22:33

Interview du Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à la chaîne Euronews, 16 février 2018

244-16-02-2018

Question: Monsieur Lavrov, merci de nous avoir accordé du temps malgré votre planning chargé. La première question concerne les relations entre les USA et la Russie. Depuis que Donald Trump est devenu président des USA, ces relations ont atteint un niveau de tension sans précédent. La Russie attendait-elle plus de la présidence de Donald Trump?

Sergueï Lavrov: Je ne dirais pas que nous étions prisonniers de quelconques illusions. On entend actuellement de nombreuses spéculations selon lesquelles la Russie aurait "parié" sur Donald Trump et aurait perdu. En effet, des déclarations en soutien à l'élection de Donald Trump ont été prononcées, mais par des politiciens, des personnalités publiques et certains députés. Tous les représentants officiels, du Président au Ministre des Affaires étrangères et d'autres personnes responsables de la politique étrangère, n'ont jamais fait de "paris" et disaient clairement qu'en toutes circonstances et dans les relations avec tout pays la Russie serait prête à travailler avec le président et le gouvernement élu par le peuple de l’État en question. C'est le cas. Nous ne pouvions pas jouer aux devinettes - nous ne pouvions pas et nous ne nous sommes pas ingérés. On continue de parler d'une prétendue ingérence étatique dans le processus électoral, mais je n'ai encore vu aucune preuve à ce jour. Récemment, le conseiller du ministère américain à la sécurité nationale responsable de la cybersécurité a clairement déclaré que les USA ne disposaient pas de preuves d'une ingérence de la Russie dans la dernière campagne présidentielle américaine.

Question: Néanmoins, l'enquête bat son plein.

Sergueï Lavrov: Vous savez, les USA ont un système politique très spécifique. J'y ai travaillé pendant plusieurs années. En un an et demi d'enquête - l'enquête de Robert Mueller et les audiences du Sénat, les audiences et les interrogatoires auxquels des dizaines de citoyens ont participé - il n'y a eu aucune fuite dans la sphère publique: cela n'existe pas aux USA. S'il y avait eu la moindre flamme, la fumée en aurait été visible immédiatement. Je pense qu'après s'être mis au pied du mur par des déclarations sur de prétendues informations "exactes" concernant l'ingérence russe, ils tentent aujourd'hui de trouver rétroactivement des justifications. Mais même ça, ils ne parviennent pas à le faire.

J'espère vraiment que les tendances dominantes observées aujourd'hui à Washington cesseront. Bien sûr, on peut difficilement s'y attendre avant les élections de mi-mandat en novembre 2018 - la bataille a déjà commencé pour les places au Congrès américain et pour les postes de gouverneur. Il est évident que les démocrates n'arrivent toujours pas à se remettre de la défaite qui fut complètement inattendue pour eux, et qu'aujourd'hui ils cherchent à empoisonner la vie du Président Donald Trump et de tout le parti républicain (mais avant tout de Donald Trump en tant que dirigeant hors système). Mais je pense qu'ils n'arrivent pas à le faire autant qu'ils le souhaiteraient. Le Président Donald Trump mène tout de même sa ligne malgré la nécessité de faire des compromis et compte tenu des dispositions du Congrès. Il a réaffirmé plusieurs fois son intention sincère de tenir sa promesse de campagne de développer des relations normales avec la Russie mutuellement bénéfiques et dans le respect réciproque.

Question: Mais tout de même, personne ne l'a forcé à signer les lois de sanctions ou à livrer des armes à l'Ukraine.

Sergueï Lavrov: Comme je l'ai dit, il a dû faire des compromis compte tenu des dispositions du Congrès. Quand une loi est adoptée par un nombre de voix plus que suffisant pour surmonter le veto présidentiel, les règles de la politique nationale entrent en vigueur et le Président se base sur ses relations avec le Congrès concernant un plus grand éventail de questions. C'est la vie. Même s'il est regrettable qu'en plus d'un an de présidence de Donald Trump, nos relations ne se soient pas améliorées par rapport à la période de l'administration démocrate. Elles se sont même dégradées dans une certaine mesure. Je fais évidemment référence à la saisie de notre propriété diplomatique, qui transgresse non seulement les conventions de Vienne mais également tous les principes sur lesquels reposent la société et la Constitution américaine: la propriété privée est sacrée. Ce principe a été bafoué et aujourd'hui, comme nous l'avons dit, nous initions des procès aux USA.

Question: Vous aviez parié sur le pragmatisme: gardez-vous espoir à ce sujet?

Sergueï Lavrov: Nous avions dit que nous travaillerions avec n'importe quel gouvernement, n'importe quel président. Le pragmatisme se fraie un passage. J'ai déjà cité des exemples: ni notre coopération dans l'espace ni celle sur la Syrie n'ont cessé, même si cette dernière avance difficilement car trop d'intérêts y sont entremêlés. Néanmoins, la zone de désescalade du sud a été mise en place avec la participation de la Russie, des USA et de la Jordanie, et elle fonctionne plutôt bien. Même s'il faut évidemment remplir les accords, conclus dans le cadre de la mise en place de cette zone, sur le retrait de toutes les forces non syriennes de cette région. Il reste encore des combattants qui ne permettent pas de fixer la stabilité dans la région du plateau du Golan, ce qui est si important pour Israël. Cette question a été évoquée quand le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est rendu en Russie. Je crois qu'une entente a été trouvée avec lui. Il est important pour nous que les Américains fassent également leur travail, notamment qu'ils ferment la zone de deconflicting unilatéralement annoncée de 55 km de diamètre autour d'Al-Tanf, à l'intérieur de laquelle se trouve le camp de réfugiés al-Roukban qui, selon de nombreuses informations, est utilisé pour l'armement, la formation et le repos des combattants.

Néanmoins, le dialogue avec les Américains sur la Syrie est assez pragmatique. Nous essayons tout de même de les raisonner vis-à-vis du fait que leurs serments selon lesquels ils se trouvent en Syrie uniquement pour combattre Daech doivent rester en vigueur. Parce qu'en dépit de ce que m'a dit le Secrétaire d’État américain Rex Tillerson, ils disent qu'ils se trouvent en Syrie non seulement jusqu' à ce que le dernier terroriste soit tué ou chassé, mais également tant qu'un processus de paix stable ne se sera pas mis en place, tant qu'il ne débouchera pas sur une transition politique (un euphémisme pour dire "changement de régime") dont les résultats conviendront aux USA. C'est une nouvelle manifestation de l'incapacité à s'entendre que nous avons constatée à de nombreuses reprises du côté des USA et de leurs partenaires occidentaux ces vingt dernières années.

Question: En Syrie, les intérêts des alliés de l'Otan, de la Turquie et des USA divergent. La Russie le voit forcément. Je veux parler de l'opération turque à Afrin: ils ne cachent pas qu'ils ne s'arrêteront pas là.

Sergueï Lavrov: Toute cette histoire souligne une fois de plus l'imprévoyance voire la malveillance des USA. Progressivement, pendant deux ou trois ans (c'est-à-dire pratiquement depuis que la coalition menée par Washington travaille en Syrie) les forces spéciales américaines et d'autres unités se trouvaient au sol en Syrie illégalement sans aucune invitation du gouvernement légitime de Damas ni mandat du Conseil de sécurité des Nations unies. Depuis le début de leurs actions en Syrie, les Américains ont parié sur les Kurdes en ignorant le mécontentement de la Turquie. Quoi qu'on pense de la position de la Turquie, c'est une réalité - et elle n'a jamais été un secret pour personne. Ankara considérait certains groupes kurdes en Syrie comme un détachement du Parti des travailleurs du Kurdistan, considéré par la Turquie et plusieurs autres pays comme une organisation terroriste. Tout cela était connu. Les Turcs ont déclaré à plusieurs reprises qu'ils empêcheraient les Kurdes de prendre le contrôle de la frontière entre la Syrie et la Turquie. Néanmoins, pendant toute cette période, les Américains ont armé continuellement et en grand nombre les unités kurdes en ignorant la position turque. Récemment, il y a un mois ou un mois et demi, ils ont annoncé tout à coup qu'ils allaient créer des forces essentiellement kurdes de 30 000 hommes pour garantir la sécurité de la zone frontalière entre la Syrie et la Turquie. Puis ils ont tenté maladroitement de désavouer leurs propres propos, mais les informations ouvertes à tous indiquent que ce désaveu n'a pas changé leurs intentions. La Turquie a alors annoncé ce qu'elle a annoncé. Ce qui s'est produit n'était pas une grande surprise pour moi. Les multiples avertissements d'Ankara ont simplement été ignorés par Washington.

Il faut agir prudemment. Il est évident que les USA ont probablement une certaine stratégie qui consiste, je pense, à s'installer à tout jamais en Syrie avec leurs forces armées. Ils veulent faire la même chose qu'actuellement en Irak et en Afghanistan, contrairement à toutes les promesses qui ont été faites. Ils veulent déjà détacher une immense partie du territoire syrien du reste du pays, transgressant ainsi la souveraineté et l'intégrité territoriale de cet État. Ils y créent des autorités pseudo-locales, ils cherchent à créer une entité autonome en s'appuyant sur les Kurdes.

Jouer avec la question kurde dans le cadre de la vision étroite de ses propres projets géopolitiques dans une partie de cette région, comme le font aujourd'hui les USA, est très dangereux. Cela pourrait conduire à un plus grand nombre de désagréments dans plusieurs pays de la région où le problème kurde existe et où vit la population kurde. Il faut réfléchir aux solutions pour garantir des droits égaux aux Kurdes dans les frontières actuelles des pays où ils se trouvent au lieu de tenter de diviser cette région, comme nos collègues occidentaux cherchent à le faire depuis un siècle.

Question: On entend dire partout que la présence des USA sur la scène mondiale a commencé à se réduire avec le Président américain Donald Trump. Êtes-vous d'accord ou pensez-vous que les USA restent l'acteur mondial qu'ils étaient au cours des dernières décennies?

Sergueï Lavrov: Je ne suis pas d'accord avec la vision selon laquelle la présence américaine se réduirait dans les affaires internationales. Le Président américain Donald Trump disait que l'objectif était de "rendre l'Amérique grande à nouveau", et "l'Amérique avant tout". Mais ceux qui ont compris ce slogan comme une invitation à l'isolationnisme et à l'abandon de projets extérieurs se trompaient. Durant tout le XXe siècle, au moins depuis la Première Guerre mondiale, la doctrine américaine en politique étrangère dominait: personne ne devait être plus fort que l'Amérique ni dans l'économie ni, qui plus est, dans le domaine militaire. Ce slogan est passé de mains en mains des démocrates aux républicains et inversement, et personne ne l'a annulé. Quels que soient les slogans choisis pour une campagne présidentielle concrète, l'orientation stratégique de la politique américaine continue de reposer sur la nécessité de s'assurer une domination totale dans le monde. C'est une lutte pour la domination. La doctrine militaire des USA (l'un des documents approuvés récemment) se base précisément sur ce slogan, reprend littéralement cette thèse.

La présence internationale des USA ne se réduit pas, mais s'élargit essentiellement dans sa dimension militaire: en Syrie où personne ne les a invités, ou encore en Afghanistan où ils ont été invités mais où leur séjour dure depuis 16 ans et n'a mené à rien de bon – la menace terroriste perdure et la production de stupéfiants a été multipliée par plus de 10. Cela nous préoccupe avec nos partenaires d'Asie centrale, et devrait préoccuper l'Europe parce que les drogues y sont également envoyées. Les terroristes se répandent à travers le monde sans connaître aucune frontière. La même chose se passe en Irak. Encore sous la présidence de Barack Obama, les USA ont annoncé leur sortie complète d'Irak. Aujourd'hui, cette présence se réinstalle et elle va augmenter.

Sans parler du renforcement des préparations militaires en Asie du Sud-Est sous prétexte du problème nucléaire de la péninsule coréenne, mais dans une ampleur qui sort du cadre du refrènement de la menace que les Américains voient en Corée du Nord. C'est fait manifestement pour s'affirmer en mer de Chine méridionale dans le contexte des litiges territoriaux entre la Chine et plusieurs pays de l'ANASE, que la Chine cherche à régler pacifiquement avec ses voisins à travers un dialogue direct sans aucune ingérence. Bien sûr, le renforcement de la présence militaire américaine dans cette région apporte des corrections à ces intentions.

En parlant des sujets globaux dans le cadre desquels la présence américaine suscite de nombreuses questions, il convient de noter également le système global de défense antimissile activement mis en place dans le segment européen en Roumanie et en Pologne, et dans le segment d'Asie orientale en Corée du Sud. Désormais, le Japon commence à s'intéresser à cette tâche. Il s'avère que le système global de défense antimissile crée des problèmes non seulement pour nous, mais également pour la Chine. Vous voyez: la présence américaine grandit, et pas du tout dans un sens inoffensif.

Question: Pendant la Conférence de Munich sur la sécurité sera évoqué le fait que les USA ont renoncé à leur rôle de garant de la sécurité internationale, ce qui comporte des risques pour l'Europe, notamment pour l'Europe de l'Est.

Sergueï Lavrov: Cette conclusion qui doit encore être argumentée. Si cette thèse selon laquelle les USA ont renoncé à leur rôle de garant de la sécurité internationale sous-entend qu'ils ont commencé à exiger davantage des membres européens de l'Otan, à les critiquer pour un financement insuffisant du secteur militaire et à faire du chantage en disant que si les Européens n'allouaient pas 2% de leur budget aux dépenses militaires, alors les USA reverraient leur engagement de protéger l'Europe: j'ai bien entendu de telles affirmations. Mais en pratique cela signifie exactement l'inverse. En attisant la russophobie dans les relations entre la Russie et l'Otan, en nous accusant d'être sur le point d'attaquer les pays baltes, la Pologne et tous les autres (ces idées ne peuvent apparaître que dans des cerveaux malades, mais néanmoins de tels cerveaux malades existent, qui plus est des cerveaux qui ont été pénétrés par ces idées), se déroule un déploiement parfaitement réel d'armements lourds, d'importants contingents supplémentaires à la frontière entre l'Otan et la Fédération de Russie dans les pays baltes. Le même processus se déroule en Pologne aujourd'hui et une base de défense antimissile est créée en Roumanie - j'en ai déjà parlé. Outre le déploiement de brigades américaines, britanniques, canadiennes et allemandes dans les pays baltes et en Pologne, il est question de renforcer significativement le déploiement et, sous prétexte d'une fausse menace russe, d'affirmer la domination des USA à travers l'Otan en Europe. C'est complètement contraire aux attentes initiales que vous avez mentionnées. Les paroles sont une chose, les actes en sont une autre. Personne ne dissimule ce déploiement, il est réalisé ouvertement: il est annoncé et mis en œuvre.

Question: Depuis un an, sur les traces des USA, les pays européens et l'UE se sont mis à accuser la Russie de propagande, et notamment de soutenir des partis de gauche et d'extrême-droite populistes. Une Europe affaiblie et déstabilisée peut-elle avoir un intérêt stratégique pour la Russie?

Sergueï Lavrov: Bien sûr que non. Le Président russe Vladimir Poutine a déclaré à de nombreuses reprises que nous voudrions que "la confusion et les troubles" qui touchent l'UE soient surmontés. Nous voulons voir une Europe forte et stable. C'est notre plus grand partenaire commercial et économique malgré tous les événements négatifs des trois dernières années. Bien sûr, nous voulons que cette structure se développe de manière stable, prévisible et durable. Nous avons de nombreux projets.

Les besoins de l'Europe en ressources énergétiques grandissent, et ils pourront être satisfaits par les projets évoqués actuellement avec nos collègues européens: Nord Stream 2 et Turkish Stream. L'an dernier, la compagnie Gazprom a augmenté de façon record ses fournitures en Europe, acheminant une quantité sans précédent vers le Vieux continent. Toutes les discussions selon lesquelles il faut échapper à la dépendance envers le gaz russe sont uniquement des jeux politiques qui visent à briser artificiellement notre partenariat économique naturel.

D'ailleurs, j'ai noté que l'accord de coalition signé à Berlin par les partis CDU/CSU et les sociaux-démocrates contenait un point concret indiquant que le nouveau gouvernement allemand promouvrait l'idée de créer un espace économique commun de Lisbonne à Vladivostok. Cela ne peut qu'être salué. Cette idée est exprimée depuis plus d'une décennie: il faut enfin entamer sa mise en œuvre.

Question: Si je ne m'abuse, monsieur Salvini, leader de la Ligue du Nord en Italie, soutient également cette idée.

Sergueï Lavrov: Je reviens à votre question sur les partis radicaux ou, comme on dit encore, "hors système". Nous n'évitons jamais les contacts avec qui que ce soit. Cela rend notre ligne très particulière dans les affaires internationales. Par exemple, dès que commencent des conflits - que ce soit en Syrie, en Irak, au Yémen et en Libye - nous sommes toujours le seul pays à entretenir des contacts avec toutes les forces politiques sans exception. Par exemple, en Syrie, nous avons dialogué avec le gouvernement et l'opposition irréconciliable qui ne veut parler de rien d'autre que du renversement du régime. Il y a déjà du progrès aujourd'hui parce que ces irréconciliables ont envoyé partiellement leurs représentants à Sotchi et sont déjà prêts à participer aux négociations, même si ce sera extrêmement difficile. Mais, je le répète, nous n'excluons jamais personne et ne fermons pas la porte aux contacts positifs.

Question: Marine Le Pen, leader du parti français Front national, est eurosceptique. Vous l'avez reçue à Moscou. Comment réagissez-vous quand la politicienne dit qu'elle souhaite que l'UE s'effondre?

Sergueï Lavrov: Nous réagissons aux déclarations de ce genre comme reflétant l'avis d'une grande partie de la société française. Après tout, Marine Le Pen récolte de nombreuses voix d'électeurs. De la même manière que dans d'autres pays, les partis qui ont une vision conceptuelle similaire au Front national de Marine Le Pen reflètent l'opinion d'une grande partie de la population. Quand ces représentants veulent développer des contacts avec nous, mieux savoir comment nous vivons, comment nous réglons les problèmes dans différents domaines, comment nous pouvons coopérer, du moins avec les régions qu'ils représentent, je trouve irresponsable d'éviter de telles conversations.

Il est très facile de dire qu'il y a un État-voyou et qu'on ne lui parlera pas, qu'on décrétera des sanctions contre lui, et si les sanctions n'aidaient pas qu'on le détruirait par la force. Je fais évidemment référence à la politique de certains "faucons" de Washington vis-à-vis de la Corée du Nord ou de l'Iran. Ils disent que l'Iran est coupable de tous les maux, que l'Iran est un pays terroriste, tout en oubliant que sur près de 15 organisations terroristes officiellement reconnues comme telles par les USA, la grande majorité d'entre elles considèrent l'Iran comme leur ennemi. Néanmoins, les USA dirigent leur principale emphase antiterroriste vers l'Iran et non contre les structures qui tentent de lutter, entre autres, contre Téhéran.

L'inclusivité est une notion qui doit être présente non seulement dans les situations jugées importantes pour soi par tel ou tel pays, mais qui devrait constituer un principe pour toute la communication internationale. Je n'y vois rien de mal. Et personne ne voit de mal à ça, à en juger par le travail des ambassades occidentales en Russie. Elles rencontrent régulièrement nos opposants, non seulement ceux qui sont représentés au Parlement mais également ceux de l'opposition hors système qui formulent des critiques complètement arrogantes contre les autorités. Personne ne leur interdit de le faire. D'ailleurs, c'est une tradition politique de l'Europe et des USA qui date de plusieurs décennies. Au moins depuis la Guerre froide, c'est devenu une norme. Quand des chanceliers, des premiers ministres, des présidents et des ministres des Affaires étrangères américains et européens viennent chez nous, ils incluent toujours à leur programme des rencontres avec des opposants russes, avec des critiques sérieux et irréconciliables de la politique du Kremlin. Personne ne pose la question de savoir si c'est bien ou non. C'est une partie de la société civile et probablement personne ne veut aujourd'hui ne pas travailler avec la société civile.

Question: Quels sont les intérêts de la Russie dans les Balkans? Comment voyez-vous l'évolution de cette partie de l'Europe?

Sergueï Lavrov: Les pays des Balkans sont nos partenaires historiques. Nous avons fait beaucoup pour garantir leur sécurité et leur structure étatique, notamment pendant les guerres russo-turques et les deux Guerres mondiales. Nos racines historiques, spirituelles et religieuses (la plupart des pays de la région sont à majorité orthodoxe) dans les Balkans expliquent les très bonnes relations entre les peuples de la Fédération de Russie et les pays situés dans les Balkans. Ces dernières années, nos relations évoluent très bien avec la Serbie, la Slovénie, et le dialogue avance bien avec Banja-Luka et la Macédoine. Très récemment, les relations avec la Croatie ont repris après une interruption: la Présidente croate Kolinda Grabar-Kitarovic s'est rendue en Russie et j'ai rencontré mon homologue le ministre croate des Affaires étrangères Davor Stier. Bien sûr, nous sommes préoccupés par la situation au Monténégro qu'on tente d'utiliser comme une monnaie d'échange dans la lutte russophobe et dans les projets russophobes. On a imposé à ce pays d'adhérer à l'Otan en refusant fermement d'organiser un référendum. En fait, je constate aujourd'hui en UE et dans les pays membres de l'Otan que le référendum en tant qu'expression suprême de la volonté du peuple devient de moins en moins populaire. On a peur qu'à travers les urnes des bureaux de vote soit exprimé un avis différent de celui que les élites classiques et traditionnelles veulent promouvoir.

Néanmoins, nous sommes toujours en bons termes avec le Monténégro. J'ignore pourquoi les Monténégrins ont eu besoin de se lancer dans cette campagne russophobe. Cela restera sur leur conscience. Nous pensons que la ligne visant à attirer, "aspirer" ce territoire au sein de l'Otan est contraire à tous les serments faits quand l'Allemagne a été réunifiée, selon lesquels l'Alliance ne s'élargirait pas d'un centimètre. C'est également contraire au bon sens parce que dans les Balkans, on cherche à nouveau faire du "ventre mou" une sorte de zone de conflit.

Question: Vous avez parlé de la poudrière de l'Europe. Et qu'en est-il de l'élargissement de l'UE?

Sergueï Lavrov: Je suis sûr qu'ils ne formeront pas de poudrière à moins qu'ils ne recherchent les problèmes qu'ils créent, notamment en fermant les yeux sur les exactions au Kosovo. Ce sont des problèmes particuliers et isolés. Mais comparez les faits: dans pratiquement tous les pays des Balkans, l'ambassadeur américain et les ambassadeurs européens exigent des autorités qu'elle rompent leur amitié avec la Russie. Ils le font publiquement, du moins en Serbie.

Et en même temps, regardez ce que nous faisons dans les Balkans: nous proposons simplement des projets mutuellement bénéfiques. Nous n'exigeons jamais de nos partenaires dans les Balkans ou ailleurs qu'ils cessent de développer des relations avec tel ou tel pays. C'est la profonde différence entre notre politique étrangère et celle de l'Occident. Quand ils disent que la Russie s'ingère dans les processus intérieurs sans avancer la moindre preuve, je pense tout de même que les médias indépendants et objectifs (j'estime qu'Euronews en fait partie) devraient montrer les actions entreprises ouvertement par les pays occidentaux, y compris dans les Balkans, pour faire cesser l'amitié de ces pays avec la Fédération de Russie.

Question: D'ici 2025, la Serbie et le Monténégro pourraient adhérer à l'UE dans le cadre du programme dit accéléré. Comment la Russie voit-elle l'élargissement de l'UE?

Sergueï Lavrov: Comme un processus naturel de promotion des intérêts économiques des pays qui veulent adhérer à l'UE. Cette dernière sera également gagnante: les marchés s'élargiront, tout comme les possibilités de l'union qui deviendra probablement plus forte. Bien sûr, il faut surmonter l'étape actuelle caractérisée par deux tendances antagonistes en UE. Il y a ceux qui veulent transformer l'UE en un projet d'intégration à deux vitesses. Si je comprends bien, l'Allemagne y songe. Il serait intéressant de connaître l'avis du nouveau gouvernement allemand à ce sujet. La France pense qu'il faut toute de même renforcer le noyau d'intégration et s'appuyer sur toute la zone euro. Nous verrons comment évoluera l'UE. Nous nous réjouirons de tout scénario susceptible de rendre l'UE plus stable, prévisible et autonome en politique étrangère.

En ce qui concerne l'élargissement par l'intégration de la Serbie et du Monténégro. Si ce sont des négociations pour inscrire l'économie du pays candidat dans l'espace économique commun de l'UE, dans l'espace monétaire commun, si la zone euro a été étudiée pour s'élargir grâce à de nouveaux membres, alors c'est un processus parfaitement naturel. On dit à nos collègues serbes que toutes les questions financières, économiques et réglementaires seront évoquées avec eux, mais qu'ils n'adhéreront pas à l'UE tant qu'ils ne reconnaîtront pas le Kosovo et ne soutiendront pas la politique étrangère défensive globale de l'UE, sous-entendant directement l'adhésion aux sanctions antirusses et à d'autres mesures antirusses. Je dirais qu'à notre époque, il est indécent de fixer de tels ultimatums, qui plus est pour une structure aussi respectable que l'UE.

La Serbie, comme tout pays normal, souhaite développer une politique étrangère multivectorielle pour avoir des relations avec des voisins à l'ouest, à l'est, au sud et au nord. C'est une volonté parfaitement naturelle et normale. La Serbie a des relations assez avancées avec l'UE et elle a des relations avec l'Otan, entre autres. L'Otan organise de nombreux exercices militaires sur le territoire serbe. Mais, dans le même temps, la Serbie possède une zone de libre-échange avec la Russie, elle entame des négociations sur la création d'une zone de libre-échange avec l'Union économique eurasiatique (UEE) et entretient des contacts avec l'OTSC, notamment en tant qu'observatrice à son Assemblée parlementaire. Je pense que c'est une évolution parfaitement naturelle des liens extérieurs de la Serbie. Tenter à nouveau d'exiger du gouvernement de Belgrade de faire le choix entre la Russie et l'Occident signifie refaire la même erreur qui a conduit à la crise ukrainienne, quand on a cherché à déchirer la société en exigeant de l'ancien président d'obéir à un ultimatum.

Question: Autrement dit, le scénario ukrainien n'est pas exclu?

Sergueï Lavrov: J'espère que l'Occident, qui a mis en place ce scénario en Ukraine, est tout de même revenu à la raison. Il est parfaitement clair qu'aujourd'hui l'Occident est irrité par les agissements complètement arrogants des autorités de Kiev, par le déchaînement de la criminalité et de la corruption dans le pays, et de voir que l'Ukraine n'est pas du tout dirigée par le président mais par le "parti de la guerre" radical qui l'influence, qui compte dans ses rangs des néonazis notoires. Je l'entends dans les conversations privées avec mes collègues occidentaux. Mais ils ont soutenu le coup d’État anticonstitutionnel et se sont retrouvés dans une position complètement honteuse quand les pays européens ont attesté l'accord conclu en février 2014 entre le président de l'époque et l'opposition et qu'ils ont été incapables de défendre quand il a été brisé, littéralement le lendemain matin. Je suis certain qu'ils en sont parfaitement conscients. Mais en faisant monter les enchères au profit du pouvoir ukrainien actuel, en voyant tous ses défauts et ses vices, ils ne peuvent plus en parler publiquement sans perdre la face. Nous disons qu'exiger de choisir entre la Russie et l'Occident relève du "Moyen âge".  Ce n'est pas en accord avec ce que nous venons de mentionner, selon quoi en Allemagne et dans d'autres pays européens, en France y compris, renaît la compréhension de la nécessité de revenir à la construction d'un espace économique commun. Nous avons proposé plusieurs fois à la Commission européenne d'entamer le dialogue avec la Commission économique eurasiatique. Si je comprends bien, ce dialogue commence à être reconnu aujourd'hui comme nécessaire, du moins au niveau des consultations techniques. Nous le saluons.

Question: Le Parlement ukrainien a adopté la loi sur la "réintégration" du Donbass, où la Russie est qualifiée "d’État-agresseur" et le territoire à l'Est de l'Ukraine "d'occupé". Dans son communiqué à ce sujet, le Ministère russe des Affaires étrangères qualifie ce texte de "préparation à une nouvelle guerre". Les Accords de Minsk restent-ils en vigueur du point de vue de la Russie? Comment voyez-vous le règlement de ce conflit?

Sergueï Lavrov: Les Accords de Minsk restent en vigueur du point de vue du droit international. Ils ont été approuvés à l'unanimité par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui est contraignante. Aucune loi ukrainienne ne peut être placée au-dessus de la décision du Conseil de sécurité des Nations unies. Tous nos interlocuteurs d'Europe occidentale et de l'Est, et même des USA, confirment la nécessité de remplir les Accords de Minsk.

La loi sur la "réintégration" (son nom est différent mais tout le monde l'appelle ainsi) ne mentionne pas les Accords de Minsk et octroie aux forces armées ukrainiennes ainsi qu'à un certain "QG opérationnel" des pouvoirs de temps de guerre. La loi n'a pas encore été entièrement publiée dans sa version finale, mais en lisant les versions qui ont "fuité" dans l'espace public on voit que les militaires reçoivent le droit d'arrêter des gens sans forme de procès, de mener des activités militaires, de réprimer les troubles et la dissidence. En fait, je dirais que c'est une loi de "désintégration" parce qu'elle est contraire à la logique des Accords de Minsk qui exigent de rétablir l'unité de l'espace social, politique et public à travers le dialogue entre les autorités de Kiev et cette partie de l’État ukrainien. A travers le dialogue et en adoptant plusieurs démarches politiques, y compris la loi sur l'amnistie, la loi sur le statut particulier du Donbass signée personnellement par la Chancelière allemande Angela Merkel et le Président français François Hollande à Minsk il y a trois ans. Il s'agit aussi de l'organisation des élections en accord avec les régions appelées républiques de Donetsk et de Lougansk. Il n'y a rien de tout ça.

Dans les conversations privées, les représentants ukrainiens disent des choses complètement inadmissibles à leurs partenaires occidentaux. Par exemple, il a été convenu qu'il fallait amnistier tout le monde, et la loi sur l'amnistie a été en principe adoptée par le Parlement ukrainien il y a très longtemps sous une forme qui convenait à Donetsk et à Lougansk. Le président ne la signe pas et retarde depuis trois ans sa signature. Aujourd'hui, les Européens insinuent que dans les conversations avec les Ukrainiens (en fait les Ukrainiens le disent pendant les réunions du Groupe de contact) ces derniers se disent prêts à procéder à l'amnistie sur la base de la loi de 1996 où conformément à la loi de l'époque et uniquement à titre individuel, c'est seulement après le rétablissement du contrôle sur tout le territoire que les autorités de Kiev décideront de manière bienveillante de qui doit ou non être amnistié. Comment espérer, avec une telle approche, que les autorités ukrainiennes souhaitent dialoguer avec ces territoires? Ils ont proclamé ces territoires "zone d'opération antiterroriste". Donetsk et Lougansk n'ont pourtant pas attaqué le reste de l'Ukraine: au contraire, c'est l'Ukraine qui les a attaqués, le gouvernement ukrainien qui est arrivé au pouvoir porté par les radicaux et les néonazis. C'est une loi très alarmante. Nous en avons déjà parlé avec nos collègues au niveau des conseillers des chefs d’États au "format Normandie", ainsi qu'au sein du Groupe de contact. En ce sens, j'en suis certain, on ne peut pas faire preuve de faiblesse et se laisser faire par des radicaux qui cherchent à enterrer les Accords de Minsk.

Les républiques de Donetsk et de Lougansk ont souvent fait preuve de leur disposition au compromis. Par exemple, selon les Accords de Minsk, l'entrée en vigueur de la loi sur le statut particulier devait précéder l'organisation des élections. Le Président Petro Porochenko s'y opposait fermement en déclarant qu'il voulait d'abord voir qui serait élu avant de décider s'il fallait leur accorder un statut particulier. C'est une "magnifique position" du point de vue de la démocratie. Au final, un compromis a été trouvé, selon lequel la loi sur le statut particulier entrerait en vigueur temporairement le jour des élections, et définitivement le jour où l'OSCE diffuserait un rapport confirmant que les élections ont bien été libres et justes. Cette entente a été conclue par les dirigeants au "format Normandie" il y a un an et demi et on n'arrive toujours pas à le mettre par écrit, ni au "format Normandie" au niveau des experts ni dans le Groupe de contact.

Question: Y a-t-il des chances que des casques bleus de l'Onu fassent leur apparition dans l'Est de l'Ukraine d'ici mars?

Sergueï Lavrov: Tout dépendra de ceux qui n'ont encore formulé aucune remarque concrète sur le projet de résolution soumis par la Russie.

Notre logique est très simple. Les Accords de Minsk sont remplis sous le suivi de l'OSCE, qui a créé une mission spéciale d'observation à cet effet. Nous avions des craintes concernant la sécurité des observateurs. Pendant longtemps, le Président russe Vladimir Poutine a proposé de leur fournir des armes légères pour qu'ils soient mieux protégés. L'OSCE a jugé cela impossible car ils n'avaient pas d'expérience des opérations de maintien de la paix armées. Plus tard, plus exactement en septembre 2017, nous avons soumis un projet de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies, dont le contenu est très simple et directement lié aux Accords de Minsk: partout où travaillent les observateurs de l'OSCE, il faut leur fournir une protection des casques bleus de l'Onu. Nous partenaires ont dit que c'était une démarche très juste et ont voulu élargir le concept – ils ont proposé de ne pas suivre la tâche de réaliser les Accords de Minsk mais de remplacer tout ce qui y était inscrit par la création d'une grande et puissante structure militaire sous la forme d'une opération de l'Onu. On parlait même de 40 000 casques bleus disposant non seulement d'armes légères, mais également d'armements lourds avec du matériel militaire de pointe pour prendre le contrôle de tout le territoire des républiques de Donetsk et de Lougansk, y créer une administration provisoire de l'Onu de 5 000 hommes et régler toutes les questions relatives à l'organisation des élections et au statut particulier du Donbass non pas par un dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk comme l'exige la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies validant les Accords de Minsk, mais comme le souhaiterait cette administration internationale. Voilà les idées qu'on cherche à répandre aujourd'hui.

Question: La Russie est-elle pour ou contre cette idée?

Sergueï Lavrov: La Russie ne peut pas être favorable aux idées qui sont en contradiction avec les décisions de l'organe suprême de l'Onu responsable de la paix et de la sécurité. La résolution qui a approuvé les Accords de Minsk est contraignante. Le sabotage de cette résolution par les autorités de Kiev dure depuis longtemps. Si les collègues américains maintenaient cette ligne et sapaient les possibilités de créer une mission de l'Onu qui protégerait ceux qui remplissent les Accords de Minsk, cela serait probablement très regrettable pour les relations, pour l'Ukraine. Ce conflit continuera de rester dans un état qui convient aux autorités de Kiev. Ces dernières sont en effet satisfaites par tout état de tension, qui permet de montrer comment Kiev réagit aux prétendues violations de Donetsk et de Lougansk. Bien que les observations de l'OSCE publiées chaque semaine indiquent que les deux parties ne remplissent pas à 100% leurs engagements. En ce qui concerne, par exemple, l'absence de matériel lourd dans les dépôts, c'est le gouvernement ukrainien qui est en tête. Cela signifie que les armements lourds sont utilisés quelque part en dehors des zones convenues, entretenant ainsi l'atmosphère de guerre dont les autorités de Kiev ont besoin pour satisfaire les radicaux et rester au pouvoir.

Question: La Russie a surpris le monde entier en concluant un accord avec l'Iran et la Turquie sur la Syrie. Quelles seront les prochaines actions de ces trois pays en Syrie? La Russie considère-t-elle l'Iran et la Turquie comme des alliés pour former une politique commune d'influence au Moyen-Orient?

Sergueï Lavrov: Nous ne regardons pas aussi loin. Nous pensons qu'il faut maintenant mener à son terme ce qui a été commencé en Syrie quand l'administration de Barack Obama a été complètement inconsistante concernant notre accord pour la promotion du cessez-le-feu. Nous n'avions plus d'autre choix que de travailler avec ceux qui tenaient leur parole, qui malgré les différences d'approches restaient attachés à la recherche de positions communes, à un règlement qui préserverait la Syrie comme un État territorialement intègre. C'était le cas de nos partenaires iraniens qui, comme la Russie, ont été invités en Syrie par le gouvernement légitime pour l'aider à combattre le terrorisme. La Turquie a affiché les mêmes dispositions.

Fin 2016 s'est tenu le premier sommet qui a donné une impulsion au processus d'Astana, grâce auquel le niveau de violence s'est nettement réduit. Des tirs se poursuivent dans les zones de désescalade créées au format d'Astana, mais en grande partie dans la zone d'Idleb et de la Ghouta orientale cela se produit parce qu'il reste des troupes inachevées du Front al-Nosra qui est épargné par les Américains, comme nous avons pu le constater plusieurs fois déjà sous l'administration Obama. Aucune de leurs attaques ne vise le Front al-Nosra. Bien sûr, les forces armées syriennes doivent répondre aux provocations quand, par exemple, le Front al-Nosra tire depuis la Ghouta orientale contre les bâtiments de l'Ambassade russe, de notre Représentation commerciale. Bien sûr, nos partenaires américains ont honte quand à chaque fois ils refusent d'évoquer au Conseil de sécurité des Nations unies de tels actes terroristes. Mais que faire? C'est leur approche politisée.

Dans l'ensemble, je répète, le niveau de violence s'est nettement réduit. De plus, tout le monde considère le Congrès du dialogue national syrien comme l'événement récent le plus important dans les affaires syriennes qui a approuvé – et c'est son résultat majeur – les 12 principes de la future structure étatique de la Syrie. Certes, tous les groupes d'opposition n'étaient pas adéquatement représentés à Sotchi, mais c'était un forum absolument sans précédent en matière de représentation des différents segments de la société syrienne. D'ailleurs, le leader du groupe formé par l'Arabie saoudite, Nasser al-Hariri, n'a pas pu venir pour des raisons politiques mais près d'un tiers des membres de son comité formé par l'Arabie saoudite étaient à Sotchi.

Question: Tous les leaders d'opposition seront-ils impliqués dans le processus à venir?

Sergueï Lavrov: Désormais, cela doit être examiné à Genève. Pour la deuxième fois, nous avons aidé le processus de Genève qui faisait déjà du surplace en 2016, quand personne ne faisait quoi que ce soit, et avait repris seulement quand le processus d'Astana avait été lancé. Maintenant cela fait pratiquement un an qu'aucune consultation n'a été organisée à Genève, mais avec la préparation du congrès de Sotchi les représentants de l'Onu se sont activés à nouveau. Cette fois, à l'issue du Congrès de Sotchi auquel l'Envoyé spécial du Secrétaire général de l'Onu pour la Syrie Staffan de Mistura et sa délégation ont participé, ces derniers ont salué les résultats du Congrès et à présent, compte tenu de ses décisions, ils formuleront leurs propositions pour aider les Syriens à travailler sur la nouvelle Constitution.

Je pense que c'est un résultat concret. Il ne sera pas facile de s'entendre parce que le gouvernement et l'opposition voient différemment l'avancée des réformes constitutionnelles. Néanmoins, la Russie, la Turquie et l'Iran y contribueront. Aujourd'hui nous préparons notamment une nouvelle réunion au format d'Astana, cette fois au niveau ministériel. Nous l'organiserons peut-être pendant la première quinzaine de mars. Les préparatifs ont déjà commencé. Nous verrons comment ce "trio" pourra continuer à aider l'Onu à accomplir ce qu'il est chargé de faire.

Question: Dernière question, pour finir. La Coupe du monde du football approche. Je sais que vous n'êtes pas un simple supporter mais que vous jouez vous-même au football. Avez-vous déjà réservé une place pour la finale? Quel sont vos pronotics?

Sergueï Lavrov: Je ne ferai pas de pronostics: le plus fort gagnera, c'est clair. Quant à la réservation des places, je n’y ai pas pensé.

Question: Et qui supporterez-vous?

Sergueï Lavrov: La Russie, évidemment.


Dates incorrectes
Outils supplémentaires de recherche