien sûr. Nous en avons discuté avec le Secrétaire général de l'ONU, le Secrétaire général de l'OSCE, le Président de l'OSCE. Les employés de la mission de surveillance de l'OSCE, qui opère en Ukraine, ont visité au moins une partie des fosses communes. Je doute qu'ils ont pu visiter tous les charniers découverts. Ils ont un ordre de la direction de l'Organisation à prendre en compte dans leurs rapports une enquête qui sera menée.

Le dernier rapport présenté par la mission à Vienne, a fourni des informations à propos de la visite de ces tombes. Les premiers éléments confirment qu'il s'agissait bien de civils, qu'ils ont été abattus à bout portant et qu'avant cela, ils ont pu être victimes de violences. Tout cela nous inquiète beaucoup. Nous ne pouvons accuser personne tant que nous n'aurons pas les résultats de l'enquête. Mais nous allons espérer que ces investigations seront menées, et qu'elles le seront de manière transparente et indépendante et ne se retrouveront pas parmi les tragédies, dont les auteurs sont blanchis, ou les enquêtes sont suspendues. Je parle notamment de « l'affaire des snipers de Maïdan », de la tragédie à Odessa et à Marioupol, du crash d'un Boeing malaisien et bien d'autres. Pour l'ensemble de ces incidents, on a annoncé la création de certains comités ukrainiens et internationaux. Le Conseil de l'Europe a rejoint l'enquête sur l'affaire des snipers, mais nous ne constatons pas leur activité dans ce domaine. Pour nous, c'est un problème très grave, non seulement parce que nous voulons tout simplement prouver et dire que les forces armées de Kiev sont mauvaises. Tout d'abord, tout crime, peu importe qui l'a commis, doit être examiné et la justice doit être faite. Deuxièmement, du point de vue de la pratique politique, la réconciliation nationale est la clé pour résoudre la crise ukrainienne. Sans établissement de la vérité pour calmer les membres de la famille des morts, qui ont besoin de connaître la vérité, il serait très difficile de parvenir à la réconciliation nationale. Par conséquent, dans le travail diplomatique pratique, nous prenons en compte non seulement les aspects moraux de toutes ces tragédies, mais aussi des tâches pragmatiques.

Question: La composante militaire de l'accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne, que le président Viktor Ianoukovitch a refusé de signer, signifierait l'adhésion tacite de l'Ukraine à l'OTAN, la participation à ses activités, ce qui serait la prochaine étape pour encercler la Russie par des bases militaires de l'alliance. Peut-on considérer ce document comme l'accord militaire, qui a été déguisé en un accord économique? Cette question a-t-elle été envisagé lors des entretiens des présidents Vladimir Poutine et Piotr Porochenko?

S.Lavrov: Je ne pense pas que l'accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne mène à l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. Il comprend un chapitre concernant les aspects militaire et politique, ce qui implique une aide de l'Union européenne en matière de réforme ukrainien dans le secteur de la sécurité, la présence de conseillers européens en Ukraine. Selon cet accord, l'Ukraine devrait harmoniser sa législation avec les normes de l'UE, y compris le contrôle des exportations des biens à double usage, etc. Mais tout cela se réalise dans le cadre des relations militaires entre l'Ukraine et l'Union européenne. Quant à l'OTAN, en Ukraine il y a une loi qui fixe le statut non-aligné du pays. Nous pensons que c'est l'un des éléments les plus importants pour assurer la sécurité européenne.

J'ai déjà mentionné notre position quant à l'expansion de l'OTAN. Cette organisation ne fait que provoquer et saper le travail des institutions européennes, conservant les lignes de démarcation et les déplaçant vers l'Est avec le développement de l'infrastructure militaire.

En ce qui concerne les bases américaines, j'ai vu sur Internet des photos truquées qui représentaient une carte de la Fédération de Russie, ainsi que de ses pays voisins sur laquelle étaient marquées les bases américaines et une inscription: « La Russie est insolente, elle rapproche son territoire si proche de nos bases militaires ». Ceci est évidemment une blague. Mais nous devons forcement en tenir compte dans notre planification militaire. Nous ne permettrons pas une nouvelle course aux armements. Mais quand on nous dit que le système de défense antimissile n'est pas contre la Russie... Nous avons des militaires qualifiés, qui comprennent cette situation et la projection sur notre capacité d'assurer notre propre sécurité. Surtout lors de la préparation pour le sommet de l'OTAN au Pays de Galles, les pays baltes et les représentants polonais ont exigé de fixer dans le document final que le nouveau système de défense antimissile les protègera contre la Russie. Malheureusement, nos partenaires de l'OTAN sont obsédés par l'esprit de la «guerre froide», mais ils sont bien conscients que la tentative d'imposer à l'Ukraine l'adhésion à l'OTAN constitue une menace sérieuse pour la stabilité européenne. Ils en sont bien conscients. L'initiative d'A.Iatseniouk et d'autres dirigeants ukrainiens d'abroger le statut « hors-blocs » de l'Ukraine et de prendre un cours à l'adhésion à l'OTAN, est évidemment « inspirée » de l'extérieur. Mais, je suis convaincu, et je le sais des conversations avec mes collègues, que la plupart des pays occidentaux, y compris les pays principaux, sont bien conscients de l'inadmissibilité de ces approches du point de vue des objectifs de la création d'une architecture européenne commune de la coopération.


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