Intervention et réponses aux questions du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors d'une rencontre avec les étudiants et les membres du corps professoral de l’Université MGIMO, Moscou, le 1 septembre 2014
Cher Anatoli Vasilievitch,
Cher Evgeni Petrovich,
Chers amis,
Je vous félicite tous à l'occasion de la rentrée - le Jour des connaissances. Je tiens également à féliciter les étudiants de la première année de l'admission à l'une des meilleures universités du monde, et ces mots je prononce avec fierté.
Cette année marquera le 70e anniversaire du MGIMO (en octobre), qui coïncide avec le deuxième Forum international des jeunes diplômés. MGIMO va célébrer son anniversaire au sommet de la réussite et en très bonne forme grâce à la créativité de l'administration de l'université, des enseignants, des professeurs et des étudiants qui ont soif de connaissances.
L'Université s'est longtemps imposée comme l'un des principaux centres pour la formation de spécialistes de niveau international, comme le principal centre de recherche, compétant dans les analyses dans divers domaines. Avec l'Académie diplomatique, l'Université fournit un produit très précieux pour les travaux pratiques au sein du ministère des Affaires étrangères de la Russie.
Je suis sûr que les étudiants de première année d'aujourd'hui ont toutes les raisons d'être fiers de l'adhésion à la famille, à la fraternité universitaire et de commencer à se préparer pour la carrière intéressante au sein du gouvernement, le journalisme, les affaires, et, bien sûr, dans la diplomatie, parce que MGIMO forme la majorité du personnel du ministère des Affaires étrangères. Nous avons hâte d'engager des filles et des gars talentueux.
J'espère que conjointement avec le Conseil des jeunes diplomates, nous pouvons organiser des contacts périodiques, pour que vous voyez de vos propres yeux comment ils travaillent, vivent, s'ils aiment travailler au sein du ministère des Affaires étrangères. Je vais répondre à leur place qu'ils aiment. Si vous entendez quelque chose d'autre, ne le croyez pas.
Il n'y a pas si longtemps, en raison de la mondialisation et l'émergence de nouveaux moyens de communication, on entendait parler des prédictions sur le nivellement du rôle de la diplomatie, que ce ne serait pas si important de se rencontrer, chuchoter, négocier. Actuellement l'échec de ces déclarations, tout comme les prévisions de la «fin de l'histoire», est évident pour tous. Au fur et à mesure de la complexité des relations internationales, c'est la diplomatie qui est de plus en plus en demande, et pas seulement parce qu'aujourd'hui ce domaine ne couvre pas seulement les relations purement politiques entre les Etats, mais aussi pratiquement toutes les sphères de la vie humaine, y compris l'environnement, l'économie, la sphère sociale, le changement climatique et d'autres, mais aussi parce que rien ne peut remplacer la communication humaine normale. On peut un million de fois parler au téléphone, chatter sur «WhatsApp», parler via «Skype», mais la communication directe entre les gens est irremplaçable. Cela s'applique à la vie internationale tout comme à la vie privée.
Le 1er juillet dernier, dans son discours au ministère des Affaires étrangères, lors d'une réunion des ambassadeurs et des représentants permanents de la Russie à l'étranger, le président russe Vladimir Poutine a souligné que l'augmentation de la charge sur le ministère des Affaires étrangères et sur les ambassades son dû au développement dynamique et parfois imprévisible de la situation internationale, l'aggravation d'anciens et de nouveaux conflits dans le monde. Cela décrit avec justesse l'état actuel du monde et les conditions dans lesquelles nous travaillons.
Le modèle unipolaire – tout le monde en est déjà convaincu - n'a jamais pu s'imposer. Les peuples veulent plus résolument déterminer leur propre destin, choisir le modèle de développement qui tiennent compte de leurs traditions, l'identité culturelle et civilisationnelle. Ces processus sont objectives. Le monde se mondialise et devient plus diversifié, de nouveaux centres, de la croissance économique apparaissent, tels que la Chine, l'Inde et le Brésil. La croissance économique donne lieu au pouvoir financier, suivi par l'influence politique. Ne pas prendre en compte les nouveaux moteurs de l'économie mondiale, en particulier en ce qui concerne la région Asie-Pacifique, signifie marcher à contre-sens de l'histoire et des processus objectifs.
Malheureusement, cette réalité n'est pas entièrement comprise. Nos partenaires américains et leurs alliés les plus proches tentent de ralentir, voire inverser cette tendance objectif. Nous sommes encouragés à abandonner la logique des sphères d'influence en Europe et dans d'autres parties du monde. Nous n'avons jamais le nié. Nous prônons pour que ces sphères d'influence sur la politique mondiale restent dans l'ère révolue, où ils auraient dû finir leur existence. Malheureusement, nos partenaires américains tentent de faire exactement cela : ils appellent à abandonner toutes les sphères d'influence, se réservant le droit d'étendre leur influence géopolitique. C'est la vie. Lorsque les États-Unis ont l'intention de faire quelque chose, il est difficile de résister. Si on n'en parle pas honnêtement, de n'en discute pas, mais suivre aveuglement les appels, comme beaucoup le font, nous n'arrivons à rien de bon.
Nous devons discuter avec nos partenaires que nous sommes en désaccord avec eux. Nous espérons qu'ils vont agir ainsi : non seulement nous accuser indistinctement de tous les péchés mortels, mais s'asseoir et parler, exprimer franchement leurs doléances. Si ce n'est pas le cas, nous concluons que la critique est nécessaire seulement comme une fin en soi, justification des ultimatums, sanctions et autres.
Nos collègues occidentaux nous assurent que ce n'est pas ce qu'ils ont en tête, mais qu'ils veulent juste influencer la situation et trouver des approches communes à un problème particulier, notamment en ce qui concerne la crise ukrainienne. Si c'est le cas, nous allons nous asseoir et parler, au lieu de menacer de sanctions et avancer des demandes complètement irréalistes, par exemple, exiger pour que les milices rendent leurs armes et laissent les tuer, selon le «plan de paix de Piotr Porochenko ».
Dans le contexte d'une énorme quantité de désinformation, on peut entendre des voix raisonnables, y compris de l'Occident. Dans le dernier numéro du magazine «Foreign affairs» (septembre-octobre 2014) a publié un article détaillé du professeur de l'Université de Chicago John Mearsheimer «Pourquoi la crise ukrainienne est la faute de l'Occident?» (John Mearsheimer, «Why the Ukraine Crisis Is the West's Fault», Foreign Affairs, September-October 2014), dans lequel l'auteur tire la conclusion suivante. Les États-Unis et l'Union européenne font maintenant face à un choix: ils peuvent soit renforcer l'hostilité dans les relations avec la Russie alors que la destruction de l'Ukraine continue, de sorte que toutes les parties concernées seront les perdants, soit «changer de vitesse» et aider l'Ukraine de devenir prospère et neutre qui apporterait une contribution positive au développement de la coopération entre la Russie et l'Occident. Ainsi, tous seront des gagnants. Je suis totalement d'accord avec cela. Mais il est important que ces sages paroles soient entendues par ceux qui font la politique réelle.
Nous croyons que la chose la plus importante maintenant est que Washington et Bruxelles exigent de Kiev la même chose qu'ils exigent dans tous les autres conflits: cesser d'utiliser des armes lourdes et des avions contre des objets civils, les villes, les civils, qu'ils ne détruisent pas les écoles, les hôpitaux, les jardins d'enfants. Dans cette situation, les insurgés n'ont plus de choix que tenter de repousser les forces armées ukrainiennes de positions à partir desquelles sont bombardées des zones peuplées, en tuant femmes, enfants et personnes âgées. La violence ne s'arrêtera pas, jusqu'à ce que cette évidence ne soit pas compris par tous. Les troupes ukrainiennes doivent se retirer des positions où ils peuvent causer des dommages à la population civile.
J'espère vivement que les négociations prévues pour aujourd'hui seront essentiellement consacrés à l'instauration inconditionnelle du cessez-le-feu immédiat. La Russie fera tout ce qui dépend d'elle pour promouvoir le règlement politique pacifique en Ukraine sur la base de l'intérêt de toutes les régions et les forces politiques du pays, sans exception.
En général, nous nous efforçons de mener à bien une telle politique dans les relations internationales. Cette ligne est indépendante, nous n'abandonnerons jamais notre indépendance dans la politique étrangère, mais elle ne doit pas être interprétée comme l'isolationnisme. Nous mettons en avant ces approches dans le strict respect de nos engagements internationaux sur la base des principes du droit international, tels qu'ils sont fixés dans la Charte des Nations Unies et d'autres documents de base. Nous nous opposons fermement à l'interprétation et application de ces principes de manière sélective, par exemple: un principe nous aimons, et l'autodétermination des peuples comme un élément fondamental, pierre angulaire, un principe fixé dans la Charte des Nations Unies, nous pouvons l'ignorer. Tous les principes du droit international, sous lesquels nous avons mis notre signature, nous voulons et nous allons envisager dans leur ensemble, dans leur relation organique. Nous chercherons une action collective unifiée, parce que seul, personne ne parviendra à résoudre les problèmes d'aujourd'hui.
Les actions fondées sur les principes du droit international, ne permettent pas de doubles standards. Ces approches sont également soutenues par nos alliés de l'OTSC, de la CEI, de l'OCS, des BRIC, la grande majorité des autres membres de la communauté internationale. Nous sommes convaincus que, dans ses relations avec l'Union européenne et les Etats-Unis, il est possible et nécessaire de retrouver le chemin de la coopération pragmatique basée sur l'égalité et le respect mutuel. Pour y parvenir il faut abandonner la politique totalement futile des menaces, des ultimatums et des sanctions.
Lorsque nous nous sommes posé comme objectif l'intégration dans la région de l'Asie-Pacifique combiné l'axe du développement social et économique de l'Extrême-Orient russe et de la Sibérie, nous avons constamment souligné que nous le faisions en supplément et non pas en remplacement de notre politique d'approfondissement du partenariat avec l'Europe et l'Occident. Il serait dommage que les pays occidentaux choisissent eux-mêmes une telle politique à l'encontre de la Russie. Notre mouvement vers l'Est s'avérerait alors, à notre grand regret, un remplacement de l'approfondissement du partenariat avec l'Europe et nos partenaires occidentaux. Ce n'est pas notre choix. Je ne sais pas pourquoi on essaie de nous pousser jusque là. De nouvelles décisions du Conseil de l'Europe montrent que la dynamique des sanctions est encore très forte. Nous laissons sur la table de négociation l'initiative stratégique, lancé par le président russe Vladimir Poutine, la création d'un espace pour la coopération économique et la sécurité humanitaire de Lisbonne à Vladivostok. Cela permettrait d'éliminer de nombreuses questions en ce qui concerne la confrontation entre les différentes parties de l'Europe et de l'Eurasie, ainsi que la ligne absolument provocateur de l'élargissement permanent de l'OTAN et de l'infrastructure militaire près de la frontière russe.
Quand il y a un espace commun de sécurité égale et indivisible, où chacun se sent confortable - membres de l'OTAN, l'OTSC, et ceux qui ne vont pas adhérer dans les blocs (les pays dits neutres, tels que l'Ukraine et la Moldavie, en conformité avec leurs lois), indépendamment si le pays en
st membre d'un bloc militaro-politique, d'une alliance ou s'il est neutre, alors tous vont se sentir à l'aise. Peut-être, ainsi de nombreux problèmes qui sont aujourd'hui une raison pour des conflits sanglants, seront beaucoup plus facile à résoudre. En Europe du XXIe siècle c'est impensable. Mais, malheureusement, c'est le cas. Pour ce faire, il faut renoncer aux tentatives de sauver une position privilégiée pour les membres de l'OTAN. Affirmer que seulement au sein de l'Alliance la sécurité peut être garanti par la loi, et ceux qui ne sont pas ses membres seront soumis à des risques et des épreuves - c'est une vieille logique. Malheureusement, nos partenaires n'arrivent toujours pas à surmonter cette logique.
Nous les encourageons à envisager honnêtement la situation par-dessus des stéréotypes de la «guerre froide» et de faire preuve de la volonté politique appropriée afin de ne pas lancer les slogans accusateurs, mais de s'asseoir et commencer à négocier, à rechercher un équilibre des intérêts, sinon une solution durable à un problème ne sera jamais atteinte.
Question: Dans le cadre de récents événements en Ukraine, quelle sortie de la crise ukrainienne est possible, selon la Russie? Quelle est la probabilité d'une intervention militaire de notre pays dans ce conflit?
S.Lavrov: L'intervention militaire n'aura pas lieu. Nous sommes en faveur de la résolution pacifique de cette crise profonde, de cette tragédie. Tout ce que nous faisons vise à la promotion des approches politiques. Malheureusement, nos collègues occidentaux, à mon avis, sont aveuglés par la situation. Ils traite la situation sans la critiquer, de manière biaisée : l'Occident soutient toutes les actions et déclarations de Kiev.
J'ai cité à plusieurs reprises un bon exemple. Ce ne sont pas nous qui avons inventé un accord signé par l'ancien président Viktor Ianoukovitch et par O.Tiagnibok, A.Iatseniouk et V.Klichko. Les ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne, la France et la Pologne ont également apposé leur signature sur ce document. C'était le 21 février dernier. Alors tous se sont félicité de cet accord qui ouvrait la voie pour passer de la confrontation sur le Maïdan au processus politique de négociations. Le premier paragraphe de l'accord, à l'insistance de nos partenaires occidentaux, stipulait «la formation immédiate d'un gouvernement d'unité nationale ». Quand maintenant les responsables des États membres de l'UE se réunissent et adoptent les déclarations lors des réunions consacrées, y compris à la crise ukrainienne, ils ne mentionnent plus cet objectif, tout comme cet accord, qu'ils ont initié, signé et activement mis en avant. Ils se contentent de mentionner le « plan de paix de Piotr Porochenko »: « Durant sept jours nous ne tirons pas, qui ne se cache pas, ce n'est pas de notre faute. Ceux qui ne rendent pas les armes, seront détruits. Ceux qui rendent les armes, peut-être seront amnistiés. Nous allons vous dire quel pouvoir nous vous déléguerons ». Ce n'est pas la bonne façon de travailler. Il faut commencer par la mise en œuvre des engagements : établir un gouvernement transitoire d'unité nationale. Au lieu de cela, on a formé un gouvernement qui s'est mis à prendre des décisions ouvertement anti-russes, il s'agit notamment des tentatives d'annuler la loi «sur les principes de la politique linguistique de l'État». En conséquence, elle n'a pas été abolie, mais le signal pour les russophones et la population russe sur les intentions de la nouvelle coalition, a bien passé. La Verkhovna Rada a publiquement appelé les Russes « inhumains », « envahisseurs », en disant: «Quittez l'Ukraine! Allez-vous-en avec votre culture orthodoxe ! » Tous ces signaux ont été enregistrés. Que l'Occident refuse de se rappeler les accords, mais est-ce possible que l'unité nationale peut être quelque part importante, mais quelque part - non? Dans toute crise, il est primordial d'atteindre la réconciliation et l'unité nationale.
En avril dernier il y a eu la deuxième tentative. La Russie, les Etats-Unis, l'Union européenne et l'Ukraine sur le niveau de ministres des Affaires étrangères ont signé une déclaration affirmant qu'il est nécessaire de commencer immédiatement la réforme constitutionnelle ouverte, responsable, impliquant toutes les régions et les forces politiques de l'Ukraine. Quand on demande aux Européens et Américains, pourquoi cet objectif a été abandonné et le mot «immédiatement» par rapport au début de la réforme constitutionnelle a été oublié depuis avril, cette question demeure également sans réponse. Hier, le Conseil de l'Union européenne a pris quelques nouvelles conclusions sur l'Ukraine, qui vantaient le « plan de paix de Piotr Porochenko », mais il n'y a aucun mot sur les documents, qui porte la signature de l'UE et qui ne reflètent pas un sens unique, mais une approche complexe afin d'aider au peuple ukrainien à sortir de cette crise.
J'espère seulement que les Européens auront honte de ce qui se passe. En Europe on entend parler de la futilité et contre-productivité de sanctions. Il s'avère que l'UE ne peut pas ou ne veut pas influencer Kiev, ne peut pas l'arrêter et lui faire faire exactement comme convenu. Pour cacher son embarras, l'UE s'attache à nouveau à l'introduction de sanctions. Je suis convaincu que de nombreux grands dirigeants européens réalisent la brutalité de cette situation, mais apparemment ils ne sont pas encore prêts de l'admettre. Cela signifierait d'avouer un échec de tout ce qui a été fait avant en termes de promotion irréfléchie et irresponsable de l'action militante de Kiev contre son propre peuple. Il s'agit de la racine du problème.
Question: Pourriez-vous raconter de la coopération dans le format du Sommet BRICS?
S.Lavrov: La coopération des BRICS ne se limite pas par le cadre du sommet, il y a plus de deux douzaines de formats : des dialogues sectoriels, des réunions des ministres des affaires étrangères, de la santé, de l'agriculture et d'autres dialogues sectoriels. Il s'agit des réunions régulières des politologues, publication des statistiques, dont les données vont s'élargir. Ainsi, nous le mécanisme de coopération plutôt riche. Les décisions relatives à la mise en place de la Banque de développement des BRICS et un pool de monnaies de réserve, adoptées lors du dernier sommet en juillet à Fortaleza (Brésil), mènent l'interaction vers un niveau encore plus élevé d'actions concrètes dans le secteur financier. Il est très important pour que les pays de BRICS de se protègent non seulement de la crise habituelle dans la finance internationale, mais aussi des tentatives de ceux qui dirigent le système financier international, à user de leur influence à en abuser pour atteindre des objectifs politiques. Tout le monde sait que les Américains font de telles tentatives, mais ils sont rejeté par les pays du BRICS. Les déclarations de l'avant-dernier et le dernier sommets on a fixé la nécessité d'éviter des mesures coercitives et injustifiées dans le domaine économique et commercial. Il s'agit d'une réponse directe à la politique de sanctions qui sont prises de manière illégale, en contournant le Conseil de sécurité des Nations unies.
Je crois que les BRICS est une association puissante et prometteuse, qui comprend plus de 45% de la population, près de 30% du PIB mondial, et la croissance se poursuit.
Un autre facteur important des activités du BRICS est que ce groupe est un des deux principaux acteurs influents dans le G20, l'union, où on discute et élabore des principes généraux de la continuité du fonctionnement de l'économie mondiale, la finance internationale, notamment le FMI et la Banque mondiale. Sur les vingt pays membres du G20 - cinq membres des BRICS sont un «aimant» pour les personnes partageant les mêmes idées, qui sont nombreuses. Il s'agit des pays tels que l'Indonésie, le Mexique, l'Argentine, qui ont tendance à des positions communes des BRICS en faveur des réforme justifiées dans le système monétaire international, qui reflèteraient un véritable changement dans l'équilibre des forces. Tant en politique que dans d'autres domaines, l'Occident s'en oppose, tout en désirant de garder sa position dominante dans la distribution des quotas et des voix au sein du FMI et de la Banque mondiale, bien que les Etats-Unis et en Europe occidentale disposent d'une quantité disproportionnée des voix par rapport à leur poids économique réel.
En 2010, lors du sommet du G20 à Séoul, nous sommes convenus de la première étape de la réforme du système des quotas et des voix au sein du FMI, mais jusqu'à maintenant, quatre ans plus tard, les Etats-Unis et l'UE empêchent la mise en œuvre des décisions prises par consensus avec leur participation. BRICS est un leader dans la lutte pour la démocratisation des relations économiques et financières internationales.
Question: Quelle sera la réaction de la Russie à de nouvelles sanctions économiques, si celles-ci sont imposées? Dans ce cadre-là, peut-on parlé de la sortie de la Russie de l'OMC?
S. Lavrov: Je ne vais pas spéculer et rêver sur notre réponse en cas d'une nouvelle vague de sanctions anti-russes - tout doit être exactement compté. Lorsque nous comprenons ce que nos homologues européens et américains vont « inventer » une nouvelle fois, nous allons décider de la façon d'y répondre. Cela n'aura aucun lien avec «le claquement de la porte» ou une sorte de griefs mal interprétés. Tout d'abord, nous allons nous baser sur nos propres intérêts - protéger notre économie et la sphère sociale, les citoyens, nos entreprises et, en même temps, faire des conclusions des actions de nos partenaires, notamment en termes de leur pertinence, fiabilité et négociabilité. Selon les sanctions appliquées, on peut juger des intentions et objectifs de nos partenaires. S'ils disent d'une seule voix que cela va être douloureux, mais ils doivent le faire pour punir la Russie, alors ce n'est pas très adéquat. Il faut tirer des conclusions afin de continuer à travailler avec ces gens, il faut comprendre leurs capacités.
En ce qui concerne l'OMC, c'est au contraire, nous voulons maîtriser activement son instrument, y compris en cas de litiges commerciaux. Nous avons déjà mis en œuvre ces moyens pour surmonter, comme nous le considérons, la politique discriminatoire de l'Union européenne à l'égard des procédures antidumping (nous sommes accusés de dumping et à notre égard on applique des mesures appropriées en ce qui concerne de nombreux secteurs de notre économie). Nous sommes également prêts à utiliser les mécanismes de l'OMC pour défendre notre position sur l'inadmissibilité de l'application rétroactive du «Troisième paquet énergie» de l'UE, notamment en ce qui concerne son application à des accords et des projets, signés et réalisés bien avant que ce paquet énergie soit conçu et mis en œuvre.
Certains pays mènent également des procédures de l'OMC contre nous. Ceci est normal, et nous savions ce qui nous attendait. La Russie se préparait à adhérer à l'Organisation mondiale du commerce durant 18 ans. On ne nous laissait pas adhérer, puis on essayait d'inventer des obstacles artificiels. Pendant ce temps, nous sommes très bien maîtrisé les outils et les possibilités offertes par l'OMC. A Genève nous avons ouvert la Représentation de la Russie auprès de l'OMC. Nous allons explorer activement cet art. En fin de compte, c'est plus utile et mieux que des guerres commerciales.
Question: Après l'exclusion de la Russie du G8 est-il possible de restaurer la participation de Moscou? Dans quelle mesure cela dépendra de la question ukrainienne?
S.Lavrov: Je répète encore une fois : Personne ne nous a exclus de nulle part, tout simplement nos partenaires ne sont pas venus au sommet. Le G8, ce n'est pas une structure d'où il possible de chasser qui que ce soit. Il n'y a pour cela aucun mécanisme de procédure. Ce n'est qu'un club où se réunissent des personnes pour discuter des questions d'intérêt commun. Si l'intérêt n'est pas réciproque, alors personne n'est forcée à y assister. Ils ont tout simplement "séché" cette réunion.
Je ne dirais pas que nous ayons ressenti une grande perte. Le G8 est un club important, mais au cours des dernières années, sa valeur était déterminée plutôt par des considérations de prestige: c'est le prestige de s'asseoir à côté du président des États-Unis, les chefs des pays européens, la chancelière allemande, le président de la Russie. Mais ces sommets sont devenus très populaires grâce à des activités qui ont accompagné la Sommets du G8 - le soi-disant format « outreach » où on invitait les pays d'Afrique, d'Amérique latine, ainsi que des représentants d'autres régions. Il était possible de rencontrer les dirigeants des Etats leaders et de résoudre certains problèmes.
Quant à l'ordre du jour de la G8 plus, dans une certaine mesure il a perdu son importance après la création du G20, parce que la principale coordination économique et financière reste là. Le G8 essayait de compenser cette tendance dans les structures de la diplomatie multilatérale via l'immersion active dans les questions politiques: les conflits en Syrie et dans la péninsule coréenne, le processus de paix au Proche-Orient, en Afghanistan, etc. Malheureusement, ici aussi, une incohérence se manifeste. Par exemple, en 2013, le sommet du G8 a eu lieu à Lough Erne (Irlande du Nord). Lors des discussions de la déclaration du sommet, le Premier ministre britannique David Cameron, l'hôte de l'événement, a proposé de fixer dans la section sur la Syrie que les dirigeants du G8 exhortent le gouvernement syrien et l'opposition à resserrer les rangs dans la lutte contre le terrorisme et à expulser les terroristes de la Syrie. Nous l'avons activement soutenu, en outre, nous avons présenté ce sujet au Conseil de sécurité des Nations Unies, pour que Conseil approuve cette approche. Nous l'avons fait parce que nous étions, et nous sommes, convaincus que dès le début du «Printemps arabe», il faut voir la racine des problèmes du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord : il est primordial d'empêcher l'arrivée au pouvoir des terroristes. Cependant le texte, approuvé par consensus suite à la proposition du premier ministre britannique lors du sommet de l'année dernière du G8, n'a pas été soutenu au Conseil de sécurité des Nations unies ni par les Anglais ni par les Américains. Il s'agit d'un exemple simple lorsque le slogan politiquement juste apparaît dans les décisions de G8, mais il n'a pas de signification pratique. Les auteurs de l'appel – les Anglais - avec les Américains et d'autres Européens ont continué de s'attaquer au régime d'Assad et de déclarer que la coopération avec lui n'aurait jamais lieu, ce qu'ils continuent à faire. Même reconnaissant que le terrorisme doit être combattu, ils affirment que Bachar al-Assad pour les terroristes est comme une flamme pour les papillons. Sauf qu'ils ne s'agit pas de lucioles inoffensifs, mais des terroristes du monde entier - des gens très motivés à la violence.
Il s'avère que, malgré toutes les conventions contre le terrorisme, où on a écrit en noir et blanc, que rien ne peut justifier le terrorisme, nos amis occidentaux essaient de le faire en Syrie, disant qu'il y a un mauvais régime, contre lequel tous les moyens sont bons. L'Etat islamique, auparavant appelé l'Etat islamique en Irak et au Levant, est né en Syrie, en grande partie grâce à l'Occident et certains pays de la région, qui, sans beaucoup de publicité, politiquement encourageaient et aidaient financièrement les opposants au régime de Bachar al-Assad. Cette façon d'encouragement aurait trouvé le reflet dans la création d'une organisation terroriste EIIL, qui serait beaucoup plus dangereuse que «Al-Qaïda». Mais tous fermaient les yeux. Nous avons appelé à mettre un terme à de tels outrages et comprendre enfin que tous qui s'opposaient au régime n'étaient pas forcement les héros. Les terroristes ne peuvent pas être gentils ou méchants, citoyens du pays ou étrangers.
En réponse à nos appels pour consolider nos efforts communs, personne n'a rien fait. Ce n'est que lorsque cette structure terroriste a envahi l'Irak, s'emparant d'un tiers du pays, nos partenaires « se sont réveillés » et ont commencé à frapper les positions terroristes, aidé le gouvernement irakien (que nous aidons et avec lequel nous coopérons dans le domaine militaro-technique depuis longtemps). Mais ils disent toujours que « en Irak, nous allons les bombarder, mais en Syrie ce n'est pas nécessaire, parce que les terroristes peuvent aider à renverser régime d'Assad». Comment peut-on négocier avec ces gens? Ils lance un appel absolument incohérent: «J'aime ce dictateur, et celui-là non». Il était nécessaire de renverser Kadhafi, et qu'est-ce qu'on a aujourd'hui en Libye? La pays n'existe plus. L'Irak est en train de s'effondrer.
Revenant à votre question, je tiens à souligner que c'est le G20 qui joue un rôle crucial dans les domaines économiques et financiers, il ne peut pas être remplacé. Au sein de cette association, nous sommes beaucoup plus efficace en travaillant à travers les BRICS, puisque nous préconisons une même approche. Quant à l'ordre du jour politique du G8, si nos partenaires sont cohérentes, son potentiel politique pourrait être utilisé. Mais il n'y a pas de tragédie qu'ils n'ont pas pu venir, parce que les vraies décisions sur les questions internationales de la guerre et de la paix, et non des slogans et déclarations, sont adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Question: Comment évaluez-vous la situation en Syrie et en Irak? Qu'est-ce que la Russie peut proposer pour la stabiliser?
S.Lavrov: J'ai déjà partiellement abordé ce sujet. À cet égard, il ne fait rien inventer. Tout comme par rapport à l'Ukraine, tout ce dont on est convenu doit être rempli par rapport à la Syrie également. Il s'agit d'un document de juin 2012, le communiqué de Genève, à la mise en place duquel nous avons activement contribué. Il a été signé par les Etats-Unis, l'Union européenne, la Chine, la Russie, la Ligue arabe, la Turquie, l'Organisation des Nations Unies. Ce communiqué énonce en détail la séquence des étapes pour résoudre la crise syrienne, principalement via une période de transition, au cours de laquelle on aurait dû convenir des questions de réforme constitutionnelle, des élections générales et de la création de structures permettant d'assurer un consensus national. Je dis que cela aurait dû se produire, parce que plus de deux ans, ce document est ignoré. Immédiatement après son adoption en juin 2012 à Genève, tout comme dans le cas des accords ukrainiens, nous avons voulu obtenir l'approbation auprès du Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui aurait servi d'une "feuille de route" du règlement du conflit syrien. Nous les pays occidentaux ont catégoriquement dit «non» - ils n'allaient pas appuyer le présent communiqué, jusqu'à ce qu'on n'inscrive que malgré l'approbation de ce document, Bachar al-Assad doit partir. Nous demandons: «Pourquoi? En effet, dans ce document ce point ne figure pas et nous n'en sommes pas convenu. L'idée était que les parties en Syrie entameraient des négociations et sur la base du consensus entre le gouvernement et l'opposition formeraient une structure de transition». « Ecrivez que Assad doit partir», - on nous a répondu. Ainsi, nous avons échoué de parvenir à un accord.
En 2013, lorsque on a trouvé le règlement de la question du désarmement chimique syrien, qui a été terminé avec succès, et le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution approuvant le plan de liquidation des armes chimiques, un an seulement après l'adoption du communiqué de Genève, il a été approuvé. Mais comment peut-on se mettre d'accord, lorsque l'Occident tente de jouer son jeu. Nous sommes convenus, par consensus, de la nécessité de former une structure de transition. Ils disent: «Oui, par consensus, mais sans Assad ». Ils empochent toujours quelque chose, puis disent: «ce qui est à moi, est à moi – on va discuter de tout ce qui est à toi ». Je comprends que ce désir est présent, mais il ne faut pas aller jusqu'aux tricheries pures et simples, il faut travailler honnêtement.
Comme je l'ai déjà dit, maintenant la crise s'est propagé en Irak et en Libye, où, à vrai dire, elle n'a jamais cessé. Il ne peut y avoir de doubles standards. Il est impossibles juste en raison de la volonté, renverser le dirigeant autoritaire, comme était Kadhafi en Libye, de tout mettre en jeu pour le bien d'un projet personnel visant à éliminer Kadhafi. On nous a dit « Avec le départ de Kadhafi, le peuple libyen respirera librement, et vivra en démocratie ». Ces discours ont été prononcé non seulement dans les couloirs de grandes institutions, mais aussi en public: ceci a été revendiqué par les présidents respectés de grands Etats. Où est la Libye actuellement? Un grand nombre de gisements pétrolifères se trouvent entre les mains des groupes terroristes. Ils vendent ce pétrole à l'Europe, car l'interdiction sur l'importation de pétrole libyen a été « doucement » levée. L'argent est utilisé y compris pour le financement du terrorisme, que Irak voisin tente de combattre. Voici un cercle vicieux. Lorsque Kadhafi a été renversé et on a vu que ceux qui ont été armés et financés, ont dévasté le pays, ont pris le contrôle de certaines régions, ont commencé à s'ennuyer et sont allés renverser le gouvernement du Mali, le Français, qui avaient activement soutenu et armé les rebelles libyens sans le cacher, ont dû confronter au Mali les mêmes personnes qu'ils avaient encouragés pour le renversement de Kadhafi en Libye.
Je l'ai dit à mon homologue français. Il a ri en réponse et a dit, « C'est la vie ». Ce n'est pas la politique: si j'aime un leader, quoi qu'il fasse, je vais fermer les yeux à ses folies; mais si celui-là n'est pas à mon goût, alors nous allons tout faire pour le renverser, en dépit du fait que dans son pays le taux de protection sociale de la population est le plus élevé. La politique ne se fait pas de cette manière-là. Il est impossible d'accepter une approche lorsqu'on tient à lutter contre l'Etat islamique en Irak, et en Syrie on espère que les terroristes vont renverser le régime. Si on veut travailler honnêtement et atteindre les objectifs grâce à des efforts collectifs (ce qu'aucun pays n'arrivera à faire isolément), alors il faut se mettre d'accord sur des critères communs. La lutte contre le terrorisme doit être la base de tout ce que nous faisons au Proche-Orient.
Question: Sur quoi attiriez-vous attention de la communauté internationale dans le cadre du centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale?
S.Lavrov: Le président russe Vladimir Poutine en a déjà parlé en détail lors du Forum national de la jeunesse « Seliger 2014». Ce fut une guerre dans laquelle la Russie a été impliqué contre sa volonté, et dans laquelle notre pays a perdu à fait injuste, il a perdu face à celui qui a perdu cette guerre. Toutes les promesses qui accompagnaient les persuasions, appelant la Russie à se joindre à la guerre, bien sûr, n'ont jamais été remplies. En gros, l'achèvement injuste de la Première Guerre mondiale, par la suite a ouvert la voie à la Seconde Guerre mondiale, qui a été déclenché moins de 20 ans après la fin de la guerre précédente.
Les historiens européens honnêtes écrivaient à l'époque que dans la Première Guerre mondiale, tout comme 100 ans plus tôt dans les guerres de Napoléon Ier Bonaparte, la Russie a une fois de plus sauvé l'Europe au prix des millions de vies de ses citoyens. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la Russie a également contribué à protéger l'Europe d'elle-même. Napoléon a essayé de conquérir toute l'Europe, et Hitler a cherché à le faire.
La conclusion est simple : il est impossible de compter sur la force militaire, en particulier dans le XXI siècle. J'espère que nous allons nous éloignons d'un niveau dangereux en ce qui concerne la crise nationale ukrainienne, et les dirigeants ukrainiens vont comprendre la futilité de leur politique visant à assassiner son propre peuple, à tout prix, y compris en tuant des civils, en détruisant l'infrastructure économique et sociale.
Une autre conclusion très importante. L'Europe devrait toujours chercher des solutions qui impliquer et prendre en compte les intérêts de la Russie. Nous sommes prêts pour cela. La Russie est un pays européen, qui a fait une énorme contribution à l'histoire, l'art, la culture et la science en Europe. Les tentatives de nous tenir artificiellement à l'écart, de trouver des arguments vagues contre nos nombreuses propositions pour la mise en place d'un espace économique et humanitaire unifiée de l'Atlantique au Pacifique, ne marcheront pas pour longtemps. Je pense que la crise ukrainienne doit montrer à tous la destruction absolue de la ligne politique, mettant certains pays, en particulier ceux qui sont proches de nous, comme l'Ukraine, devant un faux choix: «Soit vous êtes avec nous, soit avec la Russie, puis nous allons construire entre nous de nouvelles lignes de démarcations et murs ». Ce choix de « tout ou rien », qui est imposé par Bruxelles à l'Ukraine et d'autres pays post-soviétiques, est provocateur. Je dirais que c'est pire qu'un crime, c'est une énorme erreur.
Question: Dans le cadre de la situation en Ukraine et les déclarations faites récemment par les États-Unis, l'Internet est inondé par une variété de moquerie par rapport à nos collègues étrangers, y compris la porte-parole du Département d'Etat américain, Jennifer Psaki, suite à leurs déclarations parfois absurdes et ridicules même. Nos collègues sont vraiment absurdes et ridicules, ou ils veulent juste nous le faire croire?
S.Lavrov: C'est à vous de juger. Tout dépend du sens de l'humour d'un personnage et perception particulière d'une blague ou l'absence de celle-ci. Tout est individuel. Moi, comme représentant de la position officielle, je n'utiliserais de termes pareils. Tout ce que nous entendons lors des briefings du Département d'État américain et la Maison Blanche, je qualifierais comme l'absence de faits et d'arguments convaincants. Nous ne refusons jamais le dialogue, nous sommes prêts à discuter des divergences dans nos positions. Mais lorsqu'on est dans l'impossibilité de nous fournir les faits, nous faisant croire aux paroles... Nous sommes des gens sérieux.
Hier, le Conseil de l'Union européenne a une fois de plus enregistré dans leurs documents la nécessité d'avoir un accès immédiat au site du crash du Boeing malaisien. Et où étiez-vous jusqu'à présent? Pourquoi des experts des Pays-Bas et d'autres pays ont quitté l'Ukraine? Il n'y a eu aucune menace de la part des insurgés. Il a eu une exigence du Conseil de sécurité de l'ONU pour assurer le cessez-le-feu dans la zone sinistrée. Le même jour, lorsque le Conseil de sécurité a adopté la résolution obligatoire pour tous, Kiev a déclaré que le cessez-le feu aurait lieu quand la zone des débris du Boeing serait sous son contrôle. Durant 10 jours ils n'étaient pas d'accord d'instaurer le cessez-le-feu. Est-ce qu'on les a reproché? Non. Ils ont été pris « sous l'aile ». Puis tout le monde a oublié ce Boeing. Des experts néerlandais y sont venus et sont vite partis. Nos tentatives d'obtenir des informations, au moins voir des rapports intérimaires, ont jusqu'ici échoué. Ce qui était dans la «boîte noire», a été déchiffré, mais pas rendue publique, il n'y a pas d'informations sur les conversations des contrôleurs ukrainiens avec des pilotes, y compris l'équipage d'un malaisien «Boeing». Pourquoi tout est caché? Nous ne comprenons pas pourquoi les déclarations selon lesquelles les insurgés et la Russie sont coupables de la tragédie, ne sont pas prouvées par les images d'espace, mais par quelques photos de «Youtube». Il faut tirer cette histoire au clair. Je crois que les enquêteurs devraient revenir sur le site. Pourquoi personne n'examine les épaves? Les journalistes russes diffusent les imagent du site, alors il est accessible. Pourquoi les experts qui devraient trouver la vérité, sont partis? Peut-être les experts ont compris de quel arme il s'agissait par la nature des trous sur le fuselage, les ailes, le poste de pilotage. Il faut être convaincants non par un talent oratoire, et par des faits précis. Nous avons présenté nos conclusions factuelles : ils n'ont pas de réponse. Nous avons posé plus de 20 questions, que toute personne plus ou moins professionnelle dans ce domaine devrait se poser. Nous attendons des réponses.
Question: Dans votre discours vous avez soulevé à plusieurs reprises la question de la crise ukrainienne. Compte tenu des tensions internationales autour de ce conflit, comment décririez-vous les perspectives de développement des relations entre la Russie et l'UE dans les prochaines années?
S.Lavrov: Je ne voudrais pas qu'on nous oblige de fermer la direction européenne de notre coopération avec des partenaires étrangers. Comme je l'ai dit, nous travaillons avec la région Asie-Pacifique non au lieu, mais en plus de l'approfondissement de notre partenariat global avec l'Union européenne dans l'économie, le commerce, la technologie et dans le domaine humanitaire. Nous ne voulons pas que les Européens sapent les importants domaines de notre coopération afin d'imposer leur position assez controversée, basée sur le soutien inconditionnel des autorités de Kiev. J'espère que l'UE réalisera l'impasse de cette approche. Nous y sommes prêts, évidemment sur la base de relations d'égalité, de respect mutuel et de l'équilibre des intérêts de toutes les parties concernées.
Question (traduction de l'anglais): J'ai deux questions. Quelles sont les approches à utiliser pour résoudre le conflit israélo-palestinien? Et la deuxième question, pourriez-vous faire un selfie avec moi après la fin de l'évènement?
S.Lavrov: En ce qui concerne un selfie, il n'y a aucun problème.
En ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, je dirai qu'il est de longue date. Lors du déclenchement du «printemps arabe», on a tenté de le repousser, en abaissant sa priorité. C'est une erreur.
Dans tous les cas, un résultat intermédiaire principal, à ce joue décevant, du «printemps arabe» est une intensification brutale des groupes terroristes, bénéficiant des ressources financiers notamment par le trafic de drogue. Les forces anti-gouvernementales en Irak et en Afghanistan - les talibans, "Al-Qaïda", "l'Etat islamique en Irak et au Levant" (EIIL) – ont depuis des décennies de bonnes armes. Pourtant, personne ne pose une question d'où leurs armes proviennent. Quant aux insurgés en Ukraine, toute les questions relatives à l'armement de l'opposition sont posées à Moscou. De nombreux faits émergent, y compris à l'issue des opérations militaires, en raison desquelles les troupes gouvernementales sont entourés et on leur enlèvent des véhicules blindés.
En plus du côté matériel et financier, il y a aussi un aspect idéologique de la question. Les groupes terroristes du Proche-Orient obtiennent non seulement tout ce dont ils ont besoin pour leurs actes sales, mais ils recrutent également de plus en plus de partisans. Je suis d'accord avec les experts qui sont convaincus que le conflit israélo-palestinien, en suspension depuis plus de 65 ans, est la raison la plus importante pour permettre aux radicaux de recruter les jeunes dans leurs rangs. Les enfants sont éduqués dès leur plus jeune âge par les terroristes qui disent que l'histoire est la suivante: le peuple palestinien état promis d'avoir son propre pays, le peuple juif a créé leur pays, et les Palestiniens - non, parce que l'Occident et Israël sont mauvais. Et vers 15-16 ans les gens sont idéologiquement renforcés et prêt à tout.
Par conséquent, il est important de résoudre ce problème, non seulement parce que les peuples arabes de la Palestine devraient recevoir ce qui leur a été promis, en dépit de toutes les erreurs des deux côtés. Maintenant, on ne peut plus parler des possibilités qu'ils ont eu, de l'erreur commis par le défunt Yasser Arafat lorsqu'il n'a pas accepté ce que Bill Clinton lui a offert. Tout cela est «parler en faveur des pauvres ». Le problème palestinien doit être résolu, mais seulement sur la base de ce qui était auparavant convenu (aujourd'hui nous en avons parlé à l'égard de l'Ukraine et de la Syrie). En ce qui concerne la question israélo-palestinienne, ces accords ne manquent pas : la résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, les principes de Madrid, l'Initiative de paix arabe, qui a été soutenue par tous les pays musulmans dans le cadre de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), dont la Malaisie, l'Indonésie – des principaux États d'Asie dans le monde musulman. Cette initiative de paix prévoit la reconnaissance d'Israël par tous les pays musulmans en échange d'un Etat palestinien. Ce document d'initiative percée que nous soutenons activement, jette les bases pour la solution la plus réaliste à ce problème.
Maintenant, nous nous sommes félicités du fait d'avoir atteint la trêve durable (j'espère non seulement sur papier, mais sur le terrain) sur la base de l'initiative de l'Egypte, d'améliorer la situation dans la bande de Gaza après avoir libéré une poste-frontière. Cependant, on ne peut pas s'arrêter sur cet étape et penser qu'une fois qu'il n'y a pas de tirs et le blocus est affaibli, on peut se détendre. En aucun cas! Maintenant, il est nécessaire de lancer la reprise des négociations sur la création d'un Etat palestinien. Nous considérons les appels du président de l'Etat de Palestine, Mahmoud Abbas, comme justifiés, exhortant à se concentrer dès le début des négociations sur les territoires concrets où un Etat palestinien sera proclamé. Puis cela serait le tour d'aborder d'autres questions, y compris le statut de Jérusalem, le problème des réfugiés, etc. Mais si on ne commence pas par le plus important - les paramètres territoriales d'un Etat palestinien - il sera difficile une fois de plus de rassembles tous ensemble à la table de négociation, parce que cela va donner l'impression que tout cela n'est pas sérieux.
Nous espérons vivement que la Malaisie et d'autres pays de l'OCI continueront leur ligne, qui a été fixée à plusieurs reprises dans les documents du sommet, un règlement juste et mutuellement acceptable du conflit israélo-palestinien.
Question: Lors de la réunion d'aujourd'hui, vous avez parlé de la formation d'un espace économique et humanitaire commun de Lisbonne à Vladivostok. Quelles sont les perspectives pour l'abolition du régime des visas entre les pays de la zone Schengen et la Fédération de Russie?
S.Lavrov: Honnêtement, les perspectives ne sont pas encourageantes. Bien avant la crise ukrainienne il y a eu un petit groupe au sein de l'UE, qui se sont opposés au régime sans visas avec la Russie pour des raisons purement politiques. Ils parlaient sans hésitation de la création d'un groupe d'experts, qui avaient testé les agents d'immigration, les agents des douanes, les gardes-frontières, la sécurité biométrique des passeports, l'état d'autres structures qui étaient en quelque sorte associées à la circulation des citoyens, s'étaient assurés du travail de l'accord de réadmission. Tout était en ordre. Mais ce petit groupe de pays bloquants la signature d'un accord sans visa a déclaré que, politiquement, ils ne pouvaient pas accepter l'introduction d'un régime sans visas avec la Russie avant son introduction avec la Moldavie, l'Ukraine, la Géorgie – les pays du « Partenariat oriental ». Bien qu'à l'époque les pays voisins de la Russie, que je viens de nommer, n'était pas plus prêts que nous.
Il s'agit d'une approche politisée basée sur des doubles standards et la volonté de ne pas nous laisser atteindre nos objectifs. Ceci doit être considéré avec dignité, sans panique, comme nous le faisons. Nous avons assez de possibilités afin que nos citoyens puissent se rendent en Europe sans problèmes. De nombreux pays, y compris, par exemple, l'Italie et la France, délivrent des visas Schengen pour la durée de cinq ans à entrées multiples, et je vous recommande de les utiliser. De nombreux autres pays dans le cadre des possibilités de l'espace Schengen et sur la base de l'accord Russie-UE sur la facilitation de la procédure de délivrance de visas, ont pris des mesures sérieuses pour avoir le visa sans perdre beaucoup de temps. Se faire délivrer un visa une fois en cinq ans ne devrait pas poser un problème à personne. En fait, pour toute la durée des études.
En ce qui concerne l'élimination des obstacles à la signature d'un accord d'exemption de visa (ce qui serait psychologiquement important), nous continuons à travailler sur ce point. Mais vous pouvez voir la situation actuelle - nos partenaires de l'Union européenne refusent tout simplement de constater l'évidence.
Question: Vous avez dit à plusieurs reprises que la politique de sanctions à ce jour, n'est pas pertinent. Alors quelles mesures d'influence sur d'autres pays sont pertinentes?
S.Lavrov: La persuasion. C'est ce que nous faisons. Nous sommes tenus de répondre lors de la création des conditions inéquitables pour nos milieux d'affaires, lorsqu'on affaiblit la position de nos agriculteurs dans le marché russe également. L'introduction de sanctions contre la Banque agricole russe signifie qu'ils n'auront plus de bonnes conditions pour l'obtention de prêts. Dans le même temps, les subventions et les prêts aux entreprises qui fournissent des produits alimentaires de l'Europe à notre marché, n'ont pas été affectées, et ils auraient un avantage concurrentiel. Il est nécessaire d'y répondre, en tout cas. Mais nous ne voulons pas le faire sur le principe «œil pour œil, dent pour dent». Ce n'est pas notre approche. Nous appelons constamment à la raison, mais pour l'instant nous n'y arrivons pas. Les déclarations que nous entendons de l'Europe selon lesquelles les autorités ukrainiennes ont le droit de recourir à la force dans leur propre pays pour réprimer les manifestations, est le biais absolu. Il s'avère que l'UE a «seulement encourage les autorités ukrainiennes à continuer d'appliquer une force proportionnée ». Ils croient que ce qui se passe maintenant dans le Sud-Est est un usage proportionné de la force. Dans toute autre région (le Proche-Orient, la bande de Gaza, la Syrie, l'Afrique, le Sud-Soudan), en cas de conflit l'Europe exige des autorités locales de ne pas utiliser la force contre la population civile - partout sauf en Ukraine. Nous leur avons demandé: «Est-ce que c'est comme ça en raison de l'agression contre les Russes et la Russie? ». Ils nous répondent: «Non, pas du tout. Nous voyons que là il y a des terroristes ». Quels terroristes?
L'Europe s'est félicité du lancement des négociations directes entre Israël et le Hamas, qui est qualifié de structure terroriste par les pays européens. Il y a également des groupes assez sérieux, par exemple, « Djihad islamique », dont les représentants étaient assis à la table de négociation. Alors, on peut négocier avec ceux qui sont considérés comme extrémistes.
Un autre exemple : les Américains en Afghanistan. Les talibans et leurs dirigeants sont inclus dans la liste des terroristes du Conseil de sécurité de l'ONU. Les Américains n'en avaient aucun problème tout au long de leur drame afghan. Périodiquement, ils négociaient avec les talibans, les persuadaient de participer à des pourparlers directs avec le président Hamid Karzaï. Ils ont également persuadé ce dernier de rencontrer et de discuter avec les talibans. Sans aucuns scrupules. Ce qui n'est pas le cas en Ukraine: « Ce sont de mauvaises personnes, nous n'allons pas leur parler ». C'est malhonnête.
Nous allons promouvoir des approches équitables. Je suis sûr qu'en Occident nombreux sont ceux qui comprennent qu'il faut faire arrêter l'effusion de sang et commencer immédiatement à s'engager dans l'harmonisation des paramètres qui permettront les Ukrainiens de se mettre d'accord sur le renforcement de leur État, où tous – les Russes, les Hongrois, les Roumains et les Ukrainiens se sentiront confortablement, pour que tous les minorités linguistiques et nationales se sentent impliquées dans le processus, au lieu d'être traité comme des ennemis de l'Etat.
Je vous souhaite du succès.