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Allocution et réponses à la presse de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, lors d'une conférence de presse conjointe à l'issue de son entretien avec Zohrab Mnatsakanian, Ministre des Affaires étrangères de la République d'Arménie, Erevan, 11 novembre 2019

2312-11-11-2019

Cher Monsieur Mnatsakanian,

Je voudrais d'abord, au nom de ma délégation et en mon nom propre, exprimer notre gratitude à nos amis arméniens pour cette invitation, cet accueil chaleureux et pour les négociations riches en contenu, qui ont débuté aujourd'hui par un entretien avec Nikol Pachinian, Premier ministre de l'Arménie, et se sont poursuivies au ministère des Affaires étrangères.

Nous avons discuté de beaucoup de choses, mais il est impossible d'aborder tous les sujets, même en une journée complète. Nous avons un ordre du jour très riche et multifacette, tant au niveau de nos relations bilatérales que sur le plan de nos interactions sur la scène internationale. L'Arménie est un allié éprouvé et un partenaire stratégique de la Russie. Nous avons relevé la nature dynamique de notre dialogue politique, y compris au plus haut niveau. Rien que cette année, le Président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian se sont rencontrés quatre fois. Les chefs de gouvernement de nos pays ont eu autant de contacts dans le cadre de différents événements.

Aujourd'hui, nous avons discuté en détail des progrès accomplis dans la mise en œuvre des accords conclus au plus haut niveau. Ils sont remplis de manière rythmée. Nous sommes convenus de mesures supplémentaires pour poursuivre efficacement ce travail. Nous avons noté une interaction utile et active entre nos parlements. Il y a quelques jours, le 5 novembre, Viatcheslav Volodine, président  de la Douma d'État de Russie, s'est rendu à Erevan pour participer aux événements prévus dans le cadre de l'Assemblée parlementaire de l'OTSC et pour assister à une réunion de la Commission interparlementaire russo-arménienne à Gyumri. Nous entretenons également de nombreux contacts interministériels: rien que le mois dernier, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou, la vice-ministre de la Santé Tatiana Semionova et de nombreux autres représentants de nos ministères se sont rendus en Arménie.

La Russie est le principal partenaire économique étranger de l'Arménie. Des deux côtés, nous sommes satisfaits du niveau de notre coopération commerciale et économique, dont le développement est facilité par la participation de nos pays à l'UEE. L'année dernière, nos échanges commerciaux ont augmenté de presque 11%, et cette dynamique positive s'est maintenue au cours de l'année en cours. Aujourd'hui, nous avons analysé l'état d'avancement des grands projets communs, avant tout dans les domaines des carburants, de l'énergie et des transports. Nous avons souligné le travail utile des mécanismes de coopération existants, à savoir les Commissions intergouvernementales pour la coopération commerciale et économique et pour la coopération militaro-technique.

Nos contacts se renforcent également au niveau des régions. Plus de 70 régions  russes sont engagées dans la coopération avec l'Arménie. Presque toutes les divisions territoriales de l'Arménie participent à des contacts avec des partenaires russes. Des forums interrégionaux sont organisés régulièrement, le prochain aura lieu au début de l'année prochaine. Nous entretenons une large coopération dans le domaine social, qui comprend des échanges culturels et éducatifs. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: environ 6000 citoyens arméniens suivent leurs études supérieures en Russie, dont 1500 aux frais du budget fédéral de la Russie. En Arménie, il y a six filiales d'universités russes. Au total, avec l'Université russo-arménienne, elles accueillent plus de 3500 étudiants. Environ 2000 citoyens arméniens suivent leurs études dans les écoles russes d'enseignement secondaire professionnel. Nos grandes entreprises qui travaillent en Arménie y réalisent des projets sociaux. Je vais citer l'exemple du centre de formation construit à Erevan aux frais de Gazprom et mis en service cette année, qui comprend une école maternelle, une école, une piscine couverte, un gymnase, un terrain de futsal et une patinoire couverte. Sont régulièrement organisés des forums de jeunesse, dont le cinquième aura lieu prochainement.

Nous entretenons une coopération étroite dans les affaires internationales et régionales. Sur la base de nos positions convergentes, nous avons discuté des questions clés de l'agenda international. Nous sommes convenus de continuer à coordonner nos approches, y compris sur les plateformes internationales telles que l'Onu, l'OSCE, le Conseil de l'Europe, l'Organisation de coopération économique de la mer Noire et d'autres formats multilatéraux. L'efficacité de ce travail sera renforcée en vertu du Plan de consultations entre les ministères des Affaires étrangères pour les années 2020-2021 que nous venons de signer. La Russie se félicite de la présidence d'Erevan au sein de l'UEE, notamment de ses efforts visant à élargir les relations extérieures de l'UEE. Nous avons discuté des préparatifs de la présidence russe de l'OTSC l'année prochaine. Nous avons échangé sur notre interaction au sein de la CEI et sommes convenus de coordonner nos approches lors de la prochaine session du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'OSCE qui se tiendra à Bratislava début décembre.

Nous avons parlé du règlement du Haut-Karabakh, en soulignant l'importance d'intensifier les efforts pour faire avancer de manière active et constructive les négociations entre les parties. Nous avons confirmé la nécessité de prendre de nouvelles mesures pour atténuer les tensions dans la zone du conflit, en tenant compte des accords existants, notamment ceux évoqués par Zohrab Mnatsakanian conclus en avril dernier lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangères de la Russie, de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan avec les trois coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE. Nous estimons qu'il est important de poursuivre sur le terrain la mise en œuvre des mesures convenues entre les ministres, qui ont été également évoquées lors des rencontres entre les dirigeants de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan cette année. La Russie est prête à poursuivre ses efforts de médiation tant dans le cadre du groupe de Minsk de l'OSCE qu'en sa qualité nationale au format Russie-Arménie-Azerbaïdjan. Nous sommes très satisfaits des résultats des négociations. Ils montrent une volonté partagée de renforcer davantage le partenariat stratégique et l'alliance russo-arméniens.

Question: Quelle est la probabilité de l'adoption d'un mémorandum autorisant l'accès des experts russes aux laboratoires biologiques en Arménie? Quels sont les futurs projets de coopération entre Moscou et Erevan sur la sécurité biologique?

Sergueï Lavrov: Nous avons évoqué ces questions aujourd'hui. Elles ont également été examinées par nos ministères de la Santé. L'adjointe de la ministre de la Santé Veronika Skvortsova s'est récemment rendue à Erevan pour s'entretenir avec ses collègues. Aujourd'hui, nous avons constaté que les négociations sur le texte du mémorandum étaient presque achevées et que le document faisait actuellement l'objet d'un examen interministériel des deux côtés. Nous espérons qu'il sera signé dans un avenir proche. Ceci créera, sans aucun doute, des opportunités supplémentaires pour notre interaction dans le domaine de la sécurité biologique. Nous considérons ces contacts avec nos voisins, nos alliés, nos partenaires, comme  une partie importante de notre agenda en ce qui concerne les questions de sécurité au sens le plus large du terme. Il y a la Convention sur l'interdiction des armes biologiques et à toxines (CIAB) qui interdit la mise au point de telles armes. Malheureusement, en raison de l'opposition catégorique des États-Unis, cette Convention ne dispose pas de mécanisme de vérification, comme c'est le cas pour la majorité des autres textes multilatéraux. Depuis de longues années, nous essayons de créer un tel mécanisme, mais nos collègues américains préfèrent éviter un tel accord et agissent de façon à créer partout dans le monde, sur une base bilatérale, des laboratoires qui répondraient à leurs propres besoins. Nous sommes, naturellement, intéressées à avoir avec nos alliés - l'Arménie et d'autres partenaires - une transparence absolue et mutuelle sur ce sujet. C'est ce dont nous avons parlé aujourd'hui. C'est ce dont il s'agit dans le mémorandum qui, j'espère, entrera bientôt en vigueur.

Question: La Turquie reste une menace pour la sécurité de l'Arménie. Elle appuie activement et sans réserve l'Azerbaïdjan, renforce sa coopération militaire avec lui et mène des exercices communs. Quel impact le rapprochement russo-turc pourrait-il avoir sur les relations entre la Russie et l'Arménie?

Sergueï Lavrov: Nous ne parlons pas de rapprochement ou de réchauffement de quelque sorte que ce soit si nous avons des voisins qui nous sont donnés par l'histoire et la géographie. Nous développons nos relations avec chacun d'entre eux. Cela est vrai pour tous nos partenaires de l'OTSC, de la CEI et de l'UEE. Cela est tout aussi vrai pour la Turquie, l'Iran et les pays d'Europe de l'Est. Nous souhaitons avoir des relations normales avec tous. Nous faisons de notre mieux pour que les problèmes qui existent entre l'Arménie et la Turquie puissent être surmontés. En 2009, nous avons activement contribué à la conclusion des Protocoles de Zurich (le Protocole sur l'établissement des relations diplomatiques entre la République d'Arménie et la République de Turquie et le Protocole sur le développement des relations bilatérales entre la République d'Arménie et la République de Turquie), même si nous avons mis en garde contre l'engouement exagéré pour cette idée et, surtout, contre les attentes de voir ces protocoles entrer en vigueur indépendamment du règlement de la question du Haut-Karabakh. Nous avions de sérieux doutes. Nous collègues arméniens ont dit à l'époque que cela allait se produire exactement comme ça, parce que c'était ce qui leur avait été promis. Malheureusement, vous connaissez très bien le sort des protocoles de Zurich. Néanmoins, nous restons prêts (bien que cela nécessite la volonté des deux parties) à utiliser nos capacités pour faire progresser la normalisation des relations entre l'Arménie et la Turquie. Nous ne voyons absolument aucune raison de croire que quelqu'un va déclencher une guerre entre ces deux pays. Quoi qu'il en soit, toute notre politique vise à la paix, la coexistence et la coopération mutuellement bénéfique dans cette région.

Question: Que pense la Russie de la proposition d'Erevan de faire revenir le Haut-Karabakh à la table des négociations en tant que participant à part entière au processus de règlement?

Sergueï Lavrov: Le Président de la République d'Arménie Armen Sarkissian, le Premier ministre de la République d'Arménie Nikol Pachinian et le ministre des Affaires étrangères de la République d'Arménie Zohrab Mnatsakanian ont déjà donné leurs avis sur ce sujet. Je souligne encore une fois que ce sont les parties elles-mêmes qui doivent décider de la composition des participants aux négociations et se mettre d'accord là-dessus. Au tout début des consultations et des négociations sur le règlement du Haut-Karabakh, lorsque les hostilités venaient d'être arrêtées, le Haut-Karabakh était partie de ces accords, ainsi qu'aux négociations qui ont commencé après le cessez-le-feu. À un certain moment, l'un des anciens présidents de la République d'Arménie a décidé que les intérêts du Karabakh seraient dorénavant représentés par Erevan. Quoi qu'il en soit, en tant que coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE sur le règlement du Haut-Karabakh nous pouvons, en promouvant ce processus, veiller à ce qu'il trouve un consensus général. Tout le monde comprend que sans le consentement de la population du Haut-Karabakh, aucun accord ne pourra être conclu. L'Arménie ne les signera tout simplement pas. Voici notre lecture de la situation. En parlant du Haut-Karabakh, je voudrais revenir à ce que Monsieur Pachinian a dit lors de notre entretien d'aujourd'hui. Il a évoqué sa déclaration publique dans laquelle il avait souligné que les accords finaux devaient tenir compte des intérêts de l'Arménie, du Haut-Karabakh et de l'Azerbaïdjan. C'est difficile à contester.

Question: Les militaires américains ont déployé des véhicules blindés et des chars Abrams dans le Nord de la Syrie, autour des champs pétroliers. En quoi ceci complique-t-il la coopération russo-turque dans cette zone?

Sergueï Lavrov: Si l'on parle de ce que les États-Unis font dans le Nord de la Syrie, je n'arrive plus à suivre les "zigzags" de la politique américaine, de leur présence sur le terrain. Ils ne cessent de changer de direction. Bien sûr, leur tentative de piller la Syrie en prenant le contrôle de ses gisements de pétrole est illégale; elle n'apporte rien de bien au règlement syrien, mais reste un facteur irritant et une menace importante dans cette partie de la Syrie. Nous allons insister pour que l'armée syrienne occupe le plus rapidement possible l'ensemble du territoire de son État. C'est la seule chose qui pourra mettre définitivement fin au terrorisme et résoudre toutes les questions liées au règlement politique final.

Question: Si les parties parviennent à la signature du mémorandum sur les laboratoires biologiques, pourra-t-on considérer que cette question délicate est retirée de l'ordre du jour des relations russo-arméniennes?

Sergueï Lavrov: Il faut d'abord signer le mémorandum et commencer à le mettre en œuvre. Aucune question ne peut être retirée complètement. Elle reste à l'ordre du jour, pas comme nécessitant encore un accord mais qu'il faut mettre en œuvre. Ayant signé le mémorandum, nous allons bien le mettre en œuvre. Ce processus sera permanent, basé sur une coopération réciproque et la transparence.

Question: L'Azerbaïdjan nie catégoriquement le droit du peuple du Haut-Karabakh à l'autodétermination sans restrictions, en faisant valoir que le conflit ne peut être résolu que dans le respect de l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan. Dans quelle mesure des progrès dans le processus de paix, quels qu'ils soient semblent-ils réalistes?

Sergueï Lavrov: Je ne peux que citer une fois de plus Monsieur Pachinian qui a dit qu'il était nécessaire de prendre en compte les intérêts de l'Arménie, du Haut-Karabakh et de l'Azerbaïdjan tous ensemble. Les principes d'intégrité territoriale, d'autodétermination et de règlement exclusivement pacifique des différends sont inscrits dans toutes les versions des documents qui sont actuellement discutés par les parties. Dans tous les cas, la décision finale doit prendre en compte tous ces principes. Ceci n'est contesté ni par Erevan, ni par Bakou. Le reste, c'est l'art de la diplomatie, et, bien sûr, la volonté de trouver des compromis. Tout accord, surtout sur un sujet aussi complexe, est un compromis. En tant que coprésidents, nous essayons de faire en sorte que ce compromis soit juste et qu'il reflète un équilibre réel et équitable des intérêts.

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